Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-077

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 59 ans le 12 avril 2017 lors de son arrestation pour voies de fait.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 avril 2017, à 4 h 52, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde.

Le SPT a signalé que le mercredi 12 avril 2017, à 22 h 30, des agents de police du SPT [désignés subséquemment comme l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT)] se sont entretenus avec la conjointe du plaignant (la conjointe) et ont conclu qu’il y avait des motifs d’arrêter le plaignant pour voies de fait. Alors que les agents de police s’apprêtaient à arrêter le plaignant, il est tombé en cherchant à les éviter, et s’est heurté le visage.

Le nez du plaignant saignait et il a été amené à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une fissure à l’os nasal. Le plaignant a été ramené à la division du SPT où, au moment de la notification, il était toujours en détention.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 59 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

Agent témoin (AT)

AT A participé à une entrevue

De plus, les notes d’un autre agent non désigné[1] ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Tard le soir du 12 avril 2017, la conjointe a appelé au numéro 9‐1‐1 pour signaler que son mari était intoxiqué et l’avait agressée. L’AI et l’AT sont intervenus à la suite de l’appel.

Lorsque l’AI et l’AT sont arrivés à l’appartement, ils ont constaté que le plaignant dormait sur le divan. Une fois que les agents avaient réussi à réveiller le plaignant, celui‐ci avait du mal à s’asseoir et puis à se lever. Le plaignant était clairement en état d’ébriété et avait de la difficulté à maintenir son équilibre et à s’habiller. Ayant l’intention d’arrêter le plaignant pour voies de fait contre un membre de la famille, l’AI a demandé au plaignant de se retourner et de mettre les bras derrière le dos. Le plaignant a obtempéré.

L’AT a informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait et il a pris le poignet droit du plaignant. Le plaignant a éloigné son corps de l’AI. L’AI a lâché le poignet du plaignant alors qu’il s’éloignait. Le plaignant est tombé vers l’avant et a atterri directement sur le visage.

L’AI a passé les menottes au plaignant pendant qu’il était couché sur le ventre au sol. Une fois que le plaignant s’est mis dans la position assise, il était évident qu’il avait une blessure au visage. L’AI a appelé une ambulance, et des ambulanciers paramédicaux sont arrivés à l’appartement et ont évalué le plaignant. Ce dernier a été transporté par ambulance à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il avait un os nasal fracturé.

Preuve

Les lieux de l’incident

Les enquêteurs judiciaires de l’UES ne pouvaient examiner l’endroit où le plaignant avait subi sa blessure puisque le lieu de l’incident avait été nettoyé par la conjointe ou sa fille (la fille). Le plancher du salon sur lequel le plaignant a fait sa chute était en bois franc.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • vidéos du poste de police (mise en détention, libération, cellule)
  • vidéo de la caméra dans la voiture de patrouille de l’AI
  • résumé des contacts – plaignant
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapports d’incident généraux (deux)
  • notes de l’AT
  • notes d’un agent non désigné
  • procédure – emploi de la force
  • promesse de comparaître et engagement – plaignant
  • feuille sommaire du Système automatisé de répartition (SAR) – résumé de la conversation
  • déclaration d’un témoin au SPT (la fille)
  • déclaration vidéo au SPT (la conjointe)
  • dossier de formation – AI

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

Article 264.1 du Code criminel - Proférer des menaces

264.1 (1) Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace :

  1. de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un
  2. de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles
  3. de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un

Analyse et décision du directeur

Le 12 avril 2017, à 22 h 32 m 08 s, le SPT a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 de la conjointe du plaignant (la conjointe). La conjointe a indiqué que son mari, le plaignant, était alcoolique, avait consommé de l’alcool, était ivre et se comportait de façon agressive et qu’il l’avait poussée et bousculée. À la suite de cet appel, à 23 h 11 m 53 s, le SPT a envoyé une voiture de patrouille avec à son bord l’AI et l’AT et elle est arrivée à l’adresse à 23 h 32 m 55 s. Puis, le plaignant a été arrêté pour voies de fait contre un membre de la famille et a été transporté à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il avait [traduction] « une fracture très légèrement déplacée à l’extrémité de 3 mm de l’os nasal ».

Dans sa déclaration aux enquêteurs, le plaignant a allégué que les deux agents de police avaient saisi et tordu ses bras et ses mains derrière son corps. Le plaignant a nié avoir résisté. Le plaignant a allégué que l’un des agents l’avait frappé et lui avait fait perdre l’équilibre et qu’il avait atterri le visage d’abord sur le plancher. Le plaignant a également indiqué qu’il n’avait bu que 200 grammes de vin sec à l’époque.

Malgré l’affirmation du plaignant concernant la faible quantité de vin qu’il aurait consommée ce jour‐là, tant la conjointe que la fille du plaignant (la fille) semblent être d’avis que le plaignant était intoxiqué au moment de son interaction avec la police. La conjointe, lors de son appel au numéro 9‐1‐1, qui a été enregistré, a indiqué que son mari était un alcoolique et qu’il était ivre et qu’il l’avait poussée; elle a répété une deuxième fois qu’il était ivre avant la fin de l’appel. La fille, dans sa déclaration à la police, a indiqué qu’elle supposait que son beau‐père était [traduction] « très ivre ».

L’AI, dans sa déclaration, a indiqué que lui et son partenaire, l’AT, avaient été dépêchés à l’adresse en raison de voies de fait en cours contre un membre de la famille et qu’ils y étaient arrivés à environ 23 h 32. À leur arrivée, la fille a rencontré les agents dans le hall et a confirmé que le plaignant avait bu et que lui et sa mère avaient un conflit familial. Au moment de leur arrivée à l’appartement, la conjointe a montré aux agents une bouteille de vin blanc de 1,5 litre et leur a dit que le plaignant buvait trois ou quatre bouteilles par jour. La conjointe a également précisé que le plaignant avait commencé à boire du vin plus tôt cette journée‐là, qu’ils s’étaient disputés et qu’il l’avait poussée et avait menacé de la frapper. L’AI a ensuite demandé aux deux femmes d’aller dans la chambre à coucher pour s’habiller afin de pouvoir se rendre au poste de police afin d’y fournir des déclarations.

L’AI et l’AT ont tous les deux indiqué qu’ils avaient trouvé le plaignant en train de dormir sur un futon dans le salon et que l’AI s’était approché de lui, avait retiré la couverture et avait donné une tape sur son épaule droite afin de le réveiller. Comme le plaignant ne portait pas son pantalon, l’AI est allé le chercher sur une chaise à proximité et l’a remis au plaignant. Le plaignant, qui était toujours couché sur le futon, semblait choqué de voir les deux policiers. L’AT a expliqué qu’initialement, le plaignant avait refusé d’enfiler son pantalon, mais que l’AI avait réussi à l’encourager à se lever, auquel moment l’AT a vu que le plaignant manquait d’équilibre et vacillait et elle pouvait sentir une odeur d’alcool émanant de lui. L’AT a indiqué que le plaignant était presque tombé pendant qu’il mettait son pantalon, tandis que l’AI a dit que le plaignant avait de la difficulté à boucler sa ceinture.

L’AI a précisé qu’il avait alors demandé au plaignant de se retourner de sorte à leur présenter son dos et de mettre ses mains derrière le dos. Initialement, le plaignant a obtempéré, mais lorsque l’AI a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait et qu’il a saisi son poignet droit, le plaignant s’est raidi, a formé un poing avec sa main gauche, a dit [traduction] « non » et a éloigné son corps au moment même où l’AI s’apprêtait à saisir ses menottes. L’AI tenait toujours le poignet droit du plaignant à ce moment-là, mais l’a laissé aller et, à cause de l’élan, le plaignant est tombé vers l’avant et a atterri sur le visage sur le plancher en bois franc. L’AI a indiqué qu’il avait essayé d’éviter la chute du plaignant en le saisissant à l’épaule droite, mais le plaignant était un grand homme corpulent et il n’avait pas réussi à le maintenir droit. L’AI a précisé que le plaignant n’avait rien fait pour amortir sa chute.

L’AT a expliqué que l’AI avait demandé au plaignant de se retourner tout en l’informant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait. L’AI a alors saisi le poignet droit du plaignant pour lui passer les menottes, mais le plaignant a résisté, a dit [traduction] « non! » et a éloigné son corps tout en se tournant et tout en tombant vers l’avant, après quoi il a atterri le visage d’abord sur le plancher en bois franc. L’AT a indiqué que l’AI avait lancé sa main en avant pour empêcher le plaignant de tomber, mais que celui‐ci s’était écarté de l’AI avec ses mains à ses côtés; le plaignant n’a rien fait pour essayer d’amortir sa chute et a subi une coupure à l’arête du nez qui saignait abondamment. Aussi bien l’AI que l’AT ont indiqué qu’ils n’avaient rien fait pour faire tomber le plaignant.

Par la suite, le plaignant a été menotté les mains derrière le dos et s’est placé dans la position assise et les deux agents ont appliqué des serviettes de papier sur l’arête de son nez pour arrêter le saignement. L’AT a communiqué avec un sergent et a également demandé une ambulance pour amener le plaignant à l’hôpital. L’AI a indiqué que le plaignant s’était plaint à plusieurs reprises que les menottes étaient trop serrées et l’AI les avait desserrées plusieurs fois.

Une fois à l’hôpital, le plaignant a subi une tomographie et on a découvert qu’il avait une fracture très légèrement déplacée à l’extrémité de 3 mm de son os nasal.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, mais en accordant une attention particulière aux propos tenus par la conjointe ainsi qu’à la déclaration de la fille, qui confirment entièrement le témoignage des deux agents de police en ce qui concernait l’état du plaignant dû à sa consommation d’alcool, je n’ai aucune difficulté à conclure que le plaignant était bel et bien sous l’influence d’alcool au moment de son interaction avec l’AI et l’AT. J’estime que son degré d’intoxication expliquerait certaines des incohérences dans sa déclaration, y compris le sexe des agents (il a indiqué qu’il s’agissait de deux hommes, alors qu’il s’agissait en fait d’un homme et d’une femme), la façon dont les agents sont entrés dans l’appartement (il était d’avis que les agents avaient cogné à la porte et puis étaient entrés, alors qu’en réalité, c’était la fille qui était descendue et qui les avait amenés jusqu’à l’appartement), et la façon dont il avait été transporté à l’hôpital (il pensait qu’il avait marché jusqu’à la voiture de patrouille et que la police l’avait conduit dans ce véhicule, alors que la vérité était qu’il avait été transporté sur une civière pour le sortir de l’appartement et avait été transporté à l’hôpital par ambulance). Je trouve que cette dernière incohérence quant à la façon dont il avait été transporté à l’hôpital en dit très long sur le manque de fiabilité de la mémoire du plaignant.

Je n’ai aucune difficulté à conclure que l’état d’ébriété du plaignant était la principale cause de sa chute. Dans l’ensemble, je conclus qu’il y a peu d’incohérence réelle entre le témoignage du plaignant et le témoignage des deux agents de police quant à la cause réelle de sa blessure et que les écarts relèvent davantage de la perception que de la crédibilité; la perception du plaignant, malheureusement, était teintée par son niveau d’intoxication. Même si le plaignant était d’avis que l’un des agents de police l’avait frappé et avait ainsi causé sa chute sur le plancher, j’estime qu’il est nettement plus probable que plusieurs éléments ont concouru pour causer la chute du plaignant, soit sa surprise au moment de son arrestation et sa tentative d’éloigner son corps de l’AI, mouvement qui a incité l’AI à lâcher soudainement sa prise sur le bras du plaignant et qui a causé un certain élan. Ce qui appuie davantage cette conclusion à mes yeux est le fait que le plaignant n’était pas en mesure de mettre ses mains devant son corps pour amortir sa chute, parce que l’AI tenait le bras du plaignant derrière son dos pour le menotter lorsque le plaignant s’est écarté de lui, l’empêchant ainsi de se servir de ses bras pour se protéger au moment de la chute. De ce fait, il s’agit d’une combinaison d’actions du plaignant, qui ont mené à la réaction de l’AI, qui, à mon avis, sont à l’origine de la blessure du plaignant. De plus, compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne vois rien qui indique que, hormis les actions de l’AI en prenant le bras du plaignant pour l’arrêter et puis en relâchant ce bras, il y a eu recours à la force de la part de l’un ou de l’autre des agents à l’égard du plaignant, autre que la quantité minimale requise pour le menotter.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’information fournie aux agents à la suite de l’appel au numéro 9‐1‐1, confirmée par la conjointe à la résidence, que les agents avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait agressé et menacé son épouse et qu’il était donc passible d’une arrestation en vertu du Code criminel. Par conséquent, l’arrestation du plaignant était justifiée légalement dans les circonstances.

Bien que je conclue que les actions de l’AI en tenant le plaignant et puis en le relâchant ont peut‐être contribué par inadvertance à la chute ayant causé la blessure au plaignant, je rends que, conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, l’AI n’a pas eu recours à plus de force que nécessaire dans l’exécution de ses fonctions légales au moment de l’arrestation d’un homme intoxiqué qui avait réagi de manière inattendue à la tentative de l’AI de le menotter et dont la chute était tout à fait imprévisible. Je conclus que ce sont les actions du plaignant en s’éloignant de l’AI qui finalement ont causé la réaction en chaîne qui a mené à l’accident malheureux où le plaignant est tombé au sol et s’est cogné le nez sur le bois franc. Je conclus par ailleurs que l’AI n’était pas responsable de ce malheureux accident, puisqu’il s’acquittait simplement de ses fonctions lorsqu’il procédait à l’arrestation d’un homme au sujet duquel il possédait de l’information lui donnant des motifs raisonnables de croire qu’il avait commis une ou plusieurs infractions criminelles.

Comme je l’ai mentionné précédemment, je conclus que c’était la décision du plaignant de s’éloigner de l’AI et la réaction de celui‐ci, qui a lâché son bras, ce qui a accru l’élan de la résistance du plaignant, qui ensemble ont entraîné sa chute. La jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluk [2010] 1 RCS 206). Ainsi, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par l’AI tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et je n’ai pas de motif raisonnable de croire qu’il a commis une infraction criminelle et, par conséquent, aucune accusation ne sera portée contre lui.

Date : 5 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’agent qui a agi comme interprète lorsque le plaignant était en détention au poste de police n’a pas participé à une entrevue. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.