Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-049

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 24 ans le 11 mars 2017, lors de son arrestation.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 11 mars 2017, à 8 h 58, la Police régional York (PRY) a avisé l’UES d’une blessure subie lors d’une mise sous garde, survenue plus tôt ce matin‐là.

La PRY a déclaré que, le 11 mars 2017, à 2 h 08 du matin, la police a reçu un appel concernant un possible conducteur en état d’ébriété et signalant une voiture dans un fossé, à l’angle des chemins Kennedy et Vivian, à Stouffville.

Les policiers sont arrivés sur les lieux à 2 h 25 et ont été impliqués dans une lutte avec le plaignant. Une arme à impulsions électriques (AIE) a été déployée et le plaignant a été arrêté. Il a été emmené à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué un nez cassé. Il a refusé d’être traité; on l’a alors emmené à un poste de police de la PRY, où il a été placé dans une cellule.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur place et ont repéré et préservé les preuves. Ils ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant :

Homme âgé de 24 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Les lieux de l’incident

Cet incident est survenu sur le côté sud du chemin Vivian, à Stouffville, à l’est du chemin Kennedy et à environ 150 mètres à l’est d’une ligne ferroviaire qui traverse le chemin. Le chemin est une route asphaltée bidirectionnelle à deux voies sans signalisation horizontale (marquage des voies sur la chaussée). Il y a des accotements de graviers des deux côtés de la route avec des ponceaux de drainage et des champs cultivés au‐delà des accotements des deux côtés du chemin.

Le sol était recouvert de neige lorsque l’incident s’est produit. Au moment où les lieux de l’incident ont été examinés, de nombreuses traces de pas ont été observées sur l’accotement côté sud, dans le ponceau et sur le champ cultivé. Des traces de pneus étaient visibles dans la neige et semblaient provenir de la première entrée de cour, à l’est de la scène de l’incident.

Les lieux ayant été examinés environ 12 heures après l’incident, aucune trace du déploiement de l’AIE n’a été trouvée. Les aphides provenant du déploiement de l’AIE avaient été balayés par le vent et/ou recouverts par la neige.

Preuve matérielle

L’AIE de l’AT no 2 qui a été déployée lors de cet incident a été remise à l’UES. Elle a été examinée et les données conservées dans l’arme ont été téléchargées.

Les données téléchargées ont révélé que le dispositif a été armé à 2 h 32 m 53 s du matin. Deux secondes plus tard, l’arc électrique a été déployé pendant une seconde; 16 secondes après cette phase, il a été déchargé pendant cinq secondes à compter de 2 h 32 m 12 s. À 2 h 32 m 55 s, l’AIE a été mise en mode « sécuritaire ». Il s’agissait des seules données d’un événement de décharge.

Preuve vidéo/audio/photographique

Ni l’AI ni l’AT no 2 n’a activé l’équipement d’urgence de son autopatrouille en arrivant sur les lieux de l’incident, de sorte que le système de caméra dans le véhicule (CV) n’a pas enregistré l’événement. En outre, les agents de polices ne portaient pas, ni l’un ni l’autre, de microphones portatifs lorsqu’ils sont sortis de leurs véhicules et sont intervenus auprès du plaignant.

Enregistrements de communications

Enregistrement des appels au 9‐1‐1

Le TC no 1 a appelé le service 9‐1‐1 pour signaler un véhicule se trouvant sur un champ agricole et indiquer qu’il était en train de parler au chauffeur, lequel avait les facultés affaiblies. Le TC no 1 a ajouté : [traduction] « Il est dans un état d’ébriété avancé ou bien il a très sommeil, alors j’imagine que cela penche davantage du côté des facultés affaiblies. » Durant l’appel, le TC no 1 a indiqué que l’homme avait coupé le moteur de sa voiture puis courait en direction est, dans le fossé, sur le côté du chemin.

Le plaignant a été entendu sur l’enregistrement alors qu’il se tenait debout à côté de la portière côté conducteur du véhicule du TC no 1. Le plaignant a dit au TC no 1 qu’il avait besoin de faire remorquer son véhicule pour l’extraire du champ. Le plaignant a dit qu’il avait déjà vécu sur cette propriété et qu’il y était venu pour [traduction] « essayer de relaxer » pendant une heure et demie, deux heures. Il a dit qu’il allait bien et qu’il avait simplement besoin d’utiliser un téléphone pour appeler une remorqueuse.

La TC no 2 est restée au téléphone jusqu’à l’arrivée des policiers.

Enregistrement de communications

Dans la transmission radio initiale, on entend le répartiteur envoyer les agents de police sur les lieux de l’incident et leur faire le point sur la situation pendant que des renseignements étaient reçus des appelants [maintenant connus comme étant le TC no 1 et la TC no 2].

Il n’y a pas eu de rapport radio de la part des policiers lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux, mais, dans une transmission ultérieure, un agent de police a déclaré : [traduction] « nous avons une personne sous garde. Nous avons eu un déploiement du Taser, » et ils ont demandé une ambulance et à ce qu’un superviseur vienne sur place.

Rapport sommaire sur le détail des appels

Le rapport sommaire sur les détails des appels indique que le TC no 1 a appelé le service 9‐1‐1 à 2 h 07. L’AI et l’AT no 2 ont été envoyés sur les lieux de l’incident environ deux minutes après.

À 2 h 26 m 06 s, la TC no 2 a dit au répartiteur qu’elle avait vu la police arriver.

À 2 h 32 m 53 s, l’AT no 2 a déclaré par radio [traduction] « Une personne sous garde. Un déploiement du Taser. » Il a ensuite demandé à ce qu’on envoie une ambulance et à ce qu’un superviseur se présente sur les lieux de l’incident.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRY les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • historique des appels / rapport sommaire sur le détail des appels
  • enregistrements de communications
  • enregistrement de l’appel au 9‐1‐1
  • relevé de suivi de l’AIE
  • tableau de service
  • rapport général d’incident / dossier de divulgation de la couronne (version expurgée)
  • enregistrement vidéo du système de CV
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • enregistrements vidéo au poste de la PRY
  • procédure – recours à la force

Description de l’incident

Le 11 mars 2016, aux petites heures du matin, le TC no 1 et la TC no 2 ont appelé 9‐1‐1 pour signaler un possible conducteur avec facultés affaiblies. La voiture du plaignant était coincée sur le champ d’un cultivateur et le plaignant espérait faire venir une remorqueuse pour sortir le véhicule de là. L’AI et l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux et ont arrêté le plaignant pour conduite avec facultés affaiblies. Le plaignant a résisté à son arrestation et a été mis au sol. Une fois au sol, le plaignant a été menotté au bras gauche, mais il a tiré ce bras pour le mettre sous son corps. L’AI a donné un coup de coude de distraction au plaignant, ayant probablement frappé le plaignant sur le côté du visage. Le plaignant a commencé à donné des coups de pied à l’AI. L’AT no 2 a déployé son AIE et le plaignant a été menotté.

Le plaignant saignait du visage et a été emmené à l’hôpital par ambulance. Il a été examiné et ont lui a diagnostiqué un nez cassé.

Ultérieurement de jour‐là, le plaignant s’est de nouveau rendu à l’hôpital avec sa mère. Il a obtenu son congé de l’hôpital 51 minutes plus tard avec le même diagnostic que lors de sa première admission.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 253 du Code criminel – Capacité de conduite affaiblie

253 (1) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non, dans les cas suivants :

  1. lorsque sa capacité de conduire ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue
  2. lorsqu’il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang

Analyse et décision du directeur

Le 11 mars 2016, à 2 h 7 m 7 s du matin, la PRY a reçu un appel 9‐1‐1 émanant du TC no 1 et signalant un possible conducteur avec facultés affaiblies. Le TC no 1 a déclaré qu’une voiture se trouvait coincée à environ 50 pieds (15,24 mètres) de là, sur un champ agricole, et qu’il était en train de parler au conducteur du véhicule, le plaignant, que le TC no 1 a décrit comme étant soit dans un état d’ébriété avancé soit très ensommeillé, et il a présumé que le plaignant avait les facultés affaiblies. Le TC no 1 a indiqué qu’il se trouvait sur le chemin Vivian, juste à l’est du chemin Kennedy, dans le canton de Whitchurch‐Stouffville. L’AI et l’AT no 2 ont tous deux été envoyés sur les lieux de l’incident, et l’AT no 2 est arrivé le premier. Pendant l’interaction du plaignant avec la police, une AIE a été déployée et le plaignant a ultérieurement été évalué à l’hôpital comme ayant subi une fracture du nez.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, le plaignant a nié avoir consommé de l’alcool ou de la drogue avant l’incident. Il a allégué avoir été attaqué par un groupe d’agents de police et qu’un policier lui a cassé le nez en lui donnant un coup de poing. Après son entrevue initiale avec les enquêteurs, le plaignant a ultérieurement modifié sa déclaration pour dire qu’il n’avait pas reçu de coup de poing sur le nez mais qu’on l’avait plutôt frappé avec une matraque de police.

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je ne puis accorder beaucoup de crédibilité à la version des événements fournie par le plaignant et conclus que le plaignant n’est pas crédible dans son compte rendu des événements; que cela ait été dû à son niveau d’intoxication ou à d’autres raisons inconnues, le souvenir qu’il a des événements est directement contredit par les déclarations des témoins civils, les enregistrements de communications, ses dossiers médicaux et le témoignage des agents de police présents.

Bien que le plaignant ait indiqué qu’il n’avait consommé aucune drogue ni aucun alcool avant de se retrouver sur le champ de cultivateur où son véhicule est resté coincé, son sang a été analysé à l’hôpital plus tard ce matin‐là et on lui a trouvé un taux d’alcoolémie de 49 mmol/L, ce qui correspond à 225 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang, soit près de trois fois la limite légale pour conduite un véhicule en vertu du Code criminel. Les dossiers médicaux du plaignant le décrivent également comme ayant été [traduction] « combatif », « non coopératif » et « agressif ». De plus, son taux d’alcoolémie a été noté comme étant de « 49,3 HP », ce qui correspond à [traduction] « haute panique », une alerte aux médecins de la salle d’urgence pour qu’ils portent un surcroît d’attention au patient en raison du niveau élevé d’alcool dans le sang et du danger potentiel pour le patient.

Bien que le plaignant ait déclaré qu’il se fût assis dans le véhicule du TC no 1 et de la TC no 2 pendant qu’il attendait la remorqueuse, le TC no 1 et la TC no 2 ont chacun déclaré qu’à aucun moment le plaignant n’avait pris place à bord de leur véhicule. De plus, le plaignant a indiqué qu’il était arrivé au champ d’agriculteur à 21 h et qu’il était resté là pendant une heure et demie, deux heures, alors que l’appel au 9‐1‐1 a confirmé que le TC no 1 avait appelé le service 9‐1‐1 à 2 h 07 du matin, de sorte que le plaignant soit était arrivé là beaucoup plus tard qu’il ne le pensait, soit avait passé cinq heures sur le champ du cultivateur.

Qui plus est, alors que le plaignant a décrit son interaction avec la police comme impliquant de quatre à cinq agents de police de race blanche qui l’ont attaqué, le TC no 1 et la TC no 2 ont tous eux indiqué que seuls deux agents de sexe masculin avaient pris part à l’arrestation du plaignant et qu’une troisième agente de police est arrivée peu après l’interaction, en même temps que l’ambulance. Cette information est également confirmée par le TC no 3 et par les enregistrements de communications. Bien que le plaignant ait déclaré avoir été « attaqué » par les agents de police et qu’un policier lui avait soit donné un coup de poing sur le nez soit l’avait frappé avec une matraque, ni le TC no 1 ni le TC no 3, qui ont été témoins de l’interaction, n’ont déclaré qu’un policier avait frappé ou donné un coup de poing au plaignant à quel que moment que ce soit.

Aux dires de l’AT no 2, il s’est approché du plaignant pendant que l’AI parlait au TC no 1 et à la TC no 2 dans leur véhicule; cela concorde avec le témoignage fourni par l’AI ainsi que les trois témoins civils. L’AT no 2 a décrit le plaignant comme étant apparemment en état d’intoxication, alors qu’il était en train de le fixer et qu’il était incapable de se tenir debout. Après avoir décelé une légère odeur d’alcool dans l’haleine du plaignant, et fort de ses autres observations, l’AT no 2 a estimé qu’il avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour conduite avec facultés affaiblies et il a informé le plaignant de cela. L’AT no 2 a alors dit au plaignant de se retourner et de mettre ses mains dans le dos; cette preuve est confirmée par le TC no 3. L’AT no 2 a déclaré qu’il a alors saisi le bras gauche du plaignant pour le ramener dans le dos, mais que le plaignant a crispé ses poings et essayé de tirer son bras vers l’avant. L’AT no 2 a déclaré que le plaignant a alors été mis au sol, qu’il a atterri face contre terre sur l’asphalte et qu’il a continué d’opposer une forte résistance. L’AI a déclaré que c’est lui qui a pris la décision de mettre le plaignant au sol car ce dernier n’obtempérait pas et résistait de plus en plus. L’AI a déclaré qu’il a dit à l’AT no 2 qu’il allait mettre le plaignant au sol; il a alors tiré le plaignant vers la gauche en empoignant son poignet gauche et ses triceps puis il l’a poussé sur le sol, de manière contrôlée, le plaignant atterrissant d’abord sur les genoux puis sur le ventre, sur l’accotement du chemin recouvert de neige. Aucun des témoins civils n’a vu exactement comment s’est faite la mise au sol du plaignant, mais deux des témoins civils ont observé les deux policiers et le plaignant se retrouver sur le sol ensemble, et le troisième témoin civil a vu le plaignant face contre terre, en train d’insulter les policiers.

L’AI a déclaré qu’il a placé son genou gauche au‐dessous de la base du cou du plaignant pour tenter de l’immobiliser sur le sol; cela est confirmé par le TC no 3. L’AI a déclaré qu’il a ensuite réussi à menotter le poignet gauche du plaignant et que le plaignant a tout de suite tiré son bras droit vers l’avant et a essayé de libérer son bras gauche. L’AI a déclaré qu’il était conscient du danger et du risque posé par une menotte ballottante et qu’il a donc maintenu une prise sur la menotte non encore passée pendant que le plaignant commençait à tirer sa main menottée pour la mettre sous son corps. À ce moment‐là, l’AI a indiqué qu’il a eu l’intention d’administrer un coup de coude de distraction sur la partie supérieure de l’épaule du plaignant, mais que le plaignant a commencé à rouler sur lui‐même, et l’AI a cru avoir éraflé le dessus de l’épaule du plaignant en le frappant sur le côté du visage. L’AI a déclaré que le plaignant a alors réussi à se mettre sur le dos et a commencé à donner des coups de pied à l’AI faisant contact avec l’intérieur de ses cuisses, à quelques pouces de l’aine; c’est à ce moment‐là que l’AI a refait rouler le plaignant sur le ventre et que l’AT no 2 lui a demandé s’il devait déployer l’AIE. L’AT no 2 a armé l’arc électrique de l’AIE et a averti le plaignant d’arrêter, sinon il déchargerait l’AIE. Lorsque le plaignant a continué de résister, l’AI a reculé de quelques pas et l’AT no 2 a déchargé l’AIE, dont les bornes ont fait contact avec le bas du dos et le haut des fesses du plaignant; à ce moment‐là, le plaignant a pu être menotté.

L’AT no 1, qui est arrivée peu de temps après que le plaignant fut menotté, a vu que le plaignant était encore agressif, qu’il se débattait et qu’il criait des obscénités pendant que l’AI avait un genou sur le bas du dos du plaignant et l’autre sur son épaule gauche et que l’AT no 2 se tenait debout sur le côté droit du plaignant avec son AIE dans la main droite et les fils de l’AIE s’étendant jusqu’au bas du dos du plaignant. Elle a aussi entendu l’AT no 2 demander d’abord au plaignant [traduction] « c’est bientôt fini? » L’AT no 2 a alors résumé à l’AT no 1 ce qui s’était passé, un témoignage qui concordait avec la déclaration que l’AT no 2 a faite aux enquêteurs.

L’AT no 2 a émis l’opinion que le plaignant avait pu être blessé lorsqu’on l’a mis au sol et qu’il a reçu le choc électrique de l’AIE, tandis que l’AI était d’avis que la blessure avait pu se produire soit lorsqu’il a administré au plaignant le coup de coude de distraction qui, par inadvertance, a atteint le plaignant au visage, alors que le plaignant avait initialement été mis au sol, soit ultérieurement, après que le plaignant eut donné des coups de pied à l’AI, lorsque ce dernier l’a plaqué au sol une deuxième fois.

À l’hôpital, le plaignant a reçu un diagnostic de nez cassé, qui a été réaligné sans nécessiter davantage de traitement.

Le registre des données sur les décharges de l’AIE a confirmé que l’AIE de l’AT no 2 a été déchargée une fois, pendant cinq secondes, à 2 h 32 m 12 s du matin.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déposition du TC no 1, des renseignements fournis aux agents de police lors de l’appel au 9‐1‐1 et de ce que tant l’AI que l’AT no 2 a observé du plaignant qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait conduit un véhicule à moteur alors qu’il était en état d’ébriété. Malgré le fait que la décision a été prise ultérieurement de ne pas déposer d’accusations contre le plaignant parce que la police n’a pas été en mesure de déterminer le moment réel auquel le plaignant avait conduit son véhicule, du fait que la voiture était immobilisée et coincée sur le champ d’agriculteur à l’arrivée de la police et que personne n’avait effectivement le plaignant conduire, cela ne change pas le fait qu’au moment de l’interaction, la police possédait suffisamment de renseignements pour avoir des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis l’infraction de conduite avec facultés affaiblies, se fiant à l’information selon laquelle le plaignant était en état d’ébriété, était en possession de la clé du véhicule à moteur, avait admis aux témoins qu’il avait conduit le véhicule à moteur et agissait d’une façon qui indiquait qu’il avait encore la garde ou le contrôle de la voiture, ce qui comprenait la tentative de faire remorquer le véhicule. Par conséquent, les agents étaient légalement fondés à appréhender le plaignant dans ces circonstances.

En ce qui concerne la force employée par les agents de police dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, il faut tenir compte de la situation avec laquelle les agents de police composaient au moment où la blessure a été subie pour déterminer si la force employée était excessive ou non. Les policiers qui étaient sur les lieux ont tous deux indiqué que le plaignant était en état d’ébriété, qu’il avait vivement résisté à son menottage, qu’il avait donné des coups de pied à l’AI sur la partie supérieure de la cuisse, près de l’aine, et qu’il avait tiré vers lui la main que l’on venait de menotter, alors que l’autre menotte pendait de sa main et que le plaignant aurait pu s’en servir comme d’une arme potentielle contre les agents de police. En outre, le plaignant a été décrit de diverses façons comme s’étant débattu, ayant enfoui un bras sous son torse, ayant crié, juré et insulté les policiers et leur ayant donné des coups de pied. J’estime que ces observations du comportement du plaignant pendant son interaction avec l’AI et l’AT no 2 concordent avec les observations du personnel médical selon lesquelles le plaignant était [traduction] « combatif, non coopératif et agressif » ainsi que les observations après coup de l’AT no 1, qui a dit qu’elle avait vu le plaignant se comporter encore de façon agressive, crier des obscénités et se débattre pendant que l’AI le maintenait au sol. Par conséquent, je suis convaincu que le plaignant résistait bruyamment et fortement à son arrestation par la police et que, pour être capables de le contrôler et de le menotter, les agents de police l’ont d’abord mis au sol puis ont déployé sur lui l’AIE.

Compte tenu de ces faits, bien que je conclue que la blessure subie par le plaignant a été causée par les policiers soit lorsque le plaignant a été mis au sol, soit lorsque l’AI lui a administré un coup de coude de distraction qui, par inadvertance, a atteint le plaignant au visage, je conclus qu’au sens du paragraphe 25(1) du Code criminel, les policiers en cause n’ont pas recouru à plus de force que ce qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution de leur obligation légale d’appréhender un homme en état d’ébriété, combatif et opposant une résistance et que la force employée par les agents de police n’a pas été supérieure à ce qui était nécessaire pour leur permettre de se protéger du plaignant, de le maîtriser et de le menotter. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans cette affaire, que les gestes posés par les agents de police étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas de motifs de porter des accusations criminelles en l’espèce.

Date : 20 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.