Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-036

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRP »)

En vertu de la LPRP, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 49 ans pendant qu’il faisait l’objet d’une enquête le 20 février 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 février 2017, à 23 h, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant à Brampton pendant qu’il était sous sa garde.

La PRP a signalé que l’agent impliqué (AI) est intervenu à la suite d’un appel au numéro 9 1-1 signalant que deux hommes se battaient dans une rue résidentielle à Brampton. L’AI s’est rendu sur place et a vu un homme [plus tard désigné comme le plaignant] qui correspondait à la description qui lui avait été fournie et il l’a interpellé, mais l’homme n’a pas répondu.

Après que l’AI était sorti de sa voiture de patrouille, le plaignant a saisi un couteau. Une lutte s’est ensuivie et l’AI a lancé le plaignant au sol et l’a placé sous garde. Le plaignant a été amené à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une fracture à l’os orbital et où il a fallu lui faire trois points de suture pour fermer une coupure au-dessus de l’œil.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les preuves. Ils ont documenté la scène pertinente associée à l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant

Entretien avec l’homme âgé de 49 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

En début de soirée le 20 février 2017, le plaignant a eu une altercation physique avec un autre homme pendant qu’il marchait dans la rue à proximité de son domicile. Il était intoxiqué à l’époque. La TC a observé l’incident et a appelé le numéro 9-1-1.

L’AI a répondu à l’appel et a trouvé le plaignant dans la rue. Il n’y avait personne d’autre aux alentours. Le plaignant a nié qu’il y avait eu une quelconque agression et s’est remis à marcher pour passer à côté de l’AI. Craignant que le plaignant avait une arme en sa possession en raison de sa démarche, l’AI a demandé au plaignant de s’arrêter. Le plaignant n’a pas tenu compte de l’ordre donné par l’AI, qui a saisi le plaignant par le bras pour l’amener à la voiture de patrouille. Lorsqu’ils se sont approchés de la voiture de patrouille, le plaignant a glissé la main dans sa veste et l’AI a vu un reflet de couleur argent, semblable à celle de la lame d’un couteau, venant de la main du plaignant. Soucieux de sa sécurité, l’AI a utilisé une technique de « lancement avec la hanche[1] » pour mettre le plaignant au sol. Le plaignant a lâché le couteau qu’il tenait, et l’AI lui a passé les menottes. Comme le plaignant saignait du front, une ambulance a été appelée sur les lieux.

Le plaignant a été emmené à l’hôpital, où il a été déterminé qu’il avait subi une fracture de l’os orbital gauche et une fracture à la paroi antérieure de l’antre gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident est survenu sur la chaussée devant une maison située dans une rue résidentielle à Brampton.

Preuve matérielle

L’AI a confisqué un gros couteau en la possession du plaignant, lequel couteau a été remis à l’UES. Voici une photo du couteau saisi sur les lieux :

une photo du couteau saisi sur les lieux

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné le secteur pour trouver des enregistrements vidéo ou audio, ainsi que des preuves photographiques, et a découvert des séquences vidéo provenant d’une télévision en circuit fermé (TVCF) dans une résidence située sur la même rue.

Séquences provenant d’une télévision en circuit fermé d’une résidence à proximité

Les images captées par la télévision en circuit fermé de la résidence située à proximité ont révélé ce qui suit :

  • à 19 h 26 m 58 s , le plaignant marche sur la chaussée et se dirige vers sa résidence située sur la même rue [à environ 3 maisons de la résidence équipée de la TVCF]
  • à 19 h 27 m 48 s, le plaignant sort de sa résidence et retourne en marchant sur la chaussée dans la direction d’où il est venu initialement
  • à 19 h 31 m 12 s, l’AI arrive dans la rue à bord de son véhicule de police. Le plaignant marche sur la chaussée vers sa résidence. Comme l’AI quitte son véhicule de police, le plaignant passe à côté lui. Il s’arrête pendant une seconde à côté de l’AI et puis poursuit son chemin pour se rendre vers sa résidence. L’AI suit le plaignant et saisit son bras gauche et l’escorte vers le coffre de son véhicule de police
  • à 19 h 31 m 40 s, l’AI tient le bras gauche du plaignant avec sa main gauche et se tient derrière le plaignant. Le coude droit du plaignant bouge et l’AI tire immédiatement le bras gauche du plaignant vers le sol et force le plaignant à tomber par terre
  • à 19 h 31 m 49 s, l’AI place le genou droit sur le dos du plaignant et met les mains du plaignant derrière le dos. Puis, l’AI fouille le plaignant
  • à 19 h 33 m 56 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 arrivent sur les lieux. L’AT no 1 aide l’AI en tenant le plaignant
  • à 21 h 34 m 53 s, l’AI ramasse un couteau du sol et le place sur le dessus du coffre de son véhicule de patrouille
  • à 19 h 35 m 41 s, le plaignant est escorté par l’AI et l’AT no 1 jusqu’au siège arrière du véhicule de police de l’AI
  • à 19 h 41 m 36 s, une ambulance arrive
  • à 19 h 53 m 40 s, le plaignant est placé dans l’ambulance

Enregistrements des communications

Enregistrements audio de l’appel au numéro 9-1-1

L’UES a reçu et examiné les enregistrements d’appels au numéro 9-1-1 pertinents dans le cadre de cette enquête. Les enregistrements ont révélé ce qui suit :

De 18 h 35 m 37 s à 18 h 39 m 44 s

La TC a appelé le numéro 9-1-1 et a dit au préposé qu’un inconnu avait frappé un autre homme [plus tard désigné comme le plaignant]. Le plaignant s’est alors rendu à une maison située à proximité et est retourné dans le secteur où il avait reçu le coup.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Rapport des communications audio – Appels au numéro 9-1-1
  • Rapport des communications audio - Transmissions radio
  • Chronologie des événements
  • Notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • Détails de l’incident
  • Description de la technique de « lancement avec la hanche »
  • Procédure – Recours à la force
  • Déclaration de la témoin au PRP – la TC

Dispositions législatives petinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 88(1) du Code criminel – Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

Analyse et décision du directeur

Le 20 février 2017, à 18 h 35 m 37 s, la Police régionale de Peel (PRP) a reçu un appel au numéro 9 1 1 de la TC, qui a indiqué qu’elle avait vu deux hommes se battre dans la rue et qu’un des deux hommes venait tout juste de pousser l’autre homme au sol. Elle a précisé que le deuxième homme était entré dans une maison dans la rue et qu’il retournait maintenant à l’endroit où l’interaction initiale avait eu lieu. Par conséquent, l’AI a été dépêché sur les lieux, où il est arrivé vers 18 h 40 et a stationné sa voiture de patrouille devant la maison, mais il n’a pas réussi à trouver quiconque dans le secteur. Quelques secondes plus tard, l’AI a vu le plaignant se rendre à pied vers lui et il lui a demandé s’il avait été mêlé à une bagarre.

Le plaignant ne se souvenait pas comment il avait été blessé au visage, mais se rappelait avoir dit à l’AI qu’il n’avait pas été mêlé à une bagarre. Le plaignant a nié avoir des armes en sa possession au moment de son interaction avec l’agent de police.

Dans sa déclaration, l’AI a confirmé le témoignage du plaignant en ce sens que lorsqu’il avait demandé à ce dernier s’il avait été mêlé à une bagarre, le plaignant avait répondu que ce n’était pas le cas et puis avait poursuivi son chemin et s’était éloigné de lui. Se fondant sur son entraînement, l’AI pensait que la manière dont le plaignant marchait était semblable à celle d’une personne qui essaie de dissimuler une arme et lui a demandé de s’arrêter, mais le plaignant a continué de s’éloigner. L’AI a également confirmé un autre élément du témoignage du plaignant, qui a dit que l’agent était venu vers lui et l’avait escorté jusqu’à l’arrière de sa voiture de patrouille. L’AI a indiqué qu’il se souvenait que l’haleine du plaignant empestait l’alcool. Là où il y a divergence entre les témoignages du plaignant et de l’AI est l’affirmation de l’AI que lorsqu’il avait informé le plaignant qu’il le mettait sous garde pour enquêter et avait saisi son bras gauche tout en se tenant debout derrière lui, il avait observé le plaignant bouger soudainement son coude droit, comme s’il voulait récupérer quelque chose à l’intérieur de sa veste. L’AI a indiqué qu’il avait vu un reflet de couleur argent et qu’il croyait que le plaignant était peut être en possession d’un couteau et qu’il craignait pour sa propre sécurité. Apparemment, l’AI a envisagé toutes ses options pour désarmer le plaignant et a conclu que la meilleure solution serait de l’amener au sol au moyen d’une technique de lancement à la hanche qu’on lui avait enseignée au Collège de police de l’Ontario, et il a eu recours à cette méthode et a lancé le plaignant au sol, après quoi le plaignant a lâché le couteau. à ce moment là, l’AI était par-dessus le plaignant et l’a tenu avec son bras gauche pendant qu’il ramassait le couteau avec son bras droit et l’a lancé vers son véhicule de police. L’AI a indiqué que le plaignant avait perdu connaissance lorsqu’il était sur le sol et que plus tard, il a constaté qu’il avait du sang à son sourcil gauche. L’AT no 1 s’est rappelé que lorsqu’elle était arrivée sur les lieux, l’AI l’avait informée que le plaignant avait sorti un couteau et que l’AI l’avait plaqué au sol et que c’est la raison pour laquelle le plaignant avait une blessure à l’œil gauche.

Heureusement, toute l’interaction entre l’AI et le plaignant a été filmée par une TVCF à une résidence à proximité. Les séquences montrent le plaignant marchant vers sa résidence et en ressortant peu après pour retourner dans la direction d’où il était venu juste avant. On voit l’AI arriver dans le secteur à 19 h 31 m 12 s et sortir de son véhicule et le plaignant passer à côté de l’AI en marchant, s’arrêter brièvement à côté de celui ci et puis poursuivre son chemin vers sa résidence. On voit l’AI suivre le plaignant et saisir son bras gauche et l’escorter au coffre de sa voiture de patrouille. à 19 h 31 m 40 s, on voit l’AI, qui se trouve derrière le plaignant, tenir son bras gauche, tandis que le coude droit du plaignant se déplace et on voit l’AI tirer immédiatement le plaignant vers le bas et causer sa chute. Puis, on voit l’AI placer son genou droit sur le haut du dos du plaignant, et puis, menotter le plaignant, les mains derrière le dos. à 19 h 34 m 56 s, on voit l’AI ramasser le couteau sur le sol et le placer sur le dessus du coffre de la voiture de patrouille.

L’AT no 1, qui a transporté le plaignant à l’hôpital, a indiqué que le plaignant lui avait avoué qu’après l’altercation dans la rue avec le conducteur du véhicule , durant laquelle le plaignant avait reçu un coup qui l’avait fait tomber par terre, le plaignant est retourné à son domicile et a pris un couteau et puis est revenu vers l’endroit de l’altercation pour trouver son agresseur, lorsqu’il a été arrêté par l’AI. Le plaignant a précisé qu’il ne se souvenait pas comment il avait reçu ses blessures, mais il pensait que c’était peut être lorsqu’il avait été poussé au sol par son agresseur civil.

Une fois qu’il était à l’hôpital, on a déterminé que le plaignant avait une fracture à l’os orbital gauche (orbite de l’œil). Son analyse toxicologique a révélé que son taux d’alcoolémie était de 51,1 mmole/l où l’équivalent de 235 mg d’alcool par 100 ml de sang, près de trois fois la limite légale fixée pour la conduite d’un véhicule à moteur, contredisant ainsi la déclaration du plaignant quant à la quantité d’alcool qu’il prétendait avoir consommée ce soir là.

Compte tenu de ces éléments de preuve, et comme le confirment clairement les images enregistrées par la TVCF, je ne puis me fonder sur le témoignage du plaignant, sauf pour les éléments confirmés par d’autres éléments de preuve. L’affirmation du plaignant concernant la quantité d’alcool qu’il avait consommé au cours de la soirée est contredite par l’analyse toxicologique; sa réfutation qu’il avait un couteau sur lui au moment de l’interaction avec l’AI est clairement contredite aussi bien par les images filmées par la TVCF que par son propre aveu à l’AT no 1 qu’il s’était armé d’un couteau et retournait à l’endroit de l’altercation antérieure; et son manque de souvenir des événements entourant sa blessure semble plutôt confirmer son taux d’alcoolémie élevée ou, plus probablement, sa mémoire sélective concernant l’incident. à la lumière de tous les éléments de preuve fiables dont je dispose, je n’ai aucune difficulté à conclure que le plaignant était armé d’un couteau lorsqu’il est entré en contact avec l’AI, qu’il s’était armé du couteau dans le but de retourner à l’endroit de l’altercation antérieure et de poursuivre ce conflit et qu’il tentait de sortir le couteau lorsque l’AI a essayé de le placer sous garde, puisque le couteau est tombé de sa main quand a été plaqué au sol, lequel couteau l’AI a ramassé ensuite, comme le montrent les images de la TVCF.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déclaration de la TC qu’il y avait eu ce qu’elle a décrit comme une agression où un homme avait frappé un autre homme et l’avait terrassé; pour cette raison, elle avait appelé le numéro 9 1 1 et, en se basant sur l’information fournie lors de cet appel, l’AI avait des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de voies de fait avait été commise et qu’il était tenu d’enquêter. Comme la TC a quitté le secteur avant l’arrivée de l’AI, celui ci n’était pas en mesure de déterminer qui était l’agresseur et qui était la victime du coup et, par conséquent, il était légalement autorisé à placer le plaignant sous garde pour pouvoir enquêter. Je rejette expressément l’allégation du plaignant selon laquelle l’AI l’a immédiatement menotté, préférant plutôt le témoignage de l’AI, confirmé par les séquences de la TVCF, que l’AI n’a pas arrêté et menotté le plaignant avant qu’il sorte le couteau de ses vêtements, auquel moment il aurait été passible d’arrestation pour port d’arme dans un dessein dangereux, en contravention de l’article 88 du Code criminel. Ainsi, la détention initiale du plaignant, permettant à l’AI d’enquêter sur l’agression allégée lors de l’appel au numéro 9 1 1, et l’appréhension et l’arrestation subséquentes du plaignant, étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé par l’AI dans sa tentative de désarmer et de maîtriser le plaignant, je conclus que son comportement était justifié dans les circonstances et qu’il n’a pas eu recours à plus de force que nécessaire pour assurer sa propre sécurité et pour désarmer le plaignant, qui était armé d’un couteau et qui semblait vouloir le sortir, lorsque l’AI l’a amené au sol. à la lumière du fait que l’AI était en possession d’information selon laquelle une agression avait déjà eu lieu, mais qu’il ignorait si le plaignant était l’agresseur ou la victime, il était raisonnable subjectivement et objectivement de craindre que le plaignant constituait un danger pour l’AI et que sa vie et sa sécurité risquaient d’être menacées si le plaignant n’était pas désarmé sur-le-champ. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par l’AI n’était pas supérieure à ce qui était nécessaire pour désarmer le plaignant et qu’elle tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise en détention légale et assurer la sécurité de l’AI.

Même si je conclus qu’il est très probable que le plaignant a subi une fracture à l’os orbital lorsqu’il a tenté de prendre le couteau qui était caché sur sa personne et a été forcé au sol, où il s’est probablement cogné le visage sur la chaussée, ce qui a causé la blessure au dessus de son œil gauche observée par l’AI, ainsi que la fracture, je ne peux conclure qu’il s’agissait d’un recours excessif à la force. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Dans cette affaire, il est clair que l’AI s’est retrouvé dans une situation qui pouvait raisonnablement être considérée comme très dangereuse, puisqu’il a observé le plaignant tenter de saisir une arme alors qu’il était très proche de lui, d’autant plus qu’il était seul sans aucun renfort et qu’il n’avait pas la possibilité de se prévaloir d’autres options pour désarmer le plaignant, rapidement et en toute sécurité. Je conclus que la stratégie qu’il a employée pour amener le plaignant au sol et qui a immédiat forcé le plaignant à lâcher sa prise sur le couteau, tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa détention légale et pour éliminer le risque qu’il continuait de poser aussi longtemps qu’il avait le couteau en sa possession. Bien qu’il soit malheureux que le plaignant soit tombé sur le visage, qui a causé la fracture de son os orbital et une perte de connaissance momentanée, l’AI ne pouvait s’offrir le luxe d’apprécier son recours à la force avec exactitude alors qu’il faisait face à un danger immédiat du fait qu’il avait affaire à un homme armé.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la mise sous détention du plaignant et la manière dont cela s’est fait étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par l’agent tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 5 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La technique a été décrite par la PRP comme consistant à tenir son adversaire d’une quelconque façon de l’avant et puis à faire un demi-tour tout en faisant un pas vers le côté et tout en tirant l’adversaire par-dessus la hanche et la jambe, ce qui a pour effet de lui faire perdre l’équilibre et de le faire tomber au sol. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.