Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-165

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 30 ans aurait subie lors de son arrestation, le 31 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 juin 2017, vers 12 h 11, le plaignant a informé l’UES que le 31 mai 2017 (il a été déterminé que la collision s’est en fait produite le 30 mai 2017), vers minuit, il a été impliqué dans une collision automobile. Il a fui la scène de l’accident, mais ne se souvient pas de l’avoir fait. La première chose dont il se souvient après l’accident, c’est qu’il s’est réveillé dans une cour arrière, près du lieu de la collision. Lorsqu’il a entendu la police arriver, le plaignant est sorti en marchant de l’endroit où il se trouvait afin de se montrer. Il s’est mis sur les genoux, a mis ses mains en l’air et a crié qu’il ne résistait pas.

Un agent a déployé une arme à impulsions sur le plaignant, lequel a ensuite été plaqué au sol. Deux agents lui ont dit de cesser de résister. L’un des agents s’est agenouillé sur la cheville du plaignant et le plaignant a ressenti de la douleur. Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où on lui a fait des radiographies et un tomodensitogramme, lesquels ont tous deux révélé que le plaignant n’avait pas de fracture. Le plaignant a été retourné à la garde policière, emmené au poste de police et placé dans une cellule.

Le lendemain matin, vers 9 h, il a été relâché. La cheville du plaignant était enflée, mais il est retourné au travail le lendemain. Quelques jours après, il s’est rendu à un autre hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture à la cheville, une commotion et des lésions aux nerfs de la main.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

homme âgé de 30 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun témoin civil n’a accepté d’entrevue avec les enquêteurs, mais les témoins suivants ont fourni des déclarations écrites à la PRP.

TC no 1 Déclaration écrite fournie à la police

TC no 2 Déclaration écrite fournie à la police

TC no 3 Déclaration écrite fournie à la police

TC no 4 Déclaration écrite fournie à la police

TC no 5 Déclaration écrite fournie à la police

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à participé à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Le soir du lundi 29 mai 2017, le plaignant fréquentait un bar dans la ville de Brampton. Il a consommé plusieurs boissons alcoolisées puis a quitté l’établissement. Le plaignant a affirmé qu’il a permis à un [traduction] « gars ayant l’air d’un Asiatique » de conduire sa voiture, puisqu’il y a eu une collision; or il n’y aucune preuve qu’un homme asiatique[1] ait été impliqué dans l’incident.

Le plaignant a alors fui le lieu de la collision, qui s’est produite à l’intersection de la promenade Financial et de l’avenue Steeles, puis il a commencé par se cacher dans la cour arrière d’une résidence de la rue Matagami, dans la ville de Brampton. Pendant qu’il fuyait l’endroit de la collision, le plaignant a été filmé par plusieurs caméras de sécurité domiciliaire fixées sur une maison sur le chemin Olivia Marie. L’une des caméras a enregistré le plaignant courant sur la rue Matagami, où il semblait trébucher et rouler sur sa cheville.

Le PRP a envoyé plusieurs agents sur place, dont un agent de l’unité canine, pour trouver le plaignant. Après un certain temps, le plaignant a quitté sa cachette initiale, a grimpé sur une clôture, s’est retrouvé dans la cour arrière d’une résidence sise sur le chemin Olivia Marie puis s’est caché derrière une remise. Les caméras de cette résidence ont de nouveau enregistré les mouvements du plaignant, et il semblait boiter et favoriser sa cheville gauche.

L’agent de l’unité canine de la PRP et son chien policier ont alors suivi le plaignant jusqu’à la cour d’une résidence sur la rue Matagami puis jusqu’à la clôture d’une résidence sur le chemin Olivia Marie. Les propriétaires de cette résidence ont permis à l’agent de la PRP de fouiller leur cour arrière, et le plaignant a été localisé. L’agent a ordonné au plaignant de montrer ses mains et de sortir de derrière la remise. Une arme à impulsions a été utilisée.

On a fait sortir le plaignant de derrière la remise, on l’a menotté et on l’a escorté jusqu’à l’avant de la résidence. Pendant qu’on le faisait sortir de la cour arrière, le plaignant a glissé, et tombé ou a été mis au sol par un agent de la PRP. On a fini par faire sortir le plaignant de la cour arrière et une ambulance a été demandée afin que le plaignant soit examiné et qu’on lui retire les dards de l’arme à impulsions.

Le plaignant a ensuite été transporté à l’hôpital pour faire examiner sa cheville gauche, et aucune blessure n’a été diagnostiquée. Le plaignant a ensuite été emmené au poste de la PRP pour remplir les formalités habituelles. Après avoir remis en liberté, le plaignant s’est rendu, plus d’une semaine après l’incident, à un deuxième hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture par avulsion (par arrachement).

Nature des blessures et traitement

Selon les dossiers médicaux conservés par le premier hôpital auquel le plaignant s’est rendu, il y est arrivé le 30 mai 2017, à 1 h 51 du matin. Le personnel de l’hôpital a été informé que le plaignant avait été impliqué dans une collision automobile. Le plaignant s’est plaint de douleurs à la cheville gauche, et on l’a envoyé passer des radiographies et des tomodensitogrammes.

Selon les rapports de radiologie, aucune fracture n’a été décelée à la cheville gauche du plaignant, quoiqu’une légère enflure des tissus mous ait été constatée. Le personnel médical a alors jugé que le plaignant pouvait obtenir son congé de l’hôpital, et il a été retourné à la garde de la PRP.

Selon les dossiers médicaux conservés par le deuxième hôpital auquel le plaignant s’est rendu, il a été examiné le 8 juin 2017 pour une douleur bilatérale aux mains et une douleur à la cheville gauche. Une radiographie de la cheville gauche du plaignant a été commandée.

Selon le rapport de diagnostic, [traduction] « un petit fragment d’os a été décelé à côté de la malléole médiale » (la partie proéminente sur la paroi interne de la cheville); on soupçonnait une petite fracture par avulsion (une blessure à l’os à un endroit où un tendon ou un ligament est rattaché à l’os. Lorsqu’une fracture‐avulsion se produit, le tendon ou le ligament arrache une partie de l’os.) Un gonflement des tissus mous a aussi été observé dans la région. Veuillez corréler cliniquement avec le point de sensibilité. Sinon, aucune fracture n’est observée. L’alignement des articulations est préservé. »

Dans les instructions de sortie de l’hôpital, on a prescrit au plaignant du Percocet et/ou du Tylénol la nuit, ainsi que du RICE (acronyme anglais signifiant « Rest-Ice-Compression-Elevation », ce qui signifie de garder la cheville au repos, d’y appliquer de la glace et une compression et de la surélever.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit le 30 mai 2017 où vers cette date, mais l’UES n’en a été avisée par le plaignant que le 30 juin 2017. Comme la scène de l’accident n’a pas été bouclée, il n’y avait rien à examiner pour l’UES.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Séquences vidéo (résumés)

L’UES a reçu de la PRP une copie de l’enregistrement vidéo provenant du système de télévision en circuit fermé (TVCF) d’une résidence sur le chemin Olivia Marie, à Brampton. Les images vidéo ont été enregistrées dans la nuit du 29 au 30 mai 2017, de 23 h 32 m 08 s à 2 h 30 m 00 s, et ont capté les interactions entre le plaignant et la PRP. Voici un résumé des images vidéo :

Caméra 1 : de 23 h 32 m 00 s à minuit

  • À 23 h 32 m 00 s, la vidéo commence et montre l’entrée de cour de la résidence
  • À 23 h 33 m 19 s, un homme [qui a ultérieurement été identifié comme étant le plaignant] entre dans le champ de vision de la caméra et court en direction nord sur le trottoir du chemin Olivia Marie, puis en direction est sur le trottoir de la rue Matagami
  • À 23 h 33 m 25 s, le plaignant court en direction est sur le trottoir de la rue Matagami lorsqu’il semble glisser ou rouler sur sa cheville
  • Le plaignant semble boiter brièvement pendant qu’il continue de courir en direction est sur la rue Matagami, puis il pénètre dans une cour arrière sur la rue Matagami
  • À 23 h 51 m 19 s, trois agents de la PRP, dont un maître chien de l’unité canine de la police, apparaissent dans le champ de vision de la caméra

Caméra 2 : De minuit à 1 h 14 m 00 s

  • La caméra montre une vue de la cour arrière de la résidence
  • À 00 h 10 m 26 s, le plaignant apparaît dans le champ de la caméra, traverse la cour arrière en marchant et se cache derrière une petite remise
  • À 00 h 30 m 25 s, un agent de police, dont on pense qu’il s’agissait de l’AI, pénètre dans la cour arrière en empruntant la porte coulissante arrière de la maison du propriétaire
  • L’AI fouille la cour arrière
  • À 00 h 31 m 50 s, l’AI semble avoir localisé le plaignant derrière la remise
  • À 00 h 34 m 05 s, on voit l’AI tenir le plaignant
  • Le plaignant est debout, les mains menottées dans le dos
  • Le plaignant a de la difficulté à marcher et tombe sur le côté gauche de l’AI, face contre terre dans l’herbe
  • L’AI met son genou sur le dos du plaignant et tord le poignet gauche du plaignant
  • Le plaignant se débat pour se relever
  • Un autre agent de police [dont on croit qu’il s’agit de l’AT no5] vient aider l’AI à contrôler le plaignant
  • L’AI escorte le plaignant jusqu’à l’extérieur de la cour arrière
  • À 00 h 37 m 23 s, trois policiers de l’escouade tactique, un patrouilleur de police générale et le plaignant sortent du champ de vision de la caméra
  • La séquence vidéo se termine à 1 h 14 m 00 s

Caméra 5 : de 23 h 35 m 30 s à 00 h 40 m 30 s

  • À 23 h 35 m 30 s, l’enregistrement vidéo commence et montre une vue de l’allée entre deux résidences
  • À 23 h 35 m 39 s, on voit le plaignant courir entre les maisons et s’introduire dans l’arrière de la propriété sur le chemin Olivia Marie
  • À 00 h 37 m 20 s, on voit le plaignant être escorté par des agents de la PRP
  • Le plaignant semble boiter dans la séquence vidéo
  • La vidéo se termine à 00 h 40 m 00 s

Enregistrements des communications

Résumé des enregistrements de communications

L’UES a reçu trois CD de la PRP en lien avec cet incident.

  • Enregistrements des communications téléphoniques : ce CD contient huit plages liées aux quatre témoins civils qui ont appelé la PRP en composant le 9‐1‐1 pour signaler une collision impliquant un seul véhicule et un possible renversement du véhicule. L’un des témoins a vu le conducteur sortir de son véhicule et s’en éloigner en courant
  • Enregistrements des communications radio : ce CD renferme 50 plages liées aux transmissions radio des agents et aux transmissions des SMU sur la radio de la police
  • Installations de détention : ce CD renferme 28 fichiers vidéo des diverses aires du poste de la PRP pendant que le plaignant est placé sous garde

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport des communications audio – appels au 9‐1‐1
  • rapport des communications audio – transmissions radio
  • chronologie des événements
  • notes des AT nos1à 5
  • rapport sur les détails de l’incident
  • déclarations de témoins de la PRP (x5) concernant une collision automobile

L’UES a obtenu et examiné les éléments suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant provenant des deux hôpitaux auxquels il s’est rendu
  • séquences vidéo de TVCF de l’extérieur d’une résidence sur le chemin Olivia Marie

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 253 du Code criminel – Capacité de conduite affaiblie

253 (1) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non, dans les cas suivants :

  1. lorsque sa capacité de conduire ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue
  2. lorsqu’il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang

Analyse et décision du directeur

Le 29 mai 2017, à 23 h 40 m 36 s, le répartiteur de la Police régionale de Peel (PRP) a reçu quatre appels différents au 9‐1‐1 signalant une collision impliquant un seul véhicule dans le secteur de la promenade Financial et du chemin Olivia Marie, dans la ville de Brampton. Le premier appelant a déclaré qu’un conducteur ivre avait percuté l’arrière d’une clôture, avait abandonné son véhicule et fuyait maintenant en courant. La deuxième appelante a indiqué que le conducteur s’était enfui en courant parce qu’il était ivre, et la troisième appelante a décrit le véhicule comme s’étant écrasé contre un poteau, précisant que l’accident avait l’air [traduction] « très très sérieux ».

Le quatrième appelant a commencé par indiquer qu’une femme lui avait dit que le chauffeur était ivre. L’appelant a alors passé le téléphone à la témoin, la TC no 3, qui a décrit au répartiteur du service 9‐1‐1 comment elle avait vu le chauffeur conduire son véhicule avant la collision et a précisé qu’il lui semblait manifestement en état d’ébriété. Elle a fait une description de l’homme, y compris de son âge, de son style de coupe de cheveux et de sa tenue vestimentaire. La TC no 3 a ensuite indiqué qu’elle conduisait sa voiture juste derrière lui au moment de la collision impliquant un seul véhicule et qu’elle a vu le conducteur sortir de son véhicule, puis elle a précisé dans quelle direction il était parti en courant. Elle ajouté qu’elle se demandait comment le conducteur avait survécu à la collision, car elle avait vu son véhicule [traduction] « tourbillonner » trois fois.

Dans une déposition fournie à la police la nuit de l’incident, la TC no 3 a de nouveau indiqué qu’elle avait vu le conducteur sortir de la voiture et qu’elle l’avait [traduction] « également vu tomber à deux reprises. » Elle a une nouvelle fois fait une description complète du chauffeur et a précisé qu’il était le seul occupant de la voiture.

Un deuxième témoin civil ayant fourni une déclaration à la police à la suite de l’incident, le TC no 2, a indiqué qu’il a vu le chauffeur sortir de son véhicule côté conducteur après la collision puis partir en courant. Il a aussi fourni une description complète du chauffeur, y compris des vêtements qu’il portait. Cette description était très semblable à celle donnée par la TC no 3, si ce n’est que la TC no 3 a décrit l’homme comme étant de race blanche, tandis que le TC no 2 pensait qu’il avait la peau foncée. Les descriptions de la tenue vestimentaire, de la coiffure et de la stature étaient identiques. La TC no 2 a décrit le conducteur comme étant [traduction] « en état de stress » et a ajouté qu’il a dit [traduction] « oh, merde » puis qu’il est parti en courant.

Un troisième témoin civil interrogé par la police la nuit de l’accident, le TC no 1, a dit qu’il a entendu un bruissement dans sa cour arrière et qu’il a vu [traduction] « quelqu’un trébucher au milieu de la cour arrière et se retourner […] la personne a essayé d’escalader la clôture côté nord de ma propriété. » Le TC no 1 a aussi fourni une description de l’homme qui coïncidait avec celles données par la TC no 3 et la TC no 2. Le TC no 1 a déclaré [traduction] « il a essayé à quelques reprises de grimper sur la clôture, » mais il [traduction] « n’a pas réussi et est tombé. » Le TC no 1 a poursuivi en indiquant que l’homme était en train de jouer avec le loquet de la porte de la clôture et que soit il avait escaladé la clôture, soit il avait ouvert la porte de la clôture.

Un autre témoin civil, le TC no 4, sur la propriété duquel on a finalement trouvé le conducteur, a fourni une déclaration à la police dans laquelle il a décrit le suspect comme se cachant derrière une remise dans sa cour arrière. Il a également indiqué avoir entendu le policier demander au suspect de montrer ses mains, et de sortir, mais que le suspect a refusé. Le TC no 4 a ensuite entendu le déploiement du « Taser » à la suite de quoi un deuxième agent est allé aider à l’arrestation du suspect. Le TC no 4 a indiqué que le suspect a continué de résister, qu’il a alors été arrêté et qu’on l’a fait sortir de sa cour arrière. Le TC no 4 a mentionné que l’homme était bruyant, qu’il pleurait parfois et qu’il lançait des insultes aux agents de police.

La dernière témoin civile, la TC no 5, dans sa déclaration à la police faite immédiatement après l’incident, a indiqué qu’elle a entendu l’agent crier à l’homme de mettre ses mains soit en l’air soit derrière le dos, pendant que l’agent regardait derrière la remise dans sa cour arrière. Elle a finalement entendu un « Taser » et le suspect crier. Elle a indiqué qu’il y avait [traduction] « de la résistance de la part du suspect » et que, lorsqu’il s’est trouvé devant sa maison, il [traduction] « criait à propos d’un homme et semblait vraiment délirer. Il n’écoutait pas les agents […] il ne coopérait pas du tout. ».

La maison sur le chemin Olivia Marie, dans la cour arrière de laquelle le plaignant s’était caché, était équipée de plusieurs caméras de sécurité dont les enregistrements vidéo ont été remis aux enquêteurs de l’UES. Les séquences vidéo montrent le plaignant courant en direction nord sur le trottoir du chemin Olivia Marie à 23 h 33 m 19 s, puis continuer en direction est sur le trottoir de la rue Matagami.

À 23 h 33 m 25 s, alors que le plaignant court sur la rue Matagami, on le voit glisser ou rouler sur sa cheville. On le voit ensuite boiter brièvement tandis qu’il continue vers une cour arrière sur la rue Matagami.

À 23 h 35 m 30 s, la séquence vidéo enregistrée par une deuxième caméra extérieure montre le plaignant en train de courir entre les maisons puis s’engager sur la propriété d’une résidence sur le chemin Olivia Marie, où il est alors capté par une troisième caméra, située en arrière de la maison, alors qu’il traverse la cour arrière en marchant et qu’il se met derrière une petite remise.

À 00 h 30 m 15 s, on voit l’AI pénétrer dans la cour arrière, et il semble localiser le plaignant derrière la remise à 00 h 31 m 50 s.

À 00 h 34 m 05 s, l’AI est vu en train de tenir le plaignant, lequel est menotté mains dans le dos. On voit le plaignant avoir de la difficulté à marcher et tomber sur le côté gauche de l’AI, face contre terre, sur l’herbe. On voit ensuite l’AI mettre ses genoux sur le dos du plaignant et lui tordre le poignet gauche, à la suite de quoi le plaignant se débat pour se relever. On voit alors apparaître l’AT no 5 venant aider l’AI, puis le plaignant est escorté hors de la cour arrière.

À 00 h 37 m 20 s, la première caméra extérieure capte de nouveau les mouvements du plaignant alors que les agents de la PRP l’escortent jusqu’à l’avant de la maison; il semble boiter à ce moment‐là.

Il est allégué par le plaignant que, le soir du 29 mai 2017, sa voiture était conduite par un homme asiatique inconnu[2]. Le plaignant a allégué qu’alors que sa voiture était conduite par l’homme asiatique, il a été impliqué dans une collision sur la promenade Financial, il a paniqué et s’est enfui immédiatement.

Le plaignant a allégué que la PRP l’a trouvé alors qu’il se cachait derrière une remise, à une adresse inconnue. Il a indiqué que deux agents de police et un chien policier l’ont localisé et que les agents lui ont dit de sortir de derrière la remise, de se relever et de se coucher; il a décrit leurs instructions comme étant très confuses.

Le plaignant allègue qu’il a mis ses mains en l’air et a plusieurs fois répété aux agents qu’il ne résistait pas. Malgré sa coopération, le policier a utilisé sur lui une arme à impulsions puis il l’a tiré pour le faire sortir de derrière la remise. Le plaignant s’est alors redressé, à la suite de quoi il a été plaqué au sol. Le plaignant a indiqué que, alors qu’il était au sol, l’agent l’a blessé à la cheville en la piétinant et en appliquant, à un angle de 90 degrés, de la pression sur sa cheville. À la suite de cette agression, le plaignant a été incapable de marcher jusqu’à l’autopatrouille. Le plaignant allègue que les agents de police ont employé beaucoup de force sur lui.

Le plaignant a indiqué que l’agent que l’on voit dans la séquence vidéo en train de lui tenir le bras, l’AI, est le même que celui qui a piétiné sa cheville.

Dans les dossiers médicaux initiaux du plaignant, qui datent de la nuit de son arrestation, on peut lire que tant les ambulanciers que le personnel de l’hôpital ont décrit le plaignant comme ayant été [traduction] « très peu coopératif et colérique » et [traduction] « verbalement agressif » et qu’il a fallu l’intervention du service de sécurité de l’hôpital pour l’escorter jusqu’à la salle de radiographie, en raison de son comportement.

De plus, les dossiers médicaux indiquent qu’il porte un t‐shirt rouge, ce qui correspond à la description fournie par les deux témoins civils au sujet de la tenue vestimentaire du conducteur du véhicule.

Bien que les notes médicales indiquent que le plaignant a plusieurs fois répété au personnel médical qu’il était le passager et non le conducteur de l’automobile, les notes ne font mention d’aucune allégation selon laquelle le plaignant aurait été agressé par un agent de police, et il est indiqué que la cause de sa blessure résulte d’une collision impliquant un véhicule automobile. Les notes indiquent expressément qu’il n’y a [traduction] « aucune plainte d’exprimée » de la part du plaignant.

Le résultat des radiographies des deux chevilles du plaignant donne la description suivante : [traduction] « léger gonflement des tissus mous à gauche. Minuscules densités distales par rapport à la malléole médiale d’un âge indéterminé. » Aucune fracture n’a été décelée, et le plaignant a obtenu son congé médical.

Dans les dossiers médicaux de la visite subséquente du plaignant à un autre hôpital, environ une semaine plus tard, le 8 juin 2017, il est indiqué que les radiographies ont révélé ce qui suit :

[Traduction] Il y a un petit fragment osseux adjacent à la malléole médiale. On peut soupçonner une petite fracture par avulsion. On note un gonflement des tissus mous dans la région. Veuillez corréler cliniquement avec le point de sensibilité. Sinon, aucune fracture observée. L’alignement des articulations est préservé.

Constatations :

Petite fragmentation osseuse adjacente à la pointe de la malléole médiale, sans changement par rapport à la précédente observation.

Diagnostic à la sortie :

? [illisible] no [fracture] cheville G (gauche) / 2. Commotion possible.

Même si la deuxième visite du plaignant à l’hôpital a eu lieu quelque huit jours plus tard et sans la présence de la police, encore une fois, ses dossiers médicaux ne font aucune mention d’éventuels mauvais traitements de la part des policiers qui auraient causé sa blessure. On lit plutôt les notes suivantes au sujet du plaignant : [traduction] « le patient déclare avoir été arrêté la semaine dernière. On a déployé un Taser sur lui, il est tombé sur les genoux; douleur bilatérale aux genoux. »

Me fiant à plusieurs sites Web médicaux réputés, j’ai fait des recherches sur les causes des blessures à la malléole médiale, qui est située sur la paroi interne de la cheville, et j’ai constaté que les causes les plus courantes qui sont mentionnées sont les suivantes : [traduction] « tordre ou tourner la cheville, rouler la cheville, trébucher ou tomber, ou impact lors d’un accident de voiture » (www.orthoinfo.aaos.org; www.physioadvisor.com.au; www.healthline.com).

Au cours de cette enquête, en dépit du fait qu’aucun autre témoin civil ne s’est présenté pour répondre à des questions de la part des enquêteurs de l’UES, cinq témoins civils ont fourni des déclarations à la police la nuit de l’incident; ces déclarations ont par la suite été transmises aux enquêteurs de l’UES[3]. En plus du plaignant, six témoins de la police ont aussi été interrogés, l’agent impliqué n’ayant pas consenti à faire de déclaration ni à remettre une copie des notes consignées dans son calepin, comme il a en légalement le droit. Cela dit, entre les déclarations faites par les témoins civils indépendants et le visionnement des séquences vidéo de TVCF, on a pu brosser un portrait clair de l’incident. Les faits qui suivent reposent sur les éléments de preuve fiables qui ont été fournis.

Le 29 mai 2017, un automobiliste a observé le plaignant conduisant son automobile en émettant l’opinion que le plaignant était ivre. Le plaignant a ensuite été impliqué dans une collision impliquant un seul véhicule lorsqu’il a percuté un lampadaire, à la suite de quoi on l’a vu sortir de sa voiture, côté conducteur, et partir en courant. Mentionnant que, lorsque les policiers ont suivi la piste du plaignant avec l’assistance du chien policier, ils ont trouvé ses clés de voiture dans la cour arrière de l’une des résidences que le plaignant avait traversées.

Un certain nombre de témoins ont vu le plaignant tomber au moins deux fois, grimper sur une clôture et essayer à quelques reprises d’en escalader une autre, mais en tombant. Les séquences vidéo de TVCF révèlent en outre que le plaignant glisse ou roule sa cheville et qu’on le voit ensuite boiter. Je précise, au passage, que le roulement de la cheville est l’une des causes courantes du type de blessure subie par le plaignant.

Le plaignant a ensuite été observé se cachant derrière une remise dans la cour arrière d’une propriété sur le chemin Olivia Marie. Deux témoins civils indépendants ont vu l’AI entrer dans la cour arrière, s’approcher de la remise derrière laquelle le plaignant se cachait et ordonner au plaignant de sortir en montrant ses mains. Le plaignant a été décrit comme refusant d’obtempérer, opposant de la résistance, n’écoutant pas les policiers et ne coopérant pas du tout. Peu après, on a entendu le déploiement d’une arme à impulsions. Bien que le plaignant ait indiqué qu’il obtempérait et qu’il avançait vers l’agent les mains dans le dos, je constate que son témoignage est contredit non seulement par celui des témoins civils indépendants, mais aussi par l’emplacement des deux dards de l’arme à impulsions, que les ambulanciers ont trouvés sur le dos du plaignant, ce qui semble moins compatible avec une coopération de la part du plaignant qui se serait livré qu’avec son désir continu d’échapper à la police.

À aucun moment un témoin civil n’a vu l’AI soit plaquer au sol le plaignant soit piétiner sa cheville, quoique la séquence vidéo de TVCF montre bel et bien le plaignant tombant au sol, tout seul, à la suite de quoi on voit l’AI se mettre sur le dos du plaignant et lui saisir le bras, puis l’AT no 5 s’approcher ensuite et aider l’AI.

Compte tenu de toutes ces incohérences et contradictions évidentes entre le témoignage du plaignant et les déclarations des témoins civils et les enregistrements vidéo, je conclus qu’il m’est impossible d’accorder beaucoup de crédibilité à la version des événements fournie par le plaignant. Sur ce fondement, je rejette la version des événements du plaignant selon laquelle l’AI aurait piétiné sa cheville après qu’on l’eut fait sortir de derrière la remise car, si les choses s’étaient ainsi déroulées, cela aurait été vu par les témoins civils présents ainsi que sur la séquence vidéo de TVCF; or ce n’est pas le cas.

Bien que je ne dispose donc d’aucune preuve directe fiable, étant donné l’absence d’une déclaration de l’AI sur ce qui s’est produit pendant que le plaignant se cachait encore derrière la remise, je note que la seule allégation faite à l’encontre de l’AI en lien avec ce moment de l’incident a été le déploiement de l’arme à impulsions, lequel n’a de toute façon pas été allégué par le plaignant comme ayant été à l’origine de toute blessure sérieuse qu’il aurait subie.

Sur le fondement des éléments de preuve fiables disponibles, ayant rejeté le témoignage du plaignant non seulement parce qu’il est incompatible avec tous les autres éléments de preuve mais aussi du fait que le plaignant a clairement indiqué qu’il ne se souvenait pas très bien des événements, probablement en raison de son état d’intoxication, et du fait qu’il n’a jamais mentionné à la police ou au personnel hospitalier, lors de l’une ou l’autre de ses deux visites à l’hôpital, que sa blessure avait été causée par des gestes délibérés de la part des policiers, je conclus que la seule preuve fiable que j’aie d’un éventuel recours à la force contre le plaignant et celle du déploiement de l’arme à impulsions et de l’agenouillement de l’AI sur le dos du plaignant alors qu’il lui tenait le bras, après que le plaignant fut tombé sur le sol.

Pour déterminer si ces actions de l’AI équivalent ou non à un recours excessif à la force dans ces circonstances, j’ai tenu compte du fait qu’en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont protégés contre les poursuites s’ils exercent leurs fonctions légitimement et pour autant qu’ils n’emploient que la force nécessaire à cette fin légitime.

Au vu du dossier dont je suis saisi, il est clair que d’après les renseignements fournis à la police dans les quatre appels au 9‐1‐1, ainsi que les renseignements fournis à la police par les quatre témoins civils qui se trouvaient sur les lieux, les agents avaient très certainement des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour avoir conduit un véhicule à moteur avec des facultés affaiblies ou après avoir consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépassait la limite permise, en contravention des alinéas 253 (1) a) et b) du Code criminel. Par conséquent, il est clair à la lumière de ces faits que les agents de police agissaient dans le cadre de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont poursuivi et appréhendé le plaignant et que leurs actions étaient justifiées pour tant qu’ils n’aient pas employé une force excessive.

En ce qui a trait à la force employée par l’AI alors qu’il tentait d’appréhender le plaignant, bien que je ne dispose pas d’une preuve fiable définitive concernant la raison pour laquelle l’AI a déployé son arme à impulsions sur le plaignant lorsque ce dernier se cachait derrière la remise, je retiens que le plaignant tentait activement de fuir pour échapper à la police et à une possible arrestation pour des infractions au Code criminel, qu’il se cachait derrière une remise dans l’obscurité et qu’il ne coopérait pas avec les policiers, leur opposant plutôt de la résistance et n’obéissant pas à leurs demandes.

Compte tenu de ces faits, j’accepte que les deux seules options de recours à la force moins dommageables qui s’offraient à l’AI à ce moment‐là et qui ne mettraient pas sa propre sécurité en danger étaient le déploiement de l’arme à impulsions ou l’utilisation du chien d’assistance policière. Je retiens en outre que la cour arrière où le plaignant a terminé sa course était clôturée et que la porte de clôture était verrouillée, de sorte que l’AT no 5 n’a pu pénétrer dans la cour arrière de la résidence qu’en grimpant au‐dessus de la clôture, donc sans son chien, ce qui ne lui laissait alors qu’une option viable, le déploiement de son arme à impulsions.

Je n’ai aucune hésitation à conclure qu’il aurait été malavisé pour l’AI, dans ces circonstances, dans l’obscurité et en ne sachant pas ce qui l’attendait derrière la remise, d’entrer dans la cour arrière et de se retrouver confronté au plaignant dans l’obscurité avec pour seule protection sa force physique. Par conséquent, je ne saurais conclure que l’utilisation de l’arme à impulsions dans ces circonstances a représenté un recours excessif à la force; j’estime plutôt qu’il s’agissait d’une ligne de conduite prudente.

En ce qui concerne l’AI qui s’est agenouillé sur le dos du plaignant afin d’en prendre le contrôle, après que le plaignant fut tombé sur le sol et jusqu’à ce que l’AT no 5 soit capable d’entrer dans la cour arrière pour aller prêter assistance à l’AI, là encore, à la lumière des facteurs susmentionnés et des observations des témoins selon lesquelles le plaignant résistait à la police, je conclus que les actions de l’AI ont été mensurées et proportionnées face à la résistance opposée par le plaignant et n’ont pas constitué un recours excessif à la force.

Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. v. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve fiable, si le plaignant a effectivement subi une blessure grave, ce qui semble peu clair au vu du point d’interrogation apposé à son diagnostic dans les dossiers médicaux du CVH[4], j’ai très certainement des motifs raisonnables de croire que cette blessure s’est produite avant toute intervention de la police, lors de la collision du véhicule ou lors de l’une des nombreuses chutes du plaignant observées par les témoins civils, ou encore lorsque le plaignant roulait sa cheville, comme cela a été révélé dans les séquences vidéo de TVCF. Si, toutefois, il a bel et bien subi sa blessure — ce qui est peu probable — pendant l’interaction limitée qu’il a eue avec la police, je ne peux trouver de motifs raisonnables de croire que les actions de la police, et plus particulièrement de l’AI, ont constitué un recours excessif à la force à la lumière de ces faits.

Pour terminer, je conclus, à la lumière de la preuve fiable qui m’a été présentée, qu’il n’y a aucune preuve qu’un agent ait recouru à une force excessive pour appréhender et arrêter le plaignant et que la force employée était raisonnable et proportionnée. Par conséquent, je conclus que ces faits ne me donnent pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise ici, et aucune accusation ne sera donc portée.

Date : 16 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco Directeur Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Pas plus, d‘ailleurs, qu’il n’y a de preuve de l’implication de tout homme « ayant l’air d’un Asiatique » dans l’incident. [Retour au texte]
  • 2) [2] Inconnu, parce qu’il est allégué qu’il s’agissait d’un homme que le plaignant avait rencontré pour la première fois au bar ce soir‑là. [Retour au texte]
  • 3) [3] Hormis deux ou trois déclarations qui jetaient un éclairage limité, aucun de ces cinq témoins n’a accepté de faire des déclarations aux enquêteurs de l’UES. [Retour au texte]
  • 4) [4] Ce qui a donné lieu à un examen 10 jours après son interaction avec la police. [Retour au texte]

Note:

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