Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-143

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’aurait subie un homme âgé de 82 ans lors de l’exécution d’un mandat de perquisition, le 15 juin 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 11 h 20, le jeudi 15 janvier 2017, le Service de police de London (SPL) a notifié l’UES de la blessure du plaignant subie pendant sa mise sous garde.

Le SPL a déclaré que le 15 juin 2017, vers 5 h du matin, des membres de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPL sont allés prêter assistance au Service de police de Toronto (SPT) dans l’exécution d’un mandat de perquisition à une résidence dans la Ville de Toronto. Au milieu de l’opération de vérification et de sécurisation de la résidence, le plaignant a apparemment été renversé. Le plaignant n’était pas la cible du mandat de perquisition et n’était accusé d’aucune infraction. Il a été traité sur place par des ambulanciers puis a été emmené par ambulance à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture sans déplacement du maxillaire antérieur droit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme âgé de 82 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 6 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Le jeudi 15 juin 2017, vers 5 h 30, le plaignant se trouvait chez lui dans la Ville de Toronto. Il dormait dans sa chambre située au premier étage. De manière inattendue, il a été réveillé par un grand bruit à la suite duquel il a entendu la police enfoncer la porte d’entrée. Le plaignant s’est levé et a vu le couloir à l’extérieur de sa chambre empli de fumée. Confus et effrayé, il est sorti de sa chambre et s’est aventuré dans le couloir. À un moment donné, le plaignant est tombé sur l’AT no 6, qui était armé d’une carabine C8, tandis que l’AI était armé d’un pistolet. L’AI a ordonné au plaignant de se mettre à terre en disant [traduction] « Police, mettez‐vous au sol. » Cependant, le plaignant a continué de marcher vers les policiers. L’AI en utilisant la paume de sa main gauche, a plaqué sa main sur le visage du plaignant. Le plaignant est alors tombé sur le sol, ayant subi une blessure à la mâchoire supérieure.

Le plaignant a été amené au rez‐de‐chaussée et traité par les ambulanciers. Il a ensuite été transporté à l’hôpital.

Nature des blessures et traitement

Le 15 juin 2017, à 6 h 11, le plaignant a été admis à l’hôpital. On lui a diagnostiqué une [traduction] « légère fracture comminutive sans déplacement au maxillaire antérieur droit (mâchoire supérieure droite) avec fracture sans déplacement à la racine de l’incisive latérale droite » (une dent située à l’extérieur de la ligne médiane du visage et des canines).

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène n’a pas été bouclée pour les fins d’une enquête de l’UES car les blessures du plaignant n’ont été connues que plus tard dans la journée du 15 juin 2017.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Enregistrements des communications

Le registre et les enregistrements des transmissions de la police ont été examinés.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPL les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’incident général (caviardé)
  • déclaration de témoin de la police de l’AT no 6 fournie par le SPL
  • Procédure standard du SPL – Équipement et techniques de forçage
  • Procédure standard du SPL – Entrée dynamique
  • notes des AT nos 1 à 6
  • Procédure 02-18 – Exécution d’un manat de perquisition
  • Procédure 15-01 – Emploi de la force
  • chapitre B des Procédures – Emploi de la force
  • chapitre C des Procédures – Arrestation
  • mandat de perquisition

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrement des transmissions de la police
  • résumé de l’enregistrement des transmissions de la police

L’UES a également obtenu les dossiers médicaux du plaignant.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 juin 2017, à l’issue d’une séance d’information tenue pour l’équipe Bravo de l’Unité d’intervention d’urgence (UIU) du SPL, l’équipe s’est rendue à un appartement dans la Ville de Toronto pour prêter assistance à des agents du Service de police de Toronto (SPT) dans l’exécution d’un mandat de perquisition. L’exécution de ce mandat était l’aboutissement d’un long projet réalisé conjointement par le SPL et le SPT. La cible du mandat, une personne connue pour avoir des antécédents criminels de violence et qu’on pensait être un membre du gang des Driftwood Crips, lequel était connu comme étant un gang violent impliqué dans des fusillades, des enlèvements, des homicides et des vols qualifiés, était, croyait‐on, un résident de cette adresse. En raison des antécédents violents de la personne ciblée et donc de la violence potentielle qui pouvait se manifester et des risques que cela pouvait présenter pour les agents participant à l’exécution du mandat de perquisition, il a été décidé que l’entrée dans la résidence se ferait à 5 h du matin, heure à laquelle il était probable que les résidents seraient endormis, et donc moins susceptibles d’opposer une résistance ou d’être violents.

L’AI était le superviseur de l’équipe de l’UIU pour l’exécution du mandat et était vêtu de son uniforme gris, portant une veste balistique avec le mot « Police » devant et derrière, une cagoule noire, un casque de protection balistique, des protecteurs d’oreilles, un système de communication, des lunettes de protection et des gants résistant au feu. L’AI portait une arme à impulsions, une arme de poing Glock de calibre 9 mm, une matraque, un aérosol capsique, des menottes et un dispositif de distraction (DD). Les autres membres de l’équipe étaient habillés de la même façon et portaient des options semblables d’emploi de la force, certains portant le bélier pour forcer l’entrée dans le domicile et d’autres portant une carabine longue.

Les deux premiers agents de police ont enfoncé la porte et étaient immédiatement suivis à l’intérieur de quatre autres agents, après le déploiement de deux DD. En entrant, tous les agents ont crié « Police, mandat de perquisition! » Après être entré dans l’appartement, l’AI s’est dirigé vers l’escalier pour monter au premier étage, étant suivi de l’AT no 6, qui était armé d’une carabine C8.

Le plaignant était alors endormi dans sa chambre et a été réveillé par le bruit de l’entrée de la police en forçant la porte d’en avant. Le plaignant a allégué qu’il s’est alors assis sur son lit lorsqu’un policier a couru vers lui et qu’il a alors senti qu’on l’avait frappé et ressentait une pression; il a décrit le contact comme le fait d’avoir été physiquement frappé ou touché par l’agent de police. Il a ensuite plus ou moins perdu conscience et n’avait aucun autre souvenir de l’incident.

L’AI a indiqué qu’au moment de son entrée dans la maison, lui et l’AT no 6 continuaient de crier « Police, mandat de perquisition » tandis qu’ils montaient au premier étage. L’AI s’est décrit comme tenant son pistolet des deux mains, pointé sur le sol et près du centre de son corps, décrivant cela comme étant une [traduction] « position d’attente, arme basse ». L’AI a indiqué qu’il avait de la difficulté à voir en raison de la fumée.

L’AI a déclaré avoir soudainement vu le plaignant dans le couloir, les deux bras tendus devant lui et les doigts écartés, mais que la visibilité était mauvaise. Les doigts du plaignant se trouvaient très près de l’AI, et l’AI a ordonné au plaignant de se mettre au sol, s’identifiant encore comme la police. L’AI a indiqué qu’il croyait que le plaignant semblait agressif et entravait ses mouvements. L’AI a levé sa main gauche, qui était sa main non dominante, car il tenait son pistolet Glock de la main droite, sa main dominante, et a administré un coup de la paume de sa main sur le visage du plaignant afin de créer une certaine distance entre eux. L’AI a déclaré que la paume de sa main a frappé la joue droite du plaignant et que le plaignant est immédiatement tombé sur le sol, ce qui a permis à l’AI de voir les mains du plaignant et de déterminer qu’il ne constituait plus une menace.

L’AT no 6 a indiqué que lorsque l’AI et lui se sont rendus au premier étage, la maison était dans l’obscurité et emplie de la fumée provenant des DD et qu’il a dû utiliser la lampe torche montée sur sa carabine pour être capable de voir quelque chose. Il a indiqué qu’une fois arrivé en haut de l’escalier, il a tourné à droite et a crié [traduction] « Police; mettez‐vous au sol; mandat de perquisition! ». Il a vu la plaignant s’approcher de lui à travers la fumée et arriver tout près de lui. Il a observé le plaignant en train de crier et de serrer ses poings en tenant ses bras à un angle de 45 degrés. L’AT no 6 a crié trois autres fois [traduction] « Police, mettez‐vous au sol! », mais le plaignant n’a pas obtempéré. L’AT no 6 a indiqué qu’il n’a pas confronté le plaignant du fait qu’il portait sa carabine et qu’il a observé que le plaignant n’avait rien dans les mains. L’AT no 6 a alors dépassé le plaignant en le frôlant dans le couloir étroit et s’est dirigé vers l’une des chambres. Bien que l’AT no 6 ait déclaré ne pas avoir été témoin de l’interaction entre l’AI et le plaignant, il a ultérieurement entendu l’AI indiquer qu’il avait utilisé un coup à main ouverte contre le plaignant.

L’AI et l’AT no 6 ont ensuite fouillé une chambre au premier étage et se sont assurés qu’il n’y avait personne d’autre à l’intérieur, à la suite de quoi ils ont entendu un appel d’aide venant du deuxième étage, et l’AT no 6 est alors parti prêter assistance. L’AI a alors observé la TC no 1 dans le couloir et lui a dit de s’asseoir sur le plancher.

L’AI a indiqué qu’une fois la fumée dissipée il a pu constater que le plaignant était un homme âgé. La TC no 1 a expliqué à l’AI que son père souffrait d’une maladie, et l’AI a fourni son assistance pour rasseoir le plaignant sur son lit. L’AI a observé que la joue droite du plaignant était enflée et qu’il y avait du sang sur le sol, à l’endroit où le plaignant était tombé. Il a ensuite aidé le plaignant à descendre l’escalier et à sortir à l’extérieur.

Lorsqu’il a appris que l’os de la fossette du plaignant avait été fracturée, l’AI a indiqué que ce résultat l’avait étonné, mais il a admis que le plaignant était la personne la plus âgée à qui il avait jamais administré un coup avec la paume de la main.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est clair que les agents de police se trouvaient légalement au domicile du plaignant le matin du 15 juin 2017 et qu’ils agissaient en vertu d’un mandat de perquisition judiciairement autorisé. Par conséquent, conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, ils agissaient légalement et dans l’exercice de leurs fonctions à ce moment‐là.

Bien que je reconnaisse parfaitement que le plaignant puisse croire qu’il était encore assis sur le bord de son lit lorsqu’il a été frappé, je considère que le chaos de la situation a dû le rendre confus, puisque son témoignage est contredit par celui de la TC no 1, qui l’a vu après qu’il fut tombé sur le plancher, dans le couloir. Le témoignage de la TC no 1 est tout à fait cohérent et confirme celui de l’AI, et je reconnais que le plaignant était dans le couloir, et non dans sa chambre assis sur le lit, lorsqu’il a été frappé par l’AI. J’accepte qu’on a ensuite raccompagné le plaignant dans sa chambre et qu’on l’a assis sur le lit, ce qui a pu l’amener à croire, au moment de se remémorer la séquence des événements, qu’il n’avait jamais quitté sa chambre.

Également, je conviens parfaitement du fait que le couloir était empli de fumée et qu’il y avait beaucoup de bruits provenant tant des policiers qui, en faisant leur entrée dans la maison, ont crié pour s’identifier et annoncer le but de leur présence, que du déploiement des DD. Tant le plaignant que la TC no 1 a pensé avoir entendu des sons qui ressemblaient à des coups de feu, mais je présume qu’il s’agissait du son déclenché par le déploiement des DD ou du dispositif « flash‐bang » (grenade assourdissante), comme on l’appelle plus couramment.

Bien qu’il soit malheureux que le plaignant ait été blessé pendant l’exécution de ce mandat de perquisition à son domicile, soit par le coup reçu de la paume de la main de l’AI ou en raison de sa chute subséquente sur le sol, je mesure bien les effets qu’ont eus l’urgence, le chaos et la conscience accrue de l’entrée de policiers dans la maison, sachant qu’ils étaient là pour perquisitionner et peut‐être appréhender un dangereux membre de gang ayant des antécédents violents et un passé d’accès à des armes à feu. Le gang des Crips est notoire dans la région de Toronto et peu de gens ne sont pas au courant des dangers que ce gang et ses membres représentent.

Dans de telles circonstances, alors que la police entrait dans une maison dans l’obscurité, que la maison a été emplie de fumée à la suite des deux DD déployés, que la visibilité était faible et qu’un agent voyait soudainement s’approcher de lui, dans ce qui a été décrit comme un couloir étroit, un homme qui ne s’est pas arrêté après qu’on lui en eut intimé l’ordre et qui a continué de s’engager dans l’espace de l’agent, je n’ai aucune hésitation à accepter que la force employée par l’AI était appropriée et proportionnée. Bien qu’il a par la suite été constaté que le plaignant était âgé et non armé, l’AI n’avait pas, alors, le luxe de prendre le risque d’attendre de déterminer et d’identifier le plaignant avant d’agir dans ces circonstances. Il se peut bien que le plaignant n’ait été blessé qu’en raison de son âge avancé et de sa fragilité, mais ce sont des facteurs dont l’AI n’avait pas connaissance alors, et la blessure était imprévisible dans ces circonstances.

En parvenant à cette conclusion, je crois que la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, ainsi que les commentaires cités ci‐dessous que la Cour a formulés dans cet arrêt sont particulièrement pertinents dans le contexte factuel de la présente affaire :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que bien qu’il disposait de nombreuses options de recours à la force, y compris l’arme à feu qu’il tenait de la main droite, l’AI, lorsqu’il a fait face à un homme non identifié venant vers lui les bras étendus dans un couloir étroit lors d’une opération d’entrée dynamique à risque élevé, n’a utilisé qu’un coup administré au plaignant et qu’aucune autre force n’a été employée une fois que le plaignant était au sol et qu’il ne constituait plus une menace pour l’agent.

En conclusion, bien qu’il ne soit pas contesté que l’AI a causé la blessure au plaignant, soit par le coup administré soit lorsque le plaignant est tombé ensuite sur le plancher, j’estime que, au sens du paragraphe 25(1) du Code criminel, l’AI n’a employé que la force qui était raisonnablement nécessaire dans l’exécution de ses fonctions légitimes, dans une situation chaotique et potentiellement dangereuse où les choses se déroulaient rapidement. Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les gestes posés par l’AI étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif de croire qu’il a commis une infraction criminelle, de sorte qu’aucune accusation ne sera portée contre lui.

Date : 20 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.