Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-040

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur une allégation de blessure grave subie par une femme âgée de 52 ans lors de son appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM), survenue le 25 novembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 février 2017, la plaignante a communiqué avec l’UES pour signaler que, le 25 novembre 2016, son coude droit a été fracturé lorsqu’elle a été arrêtée par des agents du Service de police de Toronto (SPT).

La plaignante a déclaré que, le 25 novembre 2016, elle a été harcelée et des plaintes sans fondement ont été déposées contre elle par une personne inconnue. La plaignante s’est rendue au bureau de l’emploi et des services sociaux de la ville de Toronto (TESS) pour y obtenir des conseils. Après qu’elle eut quitté le bureau TESS, des agents du SPT se sont approchés d’elle à l’angle des rues John et King. Les policiers lui ont demandé de leur parler, mais elle a refusé. Elle a alors été appréhendée sur production d’une formule 1[1] en vertu de la LSM et été transportée au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM). En décembre 2016, la plaignante a quitté le CTSM et s’est rendue à l’hôpital à Kingston (Ontario). Un médecin de service l’a examinée et lui a diagnostiquée une fracture au coude droit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignante :

Femme âgée de 52 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Dans l’après‐midi du 25 novembre 2016, la plaignante se trouvait au bureau de l’emploi et des services sociaux de Toronto (TESS) à Metro Hall. Le service de sécurité du bureau TESS a appelé le 9‐1‐1 car la plaignante troublait l’ordre public et ne voulait pas sortir de l’immeuble. Quelques instants après, la plaignante a elle aussi appelé la police parce qu’elle était irritée par les employés du bureau TESS. La plaignante a indiqué que c’était une question de vie ou de mort si la police ne venait pas.

L’AI et l’AT no 2 ont été envoyés pour répondre à cet appel. Lorsque les agents sont arrivés sur place, la plaignante avait quitté le bureau TESS de son plein gré et se trouvait dans un restaurant sur la rue John. Les agents se sont approchés de la plaignante tandis qu’elle sortait des toilettes du restaurant et ont essayé de lui parler au sujet de l’appel qu’elle avait fait à la police. La plaignante a refusé de sortir du restaurant et est devenue verbalement agressive. Les agents ont décidé d’appréhender la plaignante en vertu de la LSM, et l’AI a pris la plaignante par le bras droit tandis que l’AT no 2 tenait son bras gauche pour l’escorter à l’extérieur. La plaignante a résisté, s’est effondrée sur le sol et a utilisé le cadre de porte pour empêcher les policiers de la déplacer. Pendant qu’elle était au sol, la plaignante a donné des coups de pied à l’AI sur la jambe droite et sur les fesses. L’AI et l’AT no 2 ont trainé la plaignante pour lui faire franchir la porte d’entrée. Lorsque l’AT no 1 est arrivé, la plaignante a été transporté au CTSM.

La plaignante a été admise au CTSM et elle s’est plainte de douleurs au coude droit et au poignet. Le 30 novembre 2016, la plaignante a été examinée à l’urgence d’un hôpital à Kingston et on lui a diagnostiqué un coude droit fracturé.

Preuve

Les lieux de l’incident

La plaignante a été appréhendée par l’AI et l’AT no 2 dans un restaurant de la rue John, à Toronto. Elle a été appréhendée dans un couloir menant aux toilettes, d’où elle sortait, puis emmenée à l’extérieur du restaurant jusqu’à une autopatrouille.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques. Des enregistrements vidéo ont été reçus de Metro Hall et d’un restaurant sur la rue John. L’autopatrouille de l’AT no 1 était aussi équipée d’un système d’enregistrement par caméra dans les véhicules (CV).

Séquences vidéo du système de télévision en circuit fermé (TVCF) du restaurant sur la rue John

Le restaurant de la rue John dans lequel la plaignante a été appréhendée a fourni des enregistrements de TVCF.

Le 25 novembre 2016, à 15 h 45 m 45 s, la plaignante est entrée dans le restaurant et est allée dans les toilettes. Un agent de police [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI] est entré dans le restaurant et a marché le long du couloir. Quelques instants après, un deuxième agent de police [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 2] est entré dans le restaurant et a franchi le couloir. Les deux agents ont marché en direction des toilettes tandis que la plaignante en sortait. L’AT no 2 a parlé à la plaignante, puis lui a mis la main sur l’épaule. La plaignante s’est dégagée de l’AT no 2 et les deux agents ont pointé le doigt vers la sortie de l’établissement. à 15 h 46 m 35 s, l’AT no 2 a de nouveau pointé le doigt vers la sortie du restaurant puis a tenu la plaignante par le bras gauche et le côté gauche de sa veste en utilisant sa main droite. De la main gauche, l’AI a saisi le côté droit de la veste de la plaignante. Les deux policiers ont déplacé la plaignante en direction de la portée d’entrée. L’AT no 2 se trouvait à gauche de la plaignante et l’AI, à droite.

à 15 h 46 m 46 s, comme la plaignante s’approchait de l’entrée, elle a commencé à se dégager de la prise des policiers puis s’est effondrée sur le sol. L’AI s’est mis devant la plaignante et l’a tenue par le poignet son bras droit tendu. L’AT no 2 retenait le dos de la veste de la plaignante tandis qu’elle luttait. L’AI a tiré le bras droit de la plaignante et a traîné la plaignante sur le sol. à 15 h 46 m 52 s, le pied gauche de la plaignante a été pris dans l’embrasure de la porte et l’AI a bougé le pied de la plaignante pour le dégager. L’AT no 2 a maintenu la plaignante en la tenant par‐dessous le bras gauche. à ce moment‐là, la plaignante est sortie du champ de la caméra. L’AT no 2 était agenouillé par terre et l’AI était debout. Vers 15 h 47 m 49 s, l’AT no 2 s’est penché, a saisi la main gauche de la plaignante et a soulevé la plaignante. La porte s’est fermée et ils sont sortis du champ de la caméra.

Enregistrement CV à bord de l’autopatrouille de l’AT no 1

Le 25 novembre 2016, la plaignante a été transportée par l’AT no 1 au CTSM à bord d’une autopatrouille et le système CV a été activé.

à 15 h 57 m 06 s, la plaignante a été placée à l’arrière de l’autopatrouille, côté passager. La plaignante a été menottée les mains devant. à 16 h 02 m 43 s, l’autopatrouille a démarré. La plaignante a crié des obscénités pendant le transport. à 16 h 28 m 21 s, l’autopatrouille s’est immobilisée. Un homme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 2] a annoncé sur la radio que la plaignante n’avait fait aucune menace aux membres du personnel ou du service de sécurité du bureau TESS et que le personnel voulait que la plaignante aille chercher de l’aide au CTSM. à 16 h 28 m 55 s, l’AT no 1 a informé la plaignante qu’il l’emmenait au CTSM pour qu’elle parle à quelqu’un, et la plaignante a dit « non ». L’enregistrement prend fin.

Enregistrements de communications

Le SPT a fourni les enregistrements de communications du 25 novembre 2016.

À 15 h 31, l’opérateur du 9‐1‐1 a reçu un appel venant d’une femme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de la plaignante]. La plaignante a demandé que la police se présente au bureau TESS. Elle a dit que des membres du personnel s’en prenaient à elle et lui disaient des mensonges. L’opérateur a essayé de calmer la plaignante, mais elle a continué de se plaindre du personnel. L’opérateur a dit à la plaignante de communiquer directement avec la police parce que cet appel n’était pas une urgence, puis il a été mis fin à l’appel.

L’opérateur a rappelé la plaignante. La plaignante criait et se plaignait d’être victime d’intimidation et que des gens la suivaient et divulguaient ses renseignements personnels. En arrière‐plan, on entend une voix [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de celle de l’agent de sécurité du bureau TESS] dire [traduction] « Je vais vous demander une nouvelle fois de quitter les lieux, sinon c’est moi qui vous ferai sortir. Est‐ce que vous comprenez? » La plaignante a dit à l’opérateur qu’un agent de sécurité lui demandait de sortir. L’opérateur a dit à la plaignante d’aller attendre la police à l’entrée de l’immeuble et elle a accepté. La plaignante a commencé à crier. Alors la plaignante a dit à l’opérateur [traduction] « Il va falloir envoyer quelqu’un ici très rapidement. » Un agent de sécurité a dit [traduction] « Nous allons vous suivre dehors et vous pourrez leur parler à leur arrivée. » La plaignante a continué de crier. Un agent de sécurité a dit [traduction] « à l’extérieur, juste à l’extérieur. » La plaignante a continué de crier, puis l’appel a pris fin.

Vers 15 h 32, la TC no 1 a appelé le 9‐1‐1 pour déclarer que la plaignante refusait de partir. à 15 h 37 m 59 s, le répartiteur demande par radio à ce que des unités se rendent à Metro Hall car les agents de sécurité faisaient face à une personne hystérique souffrant de délires et émotionnellement perturbée qui refuse de sortir.

À 15 h 39 m 23 s, la plaignante a appelé le 9‐1‐1 pour demander une intervention de la police. Elle s’est plainte du personnel et a dit qu’elle allait faire du tapage dans l’immeuble. La plaignante a changé le ton de sa voix, faisant plusieurs commentaires, puis elle a parlé d’une voix normale. L’opérateur a prié la plaignante d’attendre à l’extérieur l’arrivée de la police, puis l’appel a pris fin.

À 15 h 40, l’AT no 2 et l’AI ont confirmé qu’ils étaient en train de répondre à l’appel. à 15 h 41, le répartiteur a dit que la plaignante était irritée par le personnel du bureau TESS et qu’elle a dit que ce serait une question urgente de vie ou de mort si la police ne venait pas. à 15 h 42, le répartiteur a dit [traduction] « Rien à signaler du côté du CIPC [Centre d’information de la police canadienne] ».

À 15 h 44, l’AT no 2 est arrivé à Metro Hall et a parlé aux agents de sécurité. La plaignante était sortie de l’immeuble et s’était déplacée en direction nord sur la rue John. L’AT no 2 a suivi la plaignante. L’AT no 1 a été envoyé pour répondre aussi à cette demande d’intervention. à 15 h 51, l’AT no 2 a dit qu’il avait une personne sous garde. L’AT no 1 a dit qu’elle se trouvait à l’angle des rues John et Queen. à 16 h 07, l’AT no 1 a dit qu’elle était en train de transporter la plaignante au CTSM. à 16 h 28, l’AT no 2 a dit que la plaignante n’avait menacé personne et que le personnel du bureau TESS voulait que la plaignante obtienne de l’aide. L’AT no 1 a dit qu’elle est arrivée au CTSM. à 16 h 33, l’AT no 2 a dit qu’il se trouvait au CTSM.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • enregistrement vidéo du système de CV à bord de l’autopatrouille de l’AT no 1
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapport d’incident général
  • liste des agents qui sont intervenus et des témoins civils
  • liste des contacts de la police avec la plaignante
  • transmissions du terminal de données mobiles (TDM)
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • fouille de personne
  • procédure – Personnes perturbées émotionnellement
  • fiche sommaire du système de répartition automatisée (ADS) – Résumé des conversations

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.

Article 266 du Code criminel – Voies de fait

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Paragraphe 2(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation - L’entrée sans autorisation est une infraction

2 (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

Article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du Directeur

Le 25 novembre 2016, un appel au 9‑1‑1 a été reçu par le Service de police de Toronto (SPT) en provenance du bureau de l’emploi et des services sociaux de Toronto (TESS) du 55, rue John, dans la Ville de Toronto, demandant une assistance policière pour faire sortir une cliente (la plaignante) qui troublait l’ordre public et refusait de quitter les lieux. Au même moment, la plaignante a aussi appelé le 9‑1‑1 pour se plaindre des agents de sécurité au bureau TESS et dire qu’elle allait faire du tapage. L’AI et l’AT no 2 ont été envoyés pour répondre aux appels. Avant l’arrivée des policiers, cependant, la plaignante était volontairement sortie de l’immeuble; elle marchait sur la rue John et est entrée dans un restaurant.

Comme la plaignante avait elle‑même appelé le 9‑1‑1, les policiers sont entrés dans le restaurant pour chercher la plaignante et l’ont trouvée juste comme elle sortait des toilettes. L’AI et l’AT no 2 ont tous deux essayé de parler à la plaignante au sujet des raisons de son appel à la police et lui ont demandé de sortir du restaurant pour qu’ils puissent parler. Selon l’AI, la plaignante est devenue verbalement agressive et a refusé de sortir du restaurant. L’AI a expliqué que la police craignait pour la sécurité de la plaignante si bien qu’il l’a prise par le bras droit pendant que l’AT no 2 lui tenait le bras gauche, et ils ont essayé de l’escorter hors du restaurant et de l’appréhender en vertu de la LSM. La plaignante a résisté.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, la plaignante a allégué que les agents de police l’avaient battue ou que l’AT no 2 l’avait plaquée au sol. L’AI et l’AT no 2 ont tous deux indiqué dans leurs déclarations que c’est en fait la plaignante qui était tombée ou s’était jetée par terre sans que les policiers n’aient posé de gestes en vue de la mettre au sol. L’AI a indiqué que la plaignante s’est alors tenue au cadre de la porte pour empêcher les agents de la faire sortir du restaurant et que, alors qu’elle était allongée sur le sol, elle a donné des coups de pied à l’AI sur la jambe droite et les fesses. La plaignante a allégué que les deux agents tiraient sur son avant‑bras droit pour le lui mettre dans le dos, que son bras droit a été plié au niveau du coude et vers le haut contre son torse et que cela faisait mal.

Dans sa déclaration, l’AI a concédé que lui‑même et l’AT no 2 avaient traîné la plaignante pour lui faire franchir le bas de la porte d’entrée du restaurant puis l’ont menottée et placée dans l’autopatrouille de l’AT no 1 pour la transporter au CTSM, où elle a été internée sans son consentement en vertu d’une formule 1.

Il est heureux que l’incident, dans son intégralité, ait été capté par le système vidéo de TVCF du restaurant. La vidéo a révélé que la plaignante est entrée dans le restaurant et est allée aux toilettes à 15 h 45 m 45 s; quelques instants après, l’AI puis l’AT no 2 ont été vus aussi en train d’entrer dans le restaurant et de marché le long du couloir en direction des toilettes et ont à ce moment‑là croisé la plaignante qui en sortait. On voit d’abord l’AT no 2 s’adresser à la plaignante puis placer sa main sur l’épaule de la plaignante, puis l’on voit la plaignante se dégager des deux agents, lesquels pointaient la sortie du doigt. L’AT no 2 a alors maintenu le bras gauche de la plaignante et le côté droit de sa veste pendant que l’on voit l’AI saisir le côté droit de la veste de la plaignante, et les deux agents ont déplacé la plaignante vers la sortie du restaurant. Comme la plaignante s’approche de la porte, on la voit se dégager de l’emprise des agents puis se jeter par terre. Il est clair, au visionnement de la séquence, que ni l’un ni l’autre des agents n’a posé de geste pour amener la plaignante au sol et qu’elle a fait cela elle‑même. On voit alors l’AI se mettre devant la plaignante et lui tenir le bras droit par le poignet, et l’AT no 2 est vu en train de saisir le dos de la veste de la plaignante pendant qu’elle se débat. L’AI a ensuite traîné la plaignante sur le sol en la tirant par la main droite et le pied gauche de la plaignante s’accroche au cadre de la porte; c’est alors que l’AI bouge le pied de la plaignante pour le dégager du cadre de la porte. On voit l’AT no 2 tenir la plaignante par‑dessous le bras gauche. Peu de temps après, on voit l’AT no 2 se pencher, saisir la main gauche de la plaignante et la soulever du sol. Les trois sortent ensuite du champ de la caméra lorsqu’ils sortent du restaurant.

Le 25 novembre 2016, la plaignante a été admise au CTSM et a été évaluée comme ayant une fracture par enfoncement impliquant la bordure latérale de l’arrête du radial droit (le petit os dans l’avant‑bras près du coude) et une petite avulsion avec déplacement minimal de l’extrémité du processus coronoïde (un processus triangulaire pointu qui surgit de l’ulna et fait partie du coude).

Les dossiers médicaux de la plaignante indiquent qu’elle a dit au médecin traitant qu’elle s’était blessée au coude et au poignet lors d’une [traduction] « bousculade » avec la police. Elle a dit qu’elle s’était bagarrée avec un voisin cinq jours auparavant et que le voisin l’avait saisie par le bras droit; elle a dit au médecin à l’hôpital de Kingston qu’elle s’était disputée avec son voisin, qui lui a tordu le bras et l’a blessée au coude; et elle a dit au chirurgien orthopédique qu’elle avait été maîtrisée et menottée par la police et que c’est comme ça qu’elle avait subi sa blessure au coude.

Compte tenu des diverses déclarations qu’elle a faites à divers membres du personnel médical, il est clair que la plaignante elle‑même ne semble pas savoir comment elle a subi sa blessure. Selon l’opinion médical du TC no 4, toutefois, il semble que ni l’interaction avec le voisin ni le menottage par la police, ni le fait que l’AI soit vu sur la séquence TVCF en train de traîner la plaignante par le bras droit et de la tirer pour la faire sortir du restaurant n’ont été la cause de sa blessure, car ce type de blessure est le plus souvent causé par une chute sur la paume d’une main. Sur ce fondement, il semble que la blessure de la plaignante n’ait pas été causée par la police, mais que la plaignante se soit plutôt blessée en tombant sur le sol, chute qui s’est produite sans contact physique direct avec les policiers, ou encore que la blessure soit survenue à un autre moment et à un autre endroit.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’appréhension de la plaignante, il ressort clairement des déclarations de tous les membres du personnel questionnés au bureau TESS que la plaignante faisait du tapage et qu’elle contrevenait à la Loi sur l’entrée sans autorisation lorsqu’elle a refusé de quitter les lieux quand on le lui a demandé. Bien que la plaignante ait volontairement quitté les lieux avant l’arrivée de la police, les agents de police avaient encore l’obligation d’enquêter sur l’appel au 9‑1‑1 que la plaignante avait elle‑même fait et où elle avait allégué des actes répréhensibles de la part des membres du personnel de sécurité du bureau TESS. En raison du comportement de la plaignante tant dans son refus de parler de son appel au 9‑1‑1 aux policiers que dans son comportement erratique, l’AT no 2 a été d’avis que la plaignante manifestait un manque de capacité à s’occuper d’elle‑même et souffrait d’un trouble mental d’une nature susceptible de lui faire s’infliger à elle‑même ou infliger à une autre personne des lésions corporelles, aux termes de l’article 17 de la LSM, si bien que la police était fondée à la mettre sous garde et à la transporter jusqu’à un endroit approprié pour qu’elle soit examinée par un médecin. De plus, tandis que les policiers tentaient de faire sortir la plaignante du restaurant, celle‑ci donnait des coups de pied à l’AI, si bien que les policiers étaient fondés à l’arrêter pour voies de fait en vertu de l’article 266 du Code criminel. Par conséquent, l’appréhension de la plaignante était légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui a trait à la force employée par les policiers dans leurs tentatives de faire sortir la plaignante du restaurant, je trouve que leur comportement était plus que justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour faire sortir la plaignante, laquelle luttait et résistait aux efforts des agents de l’appréhender. J’estime aussi qu’il est plus que probable que la plaignante ait subi sa blessure lors d’un incident sans lien avec la présente affaire, ainsi qu’elle l’a révélé à divers membres du personnel médical, plutôt qu’aux mains des deux policiers ayant procédé à son appréhension. Après un visionnement attentif des séquences vidéo du système de TVCF, il semble qu’à aucun moment, lors de sa chute au sol, la plaignante ne soit tombée sur la paume d’une main, ce qui aurait cadré avec le mécanisme de la blessure, mais qu’elle ait plutôt atterri sur le dos. Si, toutefois, sa blessure a été causée par les efforts déployés par les agents pour la faire sortir du restaurant, je ne saurais conclure que cela a constitué un recours excessif à la force. Dans ce dossier, il est clair que la force employée tant par l’AI que par l’AT no 2 n’a pas été plus que ce qui était nécessaire pour faire sortir la plaignante du restaurant; elle n’a jamais reçu de coups de poing ni de coups de pied des agents et n’a pas été intentionnellement mise au sol. Que la plaignante soit simplement tombée du fait qu’elle se soit dégagée de la prise des agents ou qu’elle se soit volontairement jetée par terre afin de nuire davantage aux efforts des agents pour la faire sortir du restaurant n’est pas une question à laquelle on peut apporter une réponse claire. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la chute ou l’effondrement de la plaignante n’a pas été déclenché par la police ni n’a été le résultat d’un emploi de la force par les policiers pour prendre le contrôle de la plaignante. Par conséquent, je conclus que les gestes des deux agents sont demeurés dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour faire sortir la plaignante du restaurant et procéder à son appréhension en vertu de la LSM.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension de la plaignante et la manière dont cela s’est fait étaient légales malgré la blessure qu’elle a subie, et ce, même si j’en venais à conclure que les agents ont causé cette blessure, ce que je ne suis pas enclin à faire. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les actions des agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 10 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

  1. sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
    1. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi
    2. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi
  2. ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné.
    1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
    2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;
    3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,
    1. elle s’infligera des lésions corporelles graves;
    2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;
    3. elle subira un affaiblissement physique grave,

Notes

  • 1) [1] Une formule 1 correspond à une demande présentée par un médecin pour évaluation psychiatrique et permet au médecin d’interner une personne dans un établissement de soins psychiatriques pendant une période d’au plus 72 heures pour la soumettre à une évaluation psychiatrique. [Retour au texte]

Note:

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