Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OVI-111

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 36 ans durant une collision automobile et son arrestation subséquente le 14 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 mai 2017, à 7 h 40, le Service de police de London (SPL) a appelé l’UES pour signaler une blessure subie par le plaignant durant un accident automobile.

Le SPL a indiqué que juste avant minuit le samedi 13 mai 2017, deux hommes avaient dévalisé une pharmacie se trouvant sur la rue Oxford à London. Durant le braquage, ils avaient volé une quantité de timbres au fentanyl. Les deux suspects avaient ensuite pris la fuite dans un véhicule. Une agente de police du SPL avait répondu au message diffusé au sujet du vol qualifié, dans l’intention d’essayer d’arrêter le véhicule recherché, mais le conducteur a fui. On avait dit à l’agente de police de mettre fin à la poursuite, ce qu’elle avait fait. Le véhicule recherché avait roulé pendant encore trois kilomètres avant de quitter la chaussée, de faire un tonneau et d’entrer en collision avec un arbre sur le chemin Hyde Park.

Le conducteur du véhicule [désigné ultérieurement comme le plaignant] avait fui les lieux à pied. Un peu plus tard, le plaignant avait été découvert par une unité canine et arrêté. Le plaignant avait une clavicule fracturée due à la collision et avait également été traité pour une morsure de chien au genou. Le passager [désigné ultérieurement comme le témoin civil (TC) no 3] était temporairement coincé dans le véhicule, mais en avait été extrait et amené à l’hôpital, où il avait été soigné pour des blessures superficielles.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux de l’incident et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de mesures et de photographies.

Plaignant

Homme âgé de 36 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

De plus, les notes d’un autre agent non désigné et les déclarations préparées de 37 autres agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Juste avant minuit le 13 mai 2017, le plaignant et le TC no 3 ont braqué une pharmacie sur la rue Oxford à London et ont volé des timbres au fentanyl et de la codéine. Ils ont menacé les employés en leur disant qu’ils avaient des armes à feu, mais aucune arme à feu n’a été aperçue. Les deux hommes ont ensuite quitté les lieux dans une voiture conduite par le plaignant. Le paquet des timbres au fentanyl était muni d’un système de localisation mondial (GPS) dissimulé, de sorte que lorsque les employés ont téléphoné au numéro 9‐1‐1, le SPL a pu suivre le déplacement de la voiture.

De nombreuses unités ont répondu au message diffusé par le service de répartition, mais l’AI no 1 était la première à trouver la voiture. Une courte poursuite s’est ensuivie, mais a rapidement été abandonnée du fait que le plaignant continuait de rouler à des vitesses de plus en plus dangereuses. L’AI no 1 s’est rangée sur le bord du chemin. Le plaignant a continué de rouler à des vitesses excessives le long du chemin Hyde Park et a perdu le contrôle de sa voiture dans une courbe du chemin et s’est écrasé devant une résidence. Le TC no 3 était coincé dans la voiture, mais le plaignant a réussi à se sauver et a couru à travers un champ avoisinant. Puis, il s’est caché dans des buissons.

L’AI no 2 (l’agent de police de l’unité canine) et son chien policier ont suivi la piste du plaignant jusqu’à l’endroit où il se trouvait et où il était couché sur le ventre dans la boue. L’AI no 2 a ordonné au plaignant de montrer ses mains, mais le plaignant n’a pas obtempéré, même après avoir été informé que l’agent utiliserait peut‐être son arme à impulsions contre lui[1]. Craignant que le plaignant possède une arme à feu, l’AI no 2 a ordonné à son chien policier de le mordre. Le chien policier a mordu le plaignant à la jambe et l’a tenu. Le plaignant a été menotté et l’agent l’a aidé à se mettre debout. Le chien policier a également trouvé le sac de stupéfiants dans le champ.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital par ambulance. Le plaignant avait une fracture déplacée au milieu de la clavicule gauche et une morsure de chien au genou gauche. Il a subi une intervention chirurgicale mineure dont le but était de nettoyer la plaie avant de la suturer. Le TC no 3 avait seulement des blessures superficielles.

Preuve

Les lieux de l’incident

Distance

Une distance de 3,2 km sépare l’endroit où l’AI no 1 a commencé sa poursuite et la résidence sur le chemin Hyde Park où le conducteur a perdu le contrôle du véhicule et s’est écrasé.

Il y a une distance de 2,7 km entre l’endroit où l’AI no 1 a reçu l’ordre de mettre fin à la poursuite et la résidence sur le chemin Hyde Park où est survenue la collision.

Enregistrements des communications

Séquence sommaire des événements

Samedi 13 mai 2017 :

23 h 48 m 48 s : Un vol qualifié vient d’être commis dans une pharmacie sur la rue Oxford Ouest.

23 h 49 : Deux suspects ont pris la fuite avec des timbres au fentanyl et de la codéine.

23 h 49 : Les suspects sont sortis par la porte avant.

23 h 50 : Les services de sécurité signalent le vol. Le paquet de fentanyl inclut un dispositif GPS.

23 h 50 : D’après le GPS, le véhicule est arrêté sur le chemin Royal York.

23 h 51 : Le véhicule se dirige sur le chemin Royal York.

23 h 51 : Le véhicule se dirige maintenant vers le nord sur le chemin Hyde Park. Il roule à 42 m/h [67,6 km/h].

23 h 52 : Le véhicule continue vers le nord sur le chemin Hyde Park, au‐delà de Prince Phillip, il roule toujours à 42 m/h [67,6 km/h].

23 h 52 : Le véhicule vient de passer Sarnia, continue de se diriger vers le nord sur le chemin Hyde Park.

23 h 53 : Le véhicule est maintenant arrêté sur le chemin Hyde Park.

23 h 53 : La PPO est informée de l’incident.

23 h 53 : Le véhicule se déplace maintenant vers le nord sur Hyde Park à 20 m/h [32,2 km/h] et s’approche de South Carriage.

23 h 53 : Le véhicule de l’AI no 1 se trouve derrière le véhicule suspect.

23 h 54 : Le véhicule suspect accélère pour s’éloigner de l’AI no 1.

23 h 54 : Le véhicule est au‐delà du chemin Carriage – il continue de se diriger vers le nord sur le chemin Hyde Park à 50 m/h [80,5 km/h].

23 h 54 : 100 m/h [160,9 km/h], le véhicule se trouve près de North Routledge.

23 h 54 : Le véhicule s’approche de Seagull à 89 m/h [143,2 km/h].

23 h 54 : Le véhicule s’approche de Fanshawe à 57 m/h [91,7 km/h].

23 h 55 : Le véhicule passe Dyer – 90 m/h [144,8 km/h].

23 h 55 : Le véhicule roule toujours à 90 m/h [144,8 km/h].

23 h 56 : Le véhicule est peut‐être arrêté [à une résidence] sur le chemin Hyde Park.

23 h 56 : Le GPS est immobile.

23 h 57 : Le GPS continue d’être immobile.

23 h 57 : Le GPS semble se déplacer à 2,4 m/h [3,9 km/h], il est possible que le suspect se déplace à pied.

23 h 58 : La marge d’exactitude du GPS est de 50 pi [15,24 mètres].

Dimanche 14 mai 2017 :

0 h : Le véhicule a fait un rouleau [devant une résidence] sur le chemin Hyde Park.

0 h 01 : Un homme se trouve dans le véhicule. Un suspect se dirige vers l’ouest à pied à partir du [d’une résidence sur le] chemin Hyde Park.

0 h 16 : Une personne est sous garde [le plaignant].

0 h 20 : Une seconde personne est sous garde [le plaignant se plaint de douleur à la clavicule].

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les alentours pour trouver des enregistrements vidéo ou audio, ainsi que des preuves photographiques et a obtenu des enregistrements vidéo de télévisions en circuit fermé (TVCF) de la pharmacie, ainsi que d’un autre magasin et d’une station à essence à proximité. La TC no 4 a également téléchargé au site Web de l’UES une vidéo qu’elle avait filmée sur son téléphone cellulaire après l’accident.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu sur demande et a examiné les éléments et documents suivants fournis par le SPL et le détachement de Middlesex de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) :

  • copie papier des appels
  • copie papier de la chemise d’information –TC no3
  • registre des appels au SPL (répartition assistée par ordinateur (RAO))
  • copie papier de la chemise d’information du SPL – plaignant
  • description de travail du chien policier du SPL
  • liste des vidéos incluses à la première divulgation du SPL
  • procédure du SPL – poursuites visant l’appréhension de suspects
  • procédure du SPL – chien policier
  • dossier de formation du SPLAI no2 et chien policier
  • déclarations préparées de l’AI no2, l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 4, l’AT no 5, l’AT no 6 et l’AT no 7
  • déclarations préparées de 37 agents non désignés
  • déclarations vidéos du plaignant et du TC no3
  • déclaration de témoin au SPLTC no5
  • déclarations de sept témoins civils non désignés à la SPL
  • notes des AT nos3, 5, 6 et 7
  • notes d’un agent non désigné (reconstitution de la circulation)
  • détails de l’événement de la PPO
  • résumé de l’incident de la PPO
  • photographies des lieux de l’accident et éléments de preuve du SPL
  • enregistrement des communications du SPL
  • enregistrement des communications de la PPO
  • données GPS du SPL

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1-3 du Règlement de l’Ontario 266/10, Loi sur les services policiers – Poursuites visant l’appréhension de suspects

1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Section 249 du Code criminel, Conduite dangereuse - Véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; […]

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Article 266 du Code criminel – Voies de fait

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Article 267 du Code criminel - Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme
  2. inflige des lésions corporelles au plaignante

Articles 343-344 du Code criminel – Vol qualifié

343 Commet un vol qualifié quiconque, selon le cas :

  1. vole et, pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol, emploie la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens
  2. vole quelqu’un et, au moment où il vole, ou immédiatement avant ou après, blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte à des actes de violence contre elle
  3. se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler
  4. vole une personne alors qu’il est muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme

344 (1) Quiconque commet un vol qualifié est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu à autorisation restreinte ou d’une arme à feu prohibée lors de la perpétration de l’infraction, ou s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction et que celle-ci est perpétrée au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant :
    1. de cinq ans, dans le cas d’une première infraction
    2. de sept ans, en cas de récidive

a.1) dans les autres cas où il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

  1. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Analyse et décision du directeur

Le 13 mai 2017, le Service de police de London (SPL) a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 d’une pharmacie sur la rue Oxford dans la Ville de London l’informant que cet établissement venait d’être dévalisé et que les deux braqueurs venaient de fuir le magasin. Parmi les détails fournis au sujet du vol qualifié, on a indiqué que les deux hommes avaient dit qu’ils avaient des armes à feu sur eux, mais qu’ils n’en avaient brandi aucune. À 23 h 48 m 48 s, un message a été diffusé à toutes les unités de police les informant du vol qualifié, et de nombreuses unités ont répondu à l’appel. Parmi les autres renseignements fournis à la police, il y avait la direction dans laquelle le véhicule automobile recherché se dirigeait et la présence, parmi les stupéfiants volés, d’un paquet de timbres au fentanyl équipé d’un GPS qui transmettait l’endroit où se trouvaient les voleurs. Alors qu’il tentait d’échapper à la police, le conducteur du véhicule automobile recherché, le plaignant, a écrasé son véhicule, et lui et son passager, le TC no 3, ont été blessés. Puis, le plaignant s’est enfui du véhicule renversé et plus tard a été mordu par un chien policier avant d’être arrêté par la police. Le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait une clavicule cassée (omoplate) et une morsure de chien au genou gauche, qui a nécessité une intervention chirurgicale aux fins de désinfection. Le TC no 3 avait seulement des blessures mineures.

Dans leurs déclarations aux enquêteurs, le plaignant et le TC no 3 ont admis ouvertement qu’ils avaient braqué la pharmacie le 13 mai 2017 et y avaient volé plusieurs stupéfiants pour s’enfuir ensuite dans un véhicule automobile. Ni le plaignant ni le TC no 3 n’étaient d’avis que la police était responsable de leur collision.

Durant l’enquête, les enquêteurs se sont entretenus avec six témoins civils, dont le plaignant et le TC no 3, et avec neuf agents de police, dont les deux agents impliqués. Tous les agents témoins ont également fourni des déclarations préparées pour examen. Les enquêteurs avaient accès également aux dossiers médicaux du plaignant et du TC no 3, et aux enregistrements des transmissions de la radio de la police. Les faits ne sont pas contestés.

Le 13 mai 2017, des agents du SPL ont reçu un message par la radio à 23 h 48 m 48 s, les informant qu’un vol qualifié venait d’avoir été commis dans une pharmacie sur la rue Oxford, dans la ville de London. L’AI no 1 patrouillait sur le chemin Fanshawe Park lorsqu’elle a entendu l’appel, suivi peu après d’une seconde transmission indiquant que le fentanyl volé incluait un dispositif de localisation GPS dissimulé, qui indiquait que le véhicule automobile recherché se dirigeait vers le nord sur le chemin Hyde Park. L’AI no 1 a immédiatement informé le répartiteur qu’elle se trouvait dans le secteur et a activé ses feux d’urgence et ses sirènes. On lui a dit que selon l’information fournie par le GPS, le véhicule automobile recherché se déplaçait à 77 km/h et, peu après, qu’il était immobile sur le chemin Hyde Park, au nord du chemin Sarnia. L’AI no 1 a vu le véhicule automobile faire demi‐tour sur le chemin Hyde Park et elle s’est arrêtée derrière le véhicule momentanément, avant que le conducteur fuie en accélérant. L’AT no 3 et l’AT no 4, qui se trouvaient dans des voitures de patrouille distinctes, ont commencé à suivre l’AI no 1.

L’AT no 1 et l’AT no 5 ont également entendu l’appel concernant le vol qualifié, et l’AT no 1 est allé chercher une bande à clous dans le coffre de sa voiture de patrouille et l’a placée dans la voie de bordure nord du chemin Hyde Park, tout en apercevant en même temps le véhicule automobile s’approcher à une vitesse de 120 à 140 km/h. Malheureusement, la bande à clous n’avait pas été étendue correctement et le véhicule automobile l’a traversée et les clous ne sont pas entrés en contact avec les pneus, et le véhicule automobile est parti à toute vitesse. L’AT no 1 a alors averti le répartiteur et les trois voitures de patrouille se déplaçant vers le nord, avec l’AI no 1 en premier, concernant l’utilisation de la bande à clous.

L’AI no 1 a également fourni une mise à jour au répartiteur en expliquant que la voiture venait tout juste de s’enfuir, mais qu’elle avait réussi à obtenir le numéro de la plaque d’immatriculation. L’AT no 1 avait initialement l’intention de poursuivre le véhicule, mais lorsqu’elle était passée sur la bande à clous que l’AT no 1 venait de poser sur la chaussée, elle avait conclu qu’il était dangereux de le faire, et elle avait interrompu sa poursuite et s’était rangée au bord de la route, juste au moment où le répartiteur lui disait de mettre fin à la poursuite.

L’AT no 3 et l’AT no 4 ont également entendu le répartiteur dire que toute poursuite devait prendre fin, puisqu’il y avait un dispositif de localisation GPS dans le bien volé, et eux également, se sont rangés au bord de la route, derrière l’AI no 1, et tous les trois ont éteint leur équipement d’urgence. Les trois agents de police ont indiqué qu’ils pouvaient voir que le véhicule automobile recherché se trouvait à un kilomètre plus loin sur la route à ce moment‐là. Les trois voitures de patrouille sont restées sur le bord de la route, jusqu’au moment où ils ont vu l’AT no 2 passer près d’eux, et ils ont commencé à le suivre.

L’AT no 2 a expliqué qu’il avait entendu l’AI no 1 indiquer qu’elle avait aperçu le véhicule recherché et avant qu’il puisse envoyer une réponse, il avait entendu le sergent des communications émettre l’ordre que le véhicule recherché ne devait pas être poursuivi et il avait entendu l’AI no 1 confirmer le message et indiquer qu’elle avait mis fin à la poursuite et s’était rangée sur le bord de la route. L’AT no 2 a constaté que les trois voitures de patrouille étaient arrêtées sur le côté de la route, alors qu’il passait près d’elles; il n’a vu aucune voiture de patrouille alors qu’il poursuivait son chemin vers le nord sur le chemin Hyde Park. Puis, il avait entendu une transmission radio indiquant que le véhicule automobile recherché avait ralenti à 2 miles par heure [3,2 km/h] dans le secteur du chemin Dyer et il a dit à toutes les unités du SPL de converger vers le secteur afin de tenter de trouver les suspects. Lorsque l’AT no 2 est arrivé proche d’une résidence sur le chemin Hyde Park, il a vu que le véhicule recherché se trouvait sur le toit et que le TC no 3 était coincé à l’intérieur. Le propriétaire de la résidence a indiqué que le plaignant s’était enfui en passant par sa cour arrière, et l’AT no 2 a demandé que trois agents de police de la PPO et l’AI no 2, le maître-chien et son chien policier, et l’AT no 1 se lancent à la recherche du plaignant.

L’AI no 2 et son chien policier se sont également rendus à la résidence sur le chemin Hyde Park. L’AI no 2 a attaché une laisse de traque de 30 pi [9,14 mètres] au chien policier et, accompagné de l’AT no 1 et l’AT no 5, ainsi que des AT no 6 et AT no 7 (tous deux appartenant à la PPO), qui étaient armés de fusils, a commencé à traquer le suspect. Les deux agents de la PPO ont chacun indiqué qu’on leur avait demandé spécifiquement d’accompagner l’unité canine, parce qu’il se pouvait que le suspect soit armé et chaque agent de la PPO était armé d’un fusil. L’AI no 2 a également indiqué qu’il savait que le suspect était peut‐être armé. Le chien policier a flairé le suspect à travers un champ adjacent, a trouvé une bouteille à pilules et un sac contenant des paquets de stupéfiants, pour ensuite aboutir à un secteur boisé et recouvert de buissons. Le seul éclairage dans le secteur était fourni par des lampes de poche, puisqu’il n’y avait pas d’éclairage artificiel.

L’AI no 2 a expliqué que vers 0 h 14, le chien policier, qui avait été entraîné à « aboyer et tenir » avait commencé à japper, informant les agents de la présence éventuelle d’un suspect, et l’AI no 2 avait trouvé un homme couché sur le ventre dans les buissons avec les mains sous son corps. L’AI no 2 avait ordonné au plaignant de montrer ses mains, parce qu’il craignait qu’il avait en sa possession l’arme à feu qui avait été mentionnée dans le message initial diffusé au sujet du vol qualifié. L’AT no 7 a indiqué que lui aussi avait donné plusieurs ordres au plaignant : [traduction] « Montrez-moi vos mains, placez‐vous sur le ventre, n’utilisez pas une arme. J’ai une arme à impulsions et je l’utiliserai. » Cet élément de preuve est confirmé par le plaignant lui‐même, ainsi que par une témoin civile qui se trouvait à proximité, la TC no 4, qui avait entendu des cris où l’on disait « couchez‐vous, couchez‐vous sur le sol, et ne bougez pas » et avait entendu un chien aboyer.

L’AI no 2 avait demandé à son chien de se remettre à aboyer et de nouveau, avait ordonné au plaignant de montrer ses mains. Le plaignant n’avait pas réagi. L’AT no 2 avait attendu six secondes et puis avait donné l’ordre à son chien policier de mordre. L’AI no 2 a expliqué qu’il avait donné cet ordre parce qu’il savait que le plaignant était recherché pour vol qualifié, qu’il était peut‐être armé et que le plaignant devait savoir que le chien policier était proche, puisqu’il jappait fort. Puis, le chien avait saisi la jambe gauche et le pantalon du plaignant et, une fois que l’AT no 6 et l’AT no 7 avaient maîtrisé le plaignant, l’AI no 2 avait ordonné au chien de lâcher prise.

L’AT no 1 a précisé qu’il avait entendu l’ordre « montrez‐moi vos mains » et la réponse du plaignant « mon épaule fait mal, calmez‐vous ». Lorsque l’AT no 1 s’était approché, il avait vu que le chien avait saisi le plaignant et mordait la jambe gauche de son pantalon et après quelques secondes, l’AI no 2 avait ordonné au chien de lâcher prise, ce qu’il avait fait.

L’AT no 6 a indiqué qu’en raison de l’obscurité, il ne pouvait pas voir, mais il avait entendu l’AI no 2 ordonner au plaignant de mettre ses mains derrière le dos et que le plaignant n’avait pas obtempéré. Puis, il avait entendu l’AI no 2 donner un ordre à son chien policier, qui avait saisi la jambe du plaignant. Puis, le plaignant s’était plaint qu’il ne pouvait pas mettre les mains derrière le dos, du fait que sa clavicule était cassée. Puis, le plaignant s’était tourné sur le ventre et avait été menotté.

L’AT no 5 a indiqué qu’elle aussi avait entendu les ordres [traduction] « montrez‐nous vos mains et mettez‐vous sur le ventre » et avait vu l’AI no 2 retirer le chien de la jambe du plaignant, après quoi le plaignant s’était roulé sur le ventre, mais avait de la difficulté à placer ses mains derrière le dos, à cause de douleur à l’épaule.

Je dois me fonder sur l’ensemble de la preuve pour déterminer si les actes de la police me donnent des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise dans l’un ou l’autre des deux scénarios. La première question à examiner est celle de savoir s’il existe ou non des motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 a commis l’infraction de conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 249 du Code criminel, en ce sens que ses actions aient pu mener à la collision durant laquelle le plaignant s’est cassé la clavicule. La seconde question est celle de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI no 2 a utilisé une force excessive lorsqu’il a ordonné au chien policier de saisir le plaignant et que par conséquent, il y a des motifs d’envisager une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles, contraires à l’article 267 du Code criminel.

En ce qui concerne la première question, il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que l’AI no 1, ayant reçu de l’information par l’intermédiaire du répartiteur qu’un vol qualifié venait d’être commis et que le véhicule automobile suspect se dirigeait vers le nord sur le chemin Hyde Park et suivant les directions fournies par le GPS, a aperçu un véhicule automobile, qu’elle croyait raisonnablement être le véhicule automobile suspect, et s’était placée derrière lui et avait obtenu le numéro de sa plaque d’immatriculation. Quand le véhicule automobile a pris la fuite, bien que l’AI no 1 eût initialement l’intention de le poursuivre, presque immédiatement, elle a mis fin à cette poursuite et s’est rangée sur le côté de la route, comme l’ont fait les deux voitures de patrouille qui la suivaient. Tous les éléments de preuve montrent clairement que l’AI no 1 a informé immédiatement le répartiteur de ses observations du véhicule suspect; qu’elle a observé, consigné et transmis l’information d’identification du véhicule et l’endroit où il roulait, et, après avoir pris en considération la sécurité du public, avait mis fin à sa poursuite et s’était rangée au bord du chemin. Son évaluation du facteur de sécurité publique avait été confirmée presque immédiatement par le sergent des communications, qui avait ordonné que toute poursuite prenne fin. Cet élément de preuve est confirmé entièrement par le plaignant, le TC no 3 et la TC no 5.

Tandis que je conclus que l’AI no 1 avait des motifs raisonnables de tenter d’arrêter le véhicule automobile suspect et d’enquêter en raison de l’infraction de vol qualifié commis en contravention du Code criminel, je conclus qu’une fois que le véhicule s’était enfui à toute vitesse et avait accéléré fortement, l’AI no 1, après la courte poursuite initiale et immédiatement après avoir traversé la ceinture cloutée, avait mis fin à la poursuite et s’était stationnée au bord du chemin. Il est clair également que lorsque le véhicule automobile suspect s’est approché de la courbe du chemin Hyde Park et y est entré, les occupants du véhicule automobile pensaient qu’ils avaient déjà réussi à s’échapper à la police et que la collision était directement attribuable à la vitesse excessive à laquelle se déplaçait le véhicule automobile et à la perte de maîtrise du véhicule par le plaignant. Je suis entièrement d’accord avec l’évaluation tant du plaignant que du TC no 3 que les actions de la police étaient tout à fait appropriées et n’ont pas contribué à la collision d’un véhicule unique, qui a causé la blessure au plaignant.

En ce qui concerne la poursuite initiale très courte de l’AI no 1, je conclus qu’elle s’est entièrement conformée au Règlement de l’Ontario 266/10 pris en application de la Loi sur les services policiers de l’Ontario intitulé Poursuites visant l’appréhension de suspects, en ce sens qu’elle a obtenu l’information concernant le véhicule, a communiqué avec le préposé aux communications pour lui signaler que le conducteur avait fui et a fourni une mise à jour au répartiteur concernant l’endroit où se trouvait le véhicule suspect et la direction dans laquelle il se dirigeait et a désactivé son équipement d’urgence et s’est rangée sur le côté du chemin, dès qu’elle avait déterminé que ce n’était pas dans l’intérêt de la sécurité du public de continuer sa poursuite.

L’infraction à prendre en considération dans cette affaire est celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles en contravention de l’article 249 du Code criminel. Pour que cette infraction s’applique, la conduite du véhicule doit représenter un écart marqué par rapport à la norme de diligence dans les circonstances. Selon la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».

Je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI no 1 constituait un danger pour les autres usagers de la chaussée. À aucun moment, l’AI no 1 n’a gêné d’autres véhicules, les conditions environnementales étaient bonnes, et bien qu’elle ait brièvement atteint des taux élevés de vitesse lors de sa poursuite initiale, elle a immédiatement mis fin à cette poursuite et s’est garée sur le bord de la route. Par conséquent, la conduite de AI no 1 n’était manifestement pas un facteur dans l’accident du véhicule automobile conduit par le plaignant. Je conclus que l’AI no 1 n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse du véhicule suspect – en fait, d’après le témoignage de tous les témoins, y compris les occupants du véhicule automobile suspect, la voiture de patrouille n’était même pas visible avant que le véhicule s’approche du virage dans le chemin et y entre, après quoi le conducteur avait perdu le contrôle du véhicule et avait causé un accident, qui était à l’origine des blessures subies par le plaignant et le TC no 3.

À la lumière de cette preuve, il est clair que le plaignant a délibérément essayé de semer la police et, ce faisant, s’est enfui à une vitesse dangereuse, conduisant de façon téméraire et sans égard aux autres usagers de la route, et qu’il a continué d’agir ainsi lorsque les policiers ont tenté de l’intercepter, de même qu’après que les agents avaient abandonné leurs intentions dans l’intérêt de la sécurité publique et qu’ils avaient perdu de vue le véhicule suspect. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le plaignant a décidé d’entrer dans la courbe du chemin à des vitesses qui étaient excessives pour cette manœuvre et a perdu le contrôle de son véhicule, est entré dans le fossé, a quitté le sol pour ensuite atterrir sur le toit dans l’entrée d’une résidence sur le chemin Hyde Park. Ainsi, le plaignant est à lui seul responsable des blessures qu’il a subies lors de la collision, lesquelles étaient le résultat direct de sa conduite à des vitesses excessives, qu’il a atteint dans l’intention de s’échapper.

Je conclus, en me fondant sur cette preuve, que la conduite de l’AI no 1 pendant qu’elle suivait le véhicule suspect ne constituait pas « un écart marqué par rapport à la norme » et je conclus qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les actes de l’AI no 1 ou de n’importe quel autre agent de police et la collision qui a causé les blessures subies par le plaignant. En fait, l’examen de la preuve dans son intégralité montre clairement que non seulement l’AI no 1 est intervenue dans la situation en se conformant entièrement au Code criminel, au Code de la route et à la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais aussi qu’elle s’est comportée en tout temps de façon professionnelle et prudente et tout en faisant preuve de jugement. Je n’ai aucune critique à formuler au sujet des actions de l’AI no 1 et, par conséquent, je ne vois aucun motif, ici, de déposer des accusations au criminel.

En ce qui concerne la deuxième question, à savoir si l’AI no 2 a utilisé ou non une force excessive lorsqu’il a demandé à son chien policier de saisir le plaignant, il ressort clairement de la preuve qu’il n’y a pas de désaccord entre le plaignant et les agents de police qui était présents durant son arrestation quant à ce qui s’est produit, à l’exception peut‐être des ordres exacts donnés par la police, avant que le chien policier reçoive l’ordre de se lancer sur le plaignant et avant qu’il le morde au genou. Je conclus qu’un certain nombre d’agents de police criaient des instructions au plaignant, notamment qu’il devait se coucher par terre et devait mettre ses mains derrière le dos. De plus, j’accepte entièrement le fait que le plaignant n’a pas placé ses mains derrière le dos et que son omission de le faire pouvait être attribué directement à sa clavicule cassée, blessure dont l’AI no 2 n’avait pas connaissance à l’époque. Par ailleurs, même si l’AI no 2 avait entendu le plaignant dire que sa clavicule était cassée, du fait qu’il possédait de l’information selon laquelle les suspects ayant commis le vol qualifié avaient informé les employés à la pharmacie qu’ils avaient des armes à feu sur eux, il ne pouvait pas en toute sécurité croire le plaignant sur parole et présumer simplement qu’il n’était pas armé et qu’il ne constituait pas un danger pour les agents sur place. Par conséquent, je conclus que l’ordre donné par l’AI no 2 à son chien policier de confronter le plaignant, quand celui‐ci avait omis de mettre ses mains derrière le dos, mais au lieu de cela, les avait gardées sous son corps, ne constituait pas un recours excessif à la force. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de la jurisprudence dominante des tribunaux supérieurs en ce qui concerne les actions de la police dans des situations qui évoluent rapidement et où il y a un certain besoin d’agir vite. L’état du droit a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak, [2010] 1 C.S.C. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI no 2 pour maîtriser le plaignant et pour s’assurer qu’il n’était pas en possession d’une arme à feu tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise en détention légale et pour éliminer le risque qu’il continuait de poser tant qu’il avait peut‐être accès à une arme sous son corps et jusqu’à ce qu’il eût été entièrement maîtrisé et menotté.

En dernière analyse, en réponse aux questions posées plus haut, je conclus que je n’ai pas des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise soit par l’AI no 1, soit par l’AI no 2, dans leurs efforts d’appréhender et d’arrêter un voleur potentiel, qui venait tout juste de braquer un magasin, tout en alléguant qu’il était en possession d’une arme à feu. Pour ces raisons, je conclus qu’il n’y a aucun motif justifiant le dépôt d’accusations criminelles et aucune accusation de ce genre ne sera portée.

Date : 16 janvier 2018

Original signed by

Tony Loparco
Director
Special Investigations Unit

Addenda

Dans le rapport du directeur daté du 16 janvier 2018, on lit que l’AI no 1 a conduit sur la bande à clous. En fait, elle n’a roulé que sur la corde de la bande à clous, la bande n’ayant pas été entièrement étendue, comme le précise le rapport. De plus, bien qu’elle se soit immédiatement rangée sur le côté de la route, rien ne prouve qu’elle l’a fait parce qu’elle avait roulé sur la corde de la bande à clous.

Date : 2 octobre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.