Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-070

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport a trait à l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 27 ans lors de son arrestation le 6 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le vendredi 7 avril 2017, à 5 h 20, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES qu’un homme avait subi une blessure grave lors de son arrestation le 6 avril 2017.

Le SPT a signalé que le jeudi 6 avril 2017, vers 20 h 46, des agents de la brigade antidrogue du SPT avaient tenté d’arrêter le plaignant et le TC no 1 pour trafic de stupéfiants dans le secteur de la rue Church et de la rue Dundas à Toronto. Tous deux ont résisté à leur arrestation, mais ont finalement été maîtrisés et placés en détention. On a appelé les Services médicaux d’urgence (SMU), qui ont traité deux agents de police ainsi que le TC no 1 sur les lieux de l’incident. Le plaignant a été transporté à l’hôpital où, à 15 h 45, on a déterminé qu’il avait une fracture à l’os nasal. Le plaignant a été libéré de l’hôpital et confié aux agents de police, qui l’ont ramené à la division de police.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux de l’incident et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Entretien avec l’homme de 27 ans.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes d’un autre agent, celles du preneur de notes principal, ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI no 1 N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Notes reçues et examinées

Description de l’incident

Le 6 avril 2017, vers 20 h, une agente d’infiltration, l’AT no 4, a appelé le plaignant et a pris des arrangements avec lui pour acheter une quantité de crack. Ils ont convenu d’une heure et d’un endroit. Quatre autres agents de la brigade antidrogue du SPT attendaient en arrière-plan pour arrêter le plaignant dès que la transaction était terminée. La transaction a eu lieu, alors que l’AT no 4 se trouvait à l’extérieur d’une porte donnant accès à un immeuble d’habitation et que le plaignant était dans le vestibule. La porte de l’immeuble ne pouvait être ouverte de l’extérieur, ce qui signifiait que l’AT no 4 devait tenir la porte ouverte afin que d’autres agents puissent entrer après la transaction. L’AT no 4 a donné de l’argent au plaignant et a reçu un petit sac de poudre, qui aux dires du plaignant était du crack.

Une fois que l’AT no 1 a donné l’ordre d’intervenir et de procéder à l’arrestation du plaignant et du TC no 1, qui accompagnait le plaignant, l’AT no 3 s’est approché pour procéder à l’arrestation. L’AT no 3 est entré par la porte que l’AT no 4 tenait ouverte et a immédiatement reçu des coups de poing à la tête donnés par le TC no 1. L’AT no 4 n’était pas en mesure d’entrer pour aider l’AT no 3, du fait que la porte se refermerait automatiquement derrière elle si elle la lâchait, ce qui aurait empêché d’autres agents de police d’entrer pour aider à procéder à l’arrestation.

Quelques secondes plus tard, l’AI est arrivé et est entré, et a crié l’avertissement d’usage de la police et est allé prêter main-forte à l’AT no 3. L’AI a affronté le plaignant, tandis que l’AT no 3 continuait d’essayer d’arrêter le TC no 1. Le TC no 1 avait en sa possession un gros couteau. Peu après, l’AT no 2 et l’AT no 1, qui le suivait, sont également arrivés et sont entrés, et le plaignant ainsi que le TC no 1 ont été placés en état d’arrestation.

Au cours de l’arrestation, l’AI a donné plusieurs coups de poing au plaignant. Après l’arrestation, le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic posé, il avait subi une fracture à l’os nasal. L’AT no 3 avait une coupure et de la douleur à l’oreille gauche et de petites entailles à la main, tandis que le TC no 1 avait quelques contusions, mais n’avait subi aucune blessure grave.

Preuve

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident étaient un immeuble d’habitation au centre-ville de Toronto. Il y avait une porte d’entrée donnant accès à un passage recouvert, mais la porte intérieure était verrouillée pour empêcher un accès général. Quelqu’un empruntant l’escalier intérieur pouvait descendre jusqu’au palier du rez‐de‐chaussée, qui mesurait environ 3,1 mètres sur 1,1 mètre. On pouvait sortir du vestibule à gauche et accéder au hall d’entrée, juste à l’ouest de l’entrée principale ou emprunter un couloir à droite et sortir directement dans la rue. La porte de sortie vers la rue était munie d’une barre de secours qui permettait de l’ouvrir pour sortir, mais il n’y avait aucun mécanisme pour entrer dans la cage d’escalier à partir de la rue. L’escalier et le couloir étaient bien éclairés par des lumières installées sur les murs.

Il y avait deux endroits où du sang s’était écoulé et avait séché. Il y avait une petite mare de sang séché là où la marche d’escalier inférieure rejoignait le palier et une quantité de sang plus importante près du mur sud. Il y avait des éclaboussures de sang sur le mur sud et des traces de sang transféré sur le mur en dessous des éclaboussures. Il y avait deux petites taches de sang sur la porte qui menait au hall d’entrée, ce qui indiquait que la porte était fermée au moment où les taches avaient abouti à cet endroit. Le plaignant et le TC no 1 ont tracé des schémas des lieux de l’incident durant leurs entretiens respectifs. L’enquêteur judiciaire a lui aussi créé un schéma des lieux de l’incident.

Schéma des lieux

schéma des lieux

Éléments de preuve médico-légaux

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux de l’incident et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies et de mesures.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les environs pour trouver des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques; elle a reçu et examiné une vidéo de surveillance enregistrée sur la propriété où l’incident avait eu lieu, mais la caméra n’incluait pas la cage d’escalier où l’arrestation avait eu lieu ni la porte vers la rue où la transaction s’était déroulée et par conséquent, n’a fourni aucun renseignement utile aux fins de l’enquête. L’UES n’a réussi à trouver aucun autre enregistrement ou aucune autre photographie.

Enregistrements des communications

Comme il s’agissait d’une opération d’infiltration, les communications de la police durant l’opération proprement dite n’ont pas été enregistrées.

À 20 h 48 m 20 s, on entend l’AT no 4 qui appelle pour demander qu’on envoie un véhicule de transport pour deux personnes en état d’arrestation qui sont [traduction] « assez difficiles à gérer ». Par la même occasion, il demande qu’on fasse venir une ambulance. On entend l’agent dire que si une ambulance est nécessaire c’est parce que [traduction] « ils se sont bien défendus » et parce que l’un des suspects saignait du visage.

À 20 h 50 m 28 s, une femme non identifiée a appelé au numéro 9‐1‐1 et a signalé qu’alors qu’elle sortait de l’immeuble à pied, un agent de sécurité en était sorti en courant, avait regardé dans la cage d’escalier et avait dit [traduction] « ils tuent quelqu’un », mais elle ne disposait pas d’autres renseignements et n’avait rien vu.

À 20 h 57, le TC no 2, l’agent de sécurité, a appelé au numéro 9‐1‐1 et a affirmé que [traduction] « quelqu’un essaye de tuer quelqu’un ici » et qu’il fallait faire venir une ambulance. Il a fourni des renseignements additionnels en précisant qu’il avait vu un homme aux mains liées, que des gens criaient et qu’il y avait un homme qui saignait dans la cage d’escalier. Puis, il a déclaré que la police était sur place et il a mis fin à l’appel.

Documents et éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport sur les détails de l’événement
  • rapport d’incident général
  • notes de l’AI et des AT nos1, 2, 3 et 4 et notes du preneur de notes principal
  • procédure 04-19 – Surveillance
  • procédure 04-44 – Opérations d’infiltration
  • procédure 15-01 – Recours à la force
  • enregistrements des communications de la police
  • photographies prises par le SPT des blessures subies par le TC no 3
  • résumé d’une conversation
  • rapport des renseignements recueillis durant la surveillance

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents suivants provenant d’autres sources :

  • rapport d’incident – Metro Protective Services
  • dossiers médicaux

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 265(1) du Code criminel - Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

Article 266 du Code criminel – Voies de fait

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 88(1) du Code criminel - Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Paragraphe 270(1) du Code criminel - Voies de fait contre un agent de la paix

270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances - Possession de substances

4 (1) Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite.

Paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances – Trafic de substances

5 (1) Il est interdit de faire le trafic de toute substance inscrite aux annexes I, II, III, IV ou V ou de toute substance présentée ou tenue pour telle par le trafiquant.

Analyse et décision du directeur

Le 6 avril 2017, la brigade antidrogue du Service de police de Toronto (SPT) a pris des arrangements en vue d’une transaction d’achat et de vente de drogue entre l’agent d’infiltration, l’AT no 4 et le plaignant. Il était entendu qu’une fois que l’échange était terminé, d’autres agents en civil se trouvant à proximité et sans signe ostentatoire qu’ils appartenaient à la police interviendraient et placeraient le plaignant et un deuxième homme, le TC no 1, qui était avec lui, en état d’arrestation. Il n’est pas contesté que le plaignant s’est présenté à l’endroit convenu et qu’il était en possession d’un petit sac de poudre blanche, qui était censé être du crack et qui devait être vendu à l’agent d’infiltration. Il n’est pas non plus contesté que le TC no 1, au moment de la transaction, était en possession d’un gros couteau d’environ 12 pouces de long et dont la lame mesurait approximativement 6 pouces.

Après l’échange, l’ordre a été donné d’arrêter le plaignant et le TC no 1 et les agents de police ont commencé à converger vers l’endroit. Le plaignant et le TC no 1 ont allégué qu’ils ne savaient pas que les hommes qui entraient dans le vestibule de l’immeuble d’habitation après la transaction étaient des agents de police et que ces deux agents les ont battus. Selon les allégations, le plaignant aurait reçu des coups de poing aux yeux, au nez, à la joue, à la poitrine et aux côtes et on l’aurait étranglé, et puis, il aurait été entouré d’agents qui l’auraient piétiné, lui auraient donné des coups de pied et auraient pressé leurs genoux dans son dos, lesquelles actions constituaient un usage excessif de force et ont fracturé l’os nasal du plaignant et causé des ecchymoses, mais pas de blessures graves au TC no 1.

Les agents de police ayant participé à l’arrestation du plaignant et du TC no 1 affirment au contraire que c’est le TC no 1 qui a donné des coups de poing à l’AT no 3, qui était le premier agent à entrer dans le vestibule pour arrêter le plaignant et le TC no 1, après l’échange de l’argent et de la drogue. Le TC no 1 admet qu’il a été le premier à frapper, mais nie qu’il savait que l’AT no 3 était un agent de police. Puis, l’AT no 3 a également été frappé à la tête par le plaignant, après quoi d’autres agents sont arrivés et ont aidé l’AT no 3 à arrêter le plaignant et le TC no 1. Les agents de police ont fait valoir qu’ils n’avaient pas utilisé plus de force que nécessaire dans les circonstances pour maîtriser et arrêter le plaignant et le TC no 1, qui résistait tous les deux et étaient combatifs et agressifs envers les agents de police, qui s’étaient identifiés comme tels. Par conséquent, le TC no 1 a subi une coupure et avait de la douleur à l’oreille gauche et de petites entailles aux mains, mais pas de blessures graves.

Au cours de l’enquête, seulement un témoin civil, outre le plaignant et le TC no 1, s’est présenté pour avoir un entretien, mais ses observations étaient très limitées. Les enquêteurs se sont également entretenus avec les quatre agents de police présents sur les lieux et avaient accès à leurs notes. L’agent impliqué a lui aussi fourni ces notes, mais a refusé de subir un entretien, comme c’est son droit légal. Il n’y avait pas de séquences de télévision en circuit fermé montrant l’endroit où s’était déroulée l’interaction, et les communications de la police n’avaient pas été enregistrées. Les enquêteurs avaient également accès aux dossiers médicaux du plaignant.

Il ressort clairement d’un examen des notes et des déclarations de tous les agents de police participant à la descente ayant pour but d’arrêter le plaignant après l’achat de drogue par une agente d’infiltration, soit l’AT no 4, qu’en plus de celle-ci, l’AI, l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3 ont participé à l’opération, ce qui donnait un total de cinq agents de police. Il est clair également, et ce fait est confirmé par les témoignages des agents de police, du plaignant et du TC no 1, qu’à aucun moment l’AT no 4 n’est entrée dans le vestibule ou a aidé à arrêter le plaignant ou le TC no 1, puisqu’elle est restée à la porte durant l’entière interaction, pour la tenir ouverte.

L’AT no 4 a indiqué qu’elle avait vu l’AT no 3 courir vers la porte où elle se trouvait et que lorsqu’il était entré, elle l’avait entendu crier « police, police », et l’avait vu agripper le TC no 1, après quoi le plaignant et le TC no 1 ont commencé à lutter avec lui. L’AT no 4 a expliqué qu’elle avait paniqué et qu’elle était sur le point d’entrer elle‐même, mais qu’elle savait que si elle lâchait la porte, les autres agents ne seraient pas en mesure d’entrer pour prêter main-forte. En quelques secondes, l’AI est arrivé et est immédiatement allé aider l’AT no 3 en saisissant l’un des hommes. L’AT no 4 n’a pas pu voir ce qui s’est passé après cela, puisque l’échauffourée s’est poursuivie derrière le coin au bout du couloir. Puis, l’AT no 2 et l’AT no 1 sont arrivés ensemble et sont entrés, tandis que l’AT no 4 est restée à la porte et a appelé pour demander de l’aide. De l’endroit où elle se trouvait, l’AT no 4 a entendu quelqu’un dire [traduction] « mettez-vous au sol, mettez-vous au sol ». L’AT no 3 a dit à l’AT no 4, lorsqu’elle était assise dans la fourgonnette après l’interaction, qu’il avait été frappé à la tête.

L’AT no 3 a indiqué que lorsqu’il avait franchi la porte, il avait crié « police » aux deux hommes qui se trouvaient devant lui et s’était dirigé vers le TC no 1, en lui disant qu’il était en état d’arrestation; à ce moment‐là, le TC no 1 lui a donné deux coups de poing à l’oreille gauche. L’AT no 3 a précisé qu’il a continué de dire [traduction] « police, vous êtes en état d’arrestation », auquel moment le plaignant a frappé l’AT no 3 sur le dessus de la tête. L’AT no 3 a indiqué qu’il avait alors poussé le TC no 1 et le plaignant vers l’intérieur du couloir et avait les mains pleines avec le TC no 1, quand le plaignant a de nouveau commencé à lancer des coups dans sa direction.

À ce moment-là, l’AI est arrivé et a affronté le plaignant, tandis que l’AT no 3 se concentrait sur le TC no 1 et l’a poussé contre le mur arrière, après quoi le TC no 1 a sorti un gros couteau de son côté droit et l’a tenu juste au-dessous du niveau de ses épaules. L’AT no 3 a saisi la main du TC no 1 et a commencé à lui donner des coups de poing, et ce dernier est tombé sur le sol au pied de l’escalier avec l’AT no 3 par-dessus lui, et le couteau est tombé vers le côté, et l’AT no 3 l’a ramassé et l’a jeté sur les escaliers. Cela est confirmé par le fait que le couteau se trouvait à cet endroit après l’interaction. L’AT no 3 a décrit le TC no 1 comme résistant activement et a indiqué qu’il a seulement réussi à maîtriser entièrement et à menotter le TC no 1 après l’arrivée des autres membres de l’équipe.

Dans ses notes, l’AI a indiqué que lorsqu’il avait franchi la porte que tenait ouverte l’AT no 4, il avait vu deux hommes entourant l’AT no 3 et que celui‐ci tenait le TC no 1, pendant que le plaignant frappait l’AT no 3 avec son poing au côté gauche de la tête. L’AI s’est identifié verbalement plusieurs fois comme membre du Service de police de Toronto et puis a saisi le plaignant, qui continuait de donner des coups de poing à l’AT no 3. L’AI a indiqué que le plaignant l’a alors poussé et a levé ses deux poings et a assumé une position d’attaque et qu’il avait alors donné deux coups de poing au visage du plaignant et qu’ils étaient tous deux tombés au sol, où le plaignant avait continué de se battre et de résister. L’AI a constaté que, lors de la lutte, de la monnaie canadienne tombait de la poche du plaignant et que le TC no 1 avait laissé tomber un long couteau de couleur sombre. Finalement, l’AI a été en mesure de menotter le plaignant.

L’AT no 2 a expliqué qu’il était arrivé à la porte environ 15 à 20 secondes après l’AI et avait entendu des cris durant lesquelles on disait [traduction] « mettez-vous au sol, vous êtes en état d’arrestation, arrêtez » avant qu’il puisse voir l’un ou l’autre des agents dans le couloir. Puis, l’AT no 2 a couru dans le couloir et a trouvé l’AT no 3, qui se battait sur le sol avec le TC no 1, tandis que l’AI était debout et luttait avec le plaignant. L’AT no 2 a décrit la scène comme étant dynamique, avec du sang sur le sol et sur le mur, de l’argent éparpillé sur le sol et un couteau de chasse noir de type Rambo sur l’escalier près de l’AT no 3 et du TC no 1. L’AT no 2 a immédiatement crié : [traduction] « Arrêtez! Vous êtes en état d’arrestation! ». L’AT no 2 a expliqué que par souci pour le bien‐être de l’AT no 3, il s’est approché et a donné des coups de poing et de pied au torse et aux bras du TC no 1, qui continuait de résister. Une fois que le TC no 1 était menotté, l’AT no 2 s’est tourné vers l’AI et le plaignant, qui étaient tous les deux au sol. L’AT no 2 a expliqué qu’il n’avait pas vu comment le plaignant avait abouti sur le sol et qu’il n’avait observé aucun coup de poing qui lui aurait été donné; puis, il a aidé à passer les menottes au plaignant.

L’AT no 1 a indiqué qu’après que l’AT no 2 avait ordonné que l’on procède à l’arrestation du plaignant et du TC no 1, il avait vu l’AT no 3 venir de l’ouest et franchir la porte en criant et en s’identifiant comme agent de police. Puis, il avait observé l’AI entrer après l’AT no 3, et cinq secondes plus tard, lui‐même et l’AT no 2 sont entrés. Lorsque l’AT no 1 est entré dans le vestibule, il a constaté qu’il y avait deux lieux d’interaction différents, c’est‐à‐dire que l’AT no 3 était par‐dessus le TC no 1 et l’AI, par-dessus le plaignant. L’AT no 1 a observé que la lutte était vive alors que le plaignant et le TC no 1 résistaient activement et se battaient avec les agents de police. L’AT no 1 est alors allé aider l’AT no 3 et en l’espace de 20 à 25 secondes, le plaignant et le TC no 1 ont été menottés. Lors de la séance de compte rendu qui s’est tenue plus tard, l’AT no 1 a été informé pour la première fois que le TC no 1 avait frappé l’AT no 3 et qu’il avait sorti et laissé tomber un couteau durant l’échauffourée.

Tandis que le TC no 1 a précisé qu’il avait donné des coups de poing à l’AT no 3 après que ce dernier avait agrippé le plaignant, tous les agents présents ont indiqué dans leurs témoignages que dès que l’AT no 3 était entré dans l’immeuble, c’était le TC no 1 qu’il avait saisi.

Tous les agents de police et le TC no 1 ont affirmé que c’était ce dernier qui avait donné des coups à la tête de l’AT no 3 dès son entrée dans le vestibule; seul le plaignant a omis d’inclure ce détail dans sa déclaration.

Tandis que le TC no 1 a indiqué qu’il ne savait pas que l’AT no 3 était un agent de police et qu’il s’était seulement identifié comme tel après que le TC no 1 lui avait donné des coups de poing, l’AT no 3 a indiqué qu’il s’était identifié comme agent de police en criant dès qu’il avait franchi la porte et s’était approché du TC no 1, laquelle déclaration concorde avec celle de l’AT no 4, qui se trouvait à la porte à ce moment‐là, et de l’AT no 1, qui a entendu les cris de l’AT no 3 par la radio, alors qu’il l’observait franchir la porte.

Il n’est pas contesté, compte tenu de l’ensemble de la preuve, que la police était légalement en mesure d’arrêter le plaignant et le TC no 1 pour trafic d’un stupéfiant, ou d’une substance présentée comme un stupéfiant, en contravention de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Bien qu’il ait été établi après les faits que la poudre qui avait été vendue à l’agente d’infiltration n’était pas en fait du crack, la police avait des motifs raisonnables de procéder à une arrestation et agissait légalement aux termes du paragraphe 25 (1) du Code criminel.

Lorsque j’évalue les actions de la police dans sa tentative d’arrêter et de maîtriser le plaignant et le TC no 1, je suis d’accord avec l’évaluation faite par l’AT no 2 selon laquelle il s’agissait d’une situation dynamique. Même s le TC no 1 était un adolescent, il n’était pas un petit homme puisqu’il mesurait plus de six pieds et pesait environ 170 livres tandis que le plaignant mesurait environ 5 pieds 10 et pesait 220 livres.

Par ailleurs, le TC no 1 était armé d’un couteau et il a immédiatement frappé l’AT no 3 quand il est passé par la porte. De plus, même si le lieu choisi par le plaignant était idéal pour une transaction liée à la drogue, il n’était pas idéal pour procéder à une arrestation. L’endroit choisi était idéal pour une transaction de ce genre puisque dès que la porte se fermait, elle empêchait quiconque d’entrer dans le vestibule, et aurait bloqué la police qui tentait d’y entrer pour procéder à une arrestation si l’AT no 4 n’avait pas eu la prévoyance de tenir la porte ouverte. Si elle avait lâché la porte pour entrer et prêter main‐forte à l’AT no 3, elle‐même et l’AT no 3 auraient effectivement été laissés à la merci de deux hommes assez corpulents, dont l’un était armé, tandis que les autres agents n’auraient pas pu entrer pour venir à leur secours. Durant le temps qu’il aurait fallu aux autres agents de police d’entrer dans l’immeuble, beaucoup de tort aurait pu être causé aux deux agents qui avaient été les premiers à entrer dans l’immeuble. De plus, l’endroit où l’arrestation s’est faite était étroit, puisqu’il s’agissait d’une cage d’escalier et de son palier, ce qui limitait la mobilité et donc le choix des options tactiques.

Compte tenu de toutes ces circonstances, je ne peux trouver de motifs raisonnables de croire que les agents ont appliqué une force excessive pour appréhender le plaignant et le TC no 1. Tenant compte du fait que le TC no 1 a donné des coups de poing à la tête de l’AT no 3 presque immédiatement après son entrée dans le vestibule, je n’ai aucune hésitation à conclure que la police était d’avis qu’il fallait agir urgemment et maîtriser le plaignant et le TC no 1 le plus rapidement possible.

De plus, bien que j’accepte entièrement qu’aucun des agents de police participant à l’opération d’infiltration portait un quelconque insigne de police, pour des raisons manifestes, je n’accepte pas la déclaration du TC no 1 que l’AT no 3 s’était seulement identifié comme agent de police une fois que ce premier lui avait donné des coups de poing. Au lieu de cela, j’accepte le témoignage de l’AT no 4, qui était présente à la porte au moment des faits et de l’AT no 1, qui a entendu l’AT no 3 crier et s’identifier dans la radio, alors qu’il observait l’AT no 3 franchir la porte, ce qui corrobore complètement les déclarations de l’AT no 2, de l’AT no 3 et de l’AI, qui ont indiqué que l’AT no 3 s’était identifié ainsi dès qu’il s’était approché de la porte. Bien qu’il soit possible que le TC no 1 n’ait pas entendu ce cri initial, je suis sceptique, puisque le plaignant et le TC no 1 ont continué de lutter et de résister même après l’arrivée d’autres agents, qui ont tous crié l’avertissement annonçant qu’ils appartenaient à la police.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’ai certains doutes quant à la fiabilité des versions des événements fournies par le plaignant et le TC no 1, en raison d’un grand nombre d’incohérences entre les déclarations de chacun d’eux et dans leurs déclarations proprement dites et entre celles-ci et la preuve matérielle, y compris la nature des blessures, comme suit (il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais seulement de quelques exemples) :

Le TC no 1 a estimé que lui‐même et le plaignant auraient été battus par la police pendant une vingtaine de minutes, alors que, d’après les notes prises par l’AI et l’AT no 3, l’AT no 2 a donné l’ordre aux agents de se diriger vers l’immeuble en vue de procéder à l’arrestation à 20 h 46, tandis que le registre des communications montre que l’AT no 4 avait déjà appelé une ambulance et deux véhicules pour transporter les prisonniers à 20 h 48 m 20 s, moins de deux minutes plus tard. Par conséquent, je suis plus enclin à accepter l’estimation de l’AT no 1 que l’entière interaction avait plutôt duré de 15 à 20 secondes.

Tandis que l’AT no 3 a indiqué qu’il avait commencé à donner des coups de poing au TC no 1 lorsqu’il l’a vu sortir un gros couteau et le tenir juste en dessous du niveau de ses épaules et que l’AT no 2 a admis ouvertement qu’il avait donné des coups de pied et de poing au torse et aux bras du TC no 1 parce qu’il s’inquiétait du bien‐être de l’AT no 3 et parce que le TC no 1 continuait de résister, je note que ces coups n’étaient pas suffisamment forts pour causer des blessures. À la lumière de l’ensemble de la preuve, si les agents avaient donné des coups de poing et de pied et avaient étranglé le plaignant et le TC no 1 pendant une période de 20 minutes, au degré allégué par eux, je m’attendrais à voir des blessures nettement plus graves que l’unique fracture à l’os nasal du plaignant et les contusions subies par le TC no 1.

Les blessures observées chez l’AT no 3 correspondent au fait qu’il a été frappé par le plaignant et le TC no 1 et contredisent les affirmations des deux hommes qu’ils n’ont jamais résisté à la police. Je conclus que les blessures subies par l’AT no 3 sont compatibles avec sa déclaration et la confirment, ainsi que les déclarations de tous les agents de police présents, à savoir que le plaignant et le TC no 1 étaient agressifs et offraient de la résistance.

En raison de ces incohérences, bien que j’admette entièrement qu’au moins trois des agents de police ont donné quelques coups au plaignant ou au TC no 1 durant leur tentative de procéder à leur arrestation, je conclus que les déclarations du plaignant et du TC no 1 sont à la fois exagérées et intéressées et que, sauf lorsque les éléments de preuve fournis par eux sont appuyés par d’autres éléments, je rejette leurs témoignages, préférant ceux des cinq agents de police, qui concordent entre eux et qui concordent avec la preuve matérielle.

Bien que l’AI ait indiqué dans ses notes qu’il a donné deux coups de poing au plaignant, ce qui selon toute vraisemblance a causé sa fracture à l’os nasal après qu’il avait levé les poings contre l’AI et après que celui‐ci avait déjà observé le plaignant donner un certain nombre de coups de poing à l’AT no 3, en raison des circonstances, je ne peux conclure que ces actions constituaient un recours excessif à la force.

Pour en arriver à cette conclusion, j’ai pris en considération la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, qui semble particulièrement pertinente dans cette affaire :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell [(1981), 60 C.C.C. (2d) 211(C.A.C.-B.)] :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI et les autres agents participant à l’arrestation du plaignant et du TC no 1 était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances et était directement proportionnelle à la résistance et à la violence dont faisaient preuve le plaignant et le TC no 1 pour éviter leur arrestation. Dans cette affaire, je ne puis conclure que j’ai des motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents de police ayant participé à l’appréhension et à l’arrestation du plaignant et du TC no 1 ont usé d’une force qui était supérieure à ce qui était nécessaire dans la situation et, par conséquent, je conclus que je n’ai pas les motifs raisonnables qui sont requis pour porter des accusations criminelles et aucune ne sera donc portée.

Date : 26 février 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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