Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCD-302

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 38 ans le 4 décembre 2016 peu après que la police est arrivée à sa résidence.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 4 décembre 2016, à 15 h 32, le Service de police de North Bay (SPNB) a informé l’UES du décès du plaignant.

Le SPNB a déclaré que le 4 décembre 2016, à 12 h 55, un membre du personnel des services médicaux d’urgence (SMU) a reçu un appel demandant aux SMU de se rendre à une adresse à North Bay, parce qu’un homme manifestait des problèmes de santé mentale (visés par la Loi sur la santé mentale). L’homme [désigné maintenant comme le plaignant] a refusé le traitement proposé. À 13 h 27, des membres du personnel des SMU ont déclaré avoir trouvé des aiguilles dans l’appartement. Les agents de police sont arrivés à l’adresse à 13 h 43. L’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 1 ont parlé au plaignant, mais il a refusé toute aide, et les agents de police sont repartis à 14 h 29. À 14 h 34, le SPNB a reçu un appel téléphonique signalant qu’un homme avait sauté de l’immeuble. Des agents de police sont revenus à 14 h 39 et ont trouvé le plaignant mort sur le sol.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire (EJ) de l’UES s’est rendu sur les lieux et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies et de mesures. L’EJ a assisté à l’autopsie et l’a enregistrée et a aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires (CSJ).

Plaignant :

Homme de 38 ans, décédé

Remarque : Un plaignant est une personne qui, à la suite d’une interaction avec la police, a subi une blessure grave, est décédée ou allègue avoir été victime d’une agression sexuelle.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 N’a pas participé à une entrevue [1]

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

Employé de la police témoin

EPT N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées[2]

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées[3]

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Remarque : Un agent témoin est un agent de police qui, de l’avis du directeur de l’UES, est en cause dans l’incident qui fait l’objet d’une enquête, mais qui n’est pas un agent impliqué.

En vertu du Règlement de l’Ontario 267/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers, les agents témoins sont tenus de rencontrer l’UES et de répondre à ses questions après avoir reçu une demande d’entrevue de celle-ci. L’UES a aussi le droit d’obtenir une copie de leurs notes auprès du service de police dont ils sont membres.

De plus, les notes d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Remarque : Un agent impliqué est un agent de police dont la conduite semble, de l’avis du directeur de l’UES, avoir causé le décès ou les blessures graves qui font l’objet d’une enquête.

En vertu du Règlement de l’Ontario 267/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers, les agents impliqués sont invités à participer à une entrevue avec l’UES, mais n’y sont pas légalement obligés, et ils ne sont pas tenus non plus de présenter une copie de leurs notes à l’UES.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le lieu de décès du plaignant était le trottoir asphalté près de la porte de sortie de la cage d’escalier au rez-de-chaussée à l’extrémité nord-est de l’immeuble d’habitation. Le trottoir asphalté était propre et humide. L’écran à la fenêtre de la cage d’escalier au 8e étage directement au-dessus du trottoir asphalté était endommagé et avait été repoussé vers l’extérieur dans le coin inférieur droit. Des particules sèches d’un panneau mural sec se trouvaient sur le plancher sous la fenêtre. La distance entre le bas de la fenêtre et le trottoir asphalté où la chute du plaignant a pris fin était de 19,88 mètres. On a mesuré la distance entre le plancher de la cage d’escalier et la partie inférieure de la fenêtre; elle était de 1,47 mètre. Les dimensions de la fenêtre ont été mesurées et étaient de 0,81 m de haut sur 0,36 m de large.

Preuve matérielle

Système de positionnement global (GPS) - Véhicules du SPNB

Le GPS dans le véhicule de police conduit par l’AI a révélé qu’il est arrivé dans le secteur de l’immeuble d’habitation à 13 h 43 et est reparti à 14 h 28. Il est parti à bord de son véhicule, mais a ensuite fait demi-tour et est revenu dans le secteur à 14 h 39.

Le GPS du véhicule de police conduit par l’AT no 1 a révélé qu’il est arrivé dans le secteur de l’immeuble d’habitation à 13 h 42 et l’a quitté à 14 h 25. Il est parti dans son véhicule et n’est pas revenu au secteur (les données reçues se terminant à 15 h).

Éléments de preuve médico-légaux

Des échantillons de sang et de tissus ont été prélevés lors de l’autopsie du plaignant et soumis au CSJ pour analyse. L’analyse toxicologique de sang prélevé de l’artère fémorale au moment de l’autopsie a révélé la présence de bupropion, de méthadone, de métabolites de cocaïne, de fentanyl et de morphine.

Témoignage d’expert

Une autopsie a été effectuée le 6 décembre 2016. On a déterminé que la cause du décès était des traumatismes multiples.

Preuve vidéo/audio/photographique

Données provenant de télévisions en circuit fermé (TVCF) – Immeuble d’appartements

L’ensemble d’habitation était équipé d’un système d’enregistrement des données provenant de TVCF activées par le mouvement. Les caméras surveillaient l’entrée avant du côté ouest et les ascenseurs dans le hall, la pièce commune, la pièce d’entreposage des ordures et la sortie sud de la cage d’escalier.

Les images vidéo enregistrées ont révélé ce qui suit :

À 13 h 08, la première ambulance est arrivée en réponse à l’appel initial signalant que le plaignant avait des convulsions. Les ambulanciers paramédicaux sont entrés avec une civière dans un ascenseur à partir du hall.

À 13 h 12, les ambulanciers paramédicaux sont revenus dans le hall depuis l’ascenseur avec leur civière. Ils ont laissé la civière dans le hall et sont allés voir dans la cage d’escalier sud et dans les aires communes et à l’extérieur près de la sortie sud.

À 13 h 16, les ambulanciers paramédicaux sont retournés au hall, ont récupéré leur civière et sont sortis par la porte avant.

À 13 h 19, le plaignant s’est rendu en marchant du secteur de la pièce commune au hall, où il est passé devant les ascenseurs. Il a regardé la porte avant comme s’il voulait éviter les ambulanciers paramédicaux dans le stationnement.

À 13 h 35, les ambulanciers paramédicaux sont entrés par la porte avant de l’immeuble et se sont rendus aux ascenseurs sans leur civière. Les ambulanciers paramédicaux sont sortis par la porte avant à 13 h 38.

À 13 h 45, l’AI et l’AT no 1 ont pénétré dans l’immeuble par l’entrée avant et sont entrés dans un ascenseur à partir du hall. Les ambulanciers paramédicaux sont restés à l’extérieur dans le stationnement.

À 13 h 50, l’ambulance a quitté le stationnement.

À 13 h 54, le plaignant est sorti d’un ascenseur dans le hall. Il est passé par la porte intérieure du hall et a tenté de maintenir la porte ouverte en la bloquant avec son pied, pendant qu’il essayait d’atteindre le panneau d’interphones des appartements, mais sa tentative a échoué et la porte s’est refermée derrière lui. Il a parlé dans un interphone et a fait un geste demandant à une femme assise dans le hall de lui ouvrir la porte. La porte a été ouverte avant que la femme ne l’aide. Il est retourné dans le hall et est entré dans un ascenseur. Il était visible sur la caméra de sécurité du hall avant pendant 43 secondes.

À 14 h 23, l’AI et l’AT no 1 sont sortis d’un ascenseur dans le hall et ont marché dans le hall vers la sortie sud. L’AT no 1 tenait un sac en plastique de couleur jaune.

À 14 h 27, un véhicule utilitaire sport (VUS) ayant l’apparence d’un véhicule de police est sorti du stationnement.

À 14 h 40, un camion d’incendie est arrivé dans le stationnement.

À 14 h 47, l’AI est entré par la porte avant de l’immeuble et s’est rendu aux ascenseurs.

À 14 h 49, l’AI est sorti d’un ascenseur et a quitté l’immeuble par la porte avant.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPNB et les a examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Système de localisation automatique de véhicule (SAV) GPS - véhicules de l’AI et de l’AT no 1
  • Photographies des lieux prises par le SPNB
  • Rapport vierge des contacts avec la police
  • Dossier de formation sur la sensibilisation au suicide – AI et AT no 1
  • Détails des événements - répartiteur
  • Rapports sur les détails des événements
  • Rapport général d’incident
  • Rapport de décès soudain du SPNB
  • Rapports sommaires des communications
  • Notes des AT nos 1, 3, 4, 5 et 6
  • Notes de l’EPT
  • Notes d’un agent non désigné
  • Procédure - Arrestation
  • Procédure - Intervention de la police auprès des personnes perturbées affectivement ayant une maladie mentale ou une déficience intellectuelle
  • Rapport sur les éléments de preuve obtenus sur la propriété
  • Résumé des communications (demande d’aide au service des ambulances)
  • Résumé des communications (mort subite)
  • Rapports d’incident supplémentaires
  • Dossiers de formation – AI et AT no 1; et
  • Déclaration de témoin – TC no

Description de l’incident

Au début de l’après-midi du 4 décembre 2016, le TC no 1 a appelé le numéro 9-1-1 pour qu’une ambulance vienne pour s’occuper du plaignant, dont on savait qu’il avait des antécédents de consommation de drogue et de convulsions. Des ambulanciers paramédicaux se sont rendus à l’adresse, de même que l’AI et l’AT no 1. Le plaignant avait toutefois quitté son appartement au deuxième étage au moment où l’AI et l’AT no 1 y sont arrivés.

L’AI et l’AT no 1 ont parlé au TC no 1, qui a affirmé catégoriquement qu’il ne voulait pas que le plaignant continue d’habiter chez lui. Dans l’appartement, les agents ont trouvé de nombreuses aiguilles et de nombreux autres accessoires servant à la consommation de drogue appartenant au plaignant. L’AI et l’AT no 1 ont trouvé le plaignant à proximité et lui ont parlé de sa consommation de drogue et des problèmes qu’il avait avec le TC no 1. L’AI et l’AT no 1 ont offert de transporter le plaignant à un refuge, un hôpital ou un centre de désintoxication. Le plaignant a répondu qu’il y avait un autre endroit où il pouvait loger et a refusé toutes les offres d’aide. L’AI et l’AT no 1 ont alors quitté l’immeuble d’habitation.

En l’espace de quelques minutes suivant le départ des agents de police, le plaignant est mort après avoir fait une chute à partir d’une fenêtre au 8e étage de l’immeuble. On a constaté son décès sur les lieux.

Lois pertinentes

Article 17, Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles; ou
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne; ou
  3. elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Articles 219-220, Code criminel - Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans; et
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Analyse et décision du directeur

En début d’après-midi, le 4 décembre 2016, des agents du SPNB se sont rendus à une résidence en réponse à un appel au numéro 9-1-1 signalant que le plaignant avait besoin d’aide médicale. Après son interaction avec les agents de police, le plaignant est tombé du 8e étage de l’immeuble, ce qui a causé son décès. Pour les raisons qui suivent, je suis convaincu qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec le décès du plaignant.

Le 4 décembre 2016, le plaignant habitait chez le TC no 1, dans un appartement au deuxième étage d’un immeuble d’habitation à North Bay. Il était âgé de 38 ans. On savait que le plaignant avait des antécédents de consommation de drogue et de convulsions. À 12 h 50, le TC no 1 a appelé une ambulance.

Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés, le plaignant avait déjà quitté l’appartement. Comme la police a mis du temps à arriver, les ambulanciers paramédicaux ont commencé à chercher le plaignant, mais en vain. Vers 13 h 47, l’AI et l’AT no 1 sont arrivés à l’immeuble d’habitation. Ils ont parlé aux ambulanciers paramédicaux, qui ont déclaré qu’ils n’avaient pas réussi à trouver le plaignant. L’AI et l’AT no 1 se sont rendus au 2e étage et ont rencontré le TC no 1, qui leur a fourni un historique de la consommation de drogue et des convulsions du plaignant. Le plaignant n’était pas présent, et personne ne savait où il était. Les TC nos 4 et 5 étaient aussi chez eux, mais n’ont pas eu d’interactions avec les agents. Le TC no 1 a dit à l’AI et à l’AT no 1 qu’il voulait que le plaignant soit retiré des lieux parce qu’il ne pouvait plus habiter chez lui.

Une dizaine de minutes plus tard, le plaignant a téléphoné et a parlé au TC no 1 depuis le hall de l’immeuble. Il menaçait de se pendre si le TC no 1 ne lui permettait pas de rentrer dans l’immeuble. Le TC no 1 a appuyé sur le bouton pour déverrouiller la porte du hall. L’AI et l’AT no 1 sont entrés dans le couloir pour essayer de trouver le plaignant. Ils l’ont trouvé près de l’ascenseur et ont expliqué au plaignant qu’ils n’étaient là que pour vérifier s’il allait bien et pour lui parler de son commentaire qu’il se pendrait. Selon les agents, le plaignant n’était pas agressif ni conflictuel. Il a expliqué aux agents la raison pour laquelle il menaçait de se pendre, soit qu’il était fâché contre le TC no 1 parce qu’il ne le laissait pas entrer dans l’appartement. Il a nié être suicidaire. Le plaignant a admis avoir déjà consommé de la drogue par voie intraveineuse, mais il a dit aux agents qu’il s’injectait un médicament oral qu’il avait obtenu sur ordonnance. Avant cela, le TC no 1 avait pointé du doigt un sac d’épicerie dans l’appartement qui, comme l’AT no 1 l’a découvert, contenait deux seringues, une cuiller brûlée et une bouteille d’un médicament sur ordonnance.

L’AI a évalué le plaignant comme étant lucide, conscient de ce qui se passait autour de lui et n’ayant pas besoin de soins médicaux. L’AT no 1 l’a décrit comme agité, mais conscient, avec les yeux clairs, ayant un comportement approprié et sans blessure visible. L’AT no 1 a proposé que les ambulanciers paramédicaux reviennent pour évaluer le plaignant, mais il a refusé. D’après l’AT no 1, ils ont parlé au plaignant dans le couloir pendant 7 à 10 minutes, mais selon l’AI, c’était une vingtaine de minutes.

L’AI est retourné à l’appartement et a brièvement parlé au TC no 1, tandis que l’AT no 1 est resté dans le couloir avec le plaignant. L’AI a expliqué que leurs offres d’aider le plaignant avaient été rejetées. L’AI a aussi demandé au TC no 1 s’il reconsidérerait sa décision, mais il a maintenu qu’il ne voulait plus que le plaignant continue d’habiter chez lui. Il a dit à l’AI que le plaignant avait menacé de se suicider par le passé pour obtenir ce qu’il voulait, sans jamais faire de tentatives. L’AI est retourné dans le couloir et a dit au plaignant que le TC no 1 avait dit qu’il ne pouvait continuer à loger dans son appartement. Lui et l’AT no 1 ont offert d’escorter le plaignant à un refuge, un hôpital ou un centre de désintoxication. L’AI a appelé le service des communications pour savoir s’il y avait des places vacantes.

Malgré leur insistance, le plaignant a refusé catégoriquement chaque offre d’aide. Il a informé les agents qu’il y avait un endroit où il pouvait loger. L’AI ne croyait pas que le plaignant présentait une menace pour lui-même ou pour d’autres personnes et il n’y avait aucune indication qu’il ne pouvait prendre soin de lui-même. L’AI et l’AT no 1 ne croyaient pas que le plaignant avait commis une infraction criminelle ou qu’ils avaient des motifs de l’appréhender en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM). Selon le TC no 1, aucun des membres de la famille n’avait mentionné quoi que ce soit au sujet de tendances suicidaires ou de problèmes de santé mentale chez le plaignant. Ce dernier a également indiqué qu’il ne souhaitait aucunement récupérer ses effets dans l’appartement du TC no 1. L’AI est retourné à l’appartement et a brièvement informé le TC no 1 que le plaignant quittait. Pendant que le plaignant se rendait vers la sortie donnant accès à la cage d’escalier sud, le TC no 4 est entré dans le couloir et a dit [traduction] « À plus tard ». Espérant faire un dernier effort pour essayer de convaincre le plaignant de leur permettre de l’amener à un centre de désintoxication, l’AI et l’AT no 1 ont fouillé la cage d’escalier sud, mais n’ont pas trouvé le plaignant. Vers 14 h 26, l’AI et l’AT no 1 ont quitté le secteur.

Environ cinq minutes plus tard, le SPNB a reçu plusieurs appels au numéro 9-1-1 au sujet d’un homme qui était tombé d’un immeuble d’habitation. Des unités ont été dépêchées sur les lieux. Le TC no 3 a indiqué qu’il avait vu l’homme tomber d’une fenêtre du dernier étage et a noté que la victime était seule à ce moment-là. Le TC no 1 avait déjà été envoyé en réponse à un autre appel, mais l’AI était disponible et pouvait intervenir. Les données GPS ont révélé que les deux véhicules sont arrivés initialement à l’immeuble d’appartements vers 13 h 42 et sont repartis entre 14 h 25 et 14 h 28, mais qu’uniquement le véhicule de l’AI est retourné sur les lieux à 14 h 39.

Quand l’AI est revenu à l’immeuble d’habitation, il a trouvé le plaignant décédé sur un trottoir à l’extrémité sud de l’immeuble. Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés quelques minutes après. Les agents de police ont constaté que l’écran était déchiré à la fenêtre de la cage d’escalier au 8e étage, directement au-dessus de l’endroit où l’on avait découvert le corps du plaignant. À 15 h 32, le SPNB a avisé l’UES. Puis, à 17 h 10, le coroner a constaté le décès du plaignant sur les lieux. Une autopsie a été effectuée; la cause du décès a été établie comme résultant de traumatismes multiples.

Dans ce dossier, il est évident que le plaignant s’est donné la mort sans que les agents de police n’y participent. En fait, les agents de police ont déclaré avoir quitté le secteur où se trouvait son immeuble d’appartements avant l’incident, ce que confirment les données GPS de leurs véhicules. Bien que les agents impliqués n’aient eu aucune interaction physique ou verbale avec le plaignant au moment de sa chute, ils ont eu une discussion avec lui dans la demi-heure qui a immédiatement précédé son geste. Le premier appel au numéro 9-1-1 signalant qu’un homme était tombé de l’immeuble d’habitation a été reçu environ cinq minutes à peine après que le dernier des deux agents avait quitté le secteur. La question à trancher est de savoir si les interactions ou le manque de telles interactions de la part des agents de police à un moment proche du décès du plaignant durant l’exercice légal de leurs fonctions constituaient un mépris flagrant ou téméraire pour sa vie ou sa sécurité et représentaient un écart marqué et important par rapport à la conduite dont on s’attend d’un agent de police raisonnablement prudent dans les circonstances, au point d’établir qu’il y a eu une infraction de négligence criminelle entraînant la mort en contravention de l’article 220 du Code criminel. Compte tenu de la preuve découlant de cette enquête, je ne crois pas que c’était le cas.

À mon avis, il ne fait aucun doute que ni l’un ni l’autre des agents concernés n’était responsable de la mort en raison d’un quelconque acte ou d’une omission. Au début de l’après-midi, l’AI et l’AT no 1 remplissaient légalement leur devoir lorsqu’ils sont arrivés à l’immeuble d’habitation en réponse à un appel au numéro 9-1-1 au sujet d’une personne en détresse médicale. Ils sont restés à l’adresse pendant environ 45 minutes, tentant d’évaluer et de résoudre le conflit entre le plaignant et le TC no 1. Le plaignant a résisté à leurs tentatives de le faire évaluer par les ambulanciers paramédicaux. De plus, il a refusé l’offre de l’AI et de l’AT no 1 de le transporter à un refuge ou à un centre de désintoxication. Finalement, l’AI n’a pas réussi à persuader le TC no 1 de permettre au plaignant de continuer à habiter dans l’appartement. Le plaignant les a assurés que quand il avait dit au TC no 1 qu’il se suiciderait, cette menace était simplement une réaction motivée par la colère qu’il ressentait parce qu’il ne pouvait pas habiter chez lui et qu’il n’était pas suicidaire. Le TC no 1 a confirmé que ses déclarations suicidaires par le passé étaient un moyen d’obtenir ce qu’il voulait et qu’il n’avait connaissance d’aucune tentative antérieure où le plaignant serait passé à l’acte.

L’AI et l’AT no 1 ont évalué la situation et ont déterminé qu’ils n’avaient aucun motif d’arrêter ou de détenir le plaignant. Les enregistrements des communications ont confirmé que les agents avaient reçu de l’information du répartiteur selon lequel le plaignant était lié par une condition imposée par le tribunal de ne pas avoir de médicaments en vente libre ou d’accessoires pour la consommation de drogues. L’AI savait qu’en vertu de la politique de la SPNB, la police n’intervient pas en réponse à un manquement unique aux conditions de la probation, mais qu’on envoie plutôt une fiche de contact à l’agent de probation responsable. En outre, l’AI a indiqué qu’il avait seulement vu des seringues et qu’il ne considérait pas qu’il s’agissait d’accessoires facilitant la consommation de drogues, tandis que l’AT no 1 était au courant de la présence d’articles dans l’appartement, y compris une cuiller brûlée et une balance, qui pouvaient servir à cette fin et qu’il avait décidé de les confisquer. Quoi qu’il en soit, le fait de ne pas arrêter le plaignant n’équivaut pas à une responsabilité criminelle pour son suicide. Après que le plaignant a quitté et a disparu dans la cage d’escalier, l’AI et l’AT no 1 ont procédé à une brève fouille pour le retrouver et puis, ont quitté le secteur.

La mort du plaignant était une tragédie. Toutefois, tenter de déterminer les motivations du plaignant au moment où il a sauté serait se lancer en conjectures. De plus, il n’y a aucune preuve indiquant que l’AI ou l’AT no 1 avait une quelconque responsabilité criminelle pour la décision ultime prise par le plaignant. Au contraire, le plaignant était l’auteur de sa propre fin lorsqu’il a sauté à partir d’une fenêtre du 8e étage et est tombé d’une hauteur de près de 20 mètres jusqu’au sol. Rien dans l’enquête ne laisse supposer que les agents qui sont intervenus ont été moins que professionnels et attentifs pendant l’incident avec le plaignant. Par conséquent, il n’existe aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction a été commise et aucune accusation ne sera portée.

Date : 20 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La déclaration du TC no 3 a été obtenue par le SPNB, qui l’a communiquée à l’UES. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’EPT était un enquêteur judiciaire civil et est arrivé sur les lieux après l’incident. [Retour au texte]
  • 3) [3] Les AT nos 4, 5 et 6 sont arrivés sur les lieux après l’incident. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.