Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCD-126

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur le décès d’une femme de 24 ans le 24 mai 2017, durant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 12 h 23, le mercredi 24 mai 2017, le Service de police de Cobourg (SPC) a informé l’UES du décès de la plaignante.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 4

Plaignant :

Femme de 24 ans, décédée

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC n° 7 A participé à une entrevue

TC n° 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

TC no 10 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 9 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes de six autres agents ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Vers 9 h 52, le mercredi 24 mai 2017, des agents de police en uniforme du SPC ont été dépêchés à une résidence dans la ville de Cobourg pour intervenir auprès d’une femme déprimée [désignée ultérieurement comme la plaignante] ayant des problèmes de santé mentale.

L’agent témoin (AT) no 6, l’agent impliqué (AI), l’AT no 5 et l’AT no 8 sont entrés dans la résidence et se sont rendus à un appartement au deuxième étage, où ils ont trouvé la plaignante assise dans une chaise sur sa terrasse avec le canon d’un fusil dans la bouche. La police a communiqué avec la plaignante et a demandé qu’un négociateur spécialisé dans les situations de crise de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) soit envoyé sur place pour prêter secours. à 11 h 10, la plaignante, sans avertissement, s’est enlevé la vie en se tirant une balle dans la tête. Le coroner enquêteur a constaté son décès sur les lieux.

Cause du décès

Le 25 mai 2017, un pathologiste a procédé à l’autopsie du corps de la plaignante à Toronto. Il a conclu, de façon préliminaire, que la cause du décès était une « plaie intrabuccale (par la bouche) à la tête causée par un fusil ».

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans une grande structure à deux étages. Le bâtiment était composé de deux moitiés. La porte avant menait à un escalier permettant d’accéder au deuxième étage, où il y avait deux portes. L’appartement de la plaignante se trouvait du côté ouest de l’étage. La porte de l’unité était ouverte. La garniture de la porte était détachée du cadre de celle‐ci, et des parties de cette garniture étaient brisées.

Il y avait une chambre à coucher du côté sud de l’étage. Cette pièce était en désordre. Il y avait trois notes manuscrites, quelques médicaments obtenus sur ordonnance, un cahier à reliure spirale ouvert, un sac à dos, des articles vestimentaires, des jouets en peluche et deux boîtes de munitions. Une des boîtes de munitions contenait des munitions, et l’autre n’en contenait pas. Tous ces articles se trouvaient sur le lit. Une arbalète et des flèches étaient appuyées sur le mur ouest. à côté de la chambre, il y avait un coin de détente ou bureau, au côté sud de l’étage. Il y avait un étui à fusil de couleur argentée sur une table au centre de la pièce. L’étui était ouvert et contenait deux canons. Une sûreté d’arme (ouverte) se trouvait dans la boîte. Dans le salon, il y avait des signes que l’endroit était occupé et la pièce était en désordre. Une deuxième chambre à coucher, du côté nord, était plus ordonnée que la chambre à coucher mentionnée plus haut.

La cuisine se trouvait du côté nord de l’étage. Un fusil et une douille d’une cartouche utilisée (debout) se trouvaient au sol. La fenêtre/porte permettant d’accéder de la cuisine au balcon, au côté nord de l’appartement, était ouverte. Cette porte donnait également accès à une terrasse au deuxième étage. La plaignante se trouvait sous une bâche de couleur jaune. Sa tête était près de la porte et ses pieds, près de la balustrade du balcon. Il y avait du tissu organique sur le balcon et sur une chaise en métal. Du sang et du tissu organique avaient été éclaboussés sur la porte du réfrigérateur. Il y avait des éclaboussures de sang sur le cadre de la porte donnant accès au balcon, ainsi qu’au plafond. On pouvait également voir du tissu organique sur le garde‐corps au côté est du balcon. à l’arrière du bâtiment, il y avait une longue tache d’écoulement de sang du balcon au sol. Cette tache d’écoulement se trouvait sur le mur extérieur nord de la structure.

Preuve matérielle

Notes écrites par la plaignante obtenues par les enquêteurs judiciaires (EJ)

Le 24 mai 2017, durant l’examen des lieux de l’incident, les EJ ont trouvé et photographié trois notes manuscrites dans la chambre à coucher au côté sud de l’appartement; on pense que ces notes avaient été écrites par la plaignante. Les notes renfermaient l’information suivante :

Note de suicide

Cette note était adressée à la mère de la plaignante. Dans la note, la plaignante exprimait son amour pour sa mère et s’excusait de ses actes. La plaignante expliquait qu’elle [traduction] « ne pouvait plus le supporter » et « je ne parviens pas à sortir de ma propre tête et ça me rend folle ». De plus, la plaignante avait écrit ceci dans sa lettre : « S’il te plaît, je veux que tu saches que cela n’a rien à voir avec toi, ou même avec une quelconque personne en particulier. » La note se terminait comme suit : « Je t’aime, ta petite fille. »

Testament

La seconde note était le testament de la plaignante. Dans son testament, elle demandait d’être incinérée et elle fournissait les mots de passe de ses ordinateurs. La plaignante demandait que son chat soit confié à une personne nommée et que son autre chat reste avec sa mère. Elle n’était pas concernée par ce qu’il adviendrait de son véhicule automobile et demandait que sa mère et son père prennent toutes les décisions nécessaires.

Consentement informel

Dans sa troisième note, la plaignante donnait à ses parents accès à [traduction] « toutes mes questions financières ».

Éléments de preuve médico-légaux

Des échantillons biologiques ont été soumis à la Section toxicologique du Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Caméra de sécurité de télévisions en circuit fermé (TVCF) et images prises/filmées par des téléphones cellulaires

Le 24 mai 2017, les enquêteurs de l’UES ont exploré le voisinage à la recherche d’éventuelles vidéos de sécurité provenant de TVCF. Ils n’ont pas réussi à trouver de tels enregistrements. Toutefois, le jour de l’incident et après, l’UES a reçu les enregistrements de séquences filmées par les téléphones cellulaires de deux témoins civils. Ces enregistrements avaient été produits le 24 mai et les images avaient été prises directement au sud et du côté opposé de la rue des lieux de l’incident. Les séquences filmées ne montraient pas le suicide de la plaignante et n’avaient que peu ou pas d’utilité pour les enquêteurs.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPC les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’arrestation
  • chronologie des éléments contextuels
  • acquisition de l’arme à feu par la plaignante – Programme canadien des armes à feu (PCAF)
  • court formulaire de dépistage des problèmes de santé mentale du SPC
  • copies des photographies des lieux de l’incident du SPC
  • politique E-005 du SPC – négociations durant les situations de crise
  • politique E-001 du SPC – contrôle du périmètre et bouclage
  • rapport général d’incident
  • rapport sur le décès subit - homicide
  • notes des AT nos 1-5 et 7-9, de l’AI et de six agents de police non désignés additionnels
  • dossiers de formation de l’AT no 6 et de l’AI
  • résumé de l’incident.

De plus, l’UES a reçu et examiné des photographies prises et vidéos enregistrées par deux civils.

Lois pertinentes

Article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles; ou
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves;
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne; ou
  3. elle subira un affaiblissement physique grave,

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 24 mai 2017, vers 9 h 47, le Service de police de Cobourg (SPC) a reçu un appel de la plaignante dans lequel elle l’informait que des coups de feu seraient tirés à une résidence ou proche de celle‐ci dans la ville de Cobourg. La plaignante ne s’est pas identifiée au répartiteur lors de cet appel. Par conséquent, de nombreux agents de police ont été envoyés à l’adresse, dont l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 6, et un périmètre a été établi et les agents ont bouclé le secteur entourant la résidence. Peu après, la plaignante a rappelé le SPC et a signalé qu’elle avait l’intention de se tirer une balle. Après ce deuxième appel, l’AI et l’AT no 6 ont eu une interaction avec la plaignante, après quoi un seul coup de feu a retenti et la plaignante a subi un grave traumatisme à la tête, causant son décès.

Selon de l’information fournie par la famille et des amis de la plaignante, elle avait été bouleversée et déprimée durant les jours précédant le 24 mai 2017, et elle avait cherché à obtenir de l’aide de l’hôpital et de diverses églises, et après cela s’était rendue au SPC pour y parler à l’aumônier.

Quand la plaignante était arrivée au SPC vers 15 h 50 le 22 mai 2017, elle était bouleversée et pleurait et l’AT no 9 lui avait parlé pendant assez longtemps dans la salle d’entrevue « douce » (une salle d’entrevue confortable réservée aux personnes vulnérables) et durant l’entretien, la plaignante avait informé l’AT no 9 qu’elle avait des pensées suicidaires, mais qu’elle ne s’était pas suicidée la fin de semaine précédente parce qu’elle ne voulait pas que sa famille ait à s’occuper du « gâchis » sur sa « terrasse ». La plaignante a refusé l’offre de l’AT no 9 de l’amener à l’hôpital pour parler à un travailleur spécialisé dans les crises et elle l’a informé qu’elle avait déjà visité trois églises pour trouver du réconfort avant de se rendre au poste de police.

Bien que la plaignante n’ait jamais indiqué qu’elle était en possession d’une arme à feu, l’AT no 9 estimait qu’il serait prudent d’appréhender la plaignante en vertu de la Loi sur la santé mentale pour sa propre sécurité, ce qu’il a fait, et après cela il l’avait amenée à l’hôpital pour qu’elle y subisse une évaluation psychiatrique. à son arrivée à l’hôpital, la plaignante avait fait l’objet d’un triage immédiat et un médecin s’était entretenu avec elle à huis clos. L’AT no 9, lors de son entrevue, a expliqué que le médecin avait discuté avec la plaignante pendant quatre minutes, après quoi il avait indiqué qu’elle n’était pas suicidaire et qu’elle était libre de quitter l’hôpital. L’AT no 9 avait alors ramené la plaignante au poste de police du SPC, où il l’avait présentée à l’aumônier de police, qui avait pris des arrangements pour assurer le suivi auprès d’elle.

Le 23 mai 2017, la plaignante a rappelé le SPC et a demandé à parler à l’AT no 9, qui a reçu le message et qui l’a rappelée. La plaignante avait dit à l’AT no 9 qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle voulait revenir au poste de police pour lui parler; l’AT no 9 a accepté et a fixé une réunion avec elle. Une fois de plus, la plaignante avait été amenée à la salle d’entrevue douce, où elle avait eu une autre conversation avec l’AT no 9, laquelle conversation avait été enregistrée. à cette occasion, la plaignante avait parlé des problèmes qu’elle avait au travail, mais n’avait pas répété son intention de se faire du tort ou de se suicider.

Le 24 mai 2017, la plaignante a d’abord appelé le SPC vers 9 h 47 pour l’informer qu’il y aurait un coup de feu à sa résidence ou proche de celle‐ci et a demandé à parler à l’AT no 9; durant ce premier appel, la plaignante ne s’est pas identifiée et puisqu’elle avait appelé la ligne d’administration du SPC, on ne pouvait identifier l’appelante, et l’appel n’a pas été enregistré. Malheureusement, l’AT no 9 n’était pas de service à ce moment‐là; il était chez lui et dormait après avoir tout juste conclu un quart de 15 heures. Par conséquent, on a informé l’AT no 6 de l’appel et il a demandé à obtenir de l’information au sujet des logements locatifs à la résidence et a envoyé un certain nombre d’agents de police au secteur, y compris l’AT no 5 et l’AT no 8, après quoi il s’y est rendu lui‐même. L’AI également s’est rendu immédiatement sur les lieux. Pendant qu’ils étaient en route, le SPC a reçu un deuxième appel de la plaignante; dans ce second appel, la plaignante s’identifiait et faisait part de son intention de mettre fin à sa vie en utilisant une arme à feu.

Puis, un certain nombre de voitures de patrouille de la police ont été placées de sorte à empêcher la circulation d’entrer dans le secteur où se trouvait la résidence et un périmètre a été établi à l’extérieur de celle‐ci. Peu après, l’AI et l’AT no 6 sont entrés dans la résidence et se sont approchés de l’appartement de la plaignante, où ils ont frappé à la porte et se sont identifiés comme appartenant à la police et ont demandé à la plaignante de les laisser entrer. Après avoir cogné à la porte plusieurs fois, sans recevoir de réponse de l’intérieur, et après avoir appelé la plaignante sur son téléphone cellulaire, sans qu’elle réponde, l’AI et l’AT no 6 ont forcé la porte, parce qu’ils s’inquiétaient du bien‐être de la plaignante. Puis, l’AI et l’AT no 6 sont entrés dans l’appartement, suivis de près de l’AT no 5 et de l’AT no 8.

Une fois dans la résidence, l’AI et l’AT no 6 sont partis à la recherche de la plaignante. Ils ont constaté qu’il y avait un étui à fusil ouvert sur le plancher dans la seconde chambre à coucher, avec un canon détaché, et l’AI a informé les autres agents qu’il se pouvait qu’une personne armée d’une arme à feu se trouve dans la résidence; les agents ont également vu deux boîtes de munitions ouvertes, mais vides. L’AT no 5 a trouvé la plaignante assise dans une chaise sur la terrasse arrière, tout en ayant un fusil entre les jambes, avec le bout du canon dans la bouche, et dont la crosse reposait sur le sol entre ses pieds. La plaignante avait les doigts d’une main dans le pontet du fusil. L’AT no 5 a immédiatement alerté les autres agents en leur signalant la présence de la plaignante et a dégainé son arme à feu tout en criant à la plaignante [traduction] « lâche le fusil »; l’AT no 8 était accroupi à côté du réfrigérateur et avait sa carabine C8 pointé sur la plaignante.

Quand la plaignante n’a pas répondu, l’AT no 5 a rengainé son arme à feu et a sorti son arme à impulsions. L’AT no 6 était debout à côté de l’AT no 8 et avait également sorti son arme à impulsions, mais la tenait à son côté et elle était cachée de la vue de la plaignante. Puis, l’AI s’est approché et a tenté d’avoir une conversation avec la plaignante en commençant par lui demander son nom, et elle a donné son prénom, et puis l’AI lui a demandé de mettre le fusil par terre et de venir lui parler. Durant la longue interaction verbale de l’AI avec la plaignante, il lui a demandé à plusieurs reprises de mettre l’arme à feu au sol, mais elle n’a jamais répondu et le canon est toujours resté près de sa bouche. Lorsqu’elle parlait, elle sortait le canon de sa bouche et le plaçait contre sa lèvre inférieure, tandis qu’elle gardait toujours au moins deux doigts dans ou près du pontet.

Durant son interaction verbale avec l’AI, la plaignante lui a dit qu’elle ne voulait pas que sa mère rentre et la trouve. L’AI a décrit la plaignante comme étant calme et il lui a dit plusieurs fois que la police était là pour l’aider et que personne ne lui ferait du mal. Pendant que l’AI tentait de converser avec la plaignante, l’AT no 6 utilisait sa radio de police pour demander l’intervention de l’aumônier de la police, d’un négociateur spécialisé dans les situations de crise et d’une équipe de confinement.

L’AT no 6 avait envisagé d’utiliser son arme à impulsions, mais y avait renoncé, car cette option était trop risquée; il avait déterminé que l’utilisation de l’arme à impulsions pourrait causer une décharge accidentelle de l’arme à feu, puisque la plaignante tenait constamment ses doigts sur la gâchette du fusil et que le choc électrique causé par l’arme à impulsions provoquerait inévitablement des spasmes musculaires.

Puis, la plaignante a demandé à parler à l’AT no 9, et l’AT no 6 a demandé au répartiteur de la police de se mettre en rapport avec lui; comme il n’y avait pas de réponse, l’AT no 6 a demandé que des agents de police soient envoyés chez l’AT no 9 pour le réveiller afin qu’il puisse venir et parler à la plaignante. à un moment donné, la plaignante a utilisé sa main droite pour envoyer un message texte sur son téléphone cellulaire, mais les doigts de sa main gauche n’ont jamais quitté la gâchette du fusil.

L’AT no 4, qui pouvait entendre l’interaction de l’AI avec la plaignante, a indiqué qu’elle l’avait entendu dire [traduction] « Nous sommes là pour vous aider, que pouvons‐nous faire pour aider? » et qu’il avait demandé de laisser la porte ouverte afin qu’il puisse la voir et lui parler. L’AT no 4 avait également entendu l’offre de l’AI de faire venir un aumônier et qu’il avait dit : « Mettez‐le par terre, tout ira bien. J’ai peur également, laissez la porte ouverte afin que je puisse vous voir. S’il vous plaît, regardez‐moi. Où est votre mère? » Elle a également entendu l’AI dire à la plaignante qu’ils allaient chercher l’AT no 9, pour qu’il puisse lui parler.

Vers 11 h, la plaignante a demandé [traduction] « Avez‐vous jamais vu quelqu’un se tuer auparavant? Se tirer dans la tête? » Et lorsque l’AI a répondu par la négative, la plaignante a replacé le fusil dans sa bouche, a fermé les yeux et a commencé à fredonner une chanson et puis, a appuyé sur la gâchette. L’AT no 6 a noté que le fusil avait fait feu à 11 h 19. La détonation a causé un traumatisme massif à la tête de la plaignante, qui est tombée vers l’avant sur la terrasse.

Il n’y a aucune contestation que seulement un coup de feu a été entendu, lequel provenait du fusil de la plaignante et qu’à aucun moment, aucun agent de police n’a déchargé son arme à feu. Sept des AT qui se trouvaient soit dans la résidence, soit dans la cour arrière de celle‐ci ont vu que la plaignante avait le fusil dans la bouche et ont entendu le seul coup fatal. Six témoins civils qui habitaient dans les environs ont également confirmé que seulement un coup de feu avait été tiré.

Malheureusement, l’AT no 9 s’est seulement réveillé à 11 h 15, auquel moment il a constaté qu’il avait reçu un certain nombre de messages textes, d’appels manqués et de messages vocaux sur son téléphone cellulaire. Il s’est levé et s’est habillé et a appelé l’AT no 6 avant de quitter la maison, et il a appris le décès de la plaignante.

Durant leur examen des lieux de l’incident, les enquêteurs judiciaires de l’UES ont trouvé trois notes écrites par la plaignante, comprenant une note de suicide, un testament indiquant ce qui devait advenir de sa propriété et de sa dépouille, et une note donnant à ses parents accès à ses dossiers financiers. Dans sa note de suicide, la plaignante indiquait clairement qu’elle [traduction] « ne pouvait plus le supporter » et que sa mort n’était la faute de personne.

Un examen post‐mortem effectué sur le corps de la plaignante a confirmé que la cause de la mort était [traduction] « une plaie intrabuccale à la tête causée par un fusil », ce qui signifie que le coup de feu avait été tiré à l’intérieur de la bouche, ce qui était conforme aux observations de l’AI et de tous les AT, à savoir que la plaignante avait le canon du fusil dans la bouche au moment où elle avait appuyé sur la gâchette.

Il ressort clairement d’un examen de l’ensemble de la preuve que la plaignante avait décidé de s’ôter la vie et qu’elle avait planifié et pris toutes les mesures nécessaires pour donner suite à son intention, allant de l’écriture d’une note de suicide, d’un testament et d’une note d’autorisation et de sa communication avec la police pour éviter que sa mère soit la personne qui trouve son corps au chargement d’un fusil. à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve, il est clair que la plaignante éprouvait des difficultés à cause de certains incidents qui remontaient à son enfance et à cause de sa situation professionnelle et de ses problèmes personnels. Bien que la plaignante ait cherché à obtenir de l’aide de nombreuses personnes qui pourraient la conseiller et l’aider à composer avec sa situation durant les jours qui ont précédé sa mort, y compris des psychiatres, des personnes religieuses et la police, à la fin il était clair qu’elle n’avait pas été en mesure d’accepter sa situation et qu’elle avait décidé de mettre fin à ses jours. Bien qu’on ne sache pas exactement ce qui a poussé la plaignante au bord du gouffre et l’a amenée à prendre cette décision radicale de mettre fin à sa vie, il est manifeste que les agents supérieurs chargés de tenter de lui sauver la vie et les agents qui relevaient d’eux ont tout fait pour essayer de lui sauver la vie.

À la lumière de l’ensemble de la preuve, il est évident que la plaignante s’est enlevé la vie sans l’intervention de la police. Il est clair aussi que la plaignante, qui avait constamment le canon du fusil soit dans la bouche, soit contre la lèvre inférieure, tout en ayant les doigts sur la gâchette, n’a laissé à la police aucune option sécuritaire qu’elle aurait pu utiliser pour tenter de la désarmer, à part les tentatives faites pour essayer de la convaincre d’abandonner son projet.

L’AI et l’AT no 6 ont tous deux suivi toutes les procédures énoncées dans leurs lignes directrices et se sont adressés à toutes les ressources à leur disposition pour essayer d’aider la plaignante et ils ne peuvent être tenus responsables pour les gestes que celle‐ci a posés pour exécuter son projet de mettre fin à sa propre vie. Tous les éléments de preuve indiquent clairement que l’AI a longuement parlé avec la plaignante, en restant calme et en faisant preuve de compassion, et qu’il n’a jamais abandonné ses tentatives de lui sauver la vie, jusqu’au moment où elle a appuyé sur la gâchette et a causé sa mort.

De plus, toujours d’après la preuve, il est clair que l’AT no 6 a agi prudemment en renonçant à utiliser son arme à impulsions pour tenter de désarmer la plaignante, en raison des risques inhérents que présentait l’utilisation de cette option « moins létale de recours à la force » dans les circonstances, qui aurait pu causer tragiquement la mort qu’ils tentaient d’éviter. Par conséquent, il n’y a aucun motif, raisonnable ou autre, pour envisager des accusations criminelles et encore moins pour en porter.

Ceci dit, j’aimerais pendant un instant parler des actions de l’AT no 9, qui à mon avis, a surpassé ses obligations en tentant d’aider la plaignante avec patience, professionnalisme et compassion. En effet, il a passé beaucoup de temps à parler avec la plaignante le 22 mai, et a répondu immédiatement au second appel d’aide de la plaignante le 23 mai, lorsqu’il a eu une autre longue conversation avec elle. Il lui a offert de nombreux types d’intervention pour tenter de l’aider, ce qui incluait sa décision subséquente d’appréhender la plaignante en vertu de la Loi sur la santé mentale et de l’amener à l’hôpital, où il est resté avec elle jusqu’à sa libération et puis l’a ramenée au poste de police et lui a offert de l’aide additionnelle en la présentant à l’aumônier de la police. De plus, le fait qu’il se soit levé un jour de congé, après avoir travaillé un quart de 15 heures, dans l’intention de se précipiter vers les lieux de l’incident pour aider la plaignante durant sa crise ultime, témoigne d’un dévouement et d’une compassion qui rendent hommage au SPC et aux services de police partout. Par conséquent, j’aimerais profiter de l’occasion pour louer l’AT no 9 pour ses actions, en dépit de l’aboutissement tragique, et pour reconnaître que sa patience et sa disposition inlassable d’aider la plaignante ont probablement apporté beaucoup de confort à celle-ci durant ses dernières heures, comme en atteste le fait qu’elle a de nouveau cherché à communiquer avec lui juste avant de s’ôter la vie.

Date : 22 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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