Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-313

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 18 ans a subi lors de son arrestation, le 9 décembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 décembre 2016, à 16 h 30, l’UES a été avisée de l’incident par le Service de police de Guelph (SPG) [1].

Le 13 décembre 2016, le témoin civil (TC) no 1 a informé le SPG de la blessure grave subie par le plaignant. Le plaignant a dit au TC no 1 qu’il avait été arrêté par un agent du SPG le 9 décembre 2016 et accusé de vol et de voies de fait contre un policier.

Le 9 décembre 2016, peu de temps après son arrestation, le plaignant a été examiné à l’hôpital pour une possible blessure au visage. Après que les résultats de son examen n’eurent rien révélé, il a été remis sous garde policière. Toutefois, le plaignant est retourné à l’hôpital le 12 décembre 2016 et il a été établi qu’il avait subi une fracture de l’os orbitaire. Le SPG a ultérieurement avisé l’UES de la blessure le 14 décembre 2017.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme âgé de 18 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue.

TC n° 2 A participé à une entrevue.

TC n° 3 A participé à une entrevue.

TC no 4 A participé à une entrevue.

TC no 5 A participé à une entrevue.

TC no 6 A participé à une entrevue.

TC no 7 A participé à une entrevue.

TC no 8 A participé à une entrevue.

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue.

AT n° 2 A participé à une entrevue.

AT n° 3 A participé à une entrevue.

AT no 4 A participé à une entrevue.

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Les lieux de l’incident

La carte ci-dessus illustre l’itinéraire que le plaignant aurait emprunté entre l’intersection des chemins Hadati et Auden, la scène des vols présumés à l’intérieur de véhicules et l’intersection des chemins Victoria Nord et Eastview, où le plaignant a été arrêté. La distance totale était de 1,35 kilomètre.

La carte ci-dessus illustre l’itinéraire que le plaignant aurait emprunté entre l’intersection des chemins Hadati et Auden, la scène des vols présumés à l’intérieur de véhicules et l’intersection des chemins Victoria Nord et Eastview, où le plaignant a été arrêté. La distance totale était de 1,35 kilomètre.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les alentours pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. Le plaignant a produit des photos de ses blessures prises les 10 et 12 décembre 2016.

Enregistrements de communications

Le 9 décembre 2016, à 20 h 30, le TC no 6 a téléphoné au centre des communications du SPG pour signaler un homme suspect qui marchait sur le chemin Hadati et dont il pensait qu’il s’introduisait par effraction dans des véhicules stationnés. L’appelant a donné des indications sur la direction prise par le plaignant et a décrit son apparence et ses vêtements.

L’AI a demandé qu’on envoie une autre unité à l’intersection des chemins Victoria Nord et Eastview. Très peu de temps après, l’AI, le souffle court, a indiqué dans une transmission radio qu’il était engagé dans une poursuite à pied.

En fond sonore de la transmission, on pourrait entendre le plaignant demander pourquoi il était détenu. L’AI a indiqué par radio qu’il avait mis le plaignant au sol et sous garde. L’AI semblait essoufflé. Une seconde unité est arrivée sur les lieux et le plaignant a été menotté. L’AI a répondu au répartiteur que lui et l’autre agent étaient encore en train de traiter le plaignant et d’attendre qu’il fasse à nouveau le point sur la situation.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPG les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’arrestation
  • enregistrements des communications
  • vidéo du placement en cellule du plaignant par le SPG
  • détails de la répartition assistée par ordinateur
  • notes de l’AT no2, de l’AT no 3 et de l’AT no 4
  • photographies des blessures de l’AI prises par le SPG
  • le stylo de l’AI
  • liste de biens
  • liste des témoins
  • liste des victimes/témoins

Description de l’incident

Dans la soirée du 9 décembre 2016, le SPG a reçu un appel au sujet d’un homme qui tirait sur les poignées de porte de véhicules dans le voisinage, essayant de s’introduire dans divers véhicules. L’AI a répondu à l’appel et a localisé le plaignant à environ 1,35 kilomètre de là. Le plaignant correspondait à la description fournie et l’AI a décidé de l’arrêter.

L’AI a immobilisé son auto‐patrouille sur le trottoir, près du plaignant, est sorti du véhicule et a informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour vol. Le plaignant a nié avoir volé quoi que ce soit. L’AI a appelé en renfort une autre unité pour l’aider à arrêter le plaignant. L’AI a dégainé son arme à impulsions électriques (AIE) et l’a pointée sur le torse du plaignant, en lui demandant de placer ses mains sur le capot de l’auto‐patrouille. L’AI a tenté de menotter le plaignant et une lutte s’en est suivie. Le plaignant a été mis au sol puis menotté. L’AI l’a ensuite emmené au poste du SPG.

Au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs au visage, et il avait une blessure faciale évidente. L’AI et l’AT no 4 ont transporté le plaignant à l’hôpital, mais aucune radiographie n’a été prise et on ne lui a diagnostiqué aucune blessure grave, de sorte qu’il a été remis entre les mains de la police. Lorsque le plaignant est retourné à l’hôpital, trois jours plus tard, une radiographie a confirmé qu’il avait subi une fracture de l’os orbitaire.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 9 décembre 2016, vers 20 h 30, le SPG a reçu un appel 9‐1‐1 provenant du TC no 6, qui demandait une assistance policière dans les environs du chemin Hadati et de la rue Victoria, près d’un dépanneur, dans la ville de Guelph. Le TC no 6 a décrit un homme, y compris ses vêtements, qui avait été vu en train de tirer sur des poignées de portière de véhicules dans le voisinage. L’AI a été envoyé sur les lieux mais n’a pu trouver personne, si bien qu’il a continué de patrouiller le voisinage. Pendant qu’il était en chemin pour aller parler à l’appelant du service 9‐1‐1, l’AI a localisé le plaignant en train de marcher en direction nord sur la rue Victoria; il correspondait à la description faite par l’appelant, si bien que l’AI a tenté de l’arrêter. À la suite de l’interaction du plaignant avec la police, il a été transporté à l’hôpital, mais on ne lui a diagnostiqué aucune blessure grave. Lorsqu’il est retourné à l’hôpital quelques jours plus tard, on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbitaire.

Il est allégué que l’AI, dans son interaction avec le plaignant, a causé la blessure du plaignant et, ce faisant, a employé une force excessive. En revanche, bien que l’AI concède qu’il pourrait avoir causé la blessure subie par le plaignant, il affirme que son emploi de la force était justifiable et approprié face à la résistance et au comportement agressif du plaignant.

Il n’est pas contesté que le plaignant avait une pipe à méthamphétamine avec des résidus en sa possession au moment de son arrestation ni qu’il avait fumé la pipe quelques heures avant son interaction avec l’AI. Il n’est pas non plus contesté que, durant l’interaction, l’AI a pointé son AIE sur le plaignant ni que le plaignant a subi une blessure au visage. Le plaignant allègue que l’AI l’a plaqué au sol et l’a frappé à plusieurs reprises au visage, près de l’œil droit. Il allègue aussi qu’un agent lui a fait se coller le front contre le capot de l’auto‐patrouille. Le plaignant nie avoir résisté de quelque façon que ce soit à son arrestation.

Dans les jours qui ont suivi l’interaction du plaignant avec l’AI, il a fait plusieurs déclarations à diverses personnes, y compris une plainte écrite au BDIEP.

Dans sa plainte au BDIEP, le plaignant a indiqué qu’il rentrait chez lui à pied, depuis la rue Hadati, sur la rue Victoria, lorsqu’un agent de police l’a dépassé en auto‐patrouille et s’est arrêté sur l’entrée de cour devant lui. Il a déclaré que l’AI est rapidement sorti de sa voiture et que le plaignant lui a dit : [traduction] « Hé, puis‐je vous aider? », lorsque l’AI a dégainé son « Taser » et lui a dit qu’il était en état d’arrestation et de mettre ses mains sur le capot de l’auto‐patrouille, le plaignant a obtempéré. Dans son témoignage, le plaignant indique qu’il demandait continuellement à l’agent pourquoi il était en état d’arrestation, mais que l’agent ne voulait pas le lui dire, de sorte que le plaignant s’est éloigné de quelques pas de l’auto‐patrouille et a continué de questionner l’agent sur la raison pour laquelle il était arrêté. L’AI s’est alors [traduction] « frustré, m’a plaqué au sol et a commencé à me donner des coups de poing et des coups de pied (sic). Un autre agent est arrivé. Je me suis allongé (sic) sans bouger et j’ai demandé à l’agent pourquoi il m’arrêtait, pourquoi est‐ce que vous me frappez Monsieur, s’il vous plaît arrêtez, et je répétais cela. C’est alors qu’on m’a tiré par les pieds et que mon visage a cogné le véhicule. » Le plaignant poursuit sa déposition en indiquant qu’il a continué de questionner les agents sur les raisons de son arrestation; [traduction] « ils m’ont passé les menottes m’ont fait tomber sur le dos et ont commencé à me frapper pendant que j’étais allongé sans bouger et que je ne faisais que demander pourquoi on m’arrêtait. »

Les dossiers médicaux du plaignant confirment qu’à sa seconde visite à l’hôpital on lui a diagnostiqué une fracture du plancher de l’orbite droite avec une hernie bénigne.

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve fournie par le plaignant, je constate que ses déclarations sont malheureusement truffées d’incohérences, dont voici un échantillon :

Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, sa déclaration au BDIEP et ses déclarations aux TC no 3 et no 8, le plaignant a été très clair sur le fait qu’il se demandait bien pourquoi l’AI l’arrêtait et que, malgré ses demandes répétées, l’AI a refusé de lui dire la raison de son arrestation. Cela contredit directement les propos que le plaignant a tenus au TC no 5 et au TC no 7 à l’effet qu’il a immédiatement été avisé par l’AI, tandis que ce dernier s’approchait du plaignant, qu’on avait fait le signalement de quelqu’un qui effectuait des vols dans des automobiles du voisinage et que la description de l’auteur du délit correspondait à celle du plaignant.

Dans toutes ses déclarations, le plaignant indique clairement qu’il a été arrêté par l’AI tandis qu’il rentrait à pied chez lui. Toutefois, lorsqu’on regarde la carte de Guelph, on constate clairement que, d’après la direction que le plaignant a suivie en marchant depuis le dépanneur, à l’angle du chemin Cassino et de la rue Hadati, jusqu’à l’endroit où l’AI s’est approché de lui, à l’angle du chemin Victoria Nord et de la rue Eastwood, le plaignant marchait en fait en direction opposée de sa résidence.

Dans sa déclaration à l’UES, le plaignant a déclaré que l’AI l’avait violenté, mais il ne se souvenait pas si les autres agents éventuels qui étaient venus sur place avaient eu ou non quelque contact avec lui. Par contre, dans sa déclaration au BDIEP, le plaignant a allégué avoir été agressé par au moins deux agents de police. Il a écrit que l’AI [traduction] « a commencé à me donner des coups de poing et des coups de pied alors qu’un autre agent se joignait à lui [...] ensuite, on m’a tiré par les pieds et mon visage a heurté la voiture. » Le plaignant poursuit sa déclaration en disant que, pendant qu’il continuait de questionner les agents sur les raisons de son arrestation, [traduction] « ils m’ont passé les menottes et m’ont fait tomber sur le dos et ont commencé à me frapper alors que je ne bougeais pas sur le sol et ne faisais que demander pourquoi on m’arrêtait. »

La déclaration du plaignant à l’UES contredit ce qu’il a dit au TC no 5 au sujet du moment, de la nature et des raisons de l’agression que l’AI a commise sur lui et est contredite en outre par ce qu’il a dit au TC no 3. La version du plaignant de l’agression faite au TC no 3 aurait également eu lieu après que d’autres agents de police eurent été sur les lieux et en position d’avoir vu l’agression.

Le plaignant allègue que ce n’est pas lui qui a causé la blessure à l’œil de l’AI, mais que cela a plutôt résulté de deux stylos que l’agent avait dans la poche de sa veste. (Je souligne, en passant, que, dans les photos qui ont été prises de la blessure de l’AI, il est clair que la poche dans laquelle l’AI a un stylo se trouve à gauche alors que sa blessure est à l’œil droit.) Dans la déclaration qu’il a faite au TC no 5, le plaignant a fourni une autre explication pour la blessure de l’AI, indiquant que l’agent avait été éraflé par la fermeture éclair du manteau du plaignant. Bien que l’une ou l’autre des explications fournies par le plaignant quant à l’origine de la blessure à l’œil de l’AI ait pu sembler plausible au moment où le plaignant a vu l’AI, c’est‐à‐dire lorsque la blessure ne semblait être qu’une petite égratignure au‐dessous de l’œil avec du sang mais sans saignement abondant, les photos prises ultérieurement, une fois que la blessure s’était pleinement déployée, ont révélé que c’est l’œil au complet de l’AI qui était tuméfié et poché, ce qui me semble moins compatible avec les deux explications fournies par le plaignant.

Comme on l’a mentionné plus haut, il ne s’agit que d’un échantillon des incohérences relevées dans les diverses déclarations du plaignant. J’estime que, essentiellement, le plaignant, entre sa déclaration à l’UES, son rapport au BDIEP et ses affirmations à diverses autres parties, a fourni au moins trois versions des événements complètement différentes, ce qui, malheureusement, ne milite pas beaucoup en faveur d’une crédibilité, à supposer qu’il y en ait une, chez le plaignant. Ses versions des événements se contredisent l’une l’autre quant au nombre d’agents qui le violentent, au moment de l’agression en lien avec son menottage et à la façon dont il a été violenté. De plus, il se contredit lui‐même sur la question de savoir si on lui a dit pour quelle raison on l’arrêtait et s’il a résisté de quelque façon à son arrestation. Compte tenu de ces récits nombreux et variés du plaignant au sujet de ce qui s’est passé pendant son interaction avec l’AI et les autres agents de police le 9 décembre 2016, je conclus que son témoignage n’a pas atteint le niveau requis pour me donner des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de voies de fait causant des lésions corporelles a été commise par l’AI et/ou d’autres agents de police à l’endroit du plaignant.

Ayant tiré cette conclusion, je vais toutefois me pencher aussi sur la preuve de l’AI et des autres agents de police ayant participé à l’arrestation du plaignant. À l’examen de l’ensemble de la preuve, il semble que la déclaration initiale que le plaignant a faite au TC no 5, dans laquelle il n’y avait pas d’allégation de coups de poing ou de pied assenés par un policier, est corroborée dans une certaine mesure par les déclarations de l’AI, de l’AT no 3 et de l’AT no 4.

L’AI, dans sa déclaration, a déclaré avoir été avisé de la personne qui tentait de s’introduire par effraction dans des voitures, avoir reçu une description de l’auteur du délit et s’être dirigé vers ce secteur. Il a indiqué qu’après n’avoir pu localiser le malfaiteur dans les alentours, il conduisait en direction de l’appelant du service 9‐1‐1 afin de parler avec les témoins lorsqu’il a vu le plaignant, qu’il a décrit comme correspondant à la description fournie de l’auteur présumé du délit, en train de marcher en direction nord sur le chemin Victoria. L’AI a indiqué qu’il a aperçu le plaignant à une distance d’environ 1 à 2 kilomètres (une enquête subséquente a confirmé que cette distance était de 1,35 kilomètre) de l’endroit où l’auteur présumé avait été vu initialement, mais que le suspect aurait eu suffisamment de temps pour parcourir cette distance à pied pendant le délai d’intervention. Pour cette raison, l’AI croyait qu’il avait des motifs suffisants d’arrêter le plaignant pour vol; il a alors éclairé le plaignant avec son projecteur, s’est rangé sur le bas‐côté et a immobilisé son véhicule sur le trottoir, quelques mètres devant le plaignant. Tandis qu’il sortait de son auto‐patrouille, l’AI a indiqué que le plaignant a tourné et a commencé à s’éloigner à pied. L’AI a appelé le plaignant, qui s’est alors retourné et a commencé à marcher vers l’AI tandis que ce dernier contournait l’avant de son VUS. L’AI a indiqué que le comportement du plaignant, à savoir qu’il semblait agité, qu’il regardait dans toutes les directions, qu’il était très animé et rempli d’énergie et qu’il faisait de petits sauts, a été pour lui des indices que le plaignant pouvait être sous l’effet d’une substance intoxicante.

L’AI a déclaré que, alors qu’il se trouvait à environ dix pieds (3,05 mètres) de son VUS et environ 20 pieds (6,10 mètres) du plaignant, il a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour vol et de mettre ses mains sur le capot du véhicule de police. L’AI a déclaré que le plaignant a alors immédiatement manifesté de l’irritation en criant qu’il n’avait rien volé et qu’il avait sa main sur la poitrine et semblait fouiller dans la manche droite de sa veste pour y trouver quelque chose que l’AI croyait pouvoir être une arme, mais qui s’est ensuite révélé être sa pipe à méthamphétamine. L’AI a décrit le plaignant comme lui disant continuellement qu’il ne pouvait pas l’arrêter et a indiqué que les gestes du plaignant étaient devenus agressifs, moment auquel l’AI s’est inquiété et a appelé en renfort une autre unité tout en dégainant son AIE et en pointant la lumière laser sur le torse du plaignant. Cette preuve est confirmée par l’enregistrement des transmissions radio qui révèle que l’AI demandait qu’on envoie une autre unité à l’angle des chemins Victoria Nord et Eastview.

L’AI a déclaré qu’il a de nouveau dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation et de mettre ses mains sur le capot du VUS, ce que le plaignant a commencé à faire, et qu’il s’est approché du plaignant de derrière, avec la lumière de son AEI toujours activée et pointée en direction du plaignant. Cela concorde avec le témoignage du plaignant. L’AI a indiqué qu’il a alors cherché à saisir la main droite du plaignant tout en rengainant son AEI et qu’à ce moment‐là le plaignant s’est retourné, s’est éloigné de l’AI en le poussant, a couru vers l’arrière du VUS puis s’est enfui en direction nord vers le chemin Eastview. Cette preuve est confirmée par les enregistrements de transmissions radio dans lesquels on entend l’AI dire qu’il est en mode de [traduction] « poursuite à pied. Homme ». L’AI semble très essoufflé lorsqu’il fait cette transmission, et l’on entend sur l’enregistrement les sons de cette poursuite en courant. L’AI rattrape ensuite le plaignant à une distance d’environ 50 pieds (15,24 mètres), et c’est à ce moment‐là que le plaignant s’arrête subitement, se retourne et lève ses mains en adoptant une position que l’AI a décrite comme étant une position de boxe. L’AI a indiqué qu’il se trouvait à environ 4 pieds (1,22 mètre) du plaignant lorsque celui‐ci s’est soudainement arrêté et que, en raison de la neige au sol, l’AI n’a pu s’arrêter à temps et a placé ses mains devant le visage, mais que le plaignant l’a frappé à l’œil droit. L’AI a admis qu’il n’était pas sûr de savoir si le plaignant voulait vraiment lui donner un coup de poing ou s’il craignait simplement que l’AI, alors qu’il courait vers lui, allait entrer en collision avec lui pour cette raison. Je conclus que les photographies de l’éraflure sous l’œil droit de l’AI et de son Å“il poché et tuméfié concordent avec cette preuve.

L’AI a indiqué qu’après avoir été frappé à l’œil, que le coup fût intentionnel ou non, son Å“il a commencé à se déchirer et il lui a été difficile de voir pendant un instant et que lui et le plaignant se sont rentrés dedans et que leurs têtes se sont cognées. L’AI a ensuite déséquilibré le plaignant vers l’avant et a tiré le corps du plaignant vers l’avant, ce qui, avec l’élan que l’AI s’était donné, a amené le plaignant au sol tandis que l’AI atterrissait sur le dos et le côté du plaignant. Je conclus que cette preuve concorde avec le récit des événements que le plaignant a fait au TC no 5. L’AI a reconnu qu’il était possible que la collision entre lui et le plaignant ou que son avant‐bras ait pu être la cause de la blessure à l’œil du plaignant. L’AI a déclaré que le plaignant a continué de résister pendant qu’il était au sol et qu’il a mis le plaignant sur le ventre tandis que celui‐ci continuait de dire qu’il n’avait rien fait de mal et demandait à l’AI de lui dire ce qu’il avait volé. L’AI a alors demandé une deuxième fois, par radio, une assistance policière. Les enregistrements des communications par radio confirment que l’on entend l’AI dire [traduction] « Il est sous garde », tandis qu’il est manifestement à bout de souffle et qu’on entend alors un deuxième agent communiquer par radio avec l’AI en lui demandant [traduction] « [Prénom de l’AI], où es‐tu exactement, je vois ton auto. » Je conclus que ces enregistrements corroborent les éléments de preuve produits par l’AI selon lesquels le plaignant avait couru depuis l’endroit où se trouvait l’auto‐patrouille et qu’il a été appréhendé à une certaine distance de cet endroit. On entend ensuite, sur l’enregistrement, l’AI dire [traduction] « J’ai une autre unité ici avec moi. Tout le monde peut ralentir – il est menotté », et là encore on peut entendre l’AI respirer fort sur cet enregistrement. À la suite de cette transmission, on entend l’AI dire [traduction] « On est encore en train de s’occuper de lui; en attente; on est 10‐4 » et, là encore, l’AI a le souffle court. On entend ensuite le répartiteur dire « 10‐4? », ce qui correspond au code d’un message reçu, mais il n’y a pas d’autre réponse de la part de l’AI à ce moment‐là.

L’AI a déclaré que, après qu’il eut lancé l’appel de renfort, le plaignant était appuyé sur ses bras et forçait pour empêcher qu’on lui mette les bras dans le dos pour le menotter. L’AI a indiqué qu’il était allongé ou à cheval sur le plaignant avec le bras gauche placé sur le haut du dos et la tête du plaignant. Avec sa main droite, l’AI a ensuite administré des coups de distraction à main ouverte et à poing fermé sur le haut du torse, l’omoplate et peut‐être la région faciale du plaignant pour le faire obtempérer et puis le menotter. L’AI a déclaré qu’il ne savait pas combien de coups à la main il avait administré, mais qu’il craignait que le plaignant puisse accéder à une arme dans la manche de sa veste à capuchon. L’AI a décrit les coups de distraction comme ayant été efficaces et qu’il a pu terminer de menotter le plaignant et qu’il a ensuite trouvé la pipe à méthamphétamine en cristaux dans la manche droite de la veste du plaignant, mais aucune arme. L’AT no 4 est alors arrivé et a garé son auto‐patrouille sur le boulevard et a pris le contrôle du plaignant en disant à l’AI de reprendre son souffle. L’AT no 4 a alors fait marcher le plaignant jusqu’à son véhicule de police et l’a fait reposer sur le capot du véhicule, où l’AI a terminé sa fouille du plaignant pendant que l’AT no 4 le maintenait sur le capot.

L’AI a indiqué que le plaignant a continué de résister pendant qu’il était fouillé et qu’il s’est repoussé du véhicule de police et que, à ce moment‐là, il a été repoussé contre le capot et sa tête a heurté le capot, mais l’AI a décrit cette manÅ“uvre comme une technique de contrôle et non comme un recours à la force et que l’on n’a pas entendu de bruit de contact. L’AI a ensuite trouvé quatre petits sachets de poudre de cristal blanche dans la poche avant droite du plaignant. Lorsque le plaignant a continué de se débattre, il a été mis au sol pour qu’on termine sa fouille. L’AI a indiqué que le plaignant s’est ensuite relevé seul et que l’AT no 4 et lui‐même ont placé le plaignant à l’intérieur du véhicule de police de l’AI. L’AI a indiqué qu’il avait eu une coupure à l’œil droit et que son Å“il commençait à enfler et que le plaignant lui avait présenté des excuses. Bien que le plaignant ait reconnu avoir en sa possession moins d’un point (1,1 gramme) de méthamphétamine et avoir fumé de la méthamphétamine en cristaux ce soir‐là, il a continué de répéter qu’il n’avait rien fait de mal. En ce qui concerne l’allégation du plaignant selon laquelle l’AI l’a frappé à plusieurs reprises dans l’œil, l’AI a concédé que c’était une possibilité compte tenu des circonstances de la situation mouvante et du fait que le plaignant a constamment opposé une vive résistance.

L’AT no 4 a déclaré qu’il a entendu l’appel d’intervention indiquant que quelqu’un était en train de commettre des vols à l’intérieur de véhicules stationnés et qu’il a pris en note la description de l’un des hommes. Il a aussi entendu l’AI indiquer qu’il allait commencer à faire des recherches dans les alentours et, à 20 h 45, il a entendu l’AI demander par radio de l’assistance, ce qui, de dire l’AT no 4, avait suscité chez lui de l’inquiétude car, depuis qu’il connaissait l’AI, celui‐ci n’avait jamais demandé d’assistance auparavant. L’AT no 4 a alors conduit jusqu’au secteur de l’avenue Victoria et du chemin Eastview, mais il n’arrivait pas à localiser l’AI. Il a alors demandé par radio à l’AI où il était, puis il l’a trouvé à trois ou quatre maisons de là, au sud du chemin Eastview. Là encore, cela est confirmé par l’enregistrement de la transmission radio. L’AT no 4 a déclaré que, lorsqu’il est arrivé sur place, le plaignant était allongé sur le vendre sur le trottoir tandis que l’AI avait les genoux sur son côté droit et le maintenait au sol avec les deux mains sur son dos. Le plaignant était déjà menotté à ce moment‐là. L’AT no 4 a vu que l’AI était essoufflé, mais n’a remarqué aucun signe de lutte. L’AI a alors dit à l’AT no 4 que le plaignant l’avait frappé, et l’AT no 4 a vu un bleu sur la partie inférieure de l’œil droit de l’AI. L’AI a aussi informé l’AT no 4 que le plaignant avait essayé de s’enfuir, mais il n’a fourni aucun détail. L’AT no 4 a indiqué que le plaignant a alors été relevé puis amené jusqu’à l’auto‐patrouille, où il a été placé contre le capot. L’AT no 4 a décrit le plaignant comme étant agité et se comportant comme un [traduction] « cheval fougueux » pendant qu’on le fouillait. Le plaignant a continué de clamer qu’il n’avait rien fait pour qu’on le mette ainsi en état d’arrestation, pendant que l’AT no 4 lui disait d’arrêter de résister. L’AT no 4 a vu l’AI sortir un certain nombre de petits sachets de la poche avant droite du pantalon du plaignant. Lorsque le plaignant a continué de se débattre, l’AT no 4 a suggéré de le remettre au sol pour le contrôler, et c’est alors que le plaignant a été placé sur un banc de neige de façon contrôlée et que l’AT no 4 a maintenu le plaignant, qui continuait d’essayer de s’échapper pendant que l’AI terminait sa fouille.

Dans sa déclaration, l’AT no 3 a indiqué qu’il a entendu la demande d’assistance de l’AI sur la radio et que, d’après ce qu’il pouvait entendre, l’AI semblait essoufflé et était peut‐être impliqué dans une lutte. L’AT no 3 a déclaré qu’à son arrivée, l’AI et l’AT no 4 avaient déjà le plaignant sous garde et que l’AT no 4 était agenouillé sur le côté gauche du plaignant, au niveau de la tête et des épaules, pendant que l’AI chevauchait ou s’agenouillait sur les cuisses du plaignant; il a indiqué que le plaignant était déjà menotté dans le dos à ce moment‐là. L’AT no 3 et l’AT no 4 ont alors relevé le plaignant et l’ont fait marcher jusqu’au capot du VUS de police, où on l’a délicatement penché sur le capot, fouillé puis ultérieurement emmené au poste.

L’AT no 1 a également dit avoir entendu la transmission radio de l’AI demandant de l’assistance et que l’on pourrait percevoir un sentiment d’urgence dans le ton de l’AI. Lorsque le plaignant a été placé en détention au poste de police, l’AT no 1 lui a demandé s’il comprenait les accusations qui étaient portées contre lui, ce à quoi le plaignant a répondu [traduction] « j’imagine que oui, mais je n’ai rien volé ». L’AT no 1 a observé que le plaignant avait l’œil droit enflé, une éraflure au centre droit du front et la lèvre supérieure tuméfiée et a déclaré que le plaignant lui a dit que c’est l’AI qui lui avait infligé ces blessures et qu’il avait pointé son AEI sur lui puis l’avait frappé à coups de poing. L’AT no 1 a indiqué que, bien que le plaignant ait dit qu’il n’avait pas consommé d’alcool, il a remarqué une légère odeur d’alcool dans l’haleine du plaignant et que le plaignant bafouillait en parlant. L’AT no 1 a dit avoir aussi observé une contusion sous l’œil droit de l’AI avec une légère enflure et que l’AI lui a dit que le plaignant l’avait frappé à l’œil pendant l’arrestation.

À la lumière de toute la preuve dont je dispose, je conclus que la preuve fournie par l’AI est largement confirmée tant par la déclaration initiale que le plaignant a faite au TC no 5 que par les enregistrements de transmissions radio, les propos que le plaignant a tenus au TC no 8, les déclarations que l’AI a faites aux AT no 4 et no 1 immédiatement après l’incident et selon lesquelles il avait été frappé à l’œil par le plaignant, ainsi que le témoignage tant de l’AT no 4 que de l’AT no 3, alors que la preuve du plaignant est réfutée. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que la crédibilité du plaignant est sérieusement entachée tant par le fait que son témoignage sur les incidents qui se sont produits devant d’autres témoins est contredit par lesdits témoins que par les nombreuses incohérences relevées dans ses diverses déclarations, alors que la preuve de l’AI est à la fois cohérente en soi et corroborée par sa blessure, les enregistrements de transmissions radio, ses déclarations à d’autres agents immédiatement après l’incident et la déclaration initiale que le plaignant a faite au TC no 5. Par conséquent, bien que seuls l’AI et le plaignant étaient là durant l’interaction initiale, je conclus que je ne suis pas en mesure d’accepter la preuve du plaignant dans son ensemble en raison de sa crédibilité minée, sauf lorsque cette preuve est confirmée ou compatible avec d’autres éléments de preuve. Pour ce motif, je retiens que le plaignant s’est éloigné en courant de l’AI, qu’il a ensuite frappé l’AI à l’œil, que l’AI a mis le plaignant au sol, que l’AI est tombé avec le plaignant et que, une fois au sol, alors que le plaignant continuait de résister, l’AI a administré un certain nombre de coups à main ouverte et à poing fermé au plaignant, lesquels ont pu causer sa blessure à l’œil. Je rejette le témoignage du plaignant lorsqu’il est incompatible avec les autres éléments de preuve, mais j’accepte la déclaration que le plaignant a faite au TC no 5 comme étant essentiellement exact. De plus, bien qu’il n’y ait pas suffisamment d’éléments de preuve pour confirmer que le plaignant était effectivement en train de commettre des vols à l’intérieur de voitures garées, je suis convaincu qu’il se trouvait dans la zone même des voitures dont un homme suspect s’est approché et dont il a vérifié les portières pour voir si elles étaient verrouillées, que le plaignant correspondait à la description fournie par l’appelant du service 9‐1‐1, qu’il se trouvait toujours dans les alentours lorsque l’AI est arrivé, que l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant était l’auteur recherché du délit et que ce dernier pouvait être arrêté pour vol ou tentative de vol. Je conclus aussi que les protestations continues du plaignant selon lesquelles il n’avait rien volé cadrent autant avec la thèse qu’il n’était pas le suspect que l’appelant du service 9‐1‐1 avait vu et qui essayait de s’introduire dans des voitures stationnées qu’avec la thèse que c’était effectivement lui qui était ce coupable recherché mais qu’il n’a rien trouvé à voler ou, ayant été incapable de s’introduire dans une voiture, n’avait donc en fait rien volé. En tirant cette conclusion, je trouve appui dans le fait que le plaignant a demandé à plusieurs reprises ce qu’il avait volé et a affirmé qu’il n’avait rien volé, mais n’a jamais indiqué qu’il n’avait pas tenté de s’introduire dans les voitures stationnées.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale s’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, pour les motifs déjà mentionnés plus haut, l’AI avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour vol, en contravention du Code criminel, sur la base de l’information et de la description fournies par l’appelant du service 9‐1‐1. Ainsi, la poursuite et l’appréhension du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne la force utilisée par l’AI dans ses tentatives d’appréhender puis de maîtriser le plaignant, je conclus que son comportement était justifié dans les circonstances et qu’il n’a pas employé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, lequel avait manifestement l’intention d’échapper à l’AI, opposait une vive résistance et atteignait sans cesse sa manche droite pour saisir ce qui aurait pu être une arme. Qui plus est, compte tenu du fait que le plaignant avait déjà causé des blessures à l’AI, que ce fût ou non intentionnel, il était raisonnable de conclure qu’il était capable de le faire de nouveau si on ne le maîtrisait pas. Tout en concluant que les blessures au plaignant ont été causées par l’AI pendant qu’il tentait d’arrêter le plaignant, soit lorsque le plaignant s’est soudainement arrêté et que l’AI, dans son élan, est entré en collision avec le plaignant et que leurs têtes se sont cognées, soit, par la suite, lorsque l’AI a utilisé un certain nombre de coups à main ouverte et à poing fermé pour tenter de maîtriser le plaignant et de le menotter, je ne peux conclure qu’il s’agissait là d’un recours excessif à la force. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par l’AI a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et vaincre la résistance du plaignant et que ce recours à la force était dans les limites de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légale du plaignant. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

En outre, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans le présent dossier, il est clair que la force employée par l’AI pour appréhender et maîtriser le plaignant était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légale du plaignant et supprimer le risque qu’il continuait de poser tant qu’il n’était pas menotté et qu’il essayait de saisir quelque chose qu’il avait dissimulé dans sa manche droite. Si, a posteriori, nous savons maintenant que le plaignant ne tentait pas de s’emparer d’une arme, ce n’est pas un risque que l’AI était prêt à courir dans les circonstances.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la mise sous détention du plaignant et la manière dont cela s’est fait étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les gestes posés par l’AI étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : le 16 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Le 10 décembre 2016, le plaignant a déposé une plainte auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP). [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.