Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-075

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et ayant causé un décès ou une blessure grave ou ayant donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 32 ans lors de son arrestation le 12 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 12 avril 2017, à 10 h 38, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure durant sa mise sous garde.

Le SPT a signalé que le mercredi 12 avril 2017, vers 0 h 40, des agents sont intervenus suite à un appel concernant des troubles inconnus dans un immeuble à appartements. Après leur arrivée, les agents ont arrêté le plaignant pour voies de fait. Durant son arrestation, le plaignant est devenu combatif et a été amené au sol et maîtrisé. Puis, on l’a transporté à la division du SPT, où il a été placé en détention en vue d’une audience de mise en liberté sous caution.

Vers 4 h, le plaignant a été amené à l’hôpital après s’être plaint qu’il avait de la difficulté à respirer. à 9 h, selon le diagnostic, le plaignant avait une fracture de l’os orbitaire (côté gauche). On lui a donné des antidouleurs et on l’a remis à la police.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

Homme âgé de 32 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

AI no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Juste après minuit le 12 avril 2017, le plaignant et le TC no 1 ont eu une dispute verbale et puis une altercation physique à l’appartement du plaignant à Toronto. Le SPT a reçu un certain nombre d’appels au numéro 9‐1‐1 concernant la dispute, et l’AI no 1 et l’AI no 2 sont intervenus.

Quand l’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés dans le corridor à l’extérieur de l’appartement du plaignant, ils ont frappé à la porte du plaignant. Le plaignant a répondu mais a refusé de laisser entrer les agents de police. Le plaignant est sorti dans le corridor pour parler aux agents, a ensuite poussé l’AI no 1 hors du chemin et est retourné dans son appartement. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont suivi le plaignant dans l’appartement sombre pour l’arrêter, et le plaignant a donné un coup de poing au visage de l’AI no 1. Une altercation physique a suivi, et l’AI no 1 et l’AI no 2 ont traîné le plaignant dans le corridor.

Durant l’échauffourée dans le corridor, le plaignant a agrippé l’AI no 1 à l’œil, lequel s’est mis à saigner. Dans le but de contrôler le plaignant, l’AI no 1 lui a donné plusieurs coups de poing au visage, alors que l’AI no 2 lui a donné plusieurs coups de genou au haut du corps. Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux, mais le plaignant a refusé de recevoir des soins médicaux.

Après que le plaignant a été transporté à la division du SPT, il s’est plaint qu’il avait de la difficulté à respirer. Le plaignant a été transporté par ambulance à l’hôpital, où, selon le diagnostic posé, il avait l’os orbitaire gauche fracturé.

Preuve

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. L’UES a reçu la vidéo de sécurité de TVCF (télévision en circuit fermé) provenant des caméras se trouvant dans le corridor, y compris devant l’appartement du plaignant.

Résumé des images de TVCF

Camera no 9 – Corridor au deuxième étage, en face à l’appartement du concierge.

L’appartement du concierge se trouve à l’extrémité opposée du corridor où habite le plaignant. Voici un résumé des images vidéo :

  • le jeudi 12 avril, à 0 h 33 m 57 s, le TC no 1 frappe à la porte du concierge et le TC no 3 entre dans le corridor. Les TC nos 3 et 1 se déplacent dans le corridor vers l’appartement du plaignant et à 0 h 39 m 50 s, ils retournent à la porte du TC no 3
  • à 0 h 46 m 32 s, le TC no 1 quitte le secteur en empruntant l’escalier à côté de l’appartement du concierge
  • à 0 h 50 m 10 s, deux agents de police entrent dans le corridor à partir de l’escalier situé à côté de l’appartement du TC no 3. Le TC no 3 et les deux agents de police se rendent dans le corridor vers l’appartement du plaignant. L’un des policiers porte une tuque noire. Le TC no 3 retourne vers son appartement
  • à 0 h 55 m 12 s, deux ambulanciers paramédicaux arrivent à l’appartement du concierge
  • à 0 h 56 m 10 s, trois agents de police arrivent dans le corridor et marchent vers l’appartement du plaignant
  • à 0 h 57 m 40 s, le plaignant se dirige dans le corridor et passe devant l’appartement du concierge et va vers l’escalier utilisé par les agents de police qui étaient les premiers à arriver à l’immeuble. Le plaignant a les mains menottées derrière le dos

Camera no 11 – Corridor au deuxième étage, en face de l’appartement du plaignant :

Voici un résumé des images vidéo :

  • à 0 h 36 m 15 s, les TC nos 1 et 3 se rendent à l’appartement du plaignant. Le TC no 3 frappe à la porte de l’appartement et le TC no 1 se tient derrière le TC no 3. Le TC no 1 se rapproche du TC no 3 et il semble parler au plaignant
  • à 0 h 38 m 14 s, le TC no 1 et le plaignant commencent à lutter corps à corps à la porte et finissent par se retrouver dans l’appartement
  • à 0 h 38 m 56 s, le TC no 3 quitte l’appartement du plaignant et le TC no 1 le quitte en rampant
  • à 0 h 50 m 25 s, deux agents de police, suivis du TC no 3, se rendent à l’appartement du plaignant. L’un des agents porte une tuque noire et une chemise à manches courtes. L’autre agent de police est chauve et porte une chemise à manches longues. L’agent de police chauve frappe à la porte de l’appartement du plaignant. L’agent de police portant la tuque noire se trouve derrière l’agent de police chauve. La porte de l’appartement du plaignant s’ouvre et l’agent de police chauve se place sur le seuil de la porte
  • à 0 h 51 m 09 s, le plaignant avance dans le corridor et l’agent de police chauve se place entre le plaignant et la porte
  • à 0 h 51 m 35 s, le plaignant pousse l’agent de police chauve et entre dans l’appartement, suivi de l’agent de police chauve et de l’agent de police à la tuque
  • à 0 h 51 m 49 s, les agents de police tirent le plaignant dans le corridor et il y a une échauffourée. L’agent portant la tuque donne des coups de genou au plaignant. Le plaignant et les deux agents de police tombent au sol. Le plaignant se trouve sur les genoux, sur le plancher du corridor, et l’agent de police à la tuque noire se trouve sur son dos. L’agent de police chauve semble donner un coup de poing droit au plaignant
  • à 0 h 53 m 29 s, l’agent de police chauve utilise son émetteur portable et l’agent de police à la tuque tient le plaignant
  • à 0 h 54 m 45 s, l’agent de police chauve entre dans l’appartement du plaignant
  • à 0 h 55 m 24 s, un ambulancier paramédical arrive à l’appartement du plaignant et une minute plus tard, deux autres agents de police arrivent sur les lieux
  • à 0 h 56 m 22 s, les deux premiers agents de police aident le plaignant à se mettre debout et ensemble, ils se dirigent vers l’appartement du concierge

Enregistrement vidéo de la caméra dans le véhicule – voiture de patrouille de l’AI no 1 et de l’AI no 2

  • à 0 h 59 m 13 s, le plaignant est placé sur le siège arrière de la voiture de patrouille. L’éclairage est mauvais, et il est difficile de voir le visage du plaignant
  • on entend des coups et à 1 h 00 m 17 s, on entend le plaignant dire [traduction] « je saigne, je saigne ». On demande au plaignant de s’identifier. Le plaignant dit de nouveau à l’agent de police qu’il saigne et demande un pansement. L’agent de police lui dit que cela est arrivé parce qu’il a agressé deux policiers. On fournit les mises en garde habituelles au plaignant et on lui dit qu’il fait l’objet d’un enregistrement audio et vidéo. Un agent de police dit au plaignant que s’il a besoin de soins médicaux, ils prendront les arrangements nécessaires. Le plaignant est hors d’haleine et il dit aux policiers qu’il a du sang dans ses voies respiratoires. L’agent de police répond [traduction] : « Non, vous réussissez à bien parler, donc vous allez bien. Nous allons au poste de police; on vous placera dans une belle cellule où vous pourrez respirer. »
  • à 1 h 06 m 45 s, la voiture de patrouille commence à se déplacer et à 1 h 07 m 39 s, un agent de police dit [traduction] « oh ouais, sacrée bonne entaille à mon Å“il ici, mon ami. »

Résumé de l’enregistrement audio et vidéo de la mise en détention

  • à 1 h 36 m 32 s, deux agents de police se rendent au côté passager d’une voiture de patrouille dans l’entrée sécurisée du poste de police. On amène le plaignant à la salle de mise en détention
  • à 1 h 37 m 05 s, un agent de police dit au sergent de mise en détention que le plaignant a été arrêté pour agression contre des policiers. Le sergent est informé que le plaignant a été arrêté afin de mettre fin à l’infraction et pour protéger le public. Le plaignant n’a jamais eu affaire à la police par le passé et il commence à dire au sergent ce qui s’est passé et qu’il ne comprend pas pourquoi il a été arrêté. Le sergent demande au plaignant s’il est blessé et il répond qu’il été frappé au visage et que les agents de police sont entrés dans sa résidence. Le sergent dit au plaignant qu’il peut voir quelque chose à son visage et le plaignant dit au sergent d’oublier cela. Un agent de police déclare qu’il soumettra un rapport sur les blessures. Le policier demande une fouille de troisième niveau[1] et le sergent l’autorise;
  • à 1 h 43 m 04 s, on procède à la fouille de niveau trois
  • à 3 h 39 m 25 s, on voit des ambulanciers paramédicaux et des agents de police dans la salle de mise en détention et le plaignant est couché sur une civière. Le plaignant se plaint de troubles respiratoires et lorsqu’il tousse, il crache du sang. Quelqu’un dit qu’il sera emmené à l’hôpital

Enregistrements des communications

Résumé des communications

Le TC no 6 a appelé au numéro 9-1-1 et a signalé qu’il y avait un conflit familial dans une résidence. Un homme avait jeté un autre homme à l’extérieur de l’appartement, et il ne croyait pas qu’il y avait des blessés. Une femme dans un appartement voisin a également appelé le numéro 9-1-1 et a déclaré qu’il y avait eu un conflit familial et que le propriétaire de l’immeuble avait demandé que quelqu’un appelle le numéro 9-1-1. Un autre appelant a composé le 9-1-1 et a demandé qu’une ambulance vienne et que la police se rende à l’appartement au deuxième étage; un couple avait eu un différend, et les deux personnes étaient probablement blessées.

Les AI nos 1 et 2 ont été envoyés en réponse à l’appel concernant des troubles inconnus à l’immeuble à appartements. Le répartiteur a indiqué qu’il s’agissait peut-être d’un conflit familial.

Un policier, hors d’haleine, a indiqué en utilisant sa radio qu’une personne avait été placée sous garde et a demandé du renfort. Les AT nos 1 et 2 ont été dépêchés à l’adresse. Soit l’AI no 1, soit l’AI no 2 a dit au répartiteur qu’ils avaient un homme à bord de leur véhicule, et le répartiteur a précisé qu’il était 1 h 06 à ce moment-là.

Éléments obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPT et puis les a examinés :

  • enregistrements des communications
  • enregistrements de la caméra dans le véhicule – voiture de patrouille des AT nos 1 et 2
  • vidéo de mise en détention
  • vidéo enregistrée dans la cellule
  • registre des vérifications des cellules
  • rapports sur les détails de l’incident
  • rapport général d’incident
  • notes des AT nos 1, 2, 3 et 4
  • rapport des fiches de service - soirs
  • rapport des fiches de service - nuits
  • procédure - personnes détenues
  • procédure – emploi de la force
  • vérification sommaire des dossiers locaux
  • système automatisé de répartition (FDM) – résumé de la conversation
  • photos des blessures du plaignant et de l’AI no 1
  • photo de mise en détention du TPS
  • dossier de formation – AI no 1

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 265(1) du Code criminel - Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

Article 267 du Code criminel - Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme;
  2. inflige des lésions corporelles au plaignant,

Paragraphe 270(1) du Code criminel - Voies de fait contre un agent de la paix

270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte;
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher;
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du Directeur

Le 12 avril 2017, le SPT a reçu un certain nombre d’appels au numéro 9‐1‐1 d’une adresse dans la ville de Toronto, signalant qu’il y avait eu un différend, peut‐être familial, au deuxième étage de l’immeuble et que le concierge avait demandé qu’on appelle la police. Par conséquent les AI nos 1 et 2 ont été envoyés à l’adresse pour enquêter et y sont arrivés vers 0 h 49. Peu après, le plaignant a été arrêté et transporté au poste de police. Plus tard, il a été transporté à l’hôpital par ambulance, où il a été évalué, ce qui a permis d’établir qu’il avait subi une fracture légèrement déprimée à l’arcade zygomatique (pommette) gauche et une fracture à la paroi orbitaire inférieure (cavité oculaire) et à la paroi antérieure du sinus maxillaire gauche.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, le plaignant a expliqué qu’il avait été forcé au sol par les AI nos 1 et 2 et avait reçu des coups de poing au torse et au côté gauche de la tête. Puis, on l’avait traîné et on lui avait de nouveau donné des coups de poing et ensuite, on lui avait coupé la respiration en lui plaçant un bras sous le menton et il avait reçu des coups de genou au visage.

Les enquêteurs se sont entretenus avec six témoins civils, en plus du plaignant, et avec six agents de police témoins, y compris les deux agents de police impliqués. Les enquêteurs avaient également accès aux notes dans les calepins de tous les agents de police en cause, ainsi qu’aux enregistrements des appels au numéro 9‐1‐1, aux enregistrements des communications et registres de la police, aux images vidéo filmées par les caméras de télévision en circuit fermé de l’immeuble, à la vidéo prise par la caméra dans la voiture de police qui a servi à transporter le plaignant et au vidéo dans la salle de détention au poste de police.

Les séquences vidéo de TVCF de l’immeuble ont révélé ce qui suit :

  • à 0 h 33 m 57 s, le TC no 1 frappe à la porte du concierge et puis le TC no 3 et le TC no 1 se rendent à l’autre extrémité du corridor, où se trouve l’appartement du plaignant
  • à 0 h 36 m 15 s, on voit le TC no 1 et le TC no 3 s’approcher de l’appartement du plaignant et le TC no 3 frappe à la porte. Pendant que le TC no 3 parle au plaignant, le TC no 1 intervient fréquemment dans la conversation; on ne voit pas le plaignant, puisqu’apparemment, il se trouve à l’intérieur de son appartement et hors du plan de la caméra
  • à 0 h 38 m 14 s, on voit le plaignant sortir de son appartement et pousser le TC no 1 et puis on voit les deux hommes lutter dans le corridor, et après cela, ils disparaissent tous deux dans l’appartement hors de la vue de la caméra, et ils sont suivis par le TC no 3
  • à 0 h 38 m 26 s, on voit le TC no 3 ressortir dans le corridor, mais rentrer ensuite à nouveau dans l’appartement et en ressortir une fois de plus à 0 h 38 m 56, suivi du TC no 1, qui soit est jeté dehors, soit sort de l’appartement sur ses mains et genoux. Le TC no 1 se remet alors debout et il semble qu’il continue d’avoir une discussion animée avec le plaignant, qui se trouve hors du plan de la caméra, dans l’appartement
  • à 0 h 39 m 13 s, on voit le TC no 1 qui commence à s’éloigner de l’appartement vers la caméra; son chandail semble avoir été déchiré ou est ouvert et il tient le côté de sa tête avec sa main. Puis, il retourne à l’appartement où le TC no 3 est toujours debout sur le seuil et il semble y avoir une autre discussion avec le plaignant, qui n’est pas visible, et à 0 h 39 m 34 s, le TC no 1 et le TC no 3 reviennent vers la caméra et sortent du plan de celle‐ci
  • à 0 h 50 m 25 s, deux agents de police marchent vers l’appartement du plaignant, et le TC no 3 les suit. L’un des agents de police porte une tuque noire et une chemise à manches courtes (AI no 1), tandis que l’autre est chauve et nu‐tête et porte une chemise à manches longues (AI no 2). L’agent chauve cogne à la porte du plaignant, tandis que l’agent coiffé de la tuque se tient derrière lui. La porte s’ouvre et l’agent chauve se place sur le seuil de la porte
  • à 0 h 50 m 53 s, alors que les agents s’approchent de l’appartement du plaignant, le TC no 3 s’arrête et n’accompagne plus les agents de police. à 0 h 51 m 09 s, on voit le plaignant entrer dans le corridor et l’agent de police chauve se place entre lui et la porte de l’appartement et il semble y avoir une discussion entre les deux agents de police et le plaignant, et à ce moment‐là, le TC no 3 s’approche des trois interlocuteurs. à 0 h 51 m 29 s, le TC no 3 fait demi‐tour et retourne à son propre appartement
  • à 0 h 51 m 35 s, on voit le plaignant pousser l’agent de police chauve et entrer dans son appartement, suivi des deux policiers. Le TC no 3, qui avait le dos tourné, se retourne de nouveau pour voir ce qui se passe, au moment où les agents de police entrent dans l’appartement
  • à 0 h 51 m 35 s, les deux agents de police sortent de l’appartement avec le plaignant. L’agent portant la tuque sort d’abord, à reculons. Il est suivi du plaignant, qui a la tête baissée et l’agent chauve tient ses deux bras derrière le dos. L’agent portant la tuque ne semble pas toucher le plaignant des mains à ce moment‐là. Il y a une lutte évidente dans le corridor, le plaignant faisant face à la caméra avec les deux agents de police derrière lui. L’agent de police portant la tuque se place devant le plaignant et lui donne un coup de genou; il n’est pas clair à partir des images si le genou entre en contact avec le plaignant ni à quel endroit. Il est clair toutefois que la lutte se poursuit entre les trois hommes et que les agents semblent essayer de mettre le plaignant au sol. Finalement, ils atterrissent tous les trois par terre et l’un des agents se sert de son poids pour maintenir le plaignant sur le plancher, tandis que ce dernier semble essayer de se remettre debout. On voit les trois corps bouger; les trois personnes sont accroupies directement sur le sol ou ont les genoux juste au‐dessus de celui‐ci. Puis, le plaignant se retrouve sur les genoux tandis que l’agent de police à la tuque noire est sur son dos. Il semble ensuite que l’agent de police chauve donne un coup avec son poing droit au plaignant. La lutte continue d’occuper entièrement les trois protagonistes jusqu’à 0 h 53 m 15 s, lorsque les choses semblent se calmer. En raison de la distance à laquelle se trouve la caméra de l’interaction et des vêtements sombres portés par les deux agents de police, en dépit d’avoir regardé de nombreuses fois la vidéo au ralenti et en reculant, il n’était pas clair pour moi combien de coups ont été portés par les différentes personnes, hormis un coup de genou donné par l’agent portant la tuque et ce qui semblait être un coup de poing donné par l’agent chauve. La seule chose qui est réellement claire est que le plaignant est sous les agents et agenouillé, puisque son pantalon semble avoir glissé et qu’on voit apparemment ses fesses nues, et que les deux agents font beaucoup d’effort pour le maintenir au sol
  • à 0 h 53 m 29 s, l’agent de police chauve utilise sa radio portable tandis que le deuxième agent continue de tenir le plaignant
  • à 0 h 55 m 45 s, l’agent de police chauve retourne dans l’appartement du plaignant, tandis que l’autre agent demeure dans le corridor avec le plaignant
  • à 0 h 55 m 24 s, deux ambulanciers paramédicaux et deux agents de police additionnels arrivent et, à 0 h 56 m 22 s, les deux agents de police initiaux aident le plaignant à se remettre debout et ils se déplacent vers la caméra

Malgré l’affirmation du plaignant selon laquelle on ne lui a jamais dit qu’il était en état d’arrestation et que personne n’a jamais posé de questions au sujet de ses blessures, la vidéo enregistrée dans la salle de mise en détention au poste de police révèle que le sergent responsable de la mise en détention a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour avoir agressé un policier et lui a demandé s’il était blessé, auquel moment le plaignant a répondu qu’il avait reçu des coups de poing au visage et que les deux agents de police étaient entrés dans son lieu d’habitation. Lorsque le sergent a dit au plaignant qu’il pouvait voir quelque chose sur son visage, le plaignant a dit au sergent de l’oublier. à 3 h 39 m 25 s, on voit le plaignant couché sur une civière en la présence d’ambulanciers paramédicaux.

Sur la base des déclarations faites par l’AI no 1 et l’AI no 2, il a été déterminé que l’AI no 2 était l’agent qui portait la tuque. Il est impossible de distinguer les agents l’un de l’autre en regardant la vidéo; lorsqu’ils s’étaient rendus initialement vers l’appartement du plaignant, ils avaient le dos tourné vers la caméra et on peut voir que l’un est chauve et que l’autre porte une tuque noire, mais leur taille et leur physique sont extrêmement similaires. Lorsqu’ils s’approchent de la caméra et que le plaignant se trouve entre eux, aucun des agents ne porte une tuque et on peut voir qu’ils sont tous deux chauves.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AI no 2 a expliqué que lui‐même et l’AI no 1 sont arrivés à l’immeuble à appartements suite à un appel concernant des troubles inconnus. Les deux agents se sont rendus à l’appartement du plaignant et ont frappé à la porte pour enquêter et le plaignant a répondu et est sorti dans le corridor. Le plaignant a ouvert la porte juste assez pour pouvoir sortir et une fois qu’il était dans le corridor, l’AI no 2 se trouvait directement devant le plaignant, tandis que l’AI no 1 était situé à la droite de l’AI no 2. Les séquences de TVCF confirment cela. L’AI no 2 a constaté que la chemise du plaignant était déchirée et qu’il transpirait et était essoufflé. Quand l’AI no 1 lui a demandé ce qui s’était passé plus tôt, le plaignant a répondu [traduction] : « Je vous le demande. » Quand l’AI no 1 a ensuite demandé si quelque chose s’était passé avec son voisin à l’étage supérieur, le plaignant a répondu : [traduction] : « Pourquoi vous ne l’obligez pas à descendre ici et nous le saurons? » Puis, quand on lui a demandé s’il était en danger ou si quelqu’un dans son appartement était en danger, il n’a pas réagi mais il est devenu très agité et bouleversé. L’AI no 2 a dit qu’il avait alors pris la relève et avait parlé au plaignant et qu’il avait tenté de le calmer, car il craignait que quelqu’un à l’intérieur de l’appartement avait peut‐être besoin d’aide.

L’AI no 1 a expliqué que lorsque l’AI no 2 avait pris la relève et s’était mis à parler au plaignant, il avait appuyé son épaule droite contre le montant de la porte de l’appartement du plaignant et que tout à coup, celui-ci l’avait poussé vers l’arrière, sans avertissement et de façon tout à fait inattendue. Le plaignant n’a rien dit avant de pousser l’AI no 1, qui a précisé qu’il ne bloquait pas l’entrée de l’appartement. Puis, le plaignant est rapidement entré dans l’appartement, suivi de l’AI no 1, qui avait l’intention de l’arrêter pour avoir agressé un policier. L’AI no 1 a indiqué que l’appartement était sombre et qu’il avait tenté de saisir le bras droit du plaignant pour l’arrêter, mais avant qu’il eût la possibilité de dire à ce dernier qu’il était en état d’arrestation, il avait été frappé au nez et avait immédiatement goûté du sang. Les AI no 1 et AI no 2 ont alors ramené de force le plaignant dans le corridor; l’AI no 1 tenait son bras gauche tandis que l’AI no 2 tenait son bras droit et ils ont ordonné au plaignant de se coucher par terre, mais il a refusé de le faire et a résisté. L’AI no 1 a avancé son pied gauche pour faire tomber le plaignant, tandis que l’AI no 2 a donné un coup de genou à la jambe du plaignant pour tenter de lui faire perdre l’équilibre. De nouveau, cela semble être confirmé par la vidéo de TVCF.

L’AI no 2 a indiqué qu’une fois dans le corridor, le plaignant a lancé des coups de poing aux deux agents de police et l’AI no 2 lui a donné plusieurs coups de genou au haut du corps pour essayer de l’amener au sol, avec peu d’effet. L’AI no 2 a précisé que l’un de ses coups de genou avait peut‐être glissé et heurté la tête du plaignant et que lorsque l’AI no 1 a tenté de faire un croque-jambe au plaignant, les trois hommes se sont retrouvés au sol.

L’AI no 1 a expliqué que le plaignant avait atterri sur le ventre, mais qu’il avait gardé les mains sous le corps, ce qui empêchait les agents de le menotter. L’AI no 1 a indiqué qu’il se trouvait du côté droit du plaignant et qu’il était parvenu à placer le bras gauche de celui‐ci presque entièrement derrière le dos, quand il a perdu sa prise et que le plaignant a de nouveau placé les mains sous le corps. L’AI no 1 s’est rappelé qu’il avait ordonné au plaignant en criant de placer ses mains derrière le dos.

L’AI no 2 avait alors tenté de passer les menottes au plaignant, mais avait perdu sa prise et avait lâché son bras. L’AI no 2 a indiqué que la lutte avait duré plus d’une minute et qu’il avait crié contre le plaignant pour qu’il arrête de résister, arrête de se battre et qu’il se mette les mains dans le dos. L’AI no 2 a expliqué que le plaignant avait alors étiré le bras et avait enfoncé ses doigts dans l’œil gauche de l’AI no 1, et que l’AI no 2 avait placé le bras autour de la gorge du plaignant pour l’éloigner de l’AI no 1. Il a décrit le plaignant comme enfourchant l’AI no 1 et comme se tortillant, donnant des coups de pied et se battant, et à ce moment‐là, les deux agents lui ont donné des coups additionnels pour le distraire et ils avaient finalement réussi à passer les menottes au plaignant.

L’AI no 1 a expliqué que le plaignant s’était retourné sur le dos et qu’il avait levé une main en forme de pince et l’avait enfoncée vers le bas dans l’œil gauche de l’AI no 1. Puis, l’AI no 1 lui avait donné quatre ou cinq coups au visage en utilisant ses deux poings; après cela, il avait constaté que l’une des pommettes du plaignant était rouge. L’AI no 1 a indiqué que les coups donnés avaient eu l’effet voulu et que lui et l’AI no 2 avaient alors été en mesure de menotter le plaignant. Tant l’AI no 1 que l’AI no 2 ont indiqué que, hormis les coups de poing et les coups de genou, il n’avait employé aucune force contre le plaignant. L’AI no 1 a précisé qu’une fois que le plaignant était maîtrisé, il était entré dans l’appartement pour déterminer s’il y avait quelqu’un à l’intérieur qui avait besoin d’aide. Il a indiqué qu’il n’avait retiré aucun objet de l’appartement et qu’il avait verrouillé la porte en sortant. Les deux agents ont alors attendu l’arrivée des ambulanciers paramédicaux et d’autres agents pour leur prêter secours, après quoi ils ont escorté le plaignant à la voiture de patrouille et au poste de police.

Même si un témoin civil a indiqué que l’AI no 1 avait utilisé son bâton durant la lutte avec le plaignant, en me fondant sur les séquences de TVCF, j’écarte cette preuve et je crois que le témoin s’est trompé sur ce point, car il ressort clairement des images vidéo que le témoin se trouvait à une certaine distance lors de l’interaction et la vidéo de TVCF ne montre aucun des agents utilisant son bâton. En me fondant sur les éléments de preuve tirés des séquences vidéo de la TVCF, ainsi que sur les déclarations des deux agents impliqués, je conclus que les deux agents ont donné des coups de poing et des coups de genou au plaignant pour essayer de le maîtriser et que l’AI no 2 a placé le bras autour de la gorge du plaignant pour l’éloigner de l’AI no 1 après qu’il avait enfoncé ses doigts dans l’œil de ce dernier.

À la lumière de tous les éléments de preuve fournis par les témoins civils, il semble clair que le plaignant recherchait avidement une confrontation physique à la date en question. Il a eu une altercation physique avec le TC no 1 et lorsque cela s’est terminé et que la police est arrivée, il était extrêmement réticent à répondre aux questions ou refusait de coopérer avec eux de quelque façon que ce soit. Il est clair également que le plaignant était à l’origine du premier contact physique avec les agents de police lorsqu’il a poussé l’AI no 1 pour retourner dans son appartement. En me fondant sur ces constatations et sur les faits concrets en l’espèce, je dois décider si les actions des AI nos 1 et 2, en donnant des coups de genou et des coups de poing au plaignant et ensuite, en saisissant le plaignant autour de la gorge pour l’éloigner de l’AI no 1, équivalaient à un recours excessif à la force et si la force utilisée était suffisante pour me convaincre, pour des motifs raisonnables, que l’un ou l’autre ou les deux agents de police ont commis des voies de fait causant des lésions corporelles au plaignant, en contravention de l’article 267 du Code criminel.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur le caractère légal de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’information communiquée aux deux agents de police, suite aux différents appels faits au numéro 9‐1‐1, qu’il y avait eu récemment un incident violent dans lequel était impliqué le plaignant et qu’il incombait à la police d’enquêter sur ce qui s’était passé et de déterminer s’il y avait des motifs raisonnables de porter des accusations criminelles. Lorsque le plaignant a poussé l’AI no 1, les agents de police avaient manifestement des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour avoir agressé un agent de police qui s’acquittait de son devoir et qu’ainsi le plaignant avait commis une infraction visée par l’article 270 du Code criminel. Une fois que les policiers avaient déterminé qu’il y avait des motifs d’arrestation du plaignant, il ne lui était pas loisible de simplement retourner à son appartement et de fermer la porte dans le but de contrecarrer les policiers dans leurs fonctions, et les agents avaient le droit de suivre le plaignant dans son appartement, c’est‐à‐dire d’entamer immédiatement une poursuite pour procéder à son arrestation. Par conséquent, l’entrée dans l’appartement du plaignant et son arrestation subséquente étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisée par les agents dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, il faut tenir compte de ce à quoi les agents faisaient face au moment du recours à la force, afin de déterminer si la force utilisée était justifiée ou non. Je note que, sur la foi du témoignage de deux témoins civils, qui est confirmé par les séquences vidéo de TVCF, le plaignant avait agressé l’AI no 1 en le poussant et avait par la suite résisté activement à son arrestation par les policiers; en me basant sur la blessure au visage de l’AI no 1, je conclus également qu’il avait enfoncé ses doigts dans l’œil de l’AI no 1, causant sa blessure. De plus, il est clair quand on examine les séquences de la TVCF que les deux policiers avaient dû user de toutes leurs forces pour maîtriser le plaignant et que la lutte était longue et âpre. Compte tenu du fait que le plaignant avait déjà poussé AI no 1 et qu’il lui avait ensuite mis les doigts dans l’œil, je n’ai aucune difficulté à accepter la preuve fournie par l’AI no 1 qu’il avait également reçu un coup de poing au nez pendant qu’il se trouvait dans l’appartement et même s’il n’était pas en mesure de voir qui lui avait assené ce coup de poing, puisque l’appartement était sombre, j’accepte que ce fût le plaignant qui était l’agresseur puisqu’il était la seule autre personne à se trouver dans l’appartement au moment de l’incident et parce que l’AI no 2 y avait seulement accédé après lui. En outre, il ressort clairement des séquences vidéo que les policiers n’avaient pas réussi à maîtriser le plaignant, qui résistait activement et qui avait déjà agressé l’AI no 1 à deux occasions différentes, avant qu’ils lui donnent des coups pour le distraire, et qu’ils l’ont amené à terre, ce qui n’a pas mis fin à ses efforts de résister et de se battre. Je conclus que lorsque le plaignant a enfoncé les doigts dans l’œil de l’AI no 1, la décision de l’AI no 2 de le saisir par la gorge pour l’éloigner de l’AI no 1 et d’éviter ainsi qu’il le blesse davantage était entièrement justifiée. Le fait que les deux agents de police devaient consacrer tous leurs efforts à tenter de maîtriser le plaignant est également confirmé par l’enregistrement de la transmission via la radio de police où l’on entend l’AI no 1 appeler et dire, tout en étant clairement hors d’haleine, que les agents avaient placé une personne sous garde et qu’ils avaient besoin de renfort. Ainsi, je suis convaincu que le plaignant résistait bruyamment et activement à son arrestation par la police et, à trois occasions différentes, a agressé l’AI no 1 pour éviter son appréhension.

Bien que je conclue que la blessure subie par le plaignant a été causée par les AI nos 1 et 2, soit lorsque l’AI no 2 lui a donné un certain nombre de coups de genou, dont un a peut‐être glissé et a heurté la tête du plaignant, soit lorsque l’AI no 1 a frappé le plaignant au visage en lui assenant quatre ou cinq coups de poing, je conclus qu’en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents n’ont pas employé plus de force qu’il était raisonnablement nécessaire dans l’exécution de leurs fonctions légales pour appréhender un homme fort et agité qui était prêt à se battre avec la police et qui résistait à son arrestation tout en étant combatif. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

En examinant le dossier devant moi, je conclus que le degré de force que représentaient les coups de genou ainsi que les coups de poing au visage du plaignant était malheureusement nécessaire pour empêcher que le plaignant agresse davantage l’un ou l’autre des agents de police et pour maîtriser suffisamment le plaignant afin de le menotter et afin d’éliminer la menace qu’il continuait de poser.

J’accepte, en me basant sur l’ensemble de la preuve, que ni l’AI no 1 ni l’AI no 2 n’ont eu recours à aucun des moyens d’emploi de la force qui étaient à leur disposition autre que la force physique et les coups visant à distraire le plaignant, et qu’ils ont uniquement agi de la sorte pour faciliter l’arrestation du plaignant et empêcher qu’il continue d’agresser les policiers. Même si d’une certaine distance, il peut sembler que les AI nos 1 et 2 aient eu recours à de la force excessive lorsqu’ils ont donné plusieurs coups au visage du plaignant, je conclus qu’ils ont seulement frappé le plaignant jusqu’à ce qu’ils parviennent à le maîtriser et à le menotter et qu’aucun agent n’a agi ainsi après que le danger avait été écarté, comme le confirment les séquences de TVCF.

Bien qu’il soit regrettable que le plaignant ait subi la blessure grave qui lui a été infligée, je conclus que les deux agents de police n’ont pas eu d’autre choix que d’arrêter le plaignant après qu’il avait agressé l’AI no 1 initialement et que, lorsqu’il a commis deux nouvelles agressions contre l’agent et l’a blessé, ils étaient tenus de le maîtriser et de l’appréhender. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus que le plaignant était ouvertement résistant et agressif envers les agents, qui ne faisaient rien de plus ou de moins que d’enquêter sur les nombreux appels au numéro 9‐1‐1 qui avaient été reçus après l’altercation entre le plaignant et le TC no 1, et que c’était son propre comportement agressif et combatif qui a mené à ses blessures subséquentes.

Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions des agents tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif d’imposer des accusations au criminel en l’espèce.

Date : 30 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.