Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-131

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des801283 techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 54 ans lors de l’exécution d’un mandat de perquisition le 27 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 29 mai 2017, à 23 h 11, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES et l’a informée de la blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde.

Le SPT a signalé que le samedi, 27 mai 2017, à 21 h 07, l’équipe d’intervention d’urgence (éIU) et le Groupe de travail sur les armes à feu et les gangs (GTAFG) avaient exécuté un mandat de perquisition lié à des armes à feu illégales dans une maison à Etobicoke. L’objet du mandat était le fils du plaignant. Il y a eu une interaction entre le plaignant et des agents de police du SPT. Le plaignant a été arrêté et amené à l’hôpital, où il a été déterminé qu’il n’avait aucune blessure, à l’exception d’une égratignure à la cornée.

Le 29 mai 2017, le SPT a confirmé que le plaignant s’était rendu à l’hôpital et que, selon le diagnostic posé, il avait une fracture à l’os orbital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux de l’incident et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant

Entretien avec l’homme âgé de 54 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)[1]

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à participer à une entrevue et à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 N’a pas consenti à participer à une entrevue et à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Tard le soir le samedi 27 mai 2017, les agents de l’éIU et du GTAFG se sont rendus à une résidence à Etobicoke pour exécuter un mandat de perquisition, à la recherche d’armes à feu illégales.

À l’époque, le plaignant, le TC no 1 et l’ami étaient dans la résidence. Le plaignant dormait. Les agents de l’éIU ont utilisé des béliers et un dispositif « éclair-son » pour entrer dans la résidence.

Lorsque l’AI no 1 a franchi la porte d’entrée du domicile avec son arme à feu à la main, le plaignant croyait qu’il était victime d’un cambriolage et a saisi le canon de la carabine longue. Une lutte s’est ensuivie entre le plaignant, l’AI no 1 et l’AI no 2. Afin de forcer le plaignant à lâcher prise de la carabine, l’AI no 1 et l’AI no 2 lui ont donné plusieurs coups au visage et au corps. Le plaignant a lâché prise et a été menotté.

Une fois tout danger écarté, une ambulance est arrivée et a transporté le plaignant à l’hôpital. à ce moment‐là, selon le diagnostic, le plaignant avait seulement une égratignure à la cornée. Le plaignant a été ramené chez lui plus tard et a été remis en liberté sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui.

Le lendemain, le plaignant s’est senti étourdi et est retourné à l’hôpital, où cette fois‐ci le diagnostic indiquait qu’il avait des fractures comminutives aiguës à la paroi antérieure du sinus maxillaire droit et au processus zygomatique (os orbitaux faciaux) gauche.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans le hall de la maison du plaignant. Il y avait deux portes d’entrée donnant accès au domicile. Une entrée est située à l’avant et l’autre se trouve sur le côté. Les deux entrées mènent à un hall commun.

Preuve matérielle

Mandat de perquisition

L’UES a obtenu et examiné une copie du télémandat de perquisition qui a été exécuté sur la propriété du plaignant.

Le SPT avait demandé le télémandat pour chercher et saisir des armes à feu, des munitions, des magasins, des pièces d’armes à feu et des accessoires, ainsi que tout document se rapportant à des armes à feu dans la résidence et dans le garage du plaignant, et le télémandat était en vigueur de 20 h 30 le 27 mai 2017 jusqu’à 23 h 59 le 29 mai 2017.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les alentours pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. L’UES a trouvé un caméra de télévision en circuit fermé (TVCF) à l’extérieur de la porte avant de la résidence, mais rien n’a été enregistré à l’intérieur de la résidence. Le plaignant a fourni des photographies de ses blessures.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrements des communications
  • Rapport de l’éIU
  • Rapports sur les détails de l’incident
  • Notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • Ordonnance de mise sous scellés
  • Feuille sommaire du Système automatisé de répartition (SAR) – Résumé des conversations
  • Télémandat de perquisition et trousse du mandat de perquisition

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du Directeur

Le 27 mai 2017, le SPT était en possession d’un mandat de perquisition valide et dûment autorisé pour entrer dans une maison et son garage à Etobicoke et y perquisitionner dans le but de trouver des armes à feu illégales. Au cours d’une séance d’information préalable à la fouille, il avait été décidé que ce serait l’éIU qui se chargerait d’entrer dans la résidence, après quoi les agents de la GTAFG suivraient pour procéder à la fouille. L’objet du mandat de perquisition était le fils du plaignant, qui habitait à cette adresse. Vers 22 h 51, l’éIU s’est servi de béliers pour forcer les portes d’entrée à l’avant et sur le côté de la résidence et a utilisé un moyen de distraction (munition « éclair‐son »). Au moment de l’exécution du mandat de perquisition, la maison était occupée par le plaignant, le TC no 1 et l’ami. Durant la phase d’entrée dans le domicile, les trois occupants ont été mis sous garde et menottés. Puis, le plaignant a été transporté à l’hôpital par ambulance, où initialement, on a déterminé qu’il avait subi une égratignure à la cornée, mais après y être retourné le lendemain parce qu’il se sentait étourdi, on a constaté qu’il avait subi des fractures aiguës à la paroi antérieure du sinus maxillaire droit et au processus zygomatique gauche (pommette).

Le plaignant allègue qu’il ne savait pas que les hommes qui entraient chez lui étaient des agents de police et, au moment de leur entrée, il a saisi le canon de la carabine longue avec ses mains et a poussé contre l’arme. Pendant qu’il poussait contre la carabine longue, il a reçu plusieurs coups au visage et a été forcé au sol et a reçu plusieurs coups aux côtes.

Les enquêteurs se sont entretenus avec trois témoins civils, dont le plaignant, et avec trois agents de police témoins. Les AI no 1 et no 2 ont refusé d’être interviewés ou de fournir les notes inscrites dans leur calepin, comme c’était leur droit légal. Les enquêteurs avaient accès également aux enregistrements des communications de la police, aux notes prises durant l’exécution du mandat de perquisition, aux dossiers médicaux du plaignant et aux notes inscrites dans le calepin des agents témoins. Les faits ne sont guère contestés.

L’AT no 1, qui était responsable des deux équipes d’intervention d’urgence chargées d’entrer dans la résidence, a indiqué qu’on lui avait demandé d’aider le GTAFG à entrer et à effectuer une fouille dans cette résidence, à la recherche d’armes à feu illégales. L’AT no 1 a indiqué qu’il y avait eu une séance d’information et qu’on avait formulé un plan selon lequel les agents de l’éIU entreraient dans la maison par les portes de devant et de côté et arrêteraient toutes les personnes à l’intérieur du domicile afin de permettre aux agents du GTAFG de fouiller la maison et le garage conformément au mandat. L’AT no 1 a demandé que deux éIU, comprenant chacune sept agents, viennent sur les lieux; l’une devait forcer la porte d’entrée, tandis que l’autre forcerait l’entrée latérale. Chaque équipe était munie d’un bélier, qui lui permettrait de forcer les portes et elles étaient autorisées à utiliser des dispositifs de distraction comme des munitions « éclair‐son » au moment de leur accès. L’AT no 1 a expliqué qu’à 22 h 51, il se trouvait dans la voie d’entrée du domicile et avait vu les agents des éIU utiliser les béliers contre les portes tout en disant [traduction] « Police, mandat de perquisition, baissez‐vous ». L’AT no 1 avait alors entendu, mais n’avait pas vu, l’AI no 1 lutter avec quelqu’un à la porte avant et d’après son estimation, la lutte avait duré environ une minute. Une fois que les agents ont indiqué qu’ils avaient écarté tout danger dans la maison, l’AT no 1 est entré et a vu que le plaignant était couché sur le sol et saignait de la tête.

Plus tard, l’AT no 1 a appris de l’AI no 1 que le plaignant avait saisi le canon de sa carabine au moment où l’AI no 1 tentait d’entrer dans la maison et que ce dernier pensait que le plaignant essayait de le désarmer et il avait éloigné sa carabine du plaignant, lorsque l’AI no 2 était venu à son secours et qu’ils avaient amené le plaignant au sol. L’AI no 1 a expliqué que quand le plaignant avait continué à tenir le canon de sa carabine après être atterri sur le plancher, lui‐même et l’AI no 2 avaient frappé le plaignant de leurs mains. L’AI no 2 a également informé l’AT no 1 qu’il se souvenait que le plaignant avait tenté d’agripper sa carabine, pendant qu’il était au sol. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont lutté avec le plaignant pendant quelques secondes, après quoi ils étaient en mesure de le menotter derrière le dos. Les agents ont indiqué qu’une fois qu’ils lui avaient passé les menottes, le plaignant s’est calmé. L’AI no 1 a indiqué qu’il avait aussi parlé au plaignant, qui lui avait dit qu’il dormait lorsqu’il avait entendu quelqu’un entrer chez lui et il pensait qu’il s’agissait d’un cambriolage.

L’AT no 2, un agent de l’éIU, a précisé qu’on lui avait demandé de forcer la porte latérale avec un bélier et qu’il l’avait fait vers 22 h 51, après quoi il avait crié plusieurs fois [traduction] « Police, mandat de perquisition ». Un dispositif « éclair‐son » avait également été utilisé dans la maison. L’AT no 2 a indiqué qu’une fois qu’il était entré dans la maison, il avait vu les AI nos 1 et 2 avoir une échauffourée avec le plaignant. Comme il y avait suffisamment d’agents de l’éIU pour venir en aide, il n’y a plus prêté attention.

L’AT no 3, un membre du GTAFG, a expliqué que vers 22 h 51, il avait entendu deux bruits forts, causés selon lui soit par le forçage des deux portes ou l’utilisation de munitions « éclair‐son ». Lorsque l’AT no 3 est entré dans la maison, il a constaté que le plaignant avait une blessure à l’œil gauche et que des ambulanciers paramédicaux le traitaient. L’AT no 3 a fourni au plaignant une copie du mandat de perquisition, et les agents du GTAFG ont ensuite fouillé la maison. Ils ont trouvé quatre répliques d’armes à feu. Le plaignant a ensuite été transporté à l’hôpital par ambulance et l’AT no 3 a suivi celle‐ci. à l’hôpital, le plaignant a informé l’AT no 3 qu’il pensait que sa maison était cambriolé quand il avait entendu quelqu’un forcer la porte avant. à l’hôpital, l’AT no 3 a appris que le plaignant avait une égratignure à la cornée gauche, mais il a reçu un appel du plaignant le lendemain et a appris que celui‐ci était retourné à l’hôpital et qu’on avait découvert qu’il avait des fractures orbitales.

À la lumière de la preuve qui m’a été présentée, je n’ai aucune difficulté à conclure que les agents de police membres des éIU et du GTAFG avaient légalement le droit d’entrer dans la résidence et de la perquisitionner en vertu d’un mandat de perquisition autorisé. Je conclus également que la police a utilisé deux béliers, une à chaque entrée, afin de pouvoir entrer dans la résidence et que par la suite elle a utilisé un ou plusieurs dispositifs de distraction, soit des munitions « éclair‐son ». Il est entendu qu’un dispositif « éclair‐son » est utilisé généralement pour distraire les occupants à l’intérieur d’une résidence afin de permettre aux agents de police d’y pénétrer en toute sécurité. J’accepte également que les agents de police se soient identifiés lorsqu’ils sont entrés dans la maison. J’accepte le témoignage de l’AT no 1, qui se trouvait dans la voie d’entrée, selon lequel les agents de police ont crié [traduction] « Police, mandat de perquisition, baissez‐vous »; ce témoignage rejoint également celui de l’AT no 2. Toutefois, je n’ai aucune difficulté, en me fondant sur le fait que le plaignant dormait et qu’il avait été soudainement réveillé par l’utilisation des béliers aux portes d’entrée de sa maison et d’un ou de plusieurs dispositifs « éclair‐son », à conclure qu’à cause de toute la confusion qui régnait, le plaignant n’avait peut‐être pas pu comprendre ce que criaient les agents de police. Je reconnais également que le plaignant a peut‐être cru qu’il s’agissait d’un cambriolage et qu’il devait agir pour défendre sa famille contre ces intrus potentiellement violents et qu’il avait saisi l’arme à feu de l’AI no 1 pour cette raison. Bien qu’il soit clair que les personnes qui entraient dans la résidence portaient l’uniforme et étaient identifiables en tant qu’agents de police, j’accepte que le plaignant, qui venait tout juste de se réveiller, a saisi le canon de la carabine introduite dans la maison avant de voir l’AI no 1, qui tenait son arme à feu devant lui et qu’à cause de cela, il ne savait peut‐être pas qu’il s’agissait d’un policier.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il est clair que les agents de police étaient en possession d’un mandat autorisé judiciairement pour entrer dans la résidence et y perquisitionner et qu’ils avaient donc légalement le droit de pénétrer dans les lieux. Afin d’empêcher toute ingérence au moment de l’exécution du mandat et pour assurer la sécurité des agents de police présents, les agents avaient également le droit de détenir les occupants dans la résidence jusqu’à ce que le mandat ait été exécuté et que la fouille ait été effectuée. Lorsque le plaignant a saisi l’arme feu de l’AI no 1, celui‐ci avait certainement le droit de s’en prendre au plaignant pour éviter d’être désarmé et pour éviter que son arme à feu aboutisse entre les mains d’un civil qui pourrait causer un préjudice aux policiers présents, voire leur mort. Ainsi, l’appréhension et la mise sous garde rapides du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé par les AI nos 1 et 2, en tentant de forcer le plaignant à lâcher sa prise sur la carabine de l’AI no 1 et en empêchant ainsi une attaque potentiellement mortelle contre les agents de police, j’estime que la situation dans laquelle se trouvait l’AI no 1 en était une où il avait peu d’options et qui risquait d’être extrêmement dangereuse pour lui, mais aussi pour ses collègues. Je ne peux imaginer beaucoup de situations qui sont plus dangereuses que celles où un agent de police est désarmé et perd son arme à feu, qui risque alors d’être tournée contre lui ou d’autres agents. Je crois en outre qu’il s’agissait d’une situation extrêmement bruyante, rapide et fluide et où il y avait beaucoup d’adrénaline et que la pression ressentie par l’AI no 1 et puis l’AI no 2 pour garder le contrôle de leurs armes à feu et de la situation a dû être énorme. Je n’ai pas non plus de difficulté à accepter que le fait que les agents savaient que le mandat de perquisition concernait des armes à feu illégales aurait accru la crainte des agents lorsqu’ils ont été attaqués soudainement par un homme qui essayait de les désarmer. Par conséquent, malgré le fait qu’il n’y a aucun doute que les blessures aient été infligées au plaignant par l’AI no 1 et l’AI no 2, je ne peux conclure que leurs actions constituaient un recours excessif à la force. J’accepte que l’AI no 1 a frappé le plaignant plusieurs fois au visage lorsqu’il a saisi sa carabine et, après qu’il avait été amené au sol et continuait de tenir l’arme, avait reçu plusieurs coups aux côtes pour le forcer à la lâcher. J’accepte en outre le témoignage du plaignant, confirmé par le TC no 1 et d’après ce qu’ont dit l’AI no 1 et l’AI no 2 à l’AT no 1, qu’une fois que le plaignant avait été maîtrisé et menotté, il s’était calmé et qu’aucun agent de police ne lui avait donné d’autres coups.

Compte tenu du fait qu’il s’agissait d’une situation d’urgence qui évoluait rapidement et qui risquait d’être mortelle, je conclus que les actions des AI nos 1 et 2 étaient justifiées dans les circonstances pour ce qui était du recours à la force requise dans leurs tentatives d’éviter d’être désarmés par une personne dans une maison soupçonnée de contenir des armes à feu illégales, laquelle personne aurait pu être la cible du mandat de perquisition. Ce qui appuie cette conclusion, c’est l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par les AI nos 1 et 2 en tentant de faire lâcher prise au plaignant qui tenait l’arme à feu de l’AI no 1 tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la détention légale du plaignant et pour éliminer le risque qu’il continuait de poser tant qu’il avait les mains sur la carabine de l’agent de police.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les raisons qui précèdent, que les actions des AI nos 1 et 2 en forçant le plaignant à lâcher l’arme à feu de l’AI no 1 et la manière dont ils l’ont fait étaient légitimes en dépit des blessures subies par le plaignant. Je crois que l’on a eu de la chance que l’arme à feu ne s’est pas déchargée accidentellement et que le plaignant n’a pas été abattu lorsqu’il tenait le canon de l’arme à feu de l’AI no 1 et luttait avec lui pour en prendre le contrôle. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par les AI nos 1 et 2 tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 9 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’ami du TC no 1 (l’ami) qui était présent dans la résidence n’a pas été interviewé parce qu’il n’a pas répondu à une demande l’invitant à parler aux enquêteurs. De plus, selon les déclarations du plaignant et du TC no 1, l’ami n’était pas présent durant l’interaction entre le plaignant et la police à l’origine des blessures de ce premier. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.