Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCD-067

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme âgé de 52 ans le 3 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 avril 2017, à 23 h 50, le Service de police de Kingston (SPK) a informé l’UES du décès par balle du plaignant.

Le SPK a rapporté que le lundi 3 avril 2017, vers 15 h 15, le plaignant s’est rendu à la résidence de son ex-amie, armé d’un fusil de chasse. Pendant qu’il était à sa résidence, il a tiré plusieurs coups de feu et a agressé son ex-amie. Il s’est alors enfui de sa résidence dans son véhicule et est retourné chez lui et s’est barricadé à l’intérieur.

Vers 16 h, des agents de police du SPK ont bouclé le secteur autour de la résidence, ont demandé aux habitants dans les unités environnantes de quitter les lieux et ont tenté de négocier avec le plaignant. Vers 22 h 25, un seul coup de feu a été entendu venant de l’intérieur de la résidence. Peu de temps après, on a trouvé le plaignant à l’intérieur de sa résidence avec ce qui semblait être une blessure mortelle qu’il s’était infligée lui-même avec une arme à feu.

Le commandant chargé de l’intervention était l’agent impliqué (AI). De nombreux agents de police du SPK ont aidé à boucler le secteur, et une unité d’intervention d’urgence du SPK s’est également rendue sur place.

La scène a été préservée, et un coroner est venu sur les lieux.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux et a identifié et préservé les éléments de preuve. Il a documenté les scènes pertinentes au moyen de notes, de photographies, de vidéographie, de croquis et de mesures. L’enquêteur judiciaire a assisté à l’autopsie et l’a filmée et a aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires (CSJ).

Plaignant :

Homme de 52 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

TC n° 5 A participé à une entrevue

Employé témoin de la police

EPT N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées[1]

Agents témoins (AT)

AT n° 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

AT no 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 9 A participé à une entrevue

AT no 10 A participé à une entrevue

AT no 11 A participé à une entrevue

AT n° 12 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 13 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes et une déclaration préparée d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

L’après-midi du 3 avril 2017, le plaignant a vu son ex-amie marcher dans la rue à Kingston. Le plaignant était visé par une ordonnance de la cour l’interdisant à avoir des contacts avec elle, en raison d’accusations portées contre lui pour voies de fait conjugales qui remontaient à moins d’un mois.

Le plaignant est sorti de son véhicule armé d’un fusil de chasse tronqué et a agressé son ex‐amie en la frappant au visage avec le bout de la crosse et en la forçant ensuite de prendre place dans son véhicule. L’ex-amie a réussi à sauter du véhicule du côté passager et a pris la fuite en courant. Le plaignant a fait feu deux fois avec le fusil de chasse sur son ex‐amie, la manquant de justesse chaque fois. Il a alors fui le secteur dans son véhicule. Les témoins ont pu obtenir l’information sur la plaque d’immatriculation et, en l’espace de quelques minutes, les agents de police du SPK ont trouvé le véhicule du plaignant garé et inoccupé dans l’aire de stationnement de sa résidence.

Le secteur autour de la maison en rangée du plaignant a été bouclé par des agents de police du SPK et on a appelé des membres de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPK, comme c’est la norme quand une personne se barricade et est armée d’une arme à feu. On a mis sur pied un poste de commandement dirigé par l’AI en tant que commandant chargé de l’intervention, et l’AT no 7 a entamé des négociations avec le plaignant sur son téléphone cellulaire. Le plaignant a dit à l’AT nº 7 qu’il n’avait pas dormi de la nuit parce que dix hommes l’avaient pourchassé et il en rejetait la responsabilité sur son ex‐amie. Il a également dit à l’AT nº 7 qu’il s’était caché toute la nuit et qu’il était ensuite retourné chez lui le matin, où il avait scié le canon et la crosse d’un fusil de chasse et qu’il était parti à la chasse, c’est‐à‐dire à la recherche de son ex‐amie. Le plaignant a dit à l’AT nº 7 que son intention était de tuer son ex‐amie, qu’il avait fait feu sur elle et qu’il pensait l’avoir tuée.

Une boîte de téléphone en ligne directe a été introduite dans la maison en rangée du plaignant par une fenêtre forcée à l’avant de l’habitation. On a aussi placé un dispositif de distraction devant l’unité du plaignant et on a utilisé un mégaphone pour lui donner des ordres verbaux.

Le plaignant était assis sur le divan dans la salle de séjour de son unité, a saisi un fusil de chasse tronqué qui se trouvait sous quelques articles vestimentaires à côté de lui, a mis le fusil de chasse sous son bras et a descendu les escaliers jusqu’au sous‐sol. Puis, il est remonté, s’est assis sur le divan tout en tenant toujours son fusil de chasse, et a parlé avec l’AT nº 7 en utilisant le téléphone en ligne directe qui avait été placé dans son unité. Le plaignant a dit à l’AT nº 7 qu’il ne retournerait pas en prison, que cela n’allait pas se terminer ainsi.

À 22 h 18, le plaignant a soudainement raccroché le téléphone en ligne directe, s’est levé du divan en tenant le fusil de chasse entre les mains, s’est rendu à l’escalier menant au deuxième étage de l’unité et est monté. On ne l’a plus revu, et des témoins ont entendu un bruit étouffé, qui à leur avis était un coup de feu.

Les membres de l’UIU du SPK sont entrés dans l’unité à 23 h 22 et ont trouvé le plaignant couché sur le plancher de la salle de bain au deuxième étage, ayant une seule blessure par balle à la poitrine. Un fusil de chasse tronqué a été trouvé sur le plancher près de lui. Le plaignant a été déclaré mort sur les lieux.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident a eu lieu à la résidence du plaignant à Kingston. L’ensemble d’habitation est un bloc de maisons en rangée composé d’unités à niveaux multiples. On entre dans l’unité par la porte avant qui mène au salon. Il y a des escaliers menant à un palier à l’étage, où il y a une chambre à l’arrière de la résidence et une salle de bain au haut de l’escalier à gauche. Le plaignant a été trouvé entièrement vêtu et en position couchée sur le plancher de la salle de bain. Sa tête était près de la baignoire et ses pieds, près de la porte ouverte. Une seule plaie d’entrée de balle était clairement visible à la partie supérieure de la poitrine gauche. Des éléments d’une cartouche de fusil de chasse (rembourrage et douille) ont été découverts dans le bain et on a constaté qu’il y avait un trou dans le mur carrelé à l’arrière du bain. On a extrait une balle de fusil de chasse aplatie du mur de la salle de bain. Un fusil de chasse tronqué à mécanisme à verrou se trouvait sur le plancher juste à l’extérieur de la porte de la salle de bain en haut de l’escalier. Le fusil de chasse a été éloigné du corps du plaignant par un membre de l’UIU du SPK, pour des raisons de sécurité, au moment de l’entrée dans la salle de bain.

Dans la chambre à coucher à l’étage supérieur et à l’avant de la maison en rangée, on a trouvé un projectile antiémeute Enfield (ARWEN)[2] sur le dessus d’une commode près de la fenêtre. On a découvert une encoche sur le mur opposé à la fenêtre, qui s’alignait avec un trou dans la fenêtre et qui semblait avoir été causée par un projectile ARWEN.

Dans la cuisine, qui se trouve au rez‐de‐chaussée de la maison en rangée, on a trouvé une veste noire, qui pendait sur le dos d’une chaise de cuisine et sur laquelle il y avait des traces de sang.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Arme

Le samedi 8 avril 2017, l’UES a examiné l’arme utilisée par le plaignant. L’arme à feu est un fusil de chasse à mécanisme de verrou de calibre 12 Lakefield-Mossberg L395K. La longueur du canon était de 295 mm. On avait modifié l’arme en coupant le canon et la crosse. En raison de la longueur totale de l’arme et de la longueur de son canon, cette arme est désignée comme une arme à feu interdite. Voici une photographie de l’arme à feu.

Éléments de preuve médico-légaux

Les échantillons biologiques obtenus lors de l’autopsie ont été soumis au CSJ aux fins d’analyse.

Le 28 novembre 2017, l’UES a reçu les résultats de l’analyse toxicologique. Le rapport toxicologique révélait que le plaignant avait des quantités récréatives de méthamphétamine et d’éthanol dans le corps.

Témoignage d’expert

Rapport d’autopsie

Le plaignant a été déclaré mort sur les lieux par le coroner à 0 h 10, le mardi 4 avril 2017.

Le mercredi 5 avril 2017, un pathologiste judiciaire a procédé à l’autopsie du plaignant. À la fin de l’autopsie, le pathologiste judiciaire a conclu que la cause du décès était une « plaie perforante à la poitrine causée par un fusil de chasse ». Il y avait une blessure de sortie de balle au dos de la victime. Une radiographie de la poitrine a révélé qu’il y avait deux ou trois fragments de métal minuscules, mais pas de grenaille ou de chevrotine dans le corps. L’aspect général de la plaie présentait les caractéristiques d’une blessure causée par une balle tirée par un fusil de chasse. Aucune autre blessure importante n’a été repérée. Aucune maladie naturelle qui aurait contribué au décès n’a été détectée.

Le 28 novembre 2017, l’UES a reçu le rapport d’autopsie final, qui confirmait que l’unique cause de décès était une « plaie de contact perforante à la poitrine causée par un fusil de chasse ».

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les alentours pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. Le SPK a fourni la bande audio et vidéo de la boîte du téléphone en ligne directe. L’UES a également reçu des copies des messages textes entre le plaignant et le TC nº 1.

Analyse de la vidéo du téléphone en ligne directe[3]

Le lundi 3 avril 2017, à 19 h 59 [21 h 02], le téléphone en ligne directe est introduit par des membres de l’UIU du SPK dans la salle de séjour de la résidence du plaignant par une baie vitrée forcée à l’avant de l’habitation.

À 20 h 48 [21 h 51], on voit le plaignant se déplacer dans sa résidence, plus précisément dans la salle de séjour.

À 20 h 53 [21 h 56], après avoir reçu l’ordre de prendre le téléphone qui se trouve dans la boîte du téléphone en ligne directe, le plaignant prend le téléphone et commence une conversation avec les négociateurs.

À 20 h 56 [21 h 59], le plaignant raccroche le téléphone, se lève du divan et place un fusil de chasse tronqué sous le bras. Puis, on voit le plaignant parler au téléphone à plusieurs reprises et quitter la salle de séjour pour se rendre au sous‐sol, tout en amenant le fusil de chasse avec lui.

À 21 h 01 [22 h 04], le plaignant prend le téléphone et parle aux négociateurs.

À 21 h 14 [22 h 17], le plaignant raccroche soudainement, demeure assis pendant un instant, puis se lève du divan, en tenant le fusil de chasse tronqué entre les mains. Il se rend à l’escalier qui mène au deuxième étage de la résidence et monte.

À 22 h 22 [23 h 25], on voit des membres de l’UIU du SPK entrer dans la salle de séjour et gravir les escaliers qui mènent au deuxième étage.

À aucun moment avant l’entrée des membres de l’UIU du SPK dans le domicile à 22 h 22 [23 h 25] voit‐on des agents de police du SPK ou quiconque d’autre dans la résidence du plaignant.

Messages textes dans le téléphone cellulaire

Les enquêteurs ont examiné les messages textes entre le plaignant et le TC no 1, lesquels messages corroborent la déclaration de celui-ci et le contenu les documents à l’appui.

Le lundi 3 avril 2017, à 15 h 49, le plaignant a envoyé un message texte au TC no 1 dans lequel il écrivait ceci : [traduction] « Oh oui, je lui ai tiré [l’ex-amie] une balle dans la tête ». À 15 h 52, le plaignant a envoyé un autre message dans lequel il déclarait : [traduction] « Oh oui… Je lui ai tiré [l’ex-amie] deux balles dans la tête… je pensais que tu devrais savoir… c’est à mon tour maintenant. » À 15 h 55, le plaignant a envoyé un autre message texte : [traduction] « De toute façon, les policiers sont ici maintenant… je dois te quitter... j’aimerais beaucoup en abattre un » et « oh une foule se forme ».

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications et les appels au numéro 9-1-1 au sujet de l’incident le lundi 3 avril 2017, qui ont précédé le décès du plaignant, sont conformes aux imprimés du système de répartition assisté par ordinateur (RAO) reçus du KPS, aux communications radio et aux communications téléphoniques au moyen du téléphone en ligne directe. Ces données ont été examinées et corroborent les déclarations de l’AI et des agents témoins.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPK les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Explication des appels au numéro 9-1-1 enregistrés
  • Enregistrements des communications
  • Imprimés des appels du système RAO
  • Liste des témoins civils – Incident avec l’ex-amie
  • Liste des témoins civils – Incident à la résidence du plaignant
  • Tableau de service
  • Rapport d’incident général – Incident avec l’ex-amie
  • Rapport d’incident général – Incident à la résidence du plaignant
  • Photographies de l’agent des scènes de crime – Incident avec l’ex-amie et incident à la résidence du plaignant
  • Enregistrement audio / vidéo du téléphone en ligne directe du SPK
  • Entrevues audio avec le SPK (6 témoins)
  • Vidéo de l’entrevue de l’ex-amie avec le SPK
  • Déclaration d’un témoin au SPK – témoin civil non désigné
  • Notes supplémentaires de deux agents du SPK concernant les scènes et la gestion des lieux
  • Entrées dans le terminal des données mobile (de 15 h 10 à 23 h 59) — 3 avril 2017)
  • Notes et rapport sur les enregistrements audio manquants
  • Notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13
  • Notes concernant l’arme à impulsions
  • Notes et déclaration rédigée d’un agent non désigné
  • Procédure – Personnes armées, personnes barricadées et prises d’otages
  • Intervention – Intervention dans les incidents graves
  • Procédure – Unité d’intervention d’urgence
  • Procédure – Commandement des incidents
  • Procédure – Emploi de la force
  • Procédure – Procédures et protocoles
  • Registre de contrôle des lieux (résidence du plaignant)

Lois pertinentes

Paragraphe 145(3) du Code criminel – Omission de se conformer à une condition d’une promesse ou d’un engagement

(3) Quiconque, étant en liberté sur sa promesse remise ou son engagement contracté devant un juge de paix ou un juge et étant tenu de se conformer à une condition de cette promesse ou de cet engagement, ou étant tenu de se conformer à une ordonnance prise en vertu des paragraphes 515(12), 516(2) ou 522(2.1), omet, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, de se conformer à cette condition ou ordonnance est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Article 239 du Code criminel — Tentative de meurtre

239 (1) Quiconque, par quelque moyen, tente de commettre un meurtre est coupable d’un acte criminel passible  :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu à autorisation restreinte ou d’une arme à feu prohibée lors de la perpétration de l’infraction, ou s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction et que celle-ci est perpétrée au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant :
    1. de cinq ans, dans le cas d’une première infraction
    2. de sept ans, en cas de récidive
    3. a.1) dans les autres cas où il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Paragraphe 265(1) et article 266 du Code criminel — Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Analyse et décision du Directeur

Le 10 mars 2017, un certain nombre d’accusations ont été portées contre le plaignant parce qu’il aurait commis plusieurs infractions de violence conjugale contre son ex‐amie. Il a été mis en liberté sous engagement et devait notamment respecter des conditions l’interdisant d’avoir des contact sous quelque forme que ce soit avec son ex‐amie et l’interdisant de se trouver à moins de 50 mètres d’elle peu importe l’endroit.

Le 3 avril 2017, à 15 h 14 m 20 s, le premier de plusieurs appels au numéro 9‐1‐1 a été reçu, signalant qu’un homme battait une femme dans une rue à Kingston et que cet homme était armé d’un fusil de chasse et essayait de forcer la femme à entrer dans son véhicule à moteur; la plaque d’immatriculation a été transmise au répartiteur. La police a procédé à une vérification pour établir l’identité du propriétaire enregistré du véhicule et a déterminé qu’il s’agissait du plaignant; la femme a été identifiée comme étant son ex‐amie. Un appelant a indiqué qu’il avait entendu deux coups de feu; l’arme était décrite comme un fusil de chasse tronqué.

La police a obtenu l’adresse du plaignant à partir de l’immatriculation de son véhicule et lorsqu’elle a appelé le numéro de son téléphone cellulaire, a pu confirmer qu’il était à l’adresse où il habitait, après l’incident susmentionné dans la rue avec son ex‐amie.

À partir de 15 h 45, le TC nº 1 a reçu un certain nombre de messages textes du plaignant, y compris les suivants : [traduction] « Oh oui… je lui ai tiré [l’ex-amie] une balle dans la tête... je pensais que tu devrais savoir… c’est à mon tour maintenant. » À 15 h 55, il a écrit ceci : [traduction] « De toute façon, les policiers sont ici maintenant… je dois te quitter... j’aimerais beaucoup en abattre un. » Le plaignant a également informé deux autres témoins civils qu’il avait frappé son ex‐amie à la tête avec la crosse de son fusil et que la police viendrait bientôt et que [traduction] « c’est fini ».

Les enquêteurs se sont entretenus avec cinq témoins civils, y compris avec trois témoins qui se trouvaient à proximité de la résidence du plaignant au moment de son interaction avec la police. Les enquêteurs avaient également accès à la vidéo du téléphone en ligne directe qui a enregistré ce qui se passait dans l’unité du plaignant tout au long de l’incident avec la police ainsi qu’aux enregistrements des communications et des appels au numéro 9‐1‐1 et aux notes de 14 agents de police présents lors de l’interaction. Six agents de police, y compris l’AI, ont été interrogés par les enquêteurs. Les faits ne sont pas contestés.

L’AI a été avisé à 15 h 14 qu’il devait se présenter à la résidence du plaignant en sa qualité de commandant des interventions, car il y avait eu un braquage de domicile, lors duquel des coups de feu avaient été tirés, et le plaignant avait fui le secteur à bord de son véhicule automobile. Ce véhicule avait été trouvé dans le stationnement de sa résidence et, bien qu’il n’ait pas été retrouvé lui-même, son numéro de téléphone cellulaire avait été obtenu et triangulé, confirmant que le téléphone était à l’intérieur de sa maison en rangée. L’AI et son unité se sont rendus à l’ensemble d’habitations et ont mis sur pied une unité de commandement temporaire en attendant l’arrivée du véhicule de commandement mobile, auquel moment l’équipe s’est installée dans le poste de commandement. Par la suite, la communication a été établie avec le plaignant par l’intermédiaire de l’AT nº 7, qui a offert son aide à titre de négociateur. L’AT nº 7 a été informé par le répartiteur que le plaignant avait appelé le numéro 9‐1‐1 et il a été confirmé une fois de plus que son téléphone cellulaire se trouvait dans sa maison en rangée. L’AT nº 7 a parlé au plaignant sur son téléphone cellulaire et a indiqué que la façon de s’exprimer du plaignant lui donnait à croire qu’il était très intoxiqué. Le plaignant a confirmé à l’AT nº 7 qu’il avait scié le canon et la crosse d’un fusil de chasse et qu’il était parti à la chasse pour trouver son ex‐amie, que son intention était de la tuer et qu’il avait fait feu sur elle et qu’il pensait l’avoir tuée.

L’AT nº 10, le chef d’équipe principal de l’UIU, s’est vu confier la responsabilité d’une équipe d’intervention et a bouclé le périmètre intérieur autour de l’unité du plaignant; on a demandé aux habitants dans plusieurs autres maisons en rangée à proximité de quitter les lieux pour des raisons de sécurité.

L’AT nº 6, l’agent responsable de l’UIU du SPK, est arrivé à la résidence du plaignant à 16 h 03 et a autorisé l’utilisation d’un téléphone en ligne directe pouvant enregistrer le son et les images dans l’unité du plaignant; des membres de l’UIU ont forcé la fenêtre de la salle de séjour et ont jeté le téléphone en ligne directe à l’intérieur de la maison en rangée. On a utilisé un mégaphone pour essayer d’amener le plaignant à utiliser le téléphone en ligne directe, mais il n’y avait pas de réponse venant de l’intérieur de l’unité.

À 21 h 35, on a placé un dispositif de distraction à l’extérieur sur la pelouse devant l’unité du plaignant et peu après, on a vu le plaignant se déplacer dans la salle de séjour grâce aux images transmises en direct par le téléphone en ligne directe. À 21 h 53, on a utilisé un mégaphone une fois de plus pour attirer l’attention du plaignant et lui fournir des instructions concernant l’utilisation du téléphone en ligne directe. À 21 h 56, le plaignant a fini par prendre la boîte du téléphone en ligne directe et en a extrait le téléphone et a de nouveau parlé à l’AT nº 7.

L’AT nº 6 a continué de surveiller les mouvements du plaignant en regardant les images vidéo transmises par le téléphone en ligne directe et a vu le plaignant se lever du divan, se rendre au sous‐sol et revenir peu après, à 22 h 04, avec un fusil de chasse tronqué. Le plaignant s’est rassis sur le divan et a continué de parler avec l’AT nº 7. À 22 h 17, le plaignant a dit à l’AT nº 7 que c’était sa dernière journée et qu’il devait se rendre à la salle de bain et il a soudainement mis fin à la conversation, s’est levé le fusil de chasse à la main et s’est dirigé vers l’escalier. Quelques secondes plus tard, vers 22 h 18, on a entendu un bruit fort, et on pensait qu’il s’agissait d’un coup de feu venant de l’unité du plaignant. On a de nouveau utilisé le mégaphone pour essayer de contacter le plaignant, mais il n’y avait aucune réponse.

Même si l’on craignait à ce moment‐là que le plaignant s’était suicidé, l’équipe a pris d’autres mesures de précaution, dont l’utilisation d’un ARWEN et d’un robot tactique. À 22 h 23, deux rondes d’ARWEN ont été tirées vers la fenêtre au deuxième étage, mais il n’y avait ni mouvement ni réponse verbale. Le robot tactique a été mis en place, mais a fait défaut.

À 22 h 55, on a décidé d’entrer dans l’unité et on a forcé la porte avant, et l’UIU est entrée dans le domicile et a trouvé le plaignant couché sur le plancher de la salle de bain avec une seule plaie causée par un coup de feu à la poitrine; on a trouvé le fusil de chasse tronqué proche de lui sur le sol.

Les témoins civils indépendants présents aux alentours, ainsi que la vidéo du téléphone en ligne directe ont tous confirmé qu’aucun agent de police n’était entré dans la maison du plaignant avant qu’on entende la détonation d’un fusil de chasse et qu’aucune arme de la police n’a fait feu, à l’exception de l’ARWEN. Les pièces de la cartouche du fusil de chasse qui se trouvaient dans la baignoire et la balle aplatie qui s’était logée dans le mur de la salle de bain ont confirmé que le plaignant avait reçu une balle tirée par le fusil de chasse.

Une autopsie du plaignant a confirmé que la cause du décès était une « plaie perforante à la poitrine causée par un fusil de chasse ».

Au moment où les policiers se sont rendus chez le plaignant, ils avaient des motifs raisonnables de croire qu’il avait commis diverses infractions en contravention du Code criminel, y compris des infractions de tentative de meurtre, de voies de fait et d’infraction à diverses conditions imposées par le tribunal en ayant eu des contacts avec son ex-amie. Par conséquent, ils étaient tenus de trouver et d’appréhender le plaignant avant qu’il commette d’autres actes de violence; le plaignant continuait de poser un danger tant qu’il était en liberté et en possession d’une arme à feu. On a suivi les déplacements du plaignant en surveillant son téléphone cellulaire et son véhicule à moteur jusqu’à son domicile.

Même la police ne disposait pas de cette information lorsque les policiers ont entouré la résidence du plaignant, les messages textes de ce dernier semblent confirmer qu’il croyait qu’il avait soit tué, soit grièvement blessé son ex‐amie et qu’il allait retourner en prison. Ses textes, dans lesquels il écrivait [traduction] « Oh oui… je lui ai tiré [l’ex-amie] une balle dans la tête... je pensais que tu devrais savoir… c’est à mon tour maintenant » et son commentaire que [traduction] « c’est fini » semblent confirmer que très tôt, même avant l’arrivée de la police, il avait décidé de mettre fin à ses jours, plutôt que d’être arrêté et de retourner en prison. Cela est également confirmé par son commentaire fait à l’AT nº 7 selon lequel c’était sa dernière journée, juste avant qu’il monte à l’étage et se tire une balle.

Sachant que le plaignant était en possession d’une arme à feu qu’il avait déjà utilisée contre une autre personne plus tôt ce jour‐là, les agents supérieurs chargés de diriger une équipe d’agents de police pour mettre fin à l’incident ne pouvaient courir le risque que le plaignant veuille avoir une fusillade avec la police ou tuer d’autres personnes avant de s’enlever la vie. Son message texte, qui a été lu après coup, indiquant qu’il aurait aimé abattre l’un des agents de police est une confirmation positive que les nombreuses précautions prises par la police étaient non seulement prudentes, mais absolument nécessaires pour assurer la sécurité des policiers et des membres du public.

Il est clair que le plaignant s’est ôté la vie sans intervention de la police. Il est confirmé, tant par la vidéo provenant du téléphone en ligne directe que par les trois témoins indépendants, qu’aucun agent de police n’est entré chez le plaignant et qu’aucune arme à feu n’a été déchargée par des agents de police avant le coup de feu fatal tiré par le plaignant. Ce serait se lancer en conjectures de supposer que si les agents de police avaient été moins prudents et avaient agi plus rapidement, ils auraient pu sauver la vie du plaignant au risque de perdre une autre vie humaine, mais au bout du compte, c’est le plaignant qui a décidé qu’il préférait mettre fin à sa vie plutôt que d’être arrêté et d’être emprisonné. Malgré cette perte de vie tragique, les agents de police chargés d’intervenir dans cet incident ont suivi toutes les procédures énoncées dans leurs lignes directrices et ne peuvent être tenus responsables des actions du plaignant qui a mis à exécution son projet de mettre fin à sa vie. Par conséquent, il n’y a aucun motif raisonnable dans cette affaire qui m’amènerait à porter des accusations criminelles.

Date : 5 décembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’ETP a agi comme secrétaire auprès de l’AI. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’ARWEN est une arme utilisée comme option moins létale; elle tire des balles en caoutchouc ou des capsules lacrymogènes. [Retour au texte]
  • 3) [3] Les heures indiquées correspondent aux références temporelles telles qu’elles apparaissaient dans la vidéo filmée par le téléphone en ligne directe. Les enquêteurs du SPK et de l’UES ont confirmé que les références temporelles enregistrées accusaient un retard de 63 minutes par rapport au temps réel. On a créé des images à partir de l’écran de surveillance au poste de commandement, qui montraient qu’il y avait une différence de 63 minutes par rapport à l’heure courante. Les temps corrigés sont indiqués entre crochets. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.