Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-016

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 22 ans lors de son arrestation, le 17 janvier 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 janvier 2017, à 21 h 25, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES de la blessure grave que le plaignant a subie durant son arrestation, plus tôt ce jour-là, pour introduction par effraction dans une résidence à Richmond Hill.

La PRY a déclaré que le 17 janvier 2017, vers 13 h 15, des agents de la PRY ont répondu à un appel concernant une introduction par effraction dans une maison de Richmond Hill. Le suspect a été vu en train de s’enfuir des lieux de l’incident. Un chien policier de la PRY a flairé les traces du suspect et a conduit les agents de police jusqu’à l’arrière d’une résidence, où les policiers devant procéder à l’arrestation ont trouvé le plaignant caché dans un bac à ordures.

Lorsque le plaignant est sorti du bac, il a résisté aux agents. Le chien policier a été lâché et a infligé une blessure superficielle sur la fesse droite du plaignant. Durant la lutte qui s’en est suivie pour maîtriser le plaignant, ce dernier a subi une blessure qui a ultérieurement été diagnostiquée comme étant une fracture de l’os orbitaire gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme âgé de 22 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Dans l’après-midi du 17 janvier 2017, le plaignant a été trouvé à l’intérieur de la résidence d’une personne. Le service 9-1-1 a été appelé et le plaignant s’est enfui en traversant plusieurs cours arrières du voisinage.

L’AT et son chien policier, accompagné de l’AI no 1 et de l’AI no 2, ont été envoyés pour retrouver la trace du plaignant, puis l’ont localisé à l’intérieur d’un bac de rangement en plastique. Lorsque les agents ont demandé au plaignant de sortir du bac, celui-ci n’a pas obtempéré et le chien policier a mordu le plaignant au bras droit. Le plaignant a surgi du bac en s’élançant vers l’AI no 1 et a atterri face contre terre en raison de la surface glacée. L’AI no 1 et lui-aussi tombaient par terre, atterrissant sur le plaignant. Le chien policier a mordu le plaignant une seconde fois au haut de la cuisse droite.

L’AI no 1 et l’AI no 2 ont tenté de menotter le plaignant, mais celui-ci a résisté, agitant ses bras et secouant ses jambes. L’AI no 1 s’est placé derrière le plaignant et lui a administré deux coups de poing « inversés au visage. L’AI no 2 lui a ensuite administré deux coups rapprochés sur le côté gauche de la tête et du visage. Le plaignant a été maîtrisé puis menotté.

Plus tard ce jour-là, le plaignant a été examiné à l’hôpital, où l’on déterminé qu’il avait subi une fracture au plancher de l’orbite gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté dans la cour arrière d’une résidence à Richmond Hill. La maison est sise sur un lotissement entièrement résidentiel. La cour arrière était recouverte de neige et il faisait mauvais temps ce jour-là, de sorte qu’il y avait du gel au sol.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, et elle a reçu une copie d’un enregistrement vidéo sur téléphone cellulaire qu’avait pris le TC no 1.

Éléments obtenus des services de police

L’UES a demandé à la PRY les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • historique des appels du système de répartition assistée par ordinateur (RAO)
  • rapport d’incident général
  • notes de l’AT
  • procédure – emploi de la force
  • procédure – conduite de chien.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 348(1) du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :

  1. s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel
  2. s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel
  3. sort d’un endroit par effraction :
    1. soit après y avoir commis un acte criminel
    2. soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation
  2. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation

Analyse et décision du directeur

Le 17 janvier 2017, à 13 h 12 m 40 s, la PRY a reçu un appel du service 9-1-1 signalant une introduction par effraction dans une résidence de la ville de Vaughan. L’appelant a indiqué qu’il se trouvait dans le sous-sol de sa résidence lorsqu’il a entendu quelqu’un en haut et que, lorsqu’il est monté au rez-de-chaussée, il a vu un homme, qui s’était apparemment introduit par effraction dans sa maison, en train de sortir par les portes coulissantes à l’arrière et qu’il était maintenant dans sa cour arrière. L’appelant a indiqué que l’homme qu’il a vu chez lui s’est approché de lui pendant qu’il composait le numéro 9-1-1 et qu’il lui a demandé s’il appelait la police, puis il s’est enfui. À 13 h 15 m 23 s, des agents ont été envoyés sur les lieux pour tenter de trouver l’homme; d’autres appelants du service 9-1-1 ont continué de communiquer des renseignements sur un homme qui traversait en courant leur cour arrière.

L’AT, qui était l’agent de l’unité canine, est arrivé sur les lieux avec son chien policier et s’est entretenu avec le propriétaire de la maison, qui lui a dit que le suspect venait de s’enfuir en courant en direction est en traversant des cours arrières et qu’il escaladait des clôtures. L’AT a mis son chien policier sur une ligne de piste de 15 pieds [4,57 mètres] et est entré dans la cour arrière de la résidence du propriétaire, où le chien a immédiatement flairé quelque chose et a commencé à suivre la trace en direction est en traversant plusieurs cours arrières. L’AT a indiqué qu’il a alors entendu le répartiteur dire qu’un citoyen avait téléphoné pour signaler la présence d’un homme qui traversait en courant sa cour arrière et que lui-même et le chien sont allés à ladite cour arrière, où le chien a de nouveau flairé l’odeur et a franchi plusieurs clôtures et traversé plusieurs cours arrières jusqu’à ce qu’ils arrivent à une autre résidence, où ils ont rencontré l’AI no 2, qui a assuré leurs arrières pendant le pistage. Le chien a ensuite sauté au-dessus de la clôture à l’arrière de la résidence et s’est retrouvé dans la cour arrière d’une résidence sur une rue voisine, et c’est là que l’AI no 1 a rejoint l’AT et son chien policier. Les trois policiers et le chien se sont ensuite approchés d’une petite clôture à chaîne d’une hauteur de trois pieds [0,91 mètre] séparant deux résidences; le chien a sauté par-dessus la chaîne et démontrait beaucoup d’intérêt pour un bac de rangement Rubbermaid en plastique qui se trouvait dans le sous-bassement du patio arrière de la maison; le bac mesurait trois pieds [0,91 mètre] de long sur deux pieds [0,61 mètre] de haut et de profondeur. L’AT a alors ouvert le couvercle frontal du bac de rangement et a observé le plaignant qui se cachait à l’intérieur du bac.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, le plaignant a allégué que quatre policiers étaient impliqués dans son arrestation, que l’un d’entre eux l’a saisi et l’a plaqué au sol, où il a atterri sur ses genoux. Le chien policier l’a ensuite mordu sur la partie supérieure du bras, les agents l’ont plaqué au sol et le chien l’a mordu à nouveau sur le haut de la cuisse. Les quatre agents l’ont alors frappé à la tête et au visage.

Dans la vidéo de téléphone cellulaire fournie par le TC no 1, avant que le TC no 1 ne s’approche de la fenêtre, on peut entendre un chien qui n’arrête pas d’aboyer. Lorsque la vidéo montre la fenêtre, on peut voir deux agents de police, un de chaque côté du plaignant, lequel est debout, et l’on voit l’AT et son chien policier qui se trouvent devant, à environ 10 pieds du plaignant; l’AT est en train de retenir son chien policier, qui aboie et tire sur la laisse en essayant d’aller vers le plaignant. Le plaignant est vu en train de se débattre de l’emprise du policier chauve, qui le tient par un bras, tandis que le deuxième agent le tient par l’autre bras; le plaignant semble avoir déjà été menotté à ce moment-là et l’agent chauve l’emmène à l’avant de la propriété et sort du champ de la caméra. La caméra revient sur la fenêtre, où le plaignant et les deux agents ne sont plus là, mais on voit le chien policier qui continue d’aboyer et l’AT qui continue de le retenir pendant quelques instants, puis l’AT amène son chien en le tenant par la laisse et marche aussi vers l’avant de la propriété. La caméra se braque ensuite sur une fenêtre faisant face sur la rue, où l’on voit le plaignant être amené à l’autopatrouille. On ne voit plus l’AT et son chien policier, mais un autre agent en uniforme se trouve maintenant avec les deux premiers agents et le plaignant, qui est escorté jusqu’à l’autopatrouille est fouillé sur le côté de l’autopatrouille puis placé à l’intérieur. Aucun comportement inapproprié de la part d’un agent de police n’est observé sur toute la durée de la vidéo, quoique la séquence ne capte pas le retrait du plaignant du bac de rangement ni son contact initial avec la police après qu’on l’eut fait sortir du bac.

À aucun moment l’un ou l’autre des témoins civils n’a observé la présence de plus de trois policiers dans la cour arrière, ceux-ci étant l’AT et les deux autres agents en uniforme.

Lorsque le chien policier a manifesté son intérêt pour le bac de rangement situé sous le patio, l’AT a ouvert la porte frontale du bac et a vu le plaignant recroquevillé à l’intérieur. L’AT a remarqué que le dessus du bac était recouvert de glace, l’équivalent d’environ un pouce [2,54 cm] de pluie verglaçante. L’AT a indiqué qu’il pouvait uniquement voir le côté droit du plaignant et qu’il ne voyait pas du tout ses mains. L’AT a immédiatement crié [traduction] « Police canine, montrez-moi vos mains sinon vous allez être mordu. » Il a répété cet ordre, toujours d’une voix forte. L’AT a indiqué que, lorsque le plaignant n’a ni bougé ni fait d’efforts pour montrer ses mains, il a commencé à craindre que le plaignant pouvait être armé et a jugé qu’il n’était pas sécuritaire pour tout policier de s’approcher du plaignant pendant qu’il demeurait à l’intérieur du bac et sans que ses mains soient visibles. À ce moment-là, l’AI no 1 a couru au bac de rangement et a vu que la porte frontale et le couvercle étaient maintenant ouverts, et il a vu le plaignant assis à l’intérieur. Après que l’AT eut crié son ordre une seconde fois au plaignant sans que ce dernier ne bouge, l’AT a déployé son chien policier, lequel est allé confronter le plaignant et l’a mordu en haut du bras droit, ce qui a fait sortir le plaignant du bac en direction de l’AI no 1. Comme le sol autour du bac était recouvert de pluie verglaçante, dès que le plaignant s’est redressé sur la surface gelée, il est tombé sur le sol et l’AI no 1 est tombé au-dessus du plaignant, sur sa tête et son torse. L’AI no 1 a indiqué que, alors que le plaignant se trouvait au-dessous de lui, il faisait des mouvements très agités, se tortillant, se tournant et se débattant avec force pour essayer de se redresser et de s’échapper. L’AI no 1 a décrit le plaignant comme étant d’une taille d’environ 6 pieds 4 [1,93 mètre] et pesant environ 200 livres [90,718 kilogrammes] et comme manifestant une grande force. L’AI no 1 a indiqué qu’il a plusieurs fois crié au plaignant [traduction] « Arrêtez de résister; vous êtes en état d’arrestation, » mais en vain. L’AI no 1 a indiqué qu’il s’est rendu compte qu’il était en train de perdre la bataille pour contrôler le plaignant, décrivant sa position comme étant sur le côté gauche du plaignant, le dos tourné contre le plaignant, lequel s’agitait violemment. Je note que, alors que l’AI no 1 a indiqué que le plaignant était tombé le visage en l’air, d’autres témoins, y compris l’AT, ont indiqué que le plaignant était tombé face contre terre. Je note que ce pourrait bien être le cas puisque l’AI no 1 tournait le dos au plaignant et ne pouvait pas bien voir comment le plaignant avait atterri sur le sol. Sur la foi de cette preuve, j’estime qu’il est plus probable que le plaignant soit bel et bien tombé face contre terre, ainsi que l’ont observé l’AT et l’un des témoins civils.

L’AT a indiqué que son chien s’est alors de nouveau élancé sur le plaignant, le mordant en haut de la cuisse droite, tandis que le plaignant agitait ses bras et donnait des coups de pied avec ses jambes. L’AI no 1, alors qu’il était couché sur le dessus du plaignant, s’est approché du dos du plaignant et lui a administré deux coups de poing « inversés » rapides, qui ont atteint le plaignant au visage. L’AI no 1 a indiqué qu’il a recouru à cette manœuvre de distraction pour faire obtempérer le sujet, ce qui a semblé porter fruit, puisque le plaignant a immédiatement porté ses deux mains au visage et que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont chacun pu se saisir de l’un des poignets du plaignant. L’AI no 1 a indiqué que le plaignant a continué d’être violent et d’essayer de se dérober de l’emprise des agents et qu’il a été extrêmement difficile de le contrôler en raison de la surface glacée sur laquelle ils se trouvaient alors. L’AI no 1 a alors aussi observé que l’AI no 2 avait administré deux coups de poing rapides de la main droite qui ont atteint la surface crânio-faciale gauche du plaignant, ce qui a tempéré les ardeurs de celui-ci, de sorte que les deux agents ont pu lui passer les menottes.

L’AT a indiqué qu’il était très concentré sur la tâche de contrôler son chien, qu’il essayait de retenir l’animal à l’aide de la laisse et du harnais, mais que le chien n’a pas arrêté de confronter le plaignant jusqu’à ce que le plaignant soit sous contrôle, mais pas encore menotté; à ce moment-là, le chien a lâché le plaignant, l’AT a tiré le chien vers l’extérieur de la zone de lutte, puis il est allé un peu plus loin dans la cour arrière afin de soustraire le chien à cette atmosphère d’excitation et de l’apaiser. L’AT a estimé qu’entre le moment où son chien a fait contact pour la première fois avec le plaignant et le moment où le chien a été lâché, 20 secondes environ s’étaient écoulées.

L’AI no 1 a indiqué que l’AI no 2 et lui-même ont alors soulevé le plaignant pour le remettre debout et l’ont fait marcher jusqu’à l’autopatrouille, qui attendait devant la résidence.

L’AI no 1 était d’avis que les coups de poing de distraction qu’il a administrés au plaignant étaient conformes à la formation qu’il avait reçue au sujet de l’emploi de la force et qu’aucune autre option de recours la force n’aurait été appropriée en raison de l’exiguïté et de l’accès restreint de l’endroit où ils se trouvaient alors. L’AI no 1 a estimé qu’environ 12 secondes se sont écoulées entre le moment où le chien a mordu le plaignant la première fois et le moment ou le plaignant a été menotté. L’AI no 1 a décrit le plaignant comme ayant été violent et agressif et ayant recherché la confrontation pendant toute la durée de son interaction avec la police et qu’à aucun moment il n’a coopéré, même après qu’il fut menotté. Ce compte rendu coïncide avec la séquence vidéo que le TC no 1 a prise avec son téléphone cellulaire.

Bien que l’AT ait déclaré à l’UES qu’à aucun moment il n’a vu l’AI no 2 ou l’AI no 1 frapper le plaignant, il a indiqué que, ultérieurement, l’AI no 1 lui a dit que l’AI no 2 et lui-même avaient donné des coups à la tête du plaignant afin de le contrôler.

Pendant que l’AI no 1 escortait le plaignant jusqu’à l’autopatrouille, il a remarqué que le plaignant avait le dessous de l’œil droit tuméfié et, lorsque le plaignant a plus tard été examiné et a passé des radiographies à l’hôpital, il a été confirmé qu’il avait subi une fracture du plancher de l’orbite gauche [une blessure traumatique à l’os de la cavité oculaire].

Bien qu’il soit dommage que ni l’un ni l’autre des témoins civils n’aient observé le plaignant pendant qu’on le faisait sortir du bac de rangement, il est clair que le témoignage du TC no 2 ne concorde pas avec les allégations du plaignant. J’estime que si un agent avait saisi le plaignant avec force, le TC no 2 aurait certainement vu cela. Je suis plus enclin à croire, sur la foi de cette preuve, que le plaignant est tombé en raison du gel au sol, comme l’ont indiqué les agents de police. En outre, si le maître-chien avait demandé au chien d’attaquer le plaignant lorsqu’il s’est retrouvé sur le sol et que le chien policier l’a alors mordu au bras, j’estime là encore que le TC no 2 aurait vu cela.

Je conclus que le témoignage du TC no 2 corrobore celui de l’AT, qui a indiqué que son chien a mordu le plaignant au bras alors que celui-ci se trouvait encore à l’intérieur du bac et refusait d’en sortir et que, par conséquent, cela n’aurait pas été vu par le TC no 2. J’estime en outre que la crédibilité du plaignant est grandement minée en ce que son affirmation selon laquelle il a tout le temps été coopératif est clairement contredite par la preuve vidéo. De la même façon, si un agent avait déchiré le pantalon du plaignant sur le côté intérieur de sa cuisse droite, cela se serait passé après que le plaignant fut tombé sur le sol et cela n’aurait pas été visible pour le TC no 2 et j’estime, par expérience, qu’il aurait été impossible de déchirer à mains nues le tissu du jeans porté par le plaignant, mais que cela aurait facilement pu être fait par les dents d’un chien. En dernier lieu, l’allégation du plaignant concernant le nombre d’agents qui l’ont frappé est contredite tant par la vidéo que par le témoignage des témoins civils. La vidéo et les témoins civils confirment le témoignage des policiers voulant qu’il n’y ait jamais eu plus que trois agents dans la cour arrière et que l’AT était tout entier concentré sur le contrôle de son chien et qu’il n’aurait pas pu être impliqué dans les coups continuellement assenés à la tête et au visage du plaignant.

Bien que certains éléments du témoignage fourni par le plaignant cadrent avec la preuve des autres témoins, en l’occurrence qu’il a été mordu deux fois par le chien et qu’il a été frappé au visage par les agents de police, je conclus que la majeure partie de son témoignage est contredite tant par la vidéo du téléphone cellulaire que par les témoins civils, dont le témoignage semble coïncider davantage avec celui des policiers. Je ne suis donc pas en mesure de conclure que les allégations du plaignant soient véridiques au point de satisfaire au critère des motifs raisonnables de croire que les incidents se sont déroulés comme il l’a prétendu.

Cela dit, il me faut quand même déterminer si, sur la foi du témoignage des policiers, à savoir que le chien policier a mordu deux fois le plaignant et que l’AI no 2 et l’AI no 1 ont tous eux frappé le plaignant au visage, leurs actions constituent un recours excessif à la force au point de justifier que des accusations soient portées au criminel.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. S’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement des renseignements fournis par le premier appelant du service 9-1-1 — lesquels ont ultérieurement été confirmés par l’AT sur la scène de l’incident ainsi que par tous les appelants du 9-1-1 qui ont vu le plaignant traverser leurs cours arrières en courant — que les agents de police avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant venait de commettre une introduction par effraction dans un dessein criminel, en contravention du paragraphe 348(1) du Code criminel, et qu’ils étaient donc fondés à le mettre en état d’arrestation pour cette infraction. Ainsi, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui a trait à la force employée par les agents dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, je traiterai en premier des morsures infligées par le chien et ensuite des deux coups que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont chacun administrés au plaignant.

En ce qui concerne l’épisode où le chien policier a mordu le plaignant alors que ce dernier ne montrait pas ses mains ni ne bougeait pour sortir du bac de rangement, je conclus que l’AT s’est pleinement conformé à la directive de la PRY en ce qu’il a donné deux fois un avertissement au plaignant et que le plaignant a eu une occasion raisonnable de sortir du bac et de montrer ses mains avant que l’AT ne lâche le chien. J’estime en outre que l’AT agissait avec prudence lorsqu’il a lâché le chien la première fois, étant donné qu’il craignait que le plaignant soit armé et qu’il aurait été risqué pour tout policier de s’approcher du plaignant dans cet espace très exigu et en ne sachant pas à quelle situation il pourrait faire face. Par conséquent, je conclus que l’AT était pleinement fondé à lâcher le chien en vue d’obliger le plaignant à sortir du bac de rangement. En ce qui concerne la seconde morsure, je rejette l’allégation du plaignant selon laquelle un agent a déchiré son jeans puis a dit au chien de mordre à cet endroit pour les motifs que j’ai exposés plus haut concernant le manque de crédibilité du plaignant et je conclus que, selon toute vraisemblance, le chien a mordu le plaignant une seconde fois parce que le plaignant, après être tombé sur le sol avec l’AI no 1, agitait ses membres et luttait contre la police. Par conséquent, je conclus que les actions de l’AT ne constituent pas un recours excessif à la force et que le chien policier a été déployé avec prudence dans une situation qui pouvait s’avérer dangereuse pour les policiers impliqués dans l’arrestation du plaignant.

En ce qui concerne les actions de l’AI no 1 et de l’AI no 2, qui ont tous deux frappé deux fois le plaignant au visage afin de le contrôler, alors que le plaignant luttait et résistait pendant qu’ils se trouvaient sur un sol glacé et dans l’incapacité d’obtenir un contrôle suffisant du plaignant, je conclus que leur comportement était justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, lequel était ouvertement résistant et se débattait et agitait ses membres. Tout en concluant que la blessure du plaignant ait pu être causée lorsqu’il est tombé face contre terre sur le sol gelé, et même si cette blessure avait été causée par les deux coups de poing administrés par l’AI no 1 ou par l’AI no 2 dans leurs efforts pour maîtriser le plaignant, je ne saurais conclure qu’il s’agissait d’un recours excessif à la force. Dans cette affaire, où les agents réagissaient dans une situation qui se déroulait rapidement et où ils n’arrivaient pas à contrôler le plaignant en raison du sol glacé sur lequel ils se trouvaient et des efforts constants du plaignant pour résister et s’échapper, il est clair que la force employée tant par l’AI no 1 que par l’AI no 2 a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et vaincre la résistance et la force imprévue du plaignant et que cette force était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à l’arrestation légale du plaignant. Je note que les coups de poing inversés administrés par l’AI no 1, pendant qu’il se retrouvait couché sur le dos du plaignant et que ce dernier n’arrêtait pas d’essayer de s’échapper, ont été efficaces en ce que le plaignant a porté ses mains au visage, ce qui a alors permis à l’AI no 1 de saisir le poignet droit du plaignant. Il est également clair, cependant, que le plaignant a continué de résister et d’être agressif et qu’il a essayé de se libérer des agents jusqu’à ce que l’AI no 2 lui administre la deuxième série de deux coups de poing fermés sur la zone de la tête et du visage. Selon la foi de cette preuve, il est clair que les coups administrés ont produit l’effet désiré, qui était de distraire le plaignant et de le ralentir suffisamment pour qu’on puisse finalement lui passer les menottes. Je conclus, dans ces circonstances, que les deux coups rapides administrés par chacun des agents au plaignant ont semblé être efficaces et ne pas constituer plus que ce qui était nécessaire pour maîtriser le plaignant, lequel semblait vouloir s’échapper. Je suis encore davantage conforté dans cette conclusion par la preuve vidéo dans laquelle on voit le plaignant qui continue de résister et qui tente de se dérober aux agents, même après avoir été menotté.

Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. v. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension du plaignant et la manière dont elle a été effectuée étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par les agents sont conformes aux limites prescrites pas le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 4 décembre 2017

Original signed by

Tony Loparco
Director
Special Investigations Unit

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.