Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OVD-015

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme âgé de 35 ans le 17 janvier 2017 après que le véhicule dans lequel il se trouvait a été arrêté par un agent qui enquêtait sur un vol.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 janvier 2017, à 18 h 45, le Service de police régional de Durham (SPRD) a avisé l’UES du décès du plaignant.

Le SPRD a signalé que le mardi 17 janvier 2017, à 17 h 20, il avait reçu un appel concernant un vol au Home Depot à Oshawa. Une description du véhicule suspect a été diffusée et à 18 h, un agent du SPRD [désigné ultérieurement comme l’agent impliqué (AI)] a immobilisé le véhicule sur l’autoroute 35/115 en direction nord, au nord du chemin Taunton. L’un des occupants [on ne savait pas à l’époque si c’était le conducteur ou le passager, mais on sait maintenant qu’il s’agissait du passager] est sorti du véhicule et s’est enfui à pied. L’homme [désigné ultérieurement comme le plaignant] a tenté de traverser les voies en direction sud en courant et a été happé par un véhicule se dirigeant vers le sud. L’homme est décédé, et son corps était toujours sur les lieux au moment de l’enquête.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies et de mesures. L’enquêteur judiciaire a assisté à l’autopsie et l’a enregistrée et a aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires (CSJ).

Plaignant

Homme de 35 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

TC n° 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

AT n° 4 A participé à une entrevue

AT n° 5 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

En début de soirée le 17 janvier 2017, le Service de police régional de Durham (SPRD) a reçu un appel concernant un vol dans un Home Depot à Oshawa. L’appelant a fourni une description du suspect et du véhicule dans lequel il a pris la fuite, une Honda, ainsi que le numéro de la plaque d’immatriculation. L’information a été communiquée par radio aux agents du SPRD qui étaient de service à ce moment‐là.

L’AI, qui conduisait une voiture de patrouille entièrement identifiée du SPRD, a répondu à l’appel et a trouvé la Honda qui se dirigeait vers l’est sur le chemin Taunton près de la jonction de l’autoroute 35/115. L’AI a fait demi‐tour et a suivi la Honda. La Honda est entrée dans la rampe donnant accès aux voies nord de l’autoroute 35/115, et la voiture de patrouille l’a suivie.

Quand l’AI et la Honda sont arrivés au bout de la voie d’accélération, l’AI a allumé ses feux d’urgence et la Honda s’est rangée sur l’accotement asphalté au côté est de l’autoroute. L’AI s’est approché du côté du conducteur de la Honda. Le TC no 5 était au volant, et le plaignant était le passager. Le TC no 5 a ouvert la portière, et l’AI a constaté qu’il y avait un tuyau en métal sur le plancher à côté du siège du conducteur. L’AI a ordonné au TC no 5 de retirer les clés de l’allumage, de les placer sur le tableau de bord, de lever les mains et de sortir de la Honda, ce que le TC no 5 a fait.

Alors que l’AI passait les menottes au TC no 5, le plaignant est sorti de la Honda et s’est mis à courir vers l’est dans le fossé. L’AI a couru après le plaignant. Pour tenter d’arrêter le plaignant, l’AI a dégainé son arme à impulsions pendant qu’il courait. Le plaignant est passé par-dessus une clôture bordant l’autoroute et a couru vers le nord en la longeant. Puis, le plaignant est repassé par-dessus la clôture dans le sens inverse et a couru vers l’autoroute et la Honda. L’AI a déchargé son arme à impulsions contre le plaignant, mais les dards n’ont pas pénétré son manteau d’hiver et n’ont eu aucun effet.

Le plaignant s’est alors dirigé vers l’ouest en traversant les deux voies nord de l’autoroute 35/115 et a sauté par‐dessus le terre‐plein en béton au centre de l’autoroute et a couru dans les voies sud. Presque immédiatement, le plaignant a été heurté par une camionnette Toyota conduite par le TC no 2. Le TC no 2 a arrêté sa camionnette et lui et le TC no 1 sont sortis du véhicule. Puis, leur camionnette a été percutée par le TC no 3.

L’AI a trouvé le corps du plaignant dans le fossé qui longe l’autoroute du côté ouest. Le plaignant a été déclaré mort sur les lieux.

Preuve

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident étaient l’autoroute 35/115 au nord de la rampe de sortie vers le chemin Taunton. Cette partie de la route se compose de deux voies en direction nord et de deux voies en direction sud séparées par un muret de sécurité en béton. Il y a des accotements pavés de chaque côté de l’autoroute. à cet endroit, la chaussée est droite et est inclinée vers le haut dans la direction du sud au nord. Il y a une clôture se trouvant à 9,95 mètres à l’est de l’accotement pavé des voies nord.

Au moment de l’arrivée des enquêteurs, l’autoroute était fermée dans les deux sens et la Police provinciale de l’Ontario (PPO) était en train de boucler la scène de l’accident. Les routes étaient mouillées, il pleuvait et il ventait. La température était d’environ 1 ou 2 °C.

Les véhicules impliqués

Il y avait au total quatre véhicules à moteur dans le secteur bouclé. Le véhicule no 1 était une Honda de couleur noire. Ce véhicule était stationné sur l’accotement est de l’autoroute 35/115 et faisait face au nord. Ce véhicule ne présentait pas de nouveaux dégâts apparents. Il y avait également deux boîtes rouges (outils Milwaukee) et une valise noire sur le siège arrière.

Le véhicule no 2 était un véhicule de patrouille pleinement identifié du SPRD. Il s’agissait d’une Ford Police Interceptor de couleur blanche. Le véhicule était stationné sur l’accotement est de l’autoroute 35/115 et faisait également face au nord. Ce véhicule se trouvait immédiatement derrière le véhicule no 1, et ses feux d’urgence étaient activés. Le véhicule ne comportait aucun nouveau dégât visible.

Le véhicule no 3 était situé à environ 200 mètres au sud des véhicules nos 1 et 2. C’était une camionnette Toyota de couleur noire. Ce véhicule se trouvait sur la partie asphaltée de l’autoroute 35/115 et chevauchait les voies un et deux en direction sud. Il était orienté vers le sud. Les dommages causés à ce véhicule à moteur comprenaient des dommages considérables à l’avant et à la portière du conducteur[1].

Le véhicule no 4 sur les lieux a été impliqué dans un accident après la collision entre le véhicule no 3 et le véhicule dans lequel se trouvait le plaignant. Il était situé à plusieurs mètres au sud du véhicule no 3. Il s’agissait d’une camionnette Ford blanche. Les dégâts subis par ce véhicule à moteur ont été causés par la collision avec le véhicule no 3, après que le plaignant avait été heurté. Il y avait des dégâts à l’avant, au panneau latéral avant de côté passager et au miroir[2]. Bien que ce véhicule ait joué un rôle dans l’incident faisant l’objet de l’enquête de la Police provinciale de l’Ontario, il n’a pas eu de contact direct avec le plaignant et par conséquent, il n’a pas été inclus dans aucun des schémas des lieux de l’incident.

Objets saisis

On a examiné le fossé immédiatement à l’est des véhicules nos 1 et 2. Un certain nombre d’objets ont été trouvés, photographiés et recueillis par les enquêteurs judiciaires :

  1. une section de fil d’une arme à impulsions;
  2. une section d’une porte d’une arme à impulsions;
  3. un dard et fil d’une arme à impulsions;
  4. une écharpe;
  5. une cartouche d’une arme à impulsions;
  6. des confettis d’identification d’une arme à impulsions (AFID);
  7. deux composantes (en plastique vert) d’une arme à impulsions;
  8. un fil d’une arme à impulsions.

Le plaignant

On a trouvé le plaignant dans le fossé ouest à environ 50 mètres au sud des véhicules nos 1 et 2 et à 6,98 mètres à l’ouest de l’accotement pavé des voies en direction sud. Le plaignant était vêtu. Sa jambe gauche avait des signes évidents de traumatisme. Il a ensuite été retiré de la scène et amené au Complexe des sciences judiciaires et du coroner à Toronto.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Téléchargement des données de l’arme à impulsions

Le 17 janvier 2017, à 17 h 47 m 07 s, l’AI a appuyé sur la détente de son arme à impulsions, ce qui a déchargé la cartouche sélectionnée et a envoyé les dards sur le plaignant ou proche de lui. La détente a été activée pendant trois secondes. D’après les données téléchargées, l’arme à impulsions n’a pas été utilisée une deuxième fois.

Preuves médicolégales

Le CSJ a détecté de la morphine (et/ou de l’héroïne), du fentanyl, de la cocaïne, de la benzoylecgonine et de la dextrométhorphane dans un mélange de sang cardiaque et/ou d’urine provenant du plaignant.

Témoignage d’expert

Le 18 janvier 2017, à 11 h, le médecin légiste a commencé son autopsie du plaignant. à 13 h 35, elle a rapporté que la cause préliminaire du décès du plaignant était de multiples traumatismes contondants. Elle a confirmé ce constat dans le rapport final de l’autopsie qu’a reçu l’UES le 13 décembre 2017.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les alentours pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques.

Caméras de sécurité en circuit fermé (TVCF)

Les enquêteurs ont obtenu des séquences vidéo de télévisions en circuit fermé (TVCF) de la station d’essence Esso au 6065, autoroute 35/115, Orno (Ontario). à cet endroit, il y avait deux ensembles de caméras; les caméras de la première série se trouvaient à l’intérieur de l’installation ou étaient attachées aux murs externes. Les autres caméras étaient installées sur les pompes à essence.

Deux des caméras sur les pompes à essence montraient aussi la circulation se dirigeant vers le nord et vers le sud sur l’autoroute 35/115.

Un examen des images captées par les TVCF a révélé qu’elles étaient très sombres et montraient uniquement les phares ou feux arrière des véhicules et ne permettaient pas de déterminer ni leur marque ni leur modèle.

Le 17 janvier 2017, la caméra no 3 a capté la circulation vers le nord alors qu’elle passait par la station d’essence. à 17 h 35 m 40 s[3], deux véhicules se dirigeant vers le nord sont passés devant la caméra, le second véhicule ayant les feux d’urgence activés sur le toit. Les images étaient très sombres et il était impossible de savoir la marque ou le modèle des véhicules. Les deux véhicules sont sortis du plan de la caméra, mais il semblait que la voiture de patrouille se soit arrêtée juste au‐delà de la vue de la caméra, car les feux d’urgence étaient visibles du fait qu’ils se reflétaient sur les camions qui passaient.

La caméra no 2 montrait deux véhicules se dirigeant vers le nord à 17 h 35 m 40 s, mais aucun feu d’urgence n’était visible. Il semble que les feux d’urgence aient été activés, lorsque les images captées passent de la caméra no 2 à la caméra no 3.

À 17 h 37 m 16 s, la caméra no 3 a également capté les phares d’un véhicule se dirigeant vers le sud[4]. Ce véhicule s’est arrêté lentement tout en faisant clignoter ses quatre feux de signalisation. Il était impossible de voir la marque ou le modèle du véhicule dans la vidéo. Des voitures dépassaient des deux côtés ce véhicule arrêté.

À 17 h 41 m 35 s, une deuxième voiture de patrouille avec ses feux d’urgence activés est entrée dans le plan de la caméra, pour ensuite se déplacer vers le nord et quitter la vue de la caméra. La caméra no 2 montre également ce véhicule se déplacer vers le nord.

À 17 h 45 m 55 s, une troisième voiture de police avec ses feux d’urgence allumés est entrée dans le plan de la caméra et puis a quitté celle‐ci en se dirigeant vers le nord. La caméra no 2 montre également ce véhicule qui se déplace vers le nord.

À 17 h 48 m 20 s, un véhicule d’urgence avec ses feux clignotants entre dans le plan de la caméra et se dirige également vers le nord et quitte la vue de la caméra. On ne sait pas s’il s’agissait d’un véhicule de police ou d’un véhicule des services médicaux d’urgence. La caméra no 2 montre également ce véhicule qui se dirige vers le nord.

Il semblait que la circulation en direction sud sur l’autoroute 35/115 ait été arrêtée à environ 17 h 46 et que la circulation en direction nord ait été arrêtée à 17 h 49.

Le SPRD a également fourni les séquences enregistrées par les TVCF et des photographies provenant de Home Depot, d’où était venu l’appel initial au numéro 9‐1‐1.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications fournis par le SPRD ont été créés le 17 janvier 2017, de 17 h 20 m 44 s à 20 h 26 m 25 s et ont révélé ce qui suit :

  • À 17 h 20 m 44 s, un employé chez Home Depot a appelé le numéro 9‐1‐1 pour signaler un vol. L’employé a fourni l’information sur la plaque d’immatriculation du véhicule et une description du suspect
  • À 17 h 23 m 25 s, le répartiteur du SPRD a diffusé un communiqué général par la radio de police signalant le vol à Home Depot. Le répartiteur a fourni une description du suspect et du véhicule dans lequel il se déplaçait
  • À 17 h 40 m 41 s, une unité du SPRD a informé le répartiteur que le conducteur du véhicule suspect [désigné ultérieurement comme le TC no 5] était le fils du propriétaire enregistré du véhicule
  • À 17 h 46 m 21 s, l’AI a informé le répartiteur que le véhicule du suspect se dirigeait vers le nord sur l’autoroute 35/115 au chemin Taunton
  • À 17 h 46 m 46 s, l’AI a informé le répartiteur qu’il avait forcé le véhicule du suspect à s’arrêter à 500 mètres au nord du chemin Taunton
  • À 17 h 47 m 29 s, l’AI a signalé au répartiteur qu’il avait placé sous garde deux personnes
  • À 17 h 48 m 08 s, l’AI a indiqué au répartiteur que l’un des deux hommes [désigné ultérieurement comme le plaignant] s’était enfui à pied, avait traversé l’autoroute 35/115 et avait été happé par un véhicule
  • À 17 h 49 m 05 s, l’AI a avisé le répartiteur qu’il fallait fermer les voies en direction nord de l’autoroute 35/115
  • À 17 h 51 m 38 s, l’AI a informé le répartiteur qu’il se trouvait au véhicule impliqué [le véhicule qui avait happé le plaignant] et que la circulation ne ralentissait pas. Il a aussi précisé qu’il n’était pas en mesure de trouver le plaignant
  • À 17 h 51 m 59 s, l’AI a indiqué au répartiteur que le conducteur du véhicule suspect [TC no 5] avait été arrêté et qu’il était assis sur le siège arrière de sa voiture de patrouille. Il a ajouté que le plaignant avait été heurté par un véhicule qui se déplaçait dans les voies en direction sud de l’autoroute 35/115
  • À 17 h 57 m 35 s, une unité du SPRD a fait savoir au répartiteur que l’AI se trouvait à sa voiture de patrouille et que le plaignant était neuf‐deux‐neuf [décédé]

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRD les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Dossier d’entretien de l’arme à impulsions
  • Résumé détaillé des appels
  • Fiche dactyloscopique du SPRD
  • Photographies prises par l’agent des scènes de crime, et images des TVCF et photographies fournies par Home Depot
  • Rapport général d’incident
  • Système de localisation automatique du véhicule (LSV) du système mondial de localisation (GPS) – vérification des vitesses
  • Notes des AT nos 1, 2 et 5
  • Procédure – opérations faisant intervenir des véhicules de police
  • Données téléchargées de l’arme à impulsions Taser X26
  • Dossiers de formation – AI

Analyse et décision du Directeur

Le 17 janvier 2017, à 17 h 20 m 44 s, le SPRD a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 d’un employé du Home Depot aux chemins Harmony et Taunton dans la ville d’Oshawa pour signaler le vol d’une quantité importante d’articles dans le magasin. L’appelant a fourni une description de la personne qui aurait volé les articles et la plaque d’immatriculation du véhicule à bord duquel le suspect a fui. à la suite de cet appel, un message général a été diffusé par la radio de police, renfermant l’information fournie durant l’appel au numéro 9‐1‐1. Une vérification de la plaque d’immatriculation dans le système informatique a révélé que le véhicule était enregistré au nom du père du TC no 5, qui habitait dans un secteur situé au nord‐est d’Oshawa.

Lorsqu’il a entendu le message, l’AI a déterminé que, selon toute vraisemblance, le véhicule se rendrait vers l’est sur le chemin Taunton afin de retourner à proximité de l’adresse du propriétaire enregistré et a décidé de s’y rendre à la recherche du véhicule. L’AI se dirigeait vers l’ouest dans le secteur du chemin Taunton et se trouvait à la jonction avec l’autoroute 35/115, lorsqu’il a aperçu le véhicule suspect, une Honda noire, qui se déplaçait vers l’est sur le chemin Taunton; l’AI a fait demi‐tour et a suivi le véhicule alors qu’il entrait dans la rampe donnant accès aux voies nord de l’autoroute 35/115. L’enregistrement des communications confirme qu’à 17 h 46 m 21 s, l’AI a informé le répartiteur que le véhicule suspect se dirigeait maintenant vers le nord sur l’autoroute 35/115 au chemin Taunton.

L’AI a activé ses feux sur le toit et a observé la Honda se ranger sur l’accotement pavé au côté est de l’autoroute. L’enregistrement des communications confirme qu’à 17 h 46 m 46 s, l’AI a rapporté qu’il avait immobilisé le véhicule du suspect à 500 mètres au nord du chemin Taunton.

L’AI a expliqué qu’alors qu’il suivait la Honda jusqu’à la fin de la voie d’accélération, il avait activé ses feux d’urgence sur le toit et que la Honda s’était arrêtée sur le bord de l’autoroute; l’AI avait arrêté sa voiture de patrouille à une trentaine de pieds [9,14 mètres] derrière la Honda et, tout en laissant ses feux d’urgence allumés, avait allumé son spot et l’avait dirigé sur la Honda devant lui. L’AI a indiqué que même s’il faisait très sombre cette nuit‐là, la zone immédiatement devant son véhicule était bien éclairée grâce à l’éclairage venant de son véhicule. L’AI s’est approché de la Honda et a constaté que le conducteur, le TC no 5, ouvrait sa portière et l’AI a vu un tuyau en métal sur le plancher à côté de son siège. L’AI a immédiatement crié au TC no 5 de lui montrer ses mains et le TC no 5 a obtempéré; l’AI a alors demandé au TC no 5 de retirer les clés du contact et de nouveau, il a obéi. à 17 h 47 m 29 s, comme le confirme l’enregistrement des communications, l’AI a signalé qu’il avait deux personnes sous garde.

Le TC no 5 est sorti du véhicule, et l’AI a commencé à lui passer les menottes. à ce moment‐là, le plaignant est sorti du côté passager de la voiture et s’est enfui en courant vers le terrain d’un fermier à côté de la route. L’AI a indiqué qu’il avait dégainé son arme à impulsions alors qu’il courait dans le fossé après le plaignant et a vu celui‐ci grimper par‐dessus une clôture d’une hauteur de 4 pieds [1,22 mètre] longeant l’autoroute. L’AI s’est jeté par‐dessus la clôture et a atterri sur le dos.

L’AI a expliqué qu’il avait vu le plaignant franchir la clôture dans l’autre sens et courir vers l’autoroute et la Honda; l’AI a indiqué qu’il ne voulait pas que le plaignant atteigne la Honda ou la voiture de patrouille et il a donc déchargé son arme à impulsions sur le plaignant, alors que celui‐ci se trouvait à environ 15 pieds [4,57 mètres] devant lui, mais les dards de l’arme à impulsions n’ont pas pénétré le manteau du plaignant et n’ont pas eu l’effet espéré. L’AI a crié au plaignant de s’arrêter et il a vu qu’il levait les bras dans les airs et l’a entendu dire [traduction] « ok, ok » comme s’il abandonnait, mais il n’a pas ralenti. Les données téléchargées de l’arme à impulsions ont confirmé la déclaration de l’AI, puisqu’elles ont indiqué que l’arme à impulsions n’avait été utilisée qu’une seule fois, c’est‐à‐dire à 17 h 47 m 07 s et non pas deux fois[5] et que la tentative d’utilisation de l’arme à impulsions n’avait pas duré plus de trois secondes.

L’AI a indiqué qu’il avait vu le plaignant entrer dans la Honda du côté du conducteur, dont l’AI avait obtenu les clés, et que dès que l’AI était arrivé au parechoc avant du côté passager du véhicule, le plaignant en était ressorti et avait couru directement dans la direction ouest et avait traversé les deux voies nord de l’autoroute 35/115. L’AI a vu le plaignant sauter par‐dessus le terre‐plein en béton au centre de l’autoroute, faire deux pas en courant dans les voies sud et être happé presque immédiatement par une camionnette; l’AI a vu le plaignant projeté haut dans les airs, après quoi il l’a perdu de vue. D’après l’enregistrement des communications, à 17 h 48 m 08 s, l’AI a signalé que l’un des deux hommes avait pris la fuite à pied, avait traversé l’autoroute 35/115 et avait été heurté par un véhicule.

Les témoins ont confirmé que l’AI n’était pas proche du plaignant lorsqu’il a été heurté par la Toyota.

L’AI a marché le long de l’accotement ouest à la recherche du plaignant et l’a finalement trouvé dans le fossé ouest; il était clair pour l’AI que le plaignant n’aurait pas pu survivre à l’impact. à 19 h 41, le plaignant a été déclaré mort sur les lieux. Un rapport d’autopsie a confirmé que la cause du décès du plaignant était de multiples traumatismes contondants[6].

Les TC nos 1 et 2 étaient à bord de la camionnette qui a happé le plaignant, et le TC no 3 conduisait une camionnette de couleur blanche qui est entrée en collision avec le véhicule des TC nos 1 et 2 après qu’ils s’étaient arrêtés dans la voie de bordure sud de l’autoroute. Tous les témoins ont indiqué qu’il faisait très sombre cette nuit‐là, et qu’il n’y avait aucun éclairage artificiel de l’autoroute. Aucun des témoins civils n’a vu le plaignant avant, pendant ou après l’accident durant lequel il a été heurté.

Ce que l’AI a dit au TC no 2 et à l’AT no 1 à la suite de l’incident, les observations du TC no 5, les enregistrements des communications et la déclaration de l’AI concordent tous; il n’y a aucune contestation quant aux faits importants.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est clair qu’il n’y a jamais eu de contact direct, physique ou verbal entre le plaignant et l’AI, que le plaignant a délibérément pris la décision de s’échapper à la police et que ce faisant, il s’est lancé en courant dans une voie de circulation où des véhicules se déplaçaient et où il a été heurté et tué par un automobiliste. étant donné qu’il n’y a aucune preuve que l’AI ait causé le décès du plaignant d’une façon ou d’une autre, il n’y a aucun lien de causalité entre le décès du plaignant et les actions de l’AI et, par conséquent, aucune raison de porter des accusations.

Bien qu’il soit vrai que si l’AI n’avait pas arrêté la Honda pour enquêter à la suite de renseignements qu’il avait reçus selon lesquels les occupants de ce véhicule à moteur avaient commis une infraction criminelle, le plaignant n’aurait peut‐être pas pris la fuite en courant et n’aurait peut‐être pas été tué, mais la police ne peut être tenue responsable des actes posés par des personnes qui veulent s’échapper à elle. Lorsque l’AI a initialement intercepté la Honda et a demandé au TC no 5 de sortir du véhicule, il avait des motifs raisonnables de croire, d’après les renseignements obtenus, qu’une infraction en contravention du Code criminel avait été commise et que les occupants de ce véhicule en étaient responsables et qu’il était tenu d’enquêter. Une fois que le plaignant s’est enfui, l’AI était en droit de le poursuivre pour mener son enquête licite et procéder à l’arrestation légale du suspect. Les choix faits par le plaignant pour échapper à la police et puis courir dans les voies de circulation où il y avait du trafic, étaient les siens, et il est le seul responsable des résultats tragiques.

Ceci dit, j’aimerais me pencher quelque peu sur les gestes posés par l’AI avant et après le décès du plaignant : pendant que l’AI était à la recherche de la Honda et lorsqu’il a enquêté sur celle‐ci, il a tenu le répartiteur au courant de tout fait nouveau; lorsqu’il a immobilisé le véhicule suspect et dans ses interactions avec les occupants de celui‐ci, il semble avoir donné la priorité à leur sécurité, ainsi qu’à celle des autres automobilistes sur l’autoroute; il a eu recours à ses options d’emploi de la force prudemment, et a décidé d’utiliser son arme à impulsions pour éviter que le plaignant prenne la fuite et l’a seulement utilisée pendant une très courte période; son comportement immédiatement après que le plaignant a été happé par le véhicule à moteur, en dépit de sa détresse évidente, montre de nouveau qu’il a donné la priorité à la sécurité du public, en ce sens qu’il a ordonné aux TC nos 1 et 2 de quitter l’autoroute et de se rendre à un endroit sûr, ce qui leur a peut‐être sauvé la vie, puisque leurs véhicules ont été percutés par un second véhicule à moteur seulement quelques secondes plus tard; il a immédiatement conclu qu’il s’agissait d’une situation sérieuse qui nécessiterait la participation de l’UES et n’a pas discuté de ses éléments de preuve avec aucun autre agent de police, à part son sergent; l’ensemble de ces éléments montre que les actions de l’AI, durant toute la durée de cet événement tragique, étaient professionnelles, prudentes et correspondaient au type de comportement dont le public est en droit de s’attendre de la part de tous les agents de police.

Dans cette affaire, il n’y a aucun lien de causalité entre les actions de l’AI et le décès tragique du plaignant, et il n’y a pas non plus de fondement pour porter des accusations criminelles.

Date : 19 décembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La camionnette Toyota présentait des dommages aux endroits suivants : parechoc avant du côté passager, panneau latéral avant du côté passager et portière du conducteur; les deux coussins gonflables avaient été activés dans le compartiment du conducteur. [Retour au texte]
  • 2) [2] La camionnette Ford blanche comportait des dégâts aux endroits suivants : panneau latéral avant du côté passager, rétroviseur du côté passager, qui avait été arraché de son cadre/support, porte avant du côté passager enfoncée et déplacement du capot à l’avant. [Retour au texte]
  • 3) [3] D’après l’analyse par l’UES de l’enregistrement des communications du SPRD, il semble que les heures indiquées dans les séquences des caméras de sécurité en circuit fermé de la station Esso accusaient un retard d’environ 11 minutes par rapport à l’heure normale de l’est (HNE). [Retour au texte]
  • 4) [4] Il s’agit fort probablement de la camionnette Toyota conduite par le TC no 2. [Retour au texte]
  • 5) [5] Le TC no 5 pensait que l’AI avait utilisé son arme à impulsions à deux reprises; la première fois lorsqu’il avait couru après le plaignant dans un champ et la seconde fois lorsqu’il le suivait en courant vers la Honda. En dépit d’être convaincu de cela, le TC no 5 a dit que ce n’était pas la faute de l’AI que le plaignant s’était dirigé vers les voies de circulation en direction sud de l’autoroute. [Retour au texte]
  • 6) [6] Le CSJ a détecté de la morphine (et/ou de l’héroïne), du fentanyl, de la cocaïne, de la benzoylecgonine et de la dextrométhorphane dans l’échantillon mixte de sang cardiaque et/ou d’urine. Ces substances ne sont pas à l’origine ni n’ont contribué directement au décès. L’effet qu’elles auraient pu avoir sur le comportement du plaignant et sa capacité de prendre des décisions est inconnu. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.