Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PVI-256

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 37 ans à la suite d’une collision de véhicules survenue le 12 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 septembre 2017, à 17 h 30, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la blessure apparemment grave subie par la plaignante à la suite d’une collision survenue en début d’après-midi, le jour précédent.

La Police provinciale a donné le rapport suivant : le 12 septembre 2017, à 12 h 15, un agent de la Police provinciale de l’Ontario, au volant d’un véhicule immatriculé de la Police provinciale de l’Ontario, a heurté le véhicule conduit par la plaignante sur la route 12. Au moment de la collision, la plaignante a déclaré n’avoir subi aucune blessure. Cependant, le lendemain, la plaignante a avisé la Police provinciale qu’elle s’était rendue par la suite à l’hôpital et qu’on avait lui diagnostiqué une légère commotion cérébrale.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés.

Plaignante

Femme de 37 ans; dossiers médicaux reçus et examinés

Agent témoin

AT A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite sur la route 12, à 50 mètres à l’est de l’intersection de Medonte Sideroad 2. La chaussée était en bon état, avec une voie dans chaque direction (est et ouest). Les enquêteurs ont fait le tour du secteur à la recherche de témoins et d’enregistrements vidéo, mais n’ont rien trouvé de pertinent.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

éléments de preuve criminalistiques

Selon la Direction des normes professionnelles (DNP) de la Police provinciale, le véhicule de la Police provinciale impliqué dans la collision était un Land Rover. Ce véhicule est utilisé uniquement pour des projets de surveillance et d’infiltration et n’est pas équipé de quoi que ce soit qui permettrait de reconnaître qu’il s’agit d’un véhicule de police, y compris de matériel de communication. L’AI avait utilisé le Land Rover pour de telles activités avant la collision. Il avait terminé son quart de travail ce jour-là et rentrait chez lui dans ce véhicule lorsqu’il est entré en collision avec la plaignante.

La DNP a isolé le véhicule et l’a placé dans un parc d’entreposage à Orillia, à la disposition de l’UES. Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a photographié et examiné le Land Rover de la Police provinciale et la Toyota de la plaignante le 14 septembre 2017. L’UES n’a pas été en mesure de télécharger des données télémétriques du Land Rover en raison de problèmes d’équipement. La Police provinciale a vérifié de son côté qu’elle n’avait pas accès à l’information contenue dans l’ordinateur du Land Rover; pour ce faire, il aurait fallu faire appel à un technicien de Land Rover.

Documents obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents suivants à la Police provinciale (détachements de Barrie et du Sud de la baie Georgienne), qu’elle a obtenus et examinés :

  • Rapport de collision de véhicule automobile
  • Notes de l’AI, et
  • Photos du véhicule de police impliqué de la Police provinciale

Description de l’incident

En tout début d’après-midi, le 12 septembre 2017, la plaignante roulait en direction sud, sur la route 12, lorsqu’elle a ralenti en raison d’un véhicule devant elle. L’AI, qui roulait derrière la plaignante, n’est pas parvenu à immobiliser complètement son véhicule et a heurté l’arrière du véhicule de la plaignante.

Après la collision, l’AI a appelé le centre de communication de la Police provinciale pour l’informer de la collision.

Le lendemain, la plaignante s’est rendue à l’hôpital où elle a reçu le diagnostic de commotion cérébrale.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221, Code criminel – Négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Aux fins de la présente section, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Article 249, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu…

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Analyse et décision du directeur

Le 12 septembre 2017, vers 12 h 15, l’AI – un agent de police du Détachement de Barrie de la Police provinciale qui était hors service à ce moment-là – conduisait un véhicule de police banalisé en direction sud, sur la route 12, à 50 mètres à l’est de Medonte 2 Sideroad, dans le village de Coldwater. L’AI était hors service et rentrait chez lui après avoir terminé son quart de travail. La plaignante roulait également en direction sud sur la route 12, lorsqu’elle a dû ralentir brusquement pour éviter un véhicule devant elle. L’AI, qui était derrière, a heurté le véhicule de la plaignante. L’AI a contacté l’AT, du détachement du Sud de la baie Georgienne de la Police provinciale où la collision s’était produite, et l’a informé qu’il roulait sur la route 12 lorsqu’il a vu un véhicule devant lui freiner brusquement. Il n’a pas réussi à ralentir à temps et a heurté l’arrière du véhicule de la plaignante. L’AI a accepté l’entière responsabilité de la collision. Le lendemain, la plaignante s’est rendue à l’hôpital où elle a reçu le diagnostic de commotion cérébrale.

D’après tous les éléments de preuve, y compris les déclarations faites par l’AI à la plaignante et à l’AT, il est incontestable que l’AI était responsable de la collision avec l’arrière du véhicule de la plaignante, et il a admis sa responsabilité à ce moment-là. Toutefois, une violation du Code de la route ne signifie pas nécessairement qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise. La question à trancher est de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle et, plus précisément, si sa conduite répondait au critère de conduite dangereuse et, par conséquent, contrevenait au paragraphe 249(1) du Code criminel et a causé ainsi des lésions corporelles en contravention du paragraphe 249(3), ou encore s’il a fait preuve de négligence criminelle en contravention de l’art. 219 du Code criminel et a ainsi causé des lésions corporelles en contravention de l’art. 221.

En vertu de l’arrêt de la Cour suprême du Canada R c. Beatty, [2008] 1 RCS 49, art. 249, la culpabilité exigerait que l’AI ait conduit d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu où le véhicule était conduit, l’utilisation qui en était faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible à cet endroit, et la conduite devrait avoir été telle qu’elle constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable observerait dans la situation de l’accusé ». L’infraction prévue à l’article 221 exige « un écart marqué et important par rapport à ce qu’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances » et l’accusé doit avoir « témoigné d’une insouciance téméraire à l’égard de la vie et de la sécurité d’autrui » (R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C (3d) 426 (C.A. Ont.)).

Au vu de l’ensemble de la preuve, il est clair que j’ai des motifs raisonnables de croire que l’AI, immédiatement avant la collision, suivait de trop près le véhicule de la plaignante. De ce fait, lorsque la plaignante a brusquement ralenti, il n’est pas parvenu à s’arrêter à temps et il a heurté l’arrière du véhicule de la plaignante. Mis à part la collision elle-même, on ne dispose d’aucun élément de preuve sur la façon dont l’AI conduisait et, certainement, d’aucune preuve que cette conduite était telle qu’elle constituerait « un écart marqué et important par rapport à la norme » et encore moins « une insouciance téméraire à l’égard de la vie et de la sécurité d’autrui ».

De toute évidence, une infraction au Code de la route ne constitue pas et n’atteint pas en soi le niveau de conduite qui correspondrait à une infraction criminelle et, même si l’AI porte la responsabilité de la collision et de la blessure subséquente subie par la plaignante, je ne peux pas trouver de motifs raisonnables de croire qu’il a commis une infraction criminelle en l’espèce. Les infractions au Code de la route ne relèvent pas de ma compétence, et il appartient donc au commissaire de la Police provinciale de l’Ontario de déposer des accusations, s’il le juge approprié.

Date : 16 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.