Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCI-304

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport porte sur l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 27 ans le 5 novembre 2016, prétendument lors de son arrestation pour voies de fait contre un membre de la famille, soit la témoin civile no 1 (TC no 1).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 décembre 2016, à 11 h 10, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES que le 1er décembre 2016, le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP) avait reçu une plainte. Le plaignant alléguait que lorsqu’il avait été arrêté par des policiers le 5 novembre 2016, à 4 h, il avait subi une blessure à la cheville. Le plaignant a été arrêté à la résidence du TC no 1 pour voies de fait contre un membre de la famille.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

Entretien avec l’homme âgé de 27 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées[1]

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Preuve

Preuve vidéo/audio/photographique

Résumé de la vidéo de mise en détention du SPT

  • Le 5 novembre 2016, à 6 h 48, une voiture de patrouille, occupée par l’AI et l’AT no 4, est arrivée dans l’entrée sécurisée du poste de police. L’AI et l’AT no 4 ont aidé le plaignant à sortir de la voiture de patrouille, et il semblait boiter lorsque les agents l’ont amené à la pièce de mise en détention
  • à 6 h 49, le plaignant a fait l’objet d’une parade d’identification devant l’AT no 6. L’AI a dit à l’AT no 6 que le plaignant s’était plaint d’un problème à la cheville qui était survenu avant son arrestation. L’AI et l’AT no 4 ont décrit des contusions au bras droit du plaignant. L’AI a dit que le plaignant avait des ecchymoses au côté gauche du visage. Le plaignant a fait une interjection en disant que les ecchymoses étaient dues à l’échauffourée durant laquelle les policiers l’avaient battu
  • à 6 h 50, l’AT no 6 a demandé au plaignant le nombre de verres d’alcool qu’il avait consommés, et il a répondu qu’il avait pris 13 coups (l’équivalent d’une flasque de liqueur). Le plaignant a dit qu’il avait pris les coups de 22 h 30 le 4 novembre 2016 à 1 h 30 le 5 novembre 2016. Il a précisé que lui‐même et son amie étaient [traduction] « complètement saouls »
  • à 6 h 52, le plaignant a indiqué qu’il avait fumé de la marijuana
  • à 6 h 53, l’AT no 6 a demandé quand la blessure à sa cheville était survenue. Le plaignant a répondu [traduction] « c’est genre arrivé quand ils sont genre arrivés. Ils m’ont tiré vers le bas des escaliers. » L’AT no 6 a demandé si la blessure était survenue avant l’arrivée des agents de police. Le plaignant a dit [traduction] « elle (la blessure) est arrivée à ce moment‐là, parce qu’ils (les agents de police) m’ont tiré vers le bas des escaliers »
  • à 6 h 58, l’AI a fouillé le plaignant, qui a été amené ensuite vers l’aire des cellules

Photographies des blessures

Le plaignant a inclus trois photographies à sa plainte soumise au BDIEP, dont deux photographies de ses ecchymoses à l’œil gauche et une photographie d’une cheville gauche enflée.

Enregistrements des communications

Résumé de l’enregistrement des communications au numéro 9-1-1

  • Le 5 novembre 2016, à 5 h 19, une personne [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du TC no 3] a appelé et a signalé qu’elle avait été réveillée une dizaine de fois par des bruits de coups et autres bruits sourds venant de [la maison de la TC no 1]
  • La personne a déclaré que le bruit venait de [l’adresse]. Elle a dit qu’elle entendait des objets qu’on lançait et un homme et une femme criant l’un contre l’autre

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu sur demande et a examiné les éléments suivants du SPT :

  • Photo de mise en détention
  • Vidéo de mise en détention
  • Enregistrements des communications
  • Rapport des détails de l’événement
  • Incident général (sommaire des poursuites)
  • Rapport général d’incident
  • Vidéo enregistrée par la caméra dans le voiture de patrouille (CV) de l’AI et de l’AT no 4
  • Vidéo de la déclaration de la TC no 1
  • Liste des agents en cause
  • Notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6

Description de l’incident

Tôt le matin du 5 novembre 2016, le plaignant et la TC no 1 se trouvaient dans le domicile de cette dernière. Ils étaient tous les deux intoxiqués. Ils ont commencé à se disputer, et le TC no 3 a appelé le numéro 9‐1‐1 à cause des cris et des coups qui venaient de la résidence.

Les AT nos 2 et 3 étaient les premiers agents dépêchés sur les lieux. Puis, 25 minutes plus tard, une fois que l’AT no 3 avait décidé qu’il allait arrêter le plaignant et la TC no 1, il a demandé que des renforts soient envoyés sur les lieux. L’AI et l’AT no 4 ont été envoyés et puis, une troisième voiture de patrouille est arrivée avec à son bord les AT nos 1 et 5. Quand les agents sont arrivés au domicile du TC no 1, ils se sont rendus dans la chambre à coucher de la TC no 1 où se trouvaient la TC no 1 et le plaignant. La TC no 1 avait visiblement des blessures, et le plaignant a été mis en état d’arrestation pour voies de fait contre un membre de la famille et a été transporté au poste de police.

Deux jours plus tard, le 7 novembre 2016, le plaignant a fait prendre une radiographie de son pied gauche, qui a révélé qu’il avait subi une fracture à la diaphyse distale du cinquième métatarsien (le petit orteil gauche). Le 28 novembre 2016, le plaignant a déposé une plainte auprès du BDIEP dans laquelle il alléguait que les agents qui étaient intervenus l’avaient battu durant son arrestation, causant ainsi sa blessure.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

Article 267 du Code criminel – Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme;
  2. inflige des lésions corporelles au plaignant.

Analyse et décision du Directeur

Le 5 novembre 2016, le SPT a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 à 5 h 20 m 50 s du TC no 3, qui signalait des troubles dont la cause était incertaine. Le TC no 3 a expliqué que depuis minuit, il y avait des cris et hurlements et le bruit d’objets lancés et qu’on pouvait entendre la voix d’un homme et d’une femme. Par conséquent, les AT nos 2 et 3 ont été envoyés sur place, suivis plus tard de l’AI et des AT nos 1, 4 et 5, et le plaignant a été mis en état d’arrestation pour voies de fait contre un membre de la famille. Le 7 novembre 2016, le plaignant est allé voir d’abord son médecin et puis s’est rendu à l’hôpital pour une radiographie, qui a révélé qu’il avait subi une fracture non déplacée à la diaphyse distale du cinquième métatarsien (petit orteil gauche). Le 28 novembre 2016, le plaignant a déposé une plainte auprès du BDIEP, et le 5 décembre 2016, l’UES en a été avisée et une enquête a été ouverte.

Le plaignant a indiqué que lui‐même et la TC no 1 avaient consommé de l’alcool lors d’une fête, après quoi ils étaient retournés au domicile de la TC no 1. Le plaignant a expliqué que le couple avait eu une dispute et que la police était venue au domicile, où les agents avaient cogné sa tête contre la porte. Le plaignant a précisé qu’on l’avait ensuite amené en haut de l’escalier où il avait reçu des coups au côté gauche de son visage et que les agents de la police l’avaient frappé à nouveau lorsqu’il était au sol. Le plaignant a indiqué que les agents lui avaient donné des coups de poing partout sur sa jambe causant la blessure. Le plaignant a rendu visite à son médecin le 7 novembre et une radiographie a été prise de sa cheville gauche, révélant un os fracturé dans le petit orteil gauche.

La TC no 1 corrobore la description du plaignant de l’interaction avec la police, lorsqu’il allègue que les agents ont cogné sa tête contre la porte.

Bien que les versions des événements fournies par le plaignant et la TC no soient identiques en ce qui concerne les interactions initiales avec la police, je conclus que je suis incapable d’accorder quelque crédibilité que ce soit à leur témoignage, puisqu’il est contredit directement par les TC nos 2 et 3, ainsi que par d’autres éléments de preuve comme suit :

Le plaignant et la TC no 1 allèguent tous deux qu’il y avait eu une altercation antérieure entre la TC no 1 et le TC no 2. Le TC no 2 contredit cet élément de preuve.

De plus, le TC no 2 contredit le plaignant et la TC no 1 quant au nombre d’agents qui se sont présentés à la porte de la chambre à coucher en particulier, puis à l’appartement en général[2]. La version du TC no 2 correspond au témoignage des six agents de police qui se sont rendus au domicile et est corroborée par les dossiers du service de répartition.

Le plaignant a été contredit par la TC no 1 quant aux vêtements qu’ils portaient lorsqu’ils sont descendus. Aussi bien le plaignant que la TC no 1 ont été contredits par le TC no 2 sur ce point et en ce qui concerne l’ordre dans lequel ils sont descendus. Une fois de plus, la version du TC no 2 est conforme au témoignage des agents de police.

La TC no 1 et le plaignant allèguent tous deux qu’un agent de police a cogné le visage du plaignant contre la porte au rez‐de‐chaussée de l’appartement. Le TC no 2 n’a pas indiqué avoir entendu une interaction physique en bas. Le souvenir du TC no 2 quant au moment où les agents ont demandé au plaignant de s’habiller est également contraire à la version des faits fournie par le plaignant.

Un aspect sur lequel le plaignant, la TC no 1 et le TC no 2 s’entendent tous est que le plaignant et la TC no 1 étaient intoxiqués.

Par ailleurs, durant l’appel au numéro 9‐1‐1, le TC no 3 a indiqué avoir entendu des coups sourds avant l’arrivée de la police, ce qui semblerait corroborer le fait que le plaignant et la TC no 1 avaient plus qu’une simple dispute verbale. Le TC no 3 a décrit les bruits comme des coups forts comme si on lançait quelqu’un contre un mur et a dit avoir entendu des cris et hurlements d’une femme. Je conclus que cette preuve contredit clairement la preuve fournie par le plaignant et la TC no 1 selon laquelle il n’y avait pas eu de confrontation physique entre les deux, mais qu’il s’agissait seulement d’une dispute verbale. à mon avis, ce qui ajoute foi à cette conclusion est le témoignage de l’AT no 3, qui a précisé que lorsqu’il avait poussé la porte de la chambre à coucher, il a constaté que la TC no 1 avait des égratignures au cou et à la poitrine et que le plaignant était couché par terre derrière la porte et alléguait que la TC no 1 avait [traduction] « fucké ma jambe ». L’AT no 3 a également précisé qu’il avait observé le plaignant se tenir au lit lorsqu’il s’était mis debout et qu’il marchait en boitant, avant toute interaction physique entre le plaignant et la police. L’AT no 3 a aussi constaté que lorsque le plaignant se trouvait dans l’escalier, il s’était servi du mur et de la main courante comme supports, tandis que l’AT no 2 a également observé que le plaignant boitillait peu après que lui et l’AT no 3 étaient arrivés.

Me fondant sur ces éléments de preuve, je conclus que je dois rejeter la preuve fournie par le plaignant et la TC no 1, puisqu’elle est directement contredite par les TC nos 2 et 3, qui n’ont aucune raison de fournir un faux témoignage. De plus, je conclus que la preuve fournie par le TC no 2 confirme essentiellement les éléments de preuve fournis par les agents de police. Aussi bien le TC no 2 que le TC no 3 contredisent dans une large mesure le témoignage du TC no 1 quant au nombre d’agents de police qui sont venus sur place. Cela est confirmé par l’enregistrement des communications, qui permet d’établir qu’initialement, à 5 h 21 m 45 s, seulement deux agents occupant une seule voiture de patrouille ont été dépêchés à la résidence, soit l’AT no 2 et l’AT no 3. Vingt‐cinq minutes plus tard, à 5 h 46 m 50 s, une deuxième unité a été envoyée à l’adresse avec à son bord l’AI et l’AT no 4 et finalement, à 6 h 04, une troisième voiture de patrouille dans laquelle se trouvaient l’AT no 1 et l’AT no 5 y a été dépêchée. Je conclus qu’il s’agit d’une preuve concluante confirmant les éléments de preuve fournis par les six agents de police qui sont intervenus et rejetant les versions des événements fournies par le plaignant et la TC no 1. Bien qu’une autre voiture de patrouille ayant à son bord deux agents de police additionnels soit arrivée sur les lieux à 7 h 43 m 15 s pour photographier l’appartement, c’était longtemps après que le plaignant et la TC no 1 avaient quitté le domicile avec la police.

Compte tenu de tous les éléments de preuve recueillis relativement à cette affaire, j’estime que trois éléments de preuve sont particulièrement convaincants :

  1. Les dossiers médicaux du plaignant

L’examen des dossiers médicaux du plaignant révèle que son médecin semble accepter la version du plaignant quant à l’origine de sa blessure. Elle note ce qui suit :

Agression le samedi matin, la police a été appelée
Tentait d’aider un ami
Ne se souvient pas vraiment des détails des faits ayant conduit à la blessure, mais a reçu plusieurs coups à la tête et à la cheville gauche

À la lecture de ces notes, il semble que le plaignant ait dit à son médecin qu’il avait été agressé, et qu’à cause de cela, on avait appelé la police. à aucun moment le plaignant ne semble dire à son médecin qu’il croyait que les agents de police étaient en fait les agresseurs.

  1. La plainte déposée au BDIEP

Cette plainte était datée du 28 novembre 2016, et le plaignant y a inclus une déclaration écrite de la TC no 1. Je note qu’à la date de la déclaration aux enquêteurs le 13 décembre 2016, le plaignant était visé par une ordonnance de la Cour l’interdisant d’avoir des contacts avec la TC no 1 et pourtant, le couple semble avoir collaboré pour rédiger cette plainte. Dans sa déclaration au BDIEP, la TC no 1 dit ceci :

[traduction] Les policiers ont amené [le plaignant] jusqu’à ma chambre pour qu’il mette un « pantalon » […] et puis ont commencé à le battre sans raison.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, mais en mettant tout particulièrement l’accent sur la déclaration de la TC no 1 aux enquêteurs, il ne fait aucun doute que la TC no 1 n’était pas dans la chambre à coucher quand le plaignant s’y est rendu avec la police pour enfiler un pantalon. Par conséquent, il est clair que la déclaration de la TC no 1 au BDIEP a été rédigée avec la complicité du plaignant ou sous sa direction, car elle ne correspond pas aux observations réelles de la TC no 1. Il ressort clairement de la déclaration de la TC no 1 aux enquêteurs de l’UES qu’elle n’avait aucune idée de ce qui s’était passé dans la chambre entre le plaignant et la police, car elle n’était pas présente.

  1. Le carnet de l’AT no 3

Les notes dans le calepin de l’AT no 3, prises au moment de l’incident ou peu après, indiquaient qu’immédiatement après être entré dans la chambre à coucher, avant toute interaction avec le plaignant ou la TC no 1, il avait fait les observations suivantes :

[traduction] Porte ouverte à moitié. Femme vêtue uniquement d’un soutien‐gorge et d’une petite culotte. La femme a plusieurs égratignures et de la rougeur au cou et à la poitrine. La femme (illisible). Homme par terre derrière la porte qui dit [traduction] « hé, elle m’a fucké, elle a fucké ma jambe, hé ». Il répète cela plusieurs fois. L’homme porte uniquement un slip. Se lève, boite.

Je conclus que ces notes, prises avant toute connaissance du fait que le plaignant avait une blessure au pied ou que le plaignant avait déposé une plainte auprès du BDIEP contre la police, confirment les observations de la police que le plaignant s’était blessé au pied avant l’arrivée de la police et sans aucune intervention de celle‐ci.

Lorsque, comme dans cette affaire, il n’y a pas de témoin civil indépendant ayant vu l’interaction avec la police dans la chambre, qui est l’endroit où le plaignant prétend avoir reçu des coups de poing et avoir subi la blessure à son pied, pour en arriver à des motifs raisonnables de croire que l’infraction a été commise, il faut se fier à la crédibilité du plaignant. Bien que, normalement, la blessure physique serait considérée comme confirmant la déclaration du plaignant, lorsqu’il y a une preuve que la blessure s’est produite avant l’arrivée de la police et que les dossiers médicaux du plaignant indiquent que ce dernier ne savait pas comment la blessure était survenue, je ne puis conclure que cette preuve permet de confirmer la version des événements du plaignant. Dans ce cas‐ci, malheureusement, la crédibilité du plaignant a souffert à tel point des contradictions considérables entre sa déclaration et la preuve fournie par d’autres témoins civils et les documents physiques, soit les dossiers médicaux, dossiers des communications et notes prises par l’AT no 3 à l’époque, que je ne peux aucunement me fier à sa version des événements. Comme j’ai déjà exposé les principales incohérences, je ne les répéterai pas ici, si ce n’est pour dire qu’elles vont au cÅ“ur même des allégations et de la crédibilité du plaignant. En ce qui a trait à la déclaration de la TC no 1, je reconnais qu’elle n’a pas fait d’observations sur l’interaction avec le police et le plaignant pendant qu’il était dans la chambre à coucher, qui est l’endroit où le plaignant allègue qu’il a été battu et blessé. Cependant, je conclus également qu’il y a des éléments de preuve selon lesquels la TC no 1 et le plaignant avaient discuté de la preuve qu’ils soumettraient et que la TC no 1 était influencée par la version des événements du plaignant et qu’elle l’avait adoptée comme la sienne dans sa déclaration au BDIEP, malgré sa reconnaissance par la suite qu’elle n’était même pas présente au moment de l’interaction alléguée. Pour ce motif, je conclus que la crédibilité du plaignant et celle du TC no 1 sont grandement diminuées par leur degré d’intoxication et par les contradictions sérieuses entre leurs déclarations et les autres éléments de preuve.

En l’absence d’éléments de preuve réels ou indépendants étayant les allégations du plaignant, tout ce qu’il me reste ce sont les déclarations du plaignant lui‐même. Comme j’ai rejeté le témoignage du plaignant en raison de son manque de crédibilité, il n’y a aucune preuve permettant d’appuyer les prétentions du plaignant selon lesquelles il a été victime d’agressions répétées et que sa blessure a été causée lorsqu’il a levé sa jambe pour se protéger des agents et, par conséquent, aucun élément de preuve crédible sur lequel je peux me fonder pour en arriver à des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise par les six policiers qui ont fait enquête en réponse à l’appel.

Dans l’affaire devant moi, je statue que la preuve est loin de correspondre à la norme fixée pour les motifs raisonnables qui permettraient de conclure que l’un ou l’autre des agents a commis une infraction de voies de fait causant des lésions corporelles, contrevenant ainsi au Code criminel. J’estime qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir que le plaignant a subi une fracture avant l’arrivée de la police et que je n’ai pas de motifs raisonnables de croire qu’il y a un lien de causalité entre la blessure du plaignant et les actes de la police. Ayant ainsi rejeté les témoignages du plaignant et de la TC no 1, je ne suis pas en mesure, sur la foi des autres éléments de preuve, de trouver des motifs raisonnables m’amenant à croire que l’un ou l’autre des agents de police qui sont intervenus ont eu recours à une force excessive dans leurs tentatives d’arrestation du plaignant ou que les actions de la police étaient à l’origine de la blessure du plaignant et il n’y a donc aucun motif de croire qu’une infraction criminelle a été commise par un policier; par conséquent, aucune accusation ne sera portée.

Date : 31 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] On a examiné les notes de l’AT no 6, et il a été déterminé qu’il n’était pas sur les lieux au moment de l’arrestation du plaignant. L’AT no 6 était au poste de police lorsque le plaignant a fait l’objet d’une parade d’identification. [Retour au texte]
  • 2) [2] Par exemple, la TC no 1 a affirmé que 12 agents étaient présents à l’appartement et qu’on aurait cru qu’il y avait une émeute. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.