Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-017

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 56 ans a subie lors de son arrestation le 17 janvier 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident le 18 janvier 2017, à 3 h 15, par le Service de police de London (SPL).

Le SPL a déclaré que le mardi 17 janvier 2017, à 19 h 36, des agents du SPL ont arrêté le plaignant à sa résidence en vertu d’un « mandat Feeney »[1]. Le plaignant a été emmené à l’hôpital parce qu’on pensait qu’il avait ingéré de la drogue. À 22 h 30, alors que le plaignant était toujours à l’hôpital, on a découvert qu’il avait le bras gauche fracturé.

Le plaignant serait détenu jusqu’au lendemain matin aux fins de l’enquête sur le cautionnement relativement aux accusations liées au mandat en instance ainsi qu’à d’autres accusations liées à son arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

homme âgé de 56 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

De plus, les notes de six autres agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Dans la soirée du 17 janvier 2017, un mandat a été délivré pour que l’on procède à l’arrestation du plaignant au motif qu’il avait manqué à son obligation de rencontrer son agent de libération conditionnelle. En vertu de ce mandat, les agents avaient l’autorisation de pénétrer dans la demeure du plaignant pour l’arrêter. L’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 4 et l’AT no 5 se sont rendus à la résidence du plaignant et y sont entrés. Lorsque l’AT no 1 et l’AT no 4 sont entrés dans la chambre du plaignant, ce dernier a rapidement ingéré une grande quantité d’une poudre blanche inconnue. Le plaignant a refusé d’obéir aux commandes des agents et a résisté à leurs efforts pour le menotter. Une lutte s’ensuivit. Le plaignant a été mis au sol et frappé deux fois au visage pour l’empêcher de mordre les agents. Une fois menotté, le plaignant a été escorté à l’extérieur et sa garde a été transférée à l’AI no 1 et l’AI no 2.

Comme les menottes n’avaient pas été passées correctement au plaignant et lui faisaient mal, l’AT no 1, l’AI no 1 et l’AI no 2 lui ont passé une autre paire de menottes et lui ont enlevé les premières menottes. En raison de préoccupations concernant la poudre blanche qu’il avait inhalée, le plaignant a été transporté à hôpital par ambulance. L’AI no 2 a voyagé avec le plaignant dans l’ambulance.

À l’hôpital, le plaignant s’est plaint d’une douleur au bras, et une radiographie a été demandée. Il a été déterminé que le plaignant avait une fracture aigue de la diaphyse ulnaire du poignet gauche. Le plaignant a allégué qu’on lui a cassé le poignet lorsqu’on lui a passé la deuxième paire de menottes.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté chez lui, dans une chambre située à l’intérieur d’une résidence à London (Ontario). La scène de l’incident n’a pas été bouclée pour les fins de l’enquête de l’UES.

Mandats

Le 17 janvier 2017, un mandat d’arrestation, de suspension et de réincarcération pour manquement aux conditions de la libération d’office a été émis pour le plaignant. Le plaignant avait été libéré d’office en vertu des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La période de libération d’office du plaignant allait du 17 novembre 2017 au 16 mars 2017, à moins d’une révocation ou d’une annulation en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Le 17 janvier 2017, la libération d’office du plaignant a été suspendue.

Le 17 janvier 2017, à 19 h 30, un télémandat pour entrer dans une maison d’habitation a été délivré à Newmarket en vue de l’arrestation du plaignant chez lui. Le mandat autorisait les agents de la paix à entrer dans la résidence, à London (Ontario), dans le but de procéder à l’arrestation du plaignant entre 20 h 30 et 23 h 59, le 17 janvier 2017. Le mandat a été exécuté à 19 h 36.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, et elle a reçu du SPL la vidéo de mise en détention du plaignant ainsi qu’une photo du plaignant prise par la Police provinciale de l’Ontario (PPO) au moment de son arrestation.

Vidéo de la mise en détention

Le 18 janvier 2017, le plaignant a été escorté à la salle des mises en détention du SPL par deux agents de police non désignés. Le plaignant avait un plâtre au poignet gauche. Le plaignant s’est présenté au sergent responsable des mises en détention et le sergent lui a posé plusieurs questions. Le sergent a avisé le plaignant qu’il était arrêté en raison de la suspension de sa libération conditionnelle et du fait qu’on avait trouvé de la drogue à son domicile. Le sergent a demandé au plaignant s’il avait des problèmes de santé. Le plaignant a dit que son poignet était cassé et que le plâtre lui faisait mal. Un agent non désigné a escorté le plaignant à l’extérieur de la salle des mises en détention.

Enregistrements de communications

  • Le 17 janvier 2017, à 14 h 39, un agent non désigné de la brigade de recherche des fugitifs ROPE (pour Repeat Offender Parole Enforcement en anglais) de la PPO (l’agent de la brigade ROPE) est arrivé à la résidence
  • À 15 h 10, l’agent de la brigade ROPE a annoncé aux autopatrouilles du SPL que le plaignant était visé par un mandat d’arrestation
  • À 16 h 27, l’agent de la brigade ROPE est arrivé à la résidence, puis à 16 h 32, l’AT no3 est arrivé à l’adresse
  • À 17 h 14, l’AT no3 a demandé à ce que des policiers en uniforme se présentent à la résidence pour prêter assistance. Le plaignant vivait dans une chambre à cette adresse
  • À 17 h 17, deux policiers en uniforme ont été envoyés à la résidence
  • À 17 h 23, l’agent de la brigade ROPE a indiqué qu’il retournait au quartier général pour rédiger une demande de « mandat Feeney »
  • À 18 h 10, l’AI no1 et l’AI no 2 ont été envoyés à la résidence pour prendre le relais des deux policiers
  • À 18 h 56, l’AT no3 a signalé à l’AI no 1 qu’il y avait du mouvement dans la chambre du plaignant et lui a dit de regarder vers la fenêtre du plaignant
  • À 19 h 45, l’AT no3 a demandé qu’un policier en uniforme entre dans la résidence pour traiter une accusation reliée à la drogue. Un agent non désigné s’est présenté
  • À 19 h 47, les Communications ont indiqué qu’une ambulance était en route. L’AT no3 a indiqué que le plaignant semblait bien aller, mais que les SMU [services médicaux d’urgence] devraient quand même venir
  • À 19 h 57, l’AI no1 a indiqué qu’il suivait l’ambulance jusqu’à l’hôpital et que l’AI no 2 était dans l’ambulance avec le plaignant. Il a ajouté que l’ambulance roulait en mode d’urgence vers l’hôpital parce que les ambulanciers paramédicaux ignoraient quel type de drogue le plaignant avait consommé
  • À 20h 34, les Communications ont demandé à l’AI no 1 de faire le point sur l’état du plaignant. L’AI no 1 a dit qu’il leur reviendrait avec cette information en raison de la mauvaise réception radio à l’hôpital

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPL, à la PPO et au Service de police de Windsor (SPW) les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • vidéo de mise en détention du SPL
  • enregistrements des communications
  • renseignements sur des appels (deux incidents)
  • rapport sommaire sur le détail des appels
  • tableaux de service
  • rapport d’incident général (caviardé)
  • données GPS (système de positionnement mondial) – en format de fichier rediffusé (3)
  • dossier de détention du SPL
  • registres des terminaux de données mobiles (TDM) pour l’AI no1, l’AI no 2, l’AT no 2, l’AT no 3 et sept autres agents non désignés
  • description de l’incident – l’AT no2
  • notes de l’AT no1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 5 et de six autres agents non désignés
  • résumé de l’incident
  • procédure du SPL – Arrestation
  • sommaire des poursuites
  • mandat de suspension de la libération conditionnelle – le plaignant
  • télémandat signé pour l’arrestation
  • renseignements sur le sujet et registre de prisonnier
  • données des véhicules
  • déclarations préparés de l’AI no1, de l’AI no 2, de l’AT no 3 et d’un autre agent non désigné
  • rapport de tâches confidentielles du SPW – AT no

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 135(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition – suspension

135 (1) En cas d’inobservation des conditions de la libération conditionnelle ou d’office ou lorsqu’il est convaincu qu’il est raisonnable et nécessaire de prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces conditions ou pour protéger la société, un membre de la Commission ou la personne que le président ou le commissaire désigne nommément ou par indication de son poste peut, par mandat :

  1. suspendre la libération conditionnelle ou d’office
  2. autoriser l’arrestation du délinquant
  3. ordonner la réincarcération du délinquant jusqu’à ce que la suspension soit annulée ou que la libération soit révoquée ou qu’il y soit mis fin, ou encore jusqu’à l’expiration légale de la peine

Articles 529, 529.1, 529.5 et 529.5 du Code criminel – Entrée dans une maison d’habitation pour arrestation

529 (1) Le mandat d’arrestation délivré en vertu de la présente loi ou d’une autre loi fédérale peut, sous réserve du paragraphe (2) et si le juge ou le juge de paix qui le délivre est convaincu, sur la foi d’une dénonciation sous serment écrite, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne qui en fait l’objet se trouve ou se trouvera dans une maison d’habitation désignée, autoriser un agent de la paix à y pénétrer afin de procéder à l’arrestation.

(2) L’autorisation est délivrée sous réserve de la condition suivante : l’agent de la paix ne peut pénétrer dans la maison d’habitation que si, au moment de le faire, il a des motifs raisonnables de croire que la personne à arrêter s’y trouve.

529.1 Le juge ou le juge de paix peut délivrer un mandat, selon la formule 7.1, autorisant un agent de la paix à pénétrer dans une maison d’habitation désignée pour procéder à l’arrestation d’une personne que le mandat nomme ou permet d’identifier s’il est convaincu, sur la foi d’une dénonciation sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne s’y trouve ou s’y trouvera et que, selon le cas :

  1. elle fait déjà l’objet au Canada, en vertu de la présente loi ou d’une autre loi fédérale, d’un mandat d’arrestation
  2. il existe des motifs de l’arrêter sans mandat aux termes des alinéas 495(1)a) ou b) ou de l’article 672.91
  3. (c)il existe des motifs pour l’arrêter sans mandat en vertu d’une autre loi fédérale

529.2 Sous réserve de l’article 529.4, le juge ou le juge de paix énonce dans le mandat visé aux articles 529 et 529.1 les modalités qu’il estime indiquées pour que l’entrée dans la maison d’habitation soit raisonnable dans les circonstances.

529.5 Si l’agent de la paix considère qu’il serait peu commode dans les circonstances de se présenter en personne devant un juge ou un juge de paix pour lui demander le mandat visé à l’article 529.1 ou l’autorisation visée aux articles 529 ou 529.4, le mandat ou l’autorisation peuvent être délivrés sur une dénonciation faite par téléphone ou à l’aide d’un autre moyen de télécommunication; le cas échéant, l’article 487.1 s’applique, avec les adaptations nécessaires, à l’un ou l’autre.

Paragraphes 25(1) et 25(2) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(2) Lorsqu’une personne est, par la loi, obligée ou autorisée à exécuter un acte judiciaire ou une sentence, cette personne ou toute personne qui l’assiste est, si elle agit de bonne foi, fondée à exécuter l’acte judiciaire ou la sentence, même si ceux-ci sont défectueux ou ont été délivrés sans juridiction ou au-delà de la juridiction.

Analyse et décision du directeur

La brigade de recherche de fugitifs ROPE (Repeat Offender Parole Enforcement, en anglais) est un partenariat entre les services de police provincial et municipaux de l’Ontario auquel participent des agents de police de divers services. La brigade ROPE a pour mandat de trouver et d’arrêter les délinquants en fuite ou en violation des conditions de leur libération conditionnelle ainsi que d’appréhender les criminels violents et autres auteurs de crimes graves qui sont recherchés par divers organismes d’application de la loi. Dans l’après‐midi du 17 janvier 2017, des agents de police de la brigade ROPE se sont rendus à une résidence à London (Ontario) pour exécuter un mandat d’arrestation visant le plaignant en lien avec la suspension de sa libération conditionnelle[2]. Le plaignant habitait une chambre à l’intérieur d’une maison à cette adresse, dont le TC no 2 est le propriétaire. Un mandat a été délivré car le plaignant n’avait pas fait rapport à son agent de libération conditionnelle. Les policiers qui sont intervenus venaient du SPL, de la PPO et du SPW.

Vers 16 h 30, des membres de la brigade ROPE, y compris l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3 et l’AT no 4, sont arrivés à la maison. Les propriétaires de la résidence ont confirmé que le plaignant était chez lui et ont autorisé les agents à entrer et à frapper à la porte de la chambre du plaignant. Le plaignant ne voulait pas sortir de sa chambre ni répondre aux tentatives de la brigade ROPE de communiquer avec lui. Par conséquent, la police a préparé un télémandat en vertu de l’article 529.5 du Code criminel afin d’obtenir l’autorisation d’entrer dans la chambre du plaignant pour procéder à son arrestation. Entre temps, un négociateur du SPL est arrivé et a plusieurs fois tenté de communiquer avec le plaignant à travers la porte close, mais sans obtenir de réponse. À 18 h 50, l’AT no 5, qui fait partie de la brigade ROPE, est arrivé sur place et a été mis au courant de la situation par l’équipe.

À 19 h 30, l’agent de la brigade ROPE a appelé et informé les autres policiers de la brigade ROPE sur place que le télémandat avait été délivré[3]. À 19 h 36, l’AT no 1 s’est servi d’un couteau à beurre pour déverrouiller la porte du plaignant. L’AT no 1 et l’AT no 4 sont entrés dans la pièce, pendant que l’AT no 2 se tenait derrière eux et que l’AT no 5 restait en retrait. L’AT no 4 a dit au plaignant qu’ils étaient de la police et lui a ordonné de se coucher sur le sol et de montrer ses mains. Le plaignant a levé les yeux sur l’AT no 4 alors qu’il se penchait au‐dessus d’une commode et s’est mis à renifler une ligne de poudre blanche. L’AT no 4 a soupçonné que cette substance était de la méthamphétamine en cristaux et a éloigné le plaignant de la commode pour tenter de l’empêcher d’en inhaler davantage. Le plaignant s’est dégagé de l’emprise de l’AT no 4 bien que ce dernier lui eut plusieurs fois commandé d’obtempérer. L’AT no 4 a essayé de tirer les mains du plaignant derrière son dos, mais le plaignant a résisté, si bien que l’AT no 4 l’a rapidement mis au sol. Selon l’AT no 4, le plaignant a atterri sur le genou gauche et l’épaule droite. L’AT no 1 a tenté de maintenir le bras gauche du plaignant dans son dos pour le menotter, mais le plaignant s’est dégagé. L’AT no 1 avait sorti son arme à impulsions, mais il ne l’a pas utilisée. Les deux agents ont continué de tenter de prendre le contrôle des mains du plaignant pendant que celui‐ci se débattait et disait aux agents de le laisser tranquille.

L’AT no 4 s’est saisi du bras droit du plaignant et l’a maintenu au sol. L’AT no 1 a tenté de contrôler le bras gauche du plaignant. Ce dernier n’obéissait pas aux commandes des agents de mettre ses mains dans le dos. L’AT no 4 a vu le plaignant essayer de lui mordre le bras droit, si bien qu’il a retiré son bras sur environ six pouces [0,15 mètre] et a donné un coup au plaignant sur le côté du visage pour l’empêcher et le dissuader de le mordre. Le plaignant a continué de se débattre et a dégagé son bras gauche de l’emprise de l’AT no 1. À un moment donné, durant la lutte, l’AT no 4 a entendu un craquement, mais il ne savait pas exactement d’où venait ce bruit. L’AT no 4 a vu le plaignant essayer de nouveau de lui mordre le bras, de sorte qu’il a de nouveau retiré son bras sur une distance d’environ six pouces [0,15 mètre] et a frappé à nouveau le plaignant sur le côté du visage. Après environ deux minutes de lutte, le plaignant a été menotté mains dans le dos.

L’AT no 1 et l’AT no 2 ont escorté le plaignant à l’extérieur de la maison et ont transféré sa garde aux agents en uniforme du SPL, l’AI no 1 et l’AI no 2. L’AI no 1 et l’AI no 2 se tenaient de chaque côté du plaignant et le tenaient par ses avant‐bras. L’AI no 1 a entendu le plaignant déclarer qu’il avait une plaque de métal dans le bras gauche et que les menottes lui faisaient mal. L’AT no 1 a remarqué que les menottes du plaignant n’avaient pas été appliquées correctement, car la paume de la main gauche du plaignant faisait face vers l’extérieur tandis que la paume de sa main droite était tournée vers l’intérieur, si bien qu’il a pris les menottes que l’AI no 1 avait sur lui et les a placées au‐dessus des menottes que le plaignant avait déjà aux poignets. L’AT no 1 a retiré ses menottes, a placé les deux mains du plaignant paume vers l’extérieur, puis a refermé à double tour les menottes de l’AI no 1. Le plaignant a été arrêté pour avoir manqué aux conditions de sa libération conditionnelle et avoir été en possession d’une substance désignée dans le but d’en faire le trafic, aux vues de la grande quantité de dogue que l’on a ultérieurement trouvé dans sa chambre.

Comme les agents sur place de la brigade ROPE craignaient que le plaignant eut ingéré de la drogue, les ambulanciers paramédicaux ont évalué l’état du plaignant et l’ont transporté à l’hôpital. L’AI no 2 a accompagné le plaignant dans l’ambulance, pendant que l’AI no 1 les suivait dans un véhicule. À l’hôpital, le plaignant s’est plaint que son poignet gauche lui faisait mal, et une radiographie a révélé qu’il avait une fracture aigue de la diaphyse ulnaire gauche.

Le souvenir que le plaignant avait des événements différait du récit fait par les agents impliqués. Le plaignant allègue que lorsqu’il s’est retrouvé à l’extérieur de la maison, devant la résidence, il a été menotté par deux agents de police en uniforme [l’AI no 1 et l’AI no 2]. Pendant qu’il était menotté, l’un de ces agents lui a intentionnellement plié le pouce et le poignet gauches pour les mettre dans son dos pendant qu’il lui passait aux poignets les menottes en les serrant fort et c’est à ce moment‐là qu’il a senti un os se briser dans son poignet gauche. Le policier qui l’avait blessé au poignet gauche était avec le plaignant à l’hôpital. Le plaignant connaissait le nom de l’agent de police qui lui avait causé sa blessure pour avoir vu le nom écrit sur son badge au moment de son arrestation, mais il n’a pas voulu dire le nom de cet agent à l’UES.

Au cours de l’enquête, l’UES a questionné le plaignant, des résidents ainsi que le propriétaire de la résidence, le médecin d’urgence qui était de service à l’hôpital, cinq agents témoins ainsi que l’AI no 1 et l’AI no 2, ces derniers ayant consenti à participer à une entrevue et à remettre une copie de leurs notes. De plus, les enquêteurs ont examiné les communications radio de la police, les mandats et la vidéo de mise en détention. Des dossiers médicaux ont été obtenus et examinés pour confirmer la blessure du plaignant.

Je m’attacherai tout d’abord à trancher la question de savoir si les agents impliqués étaient légalement autorisés à arrêter le plaignant. Les agents de la brigade ROPE agissaient sur la foi d’un mandat valide délivré relativement à une suspension de libération conditionnelle lorsqu’ils ont entrepris de procéder à l’arrestation du plaignant le 17 janvier 2017. À leur arrivée, les agents ont rencontré le propriétaire, qui leur a donné accès à la maison et les a dirigés vers la chambre où demeurait le plaignant. Les agents impliqués ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le plaignant à travers la porte fermée pendant près de trois heures, ce qui a compris l’intervention d’un négociateur qualifié, mais tous ces efforts ont été infructueux.

À 19 h 30, les agents sur place de la brigade ROPE ont reçu un appel de l’agent de la brigade ROPE à la PPO, qui les a avisés que le mandat autorisant l’entrée dans la chambre et l’arrestation du plaignant avait été délivré. Le mandat a été exécuté à 19 h 36 et, par conséquent, n’était pas conforme aux modalités qui figuraient sur le recto du mandat et selon lesquelles l’entrée était autorisée entre 20 h 30 et 23 h 59. Bien que le mandat n’autorisait pas une entrée immédiate, je suis convaincu que les agents impliqués n’étaient pas conscients de cela et croyaient alors qu’ils étaient fondés à entrer dans la chambre du plaignant et à l’arrêter en vertu du mandat. Je suis d’avis que les agents impliqués sont à l’abri de la responsabilité criminelle pour les conséquences de leurs actes découlant de cette violation car ils agissaient de bonne foi. Le paragraphe 25(2) du Code criminel porte sur ce qui suit :

25 (2) Lorsqu’une personne est, par la loi, obligée ou autorisée à exécuter un acte judiciaire ou une sentence, cette personne ou toute personne qui l’assiste est, si elle agit de bonne foi, fondée à exécuter l’acte judiciaire ou la sentence, même si ceux-ci sont défectueux ou ont été délivrés sans juridiction ou au-delà de la juridiction.

Au vu de ce dossier, il est clair que les agents impliqués agissaient de bonne foi lorsqu’ils sont entrés dans la chambre du plaignant pour l’arrêter à 19 h 36, croyant à l’information fournie par l’agent de la brigade ROPE de la PPO selon laquelle le mandat était valide. Rien dans la preuve ne porte à croire que les agents impliqués étaient le moindrement conscients que la validité du mandat prenait effet à 20 h 30 et, comme le mandat n’avait été signé que quelques minutes avant qu’on les informe de sa délivrance, les agents n’étaient pas en possession d’une copie du mandat pour l’examiner. Par conséquent, je conclus que les agents étaient fondés à entrer dans la chambre du plaignant et à arrêter ce dernier car ils agissaient de bonne foi sous le régime d’un mandat valide.

Je porterai maintenant mon attention sur la question de savoir si la force employée pour arrêter le plaignant a été excessive dans les circonstances. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale.

J’estime qu’il était raisonnable pour l’AT no 4 de mettre au sol le plaignant dès le début, étant donné le manque de coopération de ce dernier, le fait qu’il n’obtempérait pas aux commandes des agents et la nature de l’espace restreint de la chambre. Alors que le plaignant continuait de résister aux efforts visant à le menotter, l’AT no 4 a admis avoir frappé à deux reprises le plaignant sur le côté du visage pour écarter ce qu’il a perçu comme une menace imminente de morsures. L’AT no 4 a décrit le degré de force qu’il a employé pour administrer les deux coups sur le visage du plaignant comme étant suffisant pour l’étourdir mais pas assez pour le blesser. L’AT no 4 ne s’est pas blessé à la main en administrant les coups et, selon lui, la force qu’il a employée était insuffisante pour blesser le plaignant au visage. Sa conviction était compatible avec le fait qu’il n’y avait aucune indication, dans les dossiers médicaux ou de la part de tout témoin, que le plaignant avait des blessures au visage, hormis un saignement du nez.

Le seul recours subséquent à la force a résidé dans le changement de menottes à l’extérieur de la résidence. Le plaignant et un témoin civil ont tous deux affirmé que, pendant qu’ils étaient à l’extérieur de la maison, un agent a bougé les mains du plaignant pour les lui mettre dans le dos d’une façon qui a causé une douleur au plaignant. Le plaignant soutient que c’est à ce moment‐là que sa fracture au poignet droit s’est produite. Or sa description de son pouce et de son poignet qui étaient pliés, était conforme à la technique courante de menottage employée par les policiers et n’était pas compatible avec la description fournie par le TC no 2 selon laquelle les bras du plaignant étaient maintenus dans son dos. Il y a beaucoup d’incertitude quant au moment et à la façon dont s’est produite la blessure au poignet du plaignant. L’AT no 4 s’est souvenu d’avoir entendu un craquement pendant qu’il luttait avec le plaignant, mais il ne savait pas exactement d’où venait ce bruit, tandis que le plaignant était catégorique sur le fait qu’on lui avait cassé le poignet à l’extérieur de la maison et que c’était le fait de l’un des deux agents qui ne se trouvaient pas auparavant à l’intérieur de la maison. Par conséquent, je ne peux conclure, au vu de ce dossier, que le craquement que l’AT no 4 a entendu à l’intérieur de la chambre était le bruit du poignet du plaignant qui se fracturait. De plus, le plaignant avait subi une blessure au bras gauche dans le passé et l’on ignore dans quelle mesure cette blessure antérieure a pu fragiliser davantage cette région de son bras eu égard à une blessure survenue ultérieurement.

La jurisprudence actuelle, telle qu’elle a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R.C. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, précise que les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection et que l’on ne devrait pas non plus s’attendre à ce qu’ils mesurent avec précision la force qu’ils appliquent. De plus, la Cour d’appel de l’Ontario, dans la décision (non traduite en français) R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) de 96 (C.A. de l’Ont.), a statué que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leurs interventions. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les actes des agents ont dépassé les limites de ce que prescrit le droit quant à la permission d’employer la force. À la lumière de l’ensemble de la preuve, je conclus que la force employée par les agents était raisonnable et mesurée dans les circonstances.

En conclusion, bien que je croie que le plaignant a vraisemblablement subi une fracture du poignet gauche durant son interaction avec les agents de police le 17 janvier 2017, je suis convaincu que le plaignant était légalement en état d’arrestation et que la force que les agents impliqués ont employée durant cette interaction était dans les limites prescrites par le droit criminel. Je n’ai donc aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise. Par conséquent, aucune accusation ne sera portée et cette affaire sera classée.

Date : 5 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Un « mandat Feeney » est un mandat assorti d’un visa spécial autorisant les agents à pénétrer dans une résidence pour arrêter une personne. [Retour au texte]
  • 2) [2] Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20), paragraphe 135(1) suspension of parole or statutory release warrant. [Retour au texte]
  • 3) [3] La période durant laquelle le télémandat autorisait une entrée dans la résidence ne commençait pas avant 20 h 30, mais rien n’indique que les agents qui se trouvaient à la résidence étaient au courant de cela. [Retour au texte]

Note:

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