Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-219

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 42 ans lors de son arrestation, le 20 août 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 21 août 2017, vers 9 h 15, le Service de police de Kingston (SPK) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure lors de sa mise sous garde.

Le SPK a indiqué que le 20 août 2017, à 22 h 50, des agents de police se sont rendus à un magasin Walmart dans la Ville de Kingston concernant un voleur à l’étalage (le plaignant), qui était poursuivi par des agents de sécurité. Le plaignant a traversé la rue en courant jusqu’à une succursale de la LCBO et s’est arrêté. Il a mis les mains dans ses poches, a déclaré qu’il avait une arme puis s’est enfui en courant vers un terrain herbeux derrière le magasin de la LCBO. Les agents de sécurité ont cessé de poursuivre le plaignant.

Les agents de police ont bouclé le secteur et l’on a fait appel à un agent de l’unité canine pour aider à chercher le plaignant. Pendant que les agents sillonnaient le terrain boisé, le chien policier a trouvé le plaignant et l’a saisi au bras gauche. Le plaignant a été emmené à l’hôpital afin d’y être traité pour des plaies punctiformes importante et petite.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme âgé de 42 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le dimanche 20 août 2017, vers 22 h, le plaignant est entré dans un magasin Walmart de la Ville de Kingston.

Vers 22 h 30, le plaignant a été observé par l’agent de prévention des pertes (APP) en train de choisir des articles et de les dissimuler à l’intérieur d’un sac à dos, qu’il avait également pris du magasin.

Le plaignant est sorti du magasin en passant par une sortie de secours, ce qui a déclenché l’alarme du système de sécurité. L’APP et un autre employé du magasin se sont lancés à la poursuite du plaignant, qui a couru en direction sud sur le trottoir et a traversé la rue jusqu’à un terrain de stationnement situé sur le côté ouest de la rue. Le plaignant s’est arrêté dans le stationnement de la LCBO et a confronté l’APP en mettant une main derrière son dos et en disant qu’il avait une arme et que l’agent de sécurité ferait mieux de ne pas s’approcher davantage. Le plaignant a laissé tomber le sac à dos contenant la marchandise volée puis s’est enfui en courant vers un terrain gazonné à l’ouest du stationnement de la LCBO. L’APP a appelé le SPK, et des agents de police sont arrivés sur les lieux.

Une opération de bouclage du secteur a été effectuée et l’on a fait appel à un maître‐chien du SPK, l’AI, qu’on a appelé à son domicile et à qui on a demandé de venir avec son chien policier pour aider à trouver le plaignant. L’AI, son chien policier et un agent de le couvrir, l’AT no 2, ont pénétré sur le terrain jouxtant, du côté sud, le stationnement de la LCBO. Le chien, attaché à une laisse de 20 pieds, était devant l’AI et a trouvé le plaignant allongé sur l’herbe face contre terre. L’AI a entendu le plaignant crier, s’est approché et a éloigné le chien du plaignant. Le plaignant a alors été arrêté et menotté et on l’a fait sortir en marchant du terrain boisé jusqu’au stationnement de la LCBO. Le plaignant a dit à l’AI qu’il avait eu trop peur pour se mettre debout et qu’il était là.

Le bras gauche du plaignant a été examiné par les policiers dans le stationnement. Le plaignant avait une plaie punctiforme sur le haut des triceps ainsi qu’une entaille petite mais profonde près de la zone des triceps et de l’aisselle. On a appelé une ambulance, et le plaignant a été transporté à l’hôpital, où il a été traité pour ses blessures. Le plaignant a plus tard obtenu son congé de l’hôpital et a été emmené au poste de police, où il a été placé en détention en attendant une audience sur le cautionnement (libération sous caution).

Nature des blessures et traitement

Le plaignant a subi une morsure de chien à la partie médiale du bras gauche. Il a été traité à l’hôpital pour une blessure profonde, d’au moins cinq centimètres de diamètre, sur le haut du bras gauche. La plaie a été irriguée et on a adressé le plaignant à la clinique de chirurgie plastique.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le champ herbeux se trouvait directement à l’ouest du terrain de stationnement goudronné d’une succursale de la LCBO et dans la Ville de Kingston. Selon les mesures effectuées en utilisant Google Maps, le début de la zone herbeuse, à côté du terrain de stationnement, se trouve à environ 97 mètres à l’ouest de l’avenue Midland. Le champ herbeux en tant que tel a une forme rectangulaire et mesure environ 70 mètres de long sur 34 mètres de large. L’herbe n’est pas coupée et est relativement haute, et le champ a une surface irrégulière et des broussailles. Sur le côté ouest du champ, il y avait une clôture haute longeant l’arrière de maisons unifamiliales situées sur un lotissement. Il y avait certes un système d’éclairage pour le terrain de stationnement de la LCBO, mais les lumières verticales étaient réglées sur une minuterie et l’incident s’est produit pendant la période du cycle où les lumières étaient éteintes. Le plaignant a été trouvé à peu près au milieu du champ.

En utilisant Google Maps, la distance mesurée entre la sortie de secours du magasin Walmart et le stationnement de la LCBO est d’environ 285 mètres.

Preuve vidéo/audio/photographique

La vidéo montrant la mise en détention du plaignant au poste du SPK a été obtenue et visionnée.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPK les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport sommaire sur les détails de l’appel
  • rapport d’incident général
  • notes des AT nos 1 à 5 et de l’AI
  • procédure : Emploi de la force
  • procédure : Procédures d’arrestation
  • procédure : Unité canine
  • dossiers de formation de l’AI
  • calendrier de formation – Jour de la carabine
  • calendrier de formation – Tactiques de défense 2017
  • calendrier de formation – Armes à feu 2017
  • vidéo de la mise en détention du plaignant

Les documents suivants ont été obtenus d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 322(1) du Code criminel – Vol

322 (1) Commet un vol quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit, ou détourne à son propre usage ou à l’usage d’une autre personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose quelconque, animée ou inanimée, avec l’intention :

  1. soit de priver, temporairement ou absolument, son propriétaire, ou une personne y ayant un droit de propriété spécial ou un intérêt spécial, de cette chose ou de son droit ou intérêt dans cette chose
  2. soit de la mettre en gage ou de la déposer en garantie
  3. soit de s’en dessaisir à une condition, pour son retour, que celui qui s’en dessaisit peut‐être incapable de remplir
  4. soit d’agir à son égard de telle manière qu’il soit impossible de la remettre dans l’état où elle était au moment où elle a été prise ou détournée

Article 334 du Code criminel – Punition du vol

334 Sauf disposition contraire des lois, quiconque comment un vol :

  1. est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien volé est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse cinq milles dollars
  2. est coupable :
    1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
    2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas cinq milles dollars

Paragraphe 354(1) du Code criminel – Possession de biens criminellement obtenus

354 (1) Commet une infraction quiconque a en sa possession un bien, une chose ou leur produit sachant que tout ou partie d’entre eux ont été obtenus ou proviennent directement ou indirectement :

  1. soit de la perpétration, au Canada, d’une infraction punissable sur acte d’accusation
  2. soit d’un acte ou d’une omission en quelque endroit que ce soit, qui aurait constitué, s’il avait eu lieu au Canada, une infraction punissable sur acte d’accusation

Analyse et décision du directeur

Le 20 août 2017, vers 22 h 50, l’agent de prévention des pertes (APP) d’un magasin Walmart situé dans la Ville de Kingston a observé le plaignant en train de choisir des articles à l’intérieur du magasin et de les dissimuler dans son sac à dos, puis sortir du magasin en empruntant une sortie de secours sur le côté, ce qui a déclenché l’alarme du système de sécurité. L’APP et un deuxième employé du magasin se sont lancés à la poursuite du plaignant et lui ont dit qu’il était en état d’arrestation pour vol au magasin. Le plaignant, toutefois, a traversé la rue en courant, a laissé tomber le sac à dos contenant la marchandise volée, a couru jusqu’au terrain adjacent de stationnement de la succursale de la LCBO, s’est arrêté puis a fait face à l’APP, lequel était alors au téléphone avec le Service de police de Kingston (SPK).

Le registre des appels au service 9‐1‐1 du SPK a révélé que le SPK a reçu un appel 9‐1‐1 à 22 h 54 m 10 s émanant de l’APP, qui indiquait qu’il suivait un homme dans le terrain de stationnement, lorsque cet homme, qui avait la main dans la poche, a dit à l’APP qu’il avait une arme. Le SPK a envoyé l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 4 et l’AT no 5 répondre à l’appel.

Une fois sur place, les agents ont demandé à ce qu’on envoie aussi l’agent de l’unité canine (l’AI) et son chien pisteur. Par la suite, le plaignant a été arrêté et transporté à l’hôpital, où le personnel a constaté qu’il avait subi une morsure de chien sur la partie médiale du bras gauche, avec une plaie profonde d’au moins cinq centimètres de diamètre sur la partie supérieure du bras gauche.

Le plaignant a allégué qu’il a entendu le son d’un chien qui s’approchait de lui alors qu’il était caché dans le champ et qu’à un moment donné, le chien l’a dépassé et a sauté au‐dessus de lui avant de revenir et de le saisir au bras gauche, lui mordant le biceps gauche supérieur; le chien n’a pas lâché prise. Le maître‐chien, l’AI, a alors dit au plaignant qu’il s’agissait de son chien et qu’il ne pouvait pas faire lâcher prise au chien. Le plaignant a indiqué qu’il n’a pas entendu l’AI donner de commande verbale avant que le chien le morde.

L’AT no 1 a indiqué qu’il a répondu à l’appel émanant de l’APP et qu’en raison de l’information qu’il avait reçue selon laquelle le plaignant avait une arme, il craignait pour la sécurité tant des agents que du public. Il a donc demandé aux agents de boucler l’endroit et a demandé l’intervention d’un agent de l’unité canine.

L’AI a indiqué qu’il n’était pas en service lorsqu’on l’a contacté à son domicile vers 23 h pour lui demander de venir; lui et son chien se sont présentés au terrain de stationnement de la LCBO, où l’AT no 1 l’a mis au courant de la situation. Il a fait équipe avec l’AT no 2, qui était chargé de le couvrir pendant que lui et son chien pistaient le plaignant. Il a enfilé un harnais de pistage à son chien avec une laisse de 20 pieds et a commencé la recherche à partir du terrain de stationnement où le plaignant avait été vu pour la dernière fois. L’AI n’avait pas d’options de recours à la force dans les mains et n’avait pas de lampe de poche allumée.

L’AI a indiqué que l’AT no 2 et lui ont pénétré dans le champ en « mode furtif » et qu’ils n’ont pas appelé le plaignant. Dans la minute qui a suivi, l’AI a entendu le plaignant crier, et il a alors crié à l’AT no 1 que son chien avait trouvé le plaignant, mais qu’il ignorait alors où exactement se trouvait le chien.

L’AI a alors essayé de se rapprocher du plaignant pour vérifier s’il y avait une arme, mais le plaignant était sur le ventre et essayait de se dégager de l’emprise du chien pendant que l’AI n’arrêtait pas de dire au plaignant d’arrêter de bouger. L’AI a alors exécuté une manœuvre de « soulèvement » avec le chien et, pendant qu’il reculait, il a remarqué que l’une des dents du chien était prise dans le chandail du plaignant. Il a alors dégagé le chandail, puis le plaignant a été menotté et on l’a fait sortir du champ. Lorsque l’AI lui a demandé pourquoi il ne s’était simplement relevé et n’avait pas dit à la police où il se trouvait, le plaignant a répondu qu’il avait eu trop peur pour faire cela.

Le témoignage de l’AT no 2 concorde avec celui de l’AI, et l’AT no 2 a ajouté qu’il marchait à environ six pieds derrière l’AI lorsqu’il a entendu le plaignant crier, mais qu’il n’a pas vu l’interaction initiale entre le chien et le plaignant. L’AT no 2 s’est alors rapproché du plaignant et l’a vu sur les genoux avec une main blottie contre son corps pendant que le chien avait le contrôle de l’autre bras et qu’ils semblaient engagés dans une épreuve de souque à la corde, où c’est la manche gauche de la chemise du plaignant qui était la corde. L’AT no 2 a vu l’AI debout derrière le chien et il semblait qu’une dent du chien était prise dans la manche du plaignant. L’AI a alors contrôlé le chien à l’aide du collier, a tiré le chien vers l’arrière et l’a éloigné du plaignant.

Le témoignage de l’AT no 1 concorde aussi avec celui de l’AI. L’AT no 1 a indiqué qu’il s’est approché du plaignant, lequel était allongé face contre terre avec l’AT no 2 sur son flanc droit et l’AI et son chien sur son flanc gauche, et il a observé que le chien était debout sur ses pattes postérieures et que l’AI le tenait par le collier; l’AT no 1 s’est alors approché et a dégagé la manche du chandail de la dent du chien. Le plaignant a alors été menotté.

Au vu de l’ensemble de la preuve, je constate peu de désaccord entre le témoignage du plaignant et celui des autres témoins, tant civils que de la police, si ce n’est que le plaignant n’a pas mentionné qu’il avait fait une menace verbale en disant qu’il avait une arme, lorsqu’il a mis la main derrière son dos, ce que l’APP a clairement déclaré dans son témoignage et qui est confirmé dans l’enregistrement de l’appel au 9‐1‐1 qui a été fait au moment même où se déroulait l’incident. Quoi qu’il en soit, que le plaignant fût effectivement armé ou non, il demeure que c’est bel et bien l’information qui avait été transmise aux agents de police sur place et que ceux‐ci devaient donc intervenir en prenant les précautions nécessaires.

De plus, il ressort clairement du témoignage du plaignant, lequel confirme le témoignage de l’AI et des autres policiers sur place, qu’à aucun moment l’AI n’a verbalement ordonné au chien de mordre le plaignant, mais que l’AI s’est plutôt immédiatement efforcé d’amener le chien à lâcher prise une fois que lui et l’AT no 2 étaient arrivés à l’endroit où se trouvait le chien et qu’ils avaient pris le contrôle du plaignant. Bien qu’il semble, d’après le témoignage du plaignant, que l’AI ait dit qu’il était incapable de faire lâcher prise au chien, je déduis, d’après le témoignage des trois agents, que ce que cela signifiait c’était que la dent du chien était prise dans la manche du plaignant et non que l’AI était incapable de faire lâcher prise au chien, puisqu’il semble avoir réussi à éloigner le chien presque immédiatement à son arrivée.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’ensemble de la preuve que la police était en possession d’une information selon laquelle l’AT no 1 avait obtenu confirmation auprès de l’APP, à son arrivée sur les lieux, que le plaignant avait volé des articles au magasin Walmart et qu’en tentant de s’échapper il avait menacé l’APP et un autre employé du magasin en leur disant de ne pas s’approcher de lui car il avait une arme. Sur la base de cette information, la police avait clairement des motifs raisonnables d’appréhender et d’arrêter le plaignant pour vol d’articles en contravention du Code criminel et d’enquêter sur lui pour de possibles infractions liées aux armes. Ainsi, l’arrestation du plaignant était légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé dans l’appréhension du plaignant, il est clair qu’aucun policier n’a employé de force physique directe sur le plaignant, si ce n’est le minimum requis pour le menotter et le relever, et qu’il n’y a aucune allégation en ce sens. Bien que le chien policier était clairement un prolongement de l’agent de police de l’unité canine et qu’il constituait en réalité une option de recours à la force, dans cette situation particulière, où le plaignant avait récemment commis une infraction criminelle, avait menacé d’utiliser une arme et se cachait à présent de la police dans un champ où il faisait noir, il aurait été complètement imprudent pour la police de se lancer à la recherche du plaignant sans l’assistance d’un chien pisteur de la police.

Bien qu’il soit clair, compte tenu de l’ensemble de la preuve, que le chien policier ait mordu le plaignant et lui ait causé ses blessures, il est tout aussi clair que si le plaignant ne s’était pas activement efforcé de se cacher de la police, il n’aurait pas été mordu par le chien.

Le chien d’assistance policière a agi exactement comme il avait été entraîné à le faire, en ce qu’il s’est saisi du plaignant dès qu’il l’a localisé et qu’il a maintenu sa prise du plaignant jusqu’à ce que son maître lui dise de lâcher prise. Étant donné que le chien était au bout d’une laisse de pistage de 20 pieds de long et que, dans l’obscurité, il a fallu quelques secondes à l’AI avant d’arriver à l’endroit où le chien tenait le plaignant, alors que le plaignant luttait pour se dégager de la prise du chien (dans ce qui a été décrit par l’AT no 2 comme une situation de souque à la corde), la blessure qui en a résulté a malheureusement été aggravée.

En concluant que cela n’a pas constitué l’emploi d’une force excessive, je garde à l’esprit l’état du droit applicable selon lequel on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.)), pas plus qu’on ne devrait leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206). En dernière analyse, j’estime que ce sont les actions du plaignant qui ont fait que la police a dû recourir à l’assistance d’un chien policier et que ce sont les actions du plaignant, quoiqu’elles tenaient vraisemblablement de la réaction instinctive, lorsqu’il a essayé de se dégager de la prise du chien, qui ont fait que ses blessures ont été plus sérieuses que ce qu’elles auraient été s’il n’avait pas ainsi agi.

De plus, compte tenu de l’ensemble de la preuve et comme l’a expressément confirmé le plaignant, l’AI n’a, à aucun moment, donné de commande verbale au chien pour mordre le plaignant, et l’AI a immédiatement tiré le chien vers l’arrière dès qu’il est arrivé à l’endroit où se trouvait le plaignant. Compte tenu de ces faits, il n’y a aucun fondement sur lequel je puis former des motifs raisonnables de croire que l’AI a employé une force excessive contre le plaignant. Le chien d’assistance policière s’est comporté exactement comme il avait été entraîné à le faire, à savoir qu’après avoir localisé un homme possiblement armé et dangereux se cachant dans les broussailles dans l’obscurité, il a saisi cet homme et a gardé sa prise jusqu’à ce que son maître arrive sur place et lui dise de lâcher prise.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI ait commis ici quelle qu’infraction criminelle que ce soit, de sorte qu’aucune accusation ne sera portée.

Date : 29 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.