Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-063

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par une femme âgée de 29 ans lors de son arrestation, le 2 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 avril 2017, à 20 h 30, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par la plaignante lors de sa mise sous garde.

Le SPT a déclaré que le 2 avril 2017, vers 15 h, des agents du SPT ont arrêté la plaignante sur la rue Front, après qu’elle eut volé des bouteilles de vodka dans un magasin de la LCBO non loin de là. Durant l’arrestation, la plaignante et l’un des agents ayant procédé à l’arrestation sont tombés sur le sol. La plaignante s’est plainte de douleurs à l’épaule et a été emmenée à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture à la clavicule gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignante :

femme âgée de 29 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

AT n° 4 A participé à une entrevue

AT n° 5 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Dans l’après‐midi du 2 avril 2017, la plaignante a volé de l’alcool au magasin de la LCBO situé sur la rue Front Est, à Toronto, et a plus tard été vue en train de marcher en direction est, tirant un chariot à provisions à roulettes contenant l’alcool volé. Le SPT a été appelé.

L’AI et l’AT no 3 ont répondu à l’appel et ont localisé la plaignante non loin de là, sur la rue Berkeley. Depuis l’auto‐patrouille, l’AT no 3 a appelé la plaignante en lui disant de s’arrêter, mais elle a ignoré les agents. L’AI s’est rangé sur le bas‐côté, le long du trottoir, juste en avant de la plaignante et les deux agents sont sortis de l’auto‐patrouille. L’AT no 3 a de nouveau dit à la plaignante de s’arrêter et qu’elle était en état d’arrestation pour vol. La plaignante a traversé en courant la rue Berkeley, continuant de tirer derrière elle le chariot à provisions. L’AI et l’AT no 3 sont partis à la poursuite de la plaignante.

La plaignante a laissé aller son chariot et a quitté la chaussée en montant sur le trottoir. L’AI a rattrapé la plaignante et l’a agrippée par ses vêtements pour l’immobiliser. La plaignante a perdu l’équilibre et est tombée en avant, entraînant l’AI avec elle. L’épaule de la plaignante a heurté un arbre tandis que l’AI s’est cogné contre un lampadaire de rue.

La plaignante s’est plainte de douleurs à l’épaule et a été transportée à l’hôpital. Il a été déterminé qu’elle avait subi une fracture du tiers moyen (milieu) de la clavicule.

Preuve

Les lieux de l’incident

La plaignante a été arrêtée sur un trottoir côté est de la rue Berkeley, près de l’entrée nord du magasin Staples, où se trouve un terrain de stationnement situé au 250 rue Front Est. La scène de l’incident n’a pas été bouclée pour les fins de l’enquête de l’UES.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques. L’UES a obtenu les enregistrements vidéo du système de télévision en circuit fermé (TVCF) d’un commerce situé sur la rue Berkeley ainsi que du système de surveillance de la succursale de la LCBO de la rue Front Est.

Enregistrement TVCF de la rue Berkeley

Les séquences ont été enregistrées en temps réel le 2 avril 2017, de 15 h 50 à 16 h 06, et elles montrent ce qui suit :

  • Vers 15 h 50 m 55 s, une auto‐patrouille identifiée du SPT circulait en direction sud sur la rue Berkeley, vers la rue Front Est
  • Vers 15 h 52 m 47 s, une deuxième auto‐patrouille identifiée du SPT s’est engagée sur la voie de circulation en sens inverse, direction sud, de la rue Berkeley et s’est arrêtée en angle près du trottoir. Deux agents de police en uniforme [que l’on croit être l’AI et l’AT no3] sont sortis de l’auto‐patrouille et ont commencé à marcher sur la rue puis sont sortis du champ de vision de la caméra
  • Vers 15 h 52 m 54 s, une troisième auto‐patrouille identifiée du SPT circulait en direction sud sur la rue Berkeley et a dépassé l’AI et l’AT no3 qui marchaient sur la rue
  • À 15 h 54 m 57 s, une quatrième auto‐patrouille identifiée du SPT roulait en direction sud sur la rue Berkeley
  • Vers 15 h 55 m 04 s, la première auto‐patrouille identifiée du SPT a fait demi‐tour et circulait en direction sud sur la rue Berkeley
  • À 15 h 56 m 18 s, l’AI a traversé la rue Berkeley, a repris place dans son auto‐patrouille et a conduit dans le sens opposé, sortant du champ de la caméra

Une deuxième caméra était fixée au‐dessus de la grande porte coulissante donnant sur l’aire de travail du garage situé sur la rue Berkeley. Le trottoir du côté ouest de la rue Berkeley était visible, de même qu’une petite partie de la chaussée et du trottoir côté est de la rue Berkeley.

  • Vers 15 h 50 m 57 s, la caméra fixée au‐dessus de la porte de garage montre la première auto‐patrouille identifiée en train de rouler en direction sud sur la rue Berkeley, vers la rue Front Est
  • À 15 h 52 m 38 s, la même caméra montre la plaignante marchant très vite vers la rue King Est. Elle portait une veste blanche à capuchon et tirait un chariot à provisions à roulettes
  • À 15 h 52 m 42 s, la deuxième auto‐patrouille identifiée du SPT est passée devant la caméra et s’est arrêtée plus loin, hors du champ de vision de la caméra
  • À 15 h 52 m 58 s, un agent de police [que l’on croit maintenant être l’AI] est tombé sur la chaussée, près d’un petit arbre, sur le trottoir d’en face
  • À 15 h 53 m 01 s, une auto‐patrouille s’est garée sur le terrain de stationnement du magasin Staples, sur le trottoir d’en face, et un agent de police est sorti de l’auto‐patrouille. Ce même policier est retourné dans son auto‐patrouille à 16 h 00 m 47 s
  • À 15 h 55 m 28 s, la première auto‐patrouille identifiée du SPT a roulé en direction sud sur la rue Berkeley, vers la rue Front Est

Enregistrements du système de caméra à bord du véhicule (CV) pour l’auto‐patrouille de l’AI

Les images du système de caméra dans le véhicule (CV) pour l’auto‐patrouille de l’AI (la deuxième auto‐patrouille identifiée du SPT qui a été vue dans les enregistrements de TVCF de la rue Berkeley) qui ont été enregistrées le 2 avril 2017, de 15 h 58 m 47 s à 16 h 53 m 29 s, ont été remises à l’UES. Dans ces séquences, on voyait ce qui suit :

  • À 15 h 58, l’enregistrement a commencé. L’auto‐patrouille de l’AI était stationnaire sur le terrain de stationnement du magasin Staples. Le champ de vision de la caméra à bord du véhicule a capté des images de la rue Berkeley, et l’audio n’était pas activé
  • À 15 h 59, la caméra CV est maintenant braquée sur le siège arrière de l’auto‐patrouille, où s’est assise la plaignante. Elle a été menottée les mains devant et l’enregistrement audio a ensuite été activé. La plaignante pleurait et elle se tenait l’épaule gauche avec la main droite. Elle a crié [traduction] « aye » à plusieurs reprises
  • À 16 h, la plaignante a dit qu’elle voulait rentrer chez elle et continuait de gémir. L’AT no3 a rappelé à la plaignante qu’elle était filmée. Quelques instants plus tard, la plaignante a dit [traduction] « Oh, mon épaule » et s’est plainte que cela faisait mal. Sur l’enregistrement, on entend l’AI demander à l’AT no 3 s’il avait vu le déroulement de l’incident et l’AT no 3 répondre qu’il ne l’avait pas vu dans son intégralité
  • À 16 h 01, la plaignante a dit qu’elle s’était frappé l’épaule contre l’arbre et avait été poussée en avant et vers l’arrière. Quelques instants après, on entend l’AI dire qu’il s’est cogné durement contre un lampadaire. À ce moment‐là, on entend un agent de police informer la plaignante qu’on l’emmenait à l’hôpital
  • À 16 h 02 m 01 s, la plaignante s’est excusée d’avoir tenté d’échapper à la police
  • À 16 h 04 m 04 s, elle s’est tenu l’épaule gauche avec la main droite et a commencé à crier. La plaignante est arrivée à l’hôpital vers 16 h 08

Enregistrements vidéo de la mise en détention fournis par le SPT

Le SPT a fourni à l’UES les enregistrements vidéo de la mise en détention faits le 2 avril 2017, à la division du SPT. Les images des enregistrements ont été captées en temps réel de 20 h 20 m 14 à 20 h 29 m 34 s et montrent ce qui suit :

  • À 20 h 20 m 14 s, l’enregistrement commence par montrer la plaignante assise sur un banc devant l’agent responsable des mises en détention [le sergent chargé des mises en détention], qui explique à la plaignante les aires du poste de police où elle est filmée
  • À 20 h 20 m 27 s, l’AT no5 demande qu’on procède à une fouille de niveau trois[1] sur la plaignante car celle‐ci était déjà fichée comme étant une consommatrice de drogues illicites. Le sergent chargé des mises en détention autorise la fouille de niveau trois
  • À 20 h 20 m 42 s, la plaignante se lamente et dit quelque chose d’inaudible
  • À 20 h 20 m 53 s, l’AT no5 informe le sergent chargé des mises en détention que la plaignante a été emmenée à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une clavicule fracturée
  • À 20 h 21 m 11 s, le sergent chargé des mises en détention demande aux policiers chargés de l’enquête de remplir un rapport de blessure
  • À 20 h 21 m 17 s, la plaignante marmonne quelque chose d’inaudible
  • À 20 h 21 m 30 s, la plaignante se tient l’épaule gauche avec la main droite
  • À 20 h 21 m 51 s, le sergent chargé des mises en détention pose à la plaignante les habituelles questions sur sa santé et son bien‐être. Il prend note que la plaignante a eu la clavicule fracturée. La plaignante confie au sergent qu’elle avait consommé du crack vers 13 h, le 2 avril 2017
  • À 20 h 23 m 34 s, l’enregistrement vidéo est mis sur « pause » pendant qu’on procède à la fouille de niveau trois sur la plaignante
  • À 20 h 28 m 47 s, l’enregistrement reprend, montrant la plaignante assise sur un banc. Une agente de police informe le sergent chargé des mises en détention des résultats de la fouille de niveau trois, soit un élastique à cheveux, une bandoulière pour le bras et une corde provenant du capuchon de la plaignante
  • À 20 h 29 m 30 s, l’agente de police escorte la plaignante jusqu’à sa cellule.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • tableau de données du système automatisé de localisation des véhicules (SALV) pour l’auto‐patrouille de l’AI
  • données GPS provenant du SALV pour l’auto‐patrouille de l’AI
  • vidéo de la mise en détention
  • vidéo enregistrée dans la cellule
  • enregistrements des communications
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapport d’incident général
  • enregistrements du système de CV pour l’auto‐patrouille de l’AI
  • notes de l’AT no1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4 et de l’AT no 5
  • photos des blessures de la plaignante et de l’AI
  • système automatisé de répartition (ADS) – résumé des conversations
  • déposition de témoin prise par le SPT – gérant du magasin de la LCBO

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 322(1) du Code criminel – Vol

322 (1) Commet un vol quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit, ou détourne à son propre usage ou à l’usage d’une autre personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose quelconque, animée ou inanimée, avec l’intention :

  1. soit de priver, temporairement ou absolument, son propriétaire, ou une personne y ayant un droit de propriété spécial ou un intérêt spécial, de cette chose ou de son droit ou intérêt dans cette chose
  2. soit de la mettre en gage ou de la déposer en garantie
  3. soit de s’en dessaisir à une condition, pour son retour, que celui qui s’en dessaisit peut être incapable de remplir
  4. soit d’agir à son égard de telle manière qu’il soit impossible de la remettre dans l’état où elle était au moment où elle a été prise ou détournée

Article 334 du Code criminel – Punition du vol

334 Sauf disposition contraire des lois, quiconque commet un vol :

  1. est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien volé est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse cinq mille dollars
  2. est coupable :
    1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
    2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas cinq mille dollars.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 2 avril 2017, vers 15 h 48, le SPT a été avisé qu’une femme tirant un chariot à provisions à roulettes venait de voler deux bouteilles de vodka de marque Grey Goose au magasin de la LCBO situé sur la rue Front, dans la ville de Toronto. Le SPT a aussi reçu d’autres renseignements indiquant que la femme (la plaignante) était sortie du magasin et marchait en direction est sur la rue Front, tirant derrière elle son chariot à provisions contenant l’alcool volé. Ainsi, deux unités ont été envoyées au magasin de la LCBO, une auto‐patrouille à bord de laquelle se trouvaient l’AI et l’AT no 3 et l’autre conduite par l’AT no 1. La plaignante a fini par être appréhendée par l’AI et l’AT no 3; pendant son interaction avec la police, la plaignante a subi une fracture à la clavicule.

Malheureusement, il n’y a eu aucun témoin civil de l’interaction entre les policiers et la plaignante, mais, à la lumière du compte rendu fait par la plaignante et des déclarations de l’AT no 1 et de l’AT no 3, ainsi que du récit de la chronologie des événements que l’AI à fait à l’AT no 2, un portrait assez précis de la séquence des événements a pu être brossé. Les faits n’ont pas été contestés.

L’AT no 3 a déclaré que l’AI et lui‐même, à bord de l’auto‐patrouille, se sont rangés à côté de la plaignante, sur la rue Berkeley, et lui ont crié de s’arrêter; à la place, la plaignante a continué de regarder devant et a fait fi de la présence des policiers. L’AI a alors conduit l’auto‐patrouille jusqu’au trottoir, l’arrêtant juste devant la plaignante, et est sorti du véhicule en compagnie de l’AT no 3, qui a établi un contact visuel avec la plaignante et lui a de nouveau dit de s’arrêter et qu’elle était en état d’arrestation pour vol. La plaignante a traversé la rue Berkeley en tirant son chariot derrière elle, et l’AI et l’AT no 3 se sont mis à la poursuivre. La plaignante a alors laissé aller le chariot et les policiers l’ont rattrapée tandis qu’ils arrivaient au côté est de la rue Berkeley. La plaignante a quitté la chaussée en montant sur le trottoir au moment même où l’AI l’a rattrapée et l’a agrippée par les vêtements; la plaignante a perdu l’équilibre et est tombée en avant, entraînant avec elle l’AI. En tombant, la plaignante s’est cogné l’épaule contre un arbre et l’AI a lâché sa prise de la plaignante, mais a continué de tomber en avant et a heurté un lampadaire. La plaignante a ensuite été arrêtée sans opposer davantage de résistance; elle a indiqué qu’elle s’était blessée à l’épaule pendant que l’AI, qui semblait sonné, saignait à la joue, qui semblait enflée.

Bien que l’AI n’ait pas fourni de déclaration aux enquêteurs, comme il en a légalement le droit, lorsque l’AT no 2 est arrivé sur les lieux de l’incident, peu de temps après l’interaction, l’AI l’a informé qu’il était parti à la poursuite de la plaignante tandis qu’elle traversait la rue Berkeley et qu’il avait essayé de l’agripper, qu’ils ont alors tous les deux perdu pied et sont tombés sur le sol, l’AI se cognant à un lampadaire et la plaignante heurtant quelque chose d’autre.

L’AT no 1, qui recherchait aussi la plaignante, est arrivé sur la rue Berkeley à temps pour voir la plaignante tirer son chariot au moment où l’AI et l’AT no 3 sont arrivés à bord de leur auto‐patrouille et lui ont crié de s’arrêter. L’AT no 1 a observé la plaignante traverser en courant la rue Berkeley, laisser tomber son chariot au milieu de la chaussée et continuer à courir pendant que l’AI et l’AT no 3 la poursuivaient à pied. L’AT no 1 a dit qu’il a observé l’AI et l’AT no 3 rattraper la plaignante alors qu’elle atteignait le côté est de la rue, endroit où la plaignante a trébuché sur le trottoir et où l’AI et l’AT no 3 l’ont agrippée alors qu’elle tombait, ce qui a causé la chute des trois personnes contre un arbre et contre un lampadaire. L’AT no 1 a vu la plaignante rebondir soit d’un arbre soit d’un lampadaire en tombant et a observé l’AI se cogner aussi le visage contre quelque chose.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il semble non contesté que l’AI, alors qu’il tentait d’arrêter la plaignante en fuite, qui venait de commettre une infraction de vol de moins de 5 000 $ en contravention du Code criminel, a rattrapé celle‐ci et l’a agrippée par les vêtements juste au moment où elle atteignait le trottoir de la rue Berkeley, endroit où elle a trébuché, et que, en raison de l’élan pris tant par l’AI que par la plaignante, les deux sont tombés en avant sur le sol, la plaignante se cognant l’épaule contre un arbre et subissant une fracture de la clavicule et l’AI se cognant contre le lampadaire et subissant une blessure au visage. Hormis le fait d’avoir agrippé les vêtements de la plaignante, ce qui a pu la faire trébucher et tomber, il n’y a aucune allégation qu’un agent de police a employé toute autre force contre la plaignante.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’appréhension de la plaignante, il ressort clairement des renseignements que la police possédait alors qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que la plaignante venait de voler de la marchandise au magasin de la LCBO et qu’elle tentait de prendre la fuite avec les biens volés. Ainsi, la poursuite et l’appréhension de la plaignante étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui a trait à la force employée par les policiers dans leurs tentatives d’appréhender la plaignante, je conclus que leur conduite était justifiée dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour arrêter la course de la plaignante, qui, manifestement, tentait d’échapper à la police avec les biens volés. S’il est probable que la plaignante ait pu tomber toute seule alors qu’elle s’enfuyait en courant et qu’elle a trébuché sur le trottoir, il est tout aussi probable qu’elle ait trébuché au moment où l’AI l’a agrippée par les vêtements[2], mais, même si la plaignante était tombée et s’était blessée uniquement en raison des actions que l’AI a exercées pour arrêter la fuite de la plaignante, je ne saurais conclure qu’une force excessive a été employée. Dans la présente affaire, il est clair que la force employée par l’AI n’a pas été plus que ce qui était nécessaire pour rattraper la plaignante et l’agripper par les vêtements tandis qu’elle tentait d’échapper à la police et qu’elle a simultanément trébuché sur le trottoir, ce qui a donné un élan vers l’avant tant à l’AI qu’à la plaignante, de sorte que la plaignante s’est cognée contre l’arbre et l’AI s’est cogné contre le lampadaire lorsqu’ils sont tombés tous les deux; par conséquent, je conclus que les actions exercées par l’AI étaient dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour arrêter la fuite de la plaignante. En tirant cette conclusion, je trouve appui dans la jurisprudence qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (décision R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et qu’on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206).

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension et l’arrestation de la plaignante et la manière dont elles ont été effectuées étaient légitimes malgré la blessure subie par la plaignante. Je conclus également que, en prenant délibérément la décision de fuir la police plutôt que de s’arrêter lorsque les agents le lui ont demandé, la plaignante a provoqué une série d’événements qui ont amené l’AI à partir à sa poursuite afin de l’arrêter et qui, en bout de ligne, ont amené la plaignante à se blesser. Si elle avait décidé de s’arrêter lorsqu’on le lui a demandé, elle aurait sûrement évité la blessure malheureuse qu’elle a subie. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que la conduite des agents de police était dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas de motifs de porter des accusations en l’espèce.

Date : 30 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Aussi appelée fouille à nu. [Retour au texte]
  • 2) [2] Ou peut‑être une combinaison des deux possibilités, c’est‑à‑dire au moment où la plaignante a trébuché sur le trottoir et où l’AI l’a agrippée tandis qu’elle tombait en avant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.