Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-166

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un adolescent âgé de 13 ans a subie lors de son arrestation le 30 juin 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 16 h 30, le 30 juin 2017, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant à 12 h 10 le même jour.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire de l’UES s’est rendu sur les lieux de l’incident et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes associées à l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant :

Adolescent âgé de 13 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 N’a pas participé à une entrevue (parent)

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 3 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 4 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 5 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 6 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT n° 7 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 8 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 9 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 10 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT n° 11 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 12 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 13 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 14 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 15 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 16 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 17 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 18 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 19 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 20 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 21 Ses notes ont été examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 22 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à participer à une entrevue, ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Le vendredi 30 juin 2017, des agents de police appartenant à diverses unités du Service de police de Toronto (SPT) ont enquêté sur un vol à main armée impliquant un pistolet. Un suspect a été arrêté et une imitation d’un pistolet a été saisie. On a appris que deux suspects n’avaient pas encore été retrouvés et l’un des suspects a été identifié comme le témoin civil (TC) no 6. La police a obtenu les enregistrements de séquences vidéo filmées par des caméras de surveillance à un immeuble d’appartements où l’on savait que se trouvait le TC no 6. La vidéo montrait le TC no 6 quitter l’immeuble peu avant le vol et y retourner peu après, avec le plaignant. La police a également été informée du numéro de l’appartement où se trouvaient les suspects. On a demandé à l’AT no 20 de rédiger un mandat de perquisition pour l’appartement. La police a appris que plusieurs personnes se trouvaient dans l’appartement et l’on pensait qu’elles avaient accès à au moins deux armes à feu.

On a demandé à l’Équipe d’intervention d’urgence (ÉIU) d’exécuter le mandat de perquisition par précaution afin d’empêcher la destruction d’éléments de preuve. L’ÉIU était accompagnée de trois agents de police de l’Équipe d’intervention tactique et de sécurité publique (ÉITSP) et de deux ambulanciers paramédicaux tactiques. À 13 h 09, la porte a été forcée et un dispositif de distraction (DD) a été lancé dans l’appartement. L’AT no 2 était le premier agent de police à entrer dans l’appartement, suivi de l’agent impliqué (AI), et les deux agents de police sont entrés dans le salon.

L’AT no 2 a vu un homme qui ressemblait au TC no 6 sur le balcon. Alors que l’agent s’approchait de la porte du balcon, le plaignant s’est mis dans la position assise dans le lit. Pendant que l’AT no 2 appréhendait le TC no 6 sur le balcon, il a entendu l’AI quelque part derrière lui donner des ordres au plaignant de montrer ses mains. L’AI a lutté avec le plaignant et l’a tiré du lit. Puis, l’AI a dit au plaignant de se mettre les mains derrière le dos, mais le plaignant est devenu agité et a agrippé la cuisse gauche de l’AI. L’AI a donné un coup de poing vers le bas avec sa main gauche au côté de la tête du plaignant. Puis, l’AI s’est tenu debout au‐dessus du plaignant, tandis que l’AT no 1 le menottait. En raison de son apparence physique, il n’était pas immédiatement évident que le plaignant avait seulement 13 ans, car il avait l’air plus âgé.

Le plaignant saignait du nez et de la lèvre, et son œil droit était enflé. Il a été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture à l’os orbitaire droit (un os dans la cavité oculaire).

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans un appartement situé dans un immeuble d’appartements de moyenne hauteur dans la ville de Toronto. L’appartement était situé à l’extrémité nord du corridor. La scène a été examinée le 4 juillet 2017. La porte d’entrée était munie d’un pêne de passage et d’un pêne dormant, qui avaient été endommagés. Un morceau de bois avait été placé sur la partie endommagée et il y avait d’importants dégâts à l’intérieur de la porte. La porte donnait accès à un petit couloir qui se dirigeait vers l’ouest, vers une pièce combinant un salon et une salle à manger et occupant la partie nord‐est de l’appartement. Il y avait une porte-fenêtre au mur nord qui donnait sur un balcon extérieur. L’appartement était relativement bien rangé et avait été nettoyé depuis la date de l’incident le 30 juin 2017. Il y avait un lit à une place dans le coin nord‐est et il y avait un drap‐housse multicolore et un tampon de gaze médical, tous deux tachés de sang, sur le sol. Un corridor menait du salon vers trois chambres à coucher et une salle de bain. Les portes d’entrée de ces pièces comportaient des dommages nouveaux et anciens. Les portes des placards dans la chambre à coucher avaient été enlevées et présentaient également des signes de dommages. Des photographies ont été prises de l’appartement et des environs.

Preuve vidéo/audio/photographique

Vidéo de mise en détention

L’UES a obtenu des enregistrements vidéo de l’entrée sécurisée et de l’aire de mise en détention de la division du SPT datant du 30 juin 2017. À 19 h 21, un agent de police a ouvert la portière arrière du côté conducteur du véhicule de police et le plaignant est sorti du siège arrière et s’est rendu à la salle de mise en détention. Le sergent de mise en détention a demandé au plaignant quel âge il avait et il a répondu qu’il avait 13 ans. Puis, le sergent a appris que la mère du plaignant savait où il était et qu’il lui avait parlé.

L’agent de police qui accompagnait le plaignant a déclaré que celui‐ci avait été à l’hôpital pour y subir un examen préliminaire de sa blessure à l’œil. L’agent de police a décrit la blessure comme étant superficielle et a précisé que le terme technique était une contusion à l’os orbitaire. Le sergent de mise en détention a demandé s’il s’agissait d’une ecchymose ou d’une fracture, et l’agent de police a répondu que le plancher de l’os orbitaire avait été fracturé. Le sergent a dit aux agents de police de soumettre un rapport sur la blessure ou de vérifier si un tel rapport avait déjà été présenté. Le sergent a posé une série de questions au plaignant, et une fouille de niveau trois (fouille à nu) a été autorisée. Le plaignant n’a pas expliqué pendant qu’il était filmé comment il avait subi sa blessure, et il n’y avait aucune séquence vidéo ayant une valeur probante quant à la façon dont le plaignant avait été blessé.

Enregistrements des communications

Résumé des communications

Les enquêteurs ont obtenu et examiné les communications radio du SPT au moment de l’appel indiquant où se trouvait le plaignant le 30 juin 2017. Les communications des unités du SPT impliquées ont été enregistrées avant et après l’exécution du mandat de perquisition. Les communications étaient reliées à la surveillance de l’adresse avant l’exécution du mandat de perquisition et au transport des personnes arrêtées après son exécution. Il n’y a pas eu de communications venant de L’ÉIU pendant qu’elle entrait dans l’appartement et y interpellait les personnes qui s’y trouvaient. Il n’y avait cependant aucune communication ayant une valeur probante quant à la manière dont le plaignant avait subi sa blessure.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé des communications
  • rapports sur les détails de l’événement
  • affaire complète – R. c. le plaignant et le TC no 6
  • liste des agents qui sont intervenus
  • notes des AT nos 1 à 22
  • procédure : Incidents nécessitant l’intervention de l’Équipe d’intervention d’urgence
  • procédure : Annexe A, Modèle provincial de recours à la force
  • procédure : Annexe B, Modèle provincial de recours à la force
  • procédure : Recours à la force
  • mandat de perquisition (copie)

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour aider un agent de la paix ou un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 343 du Code criminel – Vol qualifié

343 Commet un vol qualifié quiconque, selon le cas :

  1. vole et, pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol, emploie la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens
  2. vole quelqu’un et, au moment où il vole, ou immédiatement avant ou après, blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte à des actes de violence contre elle
  3. se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler
  4. vole une personne alors qu’il est muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme

Article 344 du Code criminel – Vol avec une arme à feu

344 Quiconque commet un vol qualifié est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu à autorisation restreinte ou d’une arme à feu prohibée lors de la perpétration de l’infraction, ou s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction et que celle-ci est perpétrée au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou en association avec elle, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant :
    1. de cinq ans, dans le cas d’une première infraction
    2. de sept ans, en cas de récidive

a.1) dans les autres cas où il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

  1. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Analyse et décision du directeur

Le 30 juin 2017, un mandat de perquisition a été autorisé par un juge afin de permettre la fouille d’un appartement dans la ville de Toronto, dans le but d’y découvrir des éléments de preuve concernant un vol à main armée impliquant un pistolet. Sur la foi de renseignements qu’elle avait reçus, la police croyait que l’objet de son enquête, le témoin civil (TC) no 6, se trouvait dans l’appartement, puisqu’on l’avait vu quitter l’immeuble juste avant le vol et y revenir juste après.

En raison de la nature du crime visé par le mandat de perquisition et de la conviction qu’au moins une voire deux armes à feu se trouvaient dans l’appartement, il a été déterminé que, pour protéger tous les agents qui interviendraient, l’Équipe d’intervention d’urgence (ÉIU) serait la première à entrer dans l’appartement et éliminerait tout danger pour les agents qui se chargeraient ensuite de la fouille. On a décidé également que l’on procéderait à une « entrée dynamique », c’est‐à‐dire que les agents ne frapperaient pas et ne s’annonceraient pas, défonceraient la porte, et puis utiliseraient un ou plusieurs dispositifs de distraction (DD, connus également sous le nom de dispositifs « éclair‐son » (flash bang)). La raison de cette entrée dynamique était de surprendre les occupants et de ne pas leur donner le temps de s’armer, afin d’éviter une possible perte de vie.

L’équipe chargée d’entrer de force dans l’appartement se composait de huit membres de l’ÉIU, de trois membres de l’Équipe d’intervention tactique et de sécurité publique (ÉITSP) et de deux ambulanciers paramédicaux tactiques. Une fois que l’appartement était sécuritaire et que tous ses occupants étaient menottés, l’équipe de fouille de l’Unité des crimes majeurs (UCM) y pénétrerait et le fouillerait et transporterait les personnes arrêtées au poste de police.

Au moment où la porte a été forcée, l’AT no 2, qui était chargé de couvrir les agents entrant de force par la porte, a crié plusieurs fois [traduction] « Police! Mandat de perquisition! ». Dès que la porte avait été forcée, un DD a été lancé dans l’appartement. Une fois qu’ils étaient dans l’appartement, les agents de police se sont séparés et se sont rendus chacun à un endroit différent et ont pris le contrôle d’un occupant différent. L’AT no 2, qui était le premier agent à entrer, s’est rendu au salon où il a vu la TC no 5 sur un canapé, le TC no 6 sur le balcon et le plaignant sur un lit. L’AT no 2 a ordonné à tous les occupants de montrer leurs mains et il s’est rendu sur le balcon où il a dit au TC no 6 de se coucher par terre et l’a forcé au sol.

L’AT no 2 a entendu l’agent impliqué (AI) donner plusieurs ordres au plaignant et l’a observé lutter avec lui et le tirer du lit, tout en répétant [traduction] « Montrez‐moi vos mains, montrez‐moi vos mains ».

Bien que l’AI n’aie pas fourni de déclaration, comme c’était son droit légal, à partir de ce moment‐là, il y a trois versions différentes des événements qui ont mené à la blessure du plaignant.

La première version est celle du plaignant. Le plaignant a allégué qu’il dormait sur le lit dans le salon lorsqu’il a été réveillé par deux explosions dans l’appartement et que la porte d’entrée avait alors été forcée. Il s’était assis dans le lit et était désorienté. Il avait vu de 15 à 20 agents de police pénétrer dans l’appartement et crier contre tout le monde de se mettre au sol en disant [traduction] : « Levez‐vous, tabernac, et mettez‐vous sur le sol, tabernac. » Il a indiqué qu’il avait entendu ces cris, mais puis, a précisé qu’il ne n’avait pas entendu les ordres des agents parce qu’il venait tout juste de se réveiller.

Il a décrit l’agent de police qui s’est occupé de lui et qui, à son avis, était le premier agent de police à entrer dans l’appartement comme un homme blanc, dans la mi‐trentaine, aux cheveux blonds coupés dans le style Mohawk, avec une barbe, et des tatous sur les deux bras et au cou.

Il a déclaré que cet agent avait remis son fusil à l’autre agent de police et puis l’avait saisi à la poitrine et l’avait jeté par terre; plus tard, il a indiqué qu’il avait été saisi à l’épaule. Le plaignant avait atterri sur le sol sur le côté gauche, avec le côté droit du visage exposé, et il avait essayé de se lever en poussant sur le sol, tandis que l’agent de police avait levé et écrasé son pied sur le côté droit de son visage, autour de l’œil droit. L’agent avait gardé son pied sur le visage du plaignant pendant environ trois minutes, alors que le plaignant commençait à saigner du nez. L’agent avait fini par ôter son pied du visage du plaignant et s’était rendu au balcon. Plus tard, un agent de police ressemblant à un Pakistanais avait aidé le plaignant à se lever, l’avait menotté et l’avait amené en dehors de l’appartement.

La seconde version des événements est celle d’une témoin civile, la TC no 5, qui se trouvait dans l’appartement et qui était couchée sur le canapé dans le salon. Elle a déclaré qu’elle avait été réveillée par un coup fort, qu’elle a décrit comme provenant d’une bombe à fumée qui avait explosé dans l’appartement, après quoi elle avait vu cinq agents de police portant un uniforme noir avec le mot « SWAT » écrit en blanc sur leur veste entrer dans le salon. Ces agents ont crié [traduction] « Police! Mettez‐vous sur le sol! » et un agent de police avec un accent britannique s’était approché d’elle et lui avait dit en criant de se mettre sur le sol. Elle avait vu le TC no 6 courir vers le balcon et deux agents de police le suivre. Elle avait aussi vu un grand agent de police s’approcher du lit du plaignant et elle avait entendu le plaignant dire [traduction] : « Ne me touchez pas ».

Puis, la TC no 5 avait vu le plaignant sur le plancher, mais elle ne savait pas comment il y avait abouti. Il n’était pas menotté à ce moment‐là. Elle avait constaté que le grand agent de police avait un coude ou un genou appuyé contre le dos du plaignant et qu’un deuxième agent de police, portant une barbe blanche, s’était approché du plaignant et avait eu un vif échange avec lui, tandis que le grand agent de police s’était alors levé et avait donné deux coups de pied forts, avec sa jambe droite, au côté droit du visage du plaignant. La TC no 5 a décrit la force du premier coup de pied comme étant de huit sur une échelle d’un à dix, et le second, comme étant un neuf, et elle a décrit les coups de pied comme ressemblant au coup d’envoi au début d’un match de football, ce qui signifie, à mon avis, que l’agent avait ramené sa jambe vers l’arrière pour lui donner de l’élan et puis l’avait projeté vers l’avant contre le visage du plaignant. Puis, la TC no 5 avait demandé au plaignant si cela allait, et il avait répondu par la négative. Le plaignant avait alors été menotté et ordonné de regarder vers le lit. Plus tard, un agent de police l’avait escorté hors de l’appartement.

La troisième version des événements a été fournie par l’AT no 1. Ni les autres agents de police, qui s’occupaient tous d’autres occupants ni les autres témoins civils qui se trouvaient à d’autres endroits dans l’appartement n’ont vu comment le plaignant a été blessé, soit parce qu’ils étaient dans d’autres pièces, soit parce que leur vue était bloquée.

L’AT no 1 a déclaré qu’une fois que la porte avait été forcée, lui et les autres agents de police avaient annoncé leur présence en criant [traduction] « Police! Mandat de perquisition », après quoi un DD avait été lancé dans l’entrée de l’appartement. L’AT no 1 avait pénétré dans le salon et avait vu que la TC no 5 était couchée sur le canapé et que l’AT no 2 se trouvait sur le balcon avec le TC no 6. Puis, l’AT no 1 avait aidé à menotter le TC no 6, et puis avait vu l’AI lutter avec le plaignant au sol. Je conclus que cette preuve correspond à celle de l’AT no 2, qui a également vu le plaignant lutter avec l’AI. L’AT no 1 a indiqué qu’il avait observé l’AI et le plaignant près d’un lit se trouvant à droite du balcon et que l’AI avait dit au plaignant de se mettre les mains derrière le dos. Le plaignant se débattait et avait mis son bras autour du genou ou de la cuisse gauche de l’AI et refusait d’obéir aux ordres de mettre ses mains derrière le dos.

L’AT no 1 a indiqué qu’il était ensuite allé aider l’AI et qu’il l’avait vu donner un seul coup de poing vers le bas, et que sa main gauche avait heurté le côté de la tête du plaignant. L’AT no 1 a décrit le coup comme une technique d’« impact dur ». Puis, l’AI était resté debout par‐dessus le plaignant, les jambes écartées, et lui avait dit d’arrêter de résister et de mettre ses mains derrière le dos et de lâcher sa jambe. Ensuite, l’AT no 1 avait enlevé le bras du plaignant de la jambe de l’AI et l’avait menotté. Je conclus que cette preuve est conforme à celle du TC no 6, qui a déclaré qu’à partir de l’endroit où il se trouvait sur le balcon, à environ cinq pieds du plaignant, il avait vu un agent de police se tenir debout au‐dessus du plaignant et le maintenir au sol avec sa main. Puis, il avait entendu un bruit étrange venant du plaignant, qui à son avis était causé par un coup porté à ce dernier. Il a expliqué qu’il ne pouvait pas clairement voir le coup, car l’agent de police tenait le plaignant au sol.

L’AT no 1 a déclaré qu’il avait constaté que le plaignant saignait du nez et du haut de sa lèvre et que son œil droit était enflé et fermé. L’AT no 1 a indiqué qu’à aucun moment, il n’avait vu un agent de police donner un coup de pied au plaignant ou mettre son pied sur son visage ou sa tête.

Plus tard, le plaignant a été examiné à l’hôpital et, selon le diagnostic, il avait une [traduction] « fracture médiale au plancher orbitaire droit ».

Ayant effectué des recherches sur les causes des fractures du plancher orbitaire et tout en me fondant sur plusieurs sites Web apparemment fiables et de bonne réputation sur le sujet, il me semble que l’opinion générale est que les causes les plus courantes des fractures du plancher orbitaire [traduction] « sont un impact au globe oculaire et à la paupière supérieure ». De plus, « l’objet responsable est généralement suffisamment grand de sorte à ne pas perforer le globe oculaire et suffisamment petit de façon à ne pas fracturer la crête oculaire » (https://emedicine.medscape.com). Par ailleurs, [traduction] « Un incident où l’œil a été heurté par un objet plus grand que le diamètre de la crête orbitaire est généralement associé à une fracture du plancher orbitaire [...] Les patients qui ont des fractures isolées de la paroi médiale parlent fréquemment d’un traumatisme qu’ils auraient subi, comme un coup de poing directement à la région naso‐orbitaire. » (www.hcbi.mlm.nih.gov (Institut national de la santé de la Bibliothèque nationale de médecine des États‐Unis) et finalement (information provenant du site www.sportsmd.com) :

[traduction]

La cause la plus fréquente d’une fracture du plancher orbitaire est une force contondante lors d’un contact avec un objet plus gros que l’orbite. Les sports où l’on trouve ce type d’objet incluent le tennis, le racquetball, le baseball, le cricket, le squash et la balle molle. Le plancher orbitaire peut se fracturer lorsqu’une balle touche directement l’œil à haute vitesse, ce qui pousse les parties de l’œil vers l’intérieur.

Une fracture du plancher orbitaire peut également se produire chez les athlètes pratiquant des sports d’équipe à contact lorsqu’un athlète frappe de plein fouet un poing ou un coude, comme cela peut arriver au basketball. Un coup direct au visage durant des sports de combat peut également causer ce genre de fracture.

Me fiant à ces opinions médicales, il semble qu’un coup donné par un pied chaussé d’une botte de police ne corresponde pas à la définition d’une cause acceptée couramment pour expliquer une fracture du plancher orbitaire, tandis qu’un coup sec ou coup de poing dur y correspond. De plus, il semble logique que si le visage est écrasé par un coup donné vers le bas avec une botte de police (comme l’a affirmé le plaignant) ou si l’on reçoit deux coups de pied au visage à la manière du coup d’envoi au début d’un match de football, cette force ayant été décrite comme huit sur dix et puis comme neuf sur dix, c’est-à-dire où la botte entre en contact avec le côté droit du visage, on pourrait s’attendre à des lésions nettement plus graves qu’un seul os fracturé dans l’orbite, comme c’était le cas ici. Il est clair qu’un coup de poing correspondrait à la définition d’un objet « suffisamment grand de sorte à ne pas perforer le globe oculaire et suffisamment petit de façon à ne pas fracturer la crête oculaire », tandis qu’une botte, plus particulièrement une botte de police, n’y correspondrait pas.

Bien que cette preuve à elle seule puisse suffire à me priver d’un motif raisonnable de croire que la blessure du plaignant a été causée par le contact d’une botte de police avec le visage du plaignant, je conclus qu’il y a d’autres éléments cruciaux dans le témoignage du plaignant et de la TC no 5 qui minent leur crédibilité, dont voici quelques exemples :

le manque de concordance entre le témoignage de la TC no 5 et celui du plaignant quant à la façon dont le coup qui a causé la blessure a été porté, le plaignant ayant indiqué que l’agent de police avait écrasé son visage avec son pied, et la TC no 5 ayant parlé de deux coups de pied extrêmement forts au visage. Assurément, le plaignant aurait pu faire la distinction entre un et deux coups de pied (ou la différence entre un pied qui écrase son visage et un coup de pied);

le témoignage du TC no 6, qui ne correspond pas à celui du TC no 5 ni à celui du plaignant, en sens qu’il avait vu le plaignant tenu au sol par l’agent de police, qui utilisait sa main pour le maintenir dans cette position, au moment où il lui a donné un coup. À mon avis, il n’est pas possible que l’agent ait écrasé la tête du plaignant avec le pied ou lui ait donné des coups de pied à la tête ressemblant à ceux donnés durant un match de football, pendant qu’il était accroupi et tenait le plaignant avec sa main, puisque pour donner le coup de pied ou écraser le visage du plaignant, l’agent aurait dû être debout;

la TC no 5 a dit que les agents de police qui étaient entrés dans l’appartement portaient clairement l’acronyme « SWAT » sur leur poitrine. Manifestement, SWAT n’est pas un acronyme utilisé par l’ÉIU du SPT, mais est quelque chose que l’on voit fréquemment dans les émissions américaines à la télévision;

les incohérences dans le témoignage du plaignant, notamment : son affirmation que la police jurait lorsqu’elle avait ordonné à tout le monde de se mettre au sol, ce qu’aucun des autres occupants de l’appartement n’avait entendu, lesquels occupants ont clairement répété ce que les agents avaient dit au moment de leur entrée; son affirmation en dépit du fait qu’il a décrit ces ordres qu’il n’avait entendu aucun ordre donné par la police parce qu’il venait de se réveiller; et sa déclaration que 15 à 20 agents de police étaient entrés dans l’appartement;

l’incohérence entre le témoignage du plaignant et celui de la TC no 5 en ce sens que le plaignant a indiqué qu’il n’avait pas entendu les ordres de se coucher au sol parce qu’il était désorienté, tandis que la TC no 5 a indiqué clairement qu’elle avait entendu le plaignant dire à l’agent de police [traduction] « Ne me touchez pas ».

L’aspect le plus problématique du témoignage du plaignant, cependant, est qu’il a clairement décrit l’agent qui aurait violemment écrasé son visage du pied comme le premier agent de police qui était entré dans l’appartement (qui aurait été l’AT no 2) et que c’était un homme blanc aux cheveux blonds coiffés dans le style Mohawk et portant la barbe et ayant des tatous sur les deux bras et le cou (aucun des agents de police ne correspondait à cette description). Tous les agents de l’ÉIU se sont accordés pour dire qu’il n’y a pas un tel agent au sein de l’équipe.

Plus précisément, les agents de l’ÉIU ne sont pas autorisés à avoir des poils au visage, car cela gêne le port des masques à gaz qui font couramment partie de leur équipement. Pour la même raison, il semble que la description fournie par la TC no 5 du second agent de police qui s’est approché du plaignant et qui a eu un vif échange avec lui et qui était présent lorsque le premier agent lui aurait donné deux coups de pied au visage, ne pouvait être exacte, puisqu’elle l’a décrit comme ayant une barbe blanche.

Je conclus donc que, si j’acceptais le témoignage du plaignant et de la TC no 5, je n’aurais pas de motifs raisonnables sur lesquels je pourrais me baser pour identifier l’un ou l’autre agent de police comme étant celui qui a causé la blessure au plaignant, puisque les descriptions fournies par ces deux personnes ne correspondent à aucun des agents de police qui étaient présents.

Or, l’analyse ne s’arrête pas là. En me fondant sur le témoignage de l’AT no 1, j’ai des motifs raisonnables de croire que l’AI, qui n’a pas de cheveux blonds coiffés à la manière des Mohawks, ni une barbe ou des tatous sur les deux bras et au cou, a donné un coup de poing dur quelque part au visage du plaignant et que ce coup semble avoir été la seule force à avoir été observée contre le plaignant qui aurait pu causer sa blessure. Compte tenu de ce scénario factuel, je dois donc déterminer si l’AI a eu recours ou non à une force excessive durant son appréhension du plaignant lorsqu’il lui a donné un unique coup de poing vers le bas avec sa main gauche et l’a frappé au côté de la tête.

Ayant rejeté le témoignage du plaignant et de la TC no 5 comme étant peu fiable et ayant plutôt accepté le témoignage de l’AT no 1, parce que le coup qu’il décrit correspond à la blessure que le plaignant a subie et correspond aux opinions médicales acceptées quant au mécanisme de cette blessure et parce que son témoignage va également dans le sens de celui de l’AT no 2 et du TC no 6, j’accepte également le témoignage de l’AT no 1 selon lequel le plaignant luttait avec l’AI et lui résistait[1], avait refusé d’obéir aux ordres de se coucher sur le sol et de mettre les mains derrière son dos et avait saisi soit le genou gauche, soit la cuisse gauche de l’AI et que l’AT no 1 avait été obligé d’enlever les mains du plaignant de la jambe de l’AI, et que le plaignant se débattait.

Je déduis également du fait que le mandat de perquisition contenait une clause précisant que l’entrée en vue d’une fouille serait une entrée dynamique et que la police avait fait appel à l’ÉIU pour procéder à cette entrée et croyait qu’il y avait peut‐être une ou plusieurs armes à feu dans la résidence, que la police aurait fait preuve d’une extrême prudence lorsqu’elle était entrée dans l’appartement et s’était approchée de ses occupants et qu’il était nécessaire pour les membres de l’ÉIU de contenir et de maîtriser les occupants le plus rapidement possible, afin d’éviter qu’ils saisissent des armes.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les actes des policiers sont protégés contre des poursuites si la force employée par eux n’était pas supérieure à celle qui était justifiée ou nécessaire dans les circonstances et qu’ils exerçaient leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont eu recours à cette force. Dans ce scénario factuel particulier, la police est entrée dans la résidence pour y effectuer une fouille en vertu d’un mandat de perquisition autorisé par un juge et, par conséquent, il est clair qu’elle agissait dans le cadre de ses fonctions légitimes au moment où elle y est entrée pour fouiller la résidence et par la suite, lorsqu’elle a tenté d’appréhender les occupants de l’appartement et que ses actions étaient justifiées, pourvu qu’elle n’ait pas eu recours à une force excessive.

En ce qui a trait à la force utilisée par l’AI, soit un coup de poing unique vers le bas avec sa main gauche, qui est entrée en contact avec le visage du plaignant, alors que celui‐ci luttait et résistait, refusait soit de se coucher au sol, soit de présenter ses mains aux fins de menottage, et avait saisi et refusait de lâcher le genou ou la cuisse gauche de l’AI, je ne peux conclure que ce seul recours à la force par l’AI était excessif, compte tenu des circonstances particulières.

J’ai pris en considération les motifs raisonnables qu’avait la police au moment de l’entrée dans l’appartement, tels qu’énoncés dans le mandat de perquisition, qu’un voleur armé était présent sur les lieux et la conviction qu’il y avait une, voire deux armes à feu dans l’appartement et que les occupants y avaient accès. À la lumière de cette information, je n’ai aucune hésitation à conclure que la police devait sécuriser les lieux et maîtriser les occupants le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Par ailleurs, comme le plaignant tenait la jambe de l’AI, les options qui s’offraient à lui à ce moment‐là auraient été extrêmement limitées, car ni une arme à impulsions électriques (AIE ou Taser) ni un vaporisateur d’oléorésine de capsicum (OC) n’étaient des choix viables, puisque l’agent était confiné dans les environs immédiats du plaignant. La seule option de recours à la force qui restait à l’AI était sa propre force physique et, bien que le coup ait causé une blessure grave au plaignant, je note que l’AI a seulement porté un seul coup de poing et qu’il n’a pas eu recours à de la force additionnelle après que l’AT no 1 l’avait aidé et avait enlevé les mains du plaignant de sa jambe et l’avait menotté, éliminant ainsi le plaignant comme menace possible.

Pour en arriver à cette conclusion, je tiens compte de l’état du droit énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans le présent dossier, il est clair que la force employée par l’AI pour maîtriser et menotter le plaignant était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise sous garde légale et supprimer le risque qu’il continuait de poser tant qu’il n’était pas immobilisé dans un appartement qui, selon l’opinion raisonnable les agents, contenait des armes à feu.

En ce qui concerne l’âge du plaignant au moment de cet incident, bien que le plaignant ait informé la police après son arrestation qu’il n’avait que 13 ans, il semble que son âge n’était pas évident, car l’AT no 1 a indiqué qu’il ne l’avait pas cru initialement, pensant qu’il était beaucoup plus âgé. Je note également que la personne qui était visée par ce mandat de perquisition était nettement plus âgée que le plaignant et, en raison des allégations qu’il y avait des armes à feu dans la résidence, je n’ai aucune hésitation à conclure que la police n’avait pas le luxe de demander aux occupants de s’identifier avant qu’ils soient menottés, puisqu’ils continuaient de poser une menace jusqu’à ce qu’ils soient tous mis hors d’état de nuire.

Compte tenu de ces faits, j’accepte que la police agissait dans une situation qui évoluait rapidement et où il y avait une menace possible jusqu’au moment où tous les occupants de l’appartement avaient été maîtrisés et je conclus que le seul coup de poing donné par l’AI, qu’il a seulement porté après que le plaignant avait saisi sa jambe et avait refusé de le lâcher et alors que le plaignant refusait d’obéir aux ordres de la police de se coucher sur le sol[2] et de mettre les mains derrière le dos, ne me convainc pas, pour des motifs raisonnables, que l’agent a agi en dehors des limites du droit criminel, et je ne conclus pas que la preuve est telle qu’elle me convainc, pour des motifs raisonnables, que l’AI a commis une infraction criminelle, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 13 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] En fait, même le plaignant a dit que quand il avait été jeté au sol, il avait essayé de se remettre debout en poussant sur le sol, avant qu’il reçoive des coups de pied. [Retour au texte]
  • 2) [2] Tel que mentionné plus haut, le plaignant a admis qu’il avait essayé de se lever du sol une fois qu’il était par terre. [Retour au texte]

Note:

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