Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-128

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 42 ans lors de son arrestation le 27 mai 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 11 h, le 27 mai 2017, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a informé l’UES de la grave blessure subie par le plaignant au visage après une arrestation à risque élevé dans un hôtel des environs plus tôt ce matin-là.

Le SPRN a signalé qu’à environ 4 h, le 27 mai 2017, la police a été appelée à un motel à Niagara Falls en réponse à des troubles et plus particulièrement en raison de dommages dans une des chambres au rez‐de‐chaussée. L’appelant était le propriétaire de l’établissement et a informé le répartiteur qu’une des personnes en cause avait été vue avec une arme à feu. Des agents de police du SPRN sont entrés dans la pièce et ont arrêté le plaignant, qui s’était caché sous un lit et qui avait une arme de poing à sa droite.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Le 27 mai 2017, quatre enquêteurs de l’UES et un enquêteur judiciaire de l’UES ont ouvert une enquête à Niagara Falls. Les lieux ont été photographiés, des preuves physiques ont été examinées et photographiées, des témoins civils ont été trouvés et interrogés, et des rapports médicaux ont été obtenus sur consentement.

Plaignant :

Homme âgé de 42 ans interviewé; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Nature des blessures/Traitement

Le plaignant a été examiné à l’hôpital le 27 mai 2017. Selon le diagnostic, il avait une fracture comminutive du plancher orbitaire gauche. La paroi médiale de l’orbite gauche avait également été fracturée. Le plaignant n’a pas perdu connaissance, et une intervention chirurgicale n’était pas jugée nécessaire.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans la chambre 9 d’un motel dans la ville de Niagara Falls. La chambre 9 se trouve au rez-de-chaussée de l’établissement et est contiguë au stationnement.

Preuve matérielle

Photographie du couteau que le plaignant avait dans la taille de son pantalon à l’arrière.

Photographie du couteau que le plaignant avait dans la taille de son pantalon à l’arrière.

Photographie du couteau que le plaignant avait dans la taille de son pantalon à l’arrière.

Photographie du pistolet à plombs situé sous le lit.

Photographie du pistolet à plombs situé sous le lit.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Enregistrements des communications

Enregistrement des communications au 9-1-1

Le témoin civil (TC) no 1 a appelé le SPRN le 27 mai 2017 et s’est plaint que les occupants de la chambre 9 causaient des dommages à la chambre et à la porte et a demandé que tous les occupants soient retirés des lieux. Le TC no 1 a également mentionné au répartiteur qu’un homme qui venait tout juste de quitter la chambre lui avait dit qu’il avait vu l’un des occupants avec une arme de poing.

Preuve médico-légale

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Dossiers obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRN les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • répartition assistée par ordinateur (RAO)
  • liste des témoins civils
  • résumé détaillé des appels
  • rapport d’incident général
  • document de distribution de l’incident – long formulaire
  • formulaire de reconstitution des heures des transmissions radio
  • notes des agents témoins (AT) nos 1-4 et de l’agent impliqué (AI)
  • politique sur le recours à la force du SPRN
  • demande des communications du SPRN provenant du registre principal
  • demande des enregistrements des communications du SPRN
  • enregistrements de l’appel au 9-1-1 et des communications

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle‐même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne – Emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Paragraphe 88(1) du Code criminel - Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Article 91 (1) du Code criminel – Possession non autorisée d’une arme à feu

91 (1) Sous réserve du paragraphe (4), commet une infraction quiconque a en sa possession une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé — autre qu’une réplique — ou des munitions prohibées sans être titulaire

  1. d’une part, d’un permis qui l’y autorise
  2. d’autre part, s’il s’agit d’une arme à feu prohibée ou d’une arme à feu à autorisation restreinte, du certificat d’enregistrement de cette arme

(2) Sous réserve du paragraphe (4), commet une infraction quiconque a en sa possession une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé — autre qu’une réplique — ou des munitions prohibées sans être titulaire d’un permis qui l’y autorise.

(3) Quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 2(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation - L’entrée sans autorisation est une infraction

2 (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

  1. sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
    1. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi
    2. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi
  2. ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné

Analyse et décision du directeur

Le 27 mai 2017, vers 4 h, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a reçu un appel demandant l’aide de la police dans un motel dans la ville de Niagara Falls. L’appelant était le gérant du motel, le témoin civil (TC) no 1, qui a expliqué qu’il y avait quatre ou cinq personnes dans la chambre 9 de son établissement qui y causait de possibles dommages et qu’il souhaitait que ces personnes soient retirées de la propriété. Le TC no 1 a également indiqué qu’un autre homme qui venait de quitter la chambre lui avait dit que l’un des occupants avait été vu avec une arme à feu.

Par conséquent, l’agent impliqué (AI), l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3 et l’AT no 4 ont été envoyés sur les lieux. À la suite d’une interaction avec les occupants de la chambre 9, le plaignant a été arrêté pour violation des conditions de sa libération sous caution et a été transporté à l’hôpital, où, selon le diagnostic, il avait subi une fracture comminutive au plancher orbitaire gauche et une fracture de la paroi médiale de l’orbite gauche (os de la cavité orbitaire).

Le plaignant a allégué que pendant qu’il était dans la chambre 9 du motel, le TC no 3 était arrivé avec un pistolet à plombs, non chargé, ce qui avait incité le TC no 5 à quitter immédiatement la chambre. Peu après, la police était arrivée au motel et le TC no 3 avait mis le pistolet à plombs sous le lit, après quoi le plaignant s’était caché à cet endroit. Pendant qu’il était sous le lit, le plaignant avait vu le pistolet à plombs de couleur argentée près de sa tête, l’avait ramassé et l’avait déplacé vers l’autre côté.

Pendant qu’il était sous le lit, le plaignant avait entendu les agents de police arriver et dire à tout le monde dans la chambre qu’ils devaient partir parce que le propriétaire du motel ne voulait pas qu’ils restent dans son établissement. Le plaignant allègue qu’un agent de police avait alors soulevé le lit et l’avait découvert à cet endroit et avait crié qu’un homme se trouvait sous le lit. Le plaignant avait essayé de sortir de sous le lit la tête en premier, mais un agent lui avait dit de sortir à l’avant du lit avec les mains tendues. Deux agents de police avaient ensuite tiré le plaignant de dessous du lit tandis qu’un autre pointait un fusil sur lui. Le plaignant allègue que les agents de police lui avaient alors donné des coups de genou et des coups de poing au visage. Il a indiqué qu’il n’avait pas le pistolet à plombs avec lui et que ses mains étaient vides. Le plaignant allègue que pendant qu’il était couché sur le ventre au sol avec des agents de police de chaque côté, il avait reçu un coup de poing au côté droit de son visage, puis au côté gauche et avait également reçu un coup de genou au côté droit du visage. Il ne pouvait voir qui le frappait, mais avait entendu les agents de police crier contre lui, même s’il ne pouvait pas comprendre ce qu’ils disaient parce que la situation était tellement chaotique. Puis, on l’avait menotté et on l’avait aidé à se remettre debout pour ensuite l’amener à l’extérieur vers une voiture de patrouille.

Durant l’enquête, les enquêteurs se sont entretenus avec cinq TC en plus du plaignant, ainsi qu’avec l’AI et quatre AT. Les enquêteurs avaient accès également aux notes entrées dans les calepins de tous les agents de police, ainsi qu’aux enregistrements de l’appel au numéro 9‐1‐1 et des communications radio.

Parmi les cinq TC interrogés, apparemment, quatre d’entre eux avaient été impliqués dans l’incident qui s’était produit dans la chambre 9 du motel tôt le matin du 27 mai 2017 et qui était à l’origine de l’appel à la police. Le cinquième TC était le propriétaire/gérant du motel, qui n’a pas vu l’interaction entre la police et le plaignant. Je n’ai pas l’intention de fournir de longs détails concernant les observations des quatre TC qui étaient dans la chambre 9, puisque leurs versions des événements sont toutes diamétralement opposées non seulement l’une à l’autre, mais également à la version fournie par le plaignant. Voici un aperçu du témoignage de chaque témoin :

Le TC no 5 était très intoxiqué lorsqu’il avait reçu un message texte l’invitant à venir voir la TC no 4 au motel pour des services sexuels. Le TC no 5 était dans la salle de bain et se lavait les mains quand le plaignant est entré et lui a dit qu’il avait loué la chambre, et le TC no 5 a donné 100 $ au plaignant pour acheter de la marijuana. Le plaignant est ensuite parti, mais est revenu avec la TC no 2 et le TC no 3 et la TC no 2 a sorti une arme de poing de son pantalon à la taille et tous les trois ont forcé le TC no 5 à leur donner ses bijoux, après quoi ce dernier a quitté la chambre et a informé le TC no 1 que les occupants de la chambre 9 avaient une arme à feu et avaient essayé de le dévaliser. Puis, le TC no 5 était retourné à la chambre 9 pour récupérer son téléphone cellulaire, et il avait donné plusieurs coups de pied à la porte pour ensuite quitter les lieux.

La TC no 4 a indiqué qu’elle était une escorte et qu’elle était intoxiquée après avoir consommé de la drogue le 26 mai 2017, lorsqu’elle s’était rendue au motel avec un homme plus âgé, qui y louait une chambre. La TC no 4 a déclaré qu’elle s’était endormie dans la chambre et qu’elle avait été réveillée plus tard par deux inconnus et que peu après, deux agents de police en uniforme étaient arrivés. Bien que la TC no 4 ait admis qu’elle connaissait le plaignant, elle n’était pas en mesure de confirmer s’il était l’un des hommes dans la chambre à l’arrivée de la police. Elle a nié connaître la TC no 2, le TC no 3 ou le TC no 5.

La TC no 2 a déclaré qu’elle logeait dans une chambre du motel avec le TC no 3 et que le 26 mai 2017, vers midi, la TC no 4 et le plaignant (qui a été identifié par un nom différent de celui qu’il a fourni aux enquêteurs de l’UES) étaient venus à leur chambre plusieurs fois et plus tard, avaient loué leur propre chambre au motel, soit la chambre 9. Plus tard, le plaignant était venu à sa chambre et lui avait dit qu’un homme, qui avait volé de lui, se trouvait dans sa chambre avec la TC no 4. D’après la TC no 2, le plaignant lui avait demandé ainsi qu’au TC no 3 de l’accompagner à la chambre 9, où la TC no 2 avait vu le TC no 5 sur le lit avec la TC no 4 tout en ayant les mains autour du cou de cette dernière. La TC no 2 a expliqué qu’elle avait parlé au TC no 5 du fait qu’il devait de l’argent au plaignant, et le TC no 5 l’avait nié et voulait quitter la chambre. Puis, le TC no 1 était venu voir ce qui se passait et la TC no 2 lui avait dit que tout allait bien. Le TC no 1 et le TC no 5 étaient sortis tous les deux de la chambre, et ce dernier était resté de l’autre côté de la porte, en criant et en frappant contre celle‐ci. Deux minutes après le départ du TC no 5, quatre à six agents de police étaient venus à la porte avec le TC no 1. Avant que la police entre dans la chambre, le plaignant s’était mis sous le lit et lui avait dit qu’on le recherchait et qu’il ne voulait pas être arrêté. La TC no 2 a indiqué qu’elle n’avait jamais vu une arme à feu dans la chambre 9.

Le TC no 3 a expliqué qu’il était dans sa chambre avec la TC no 2 quand la TC no 4 avait appelé pour obtenir de l’aide parce qu’un homme l’agressait sexuellement dans la chambre 9. Le TC no 3 et la TC no 2 s’étaient alors rendus à la chambre 9 où ils avaient vu le TC no 5, et la TC no 2 avait dit au TC no 5 en criant de s’enlever de la TC no 4, et le TC no 5 avait alors mis ses mains sur la TC no 2. Sur ces entrefaites, le TC no 1 était arrivé à la porte et leur avait dit à tous de partir, car il appellerait la police. Le TC no 5 avait ensuite quitté la chambre, où il ne restait que la TC no 4, la TC no 2 et le TC no 3. Le TC no 3 a indiqué qu’il ne savait pas que le plaignant était dans la chambre sous le lit quand la police est arrivée. Le TC no 3 a déclaré qu’il n’avait jamais vu une arme à feu dans la chambre.

Étant donné qu’il n’y a pas d’éléments communs entre les versions d’aucun des quatre TC dans la chambre 9 et celle du plaignant, je ne suis pas en mesure de déterminer qui des cinq TC a dit la vérité ou si c’est même le cas et par conséquent, j’ai rejeté leur preuve dans son ensemble, sauf lorsqu’elle est corroborée par un autre témoin. Il est clair qu’aucun de ces témoins n’a de crédibilité et que chacun a adapté sa version des événements afin d’éviter autant que possible d’avoir à assumer le blâme pour ce qui s’est passé. De plus, il semble que le TC no 5 et la TC no 4 aient tous deux admis qu’ils étaient extrêmement intoxiqués, après avoir consommé soit des drogues, soit de l’alcool, tandis que le plaignant a admis qu’il avait consommé aussi bien de la drogue que de l’alcool. Je ne puis déterminer quelle est la source des contradictions flagrantes entre la version des événements fournie par la TC no 3 et celle fournie par la TC no 2.

Malgré les incohérences nombreuses et variées entre les cinq TC quant à ce qui s’est produit avant l’arrivée de la police, je conclus qu’il y a en fait très peu de divergences entre la version du plaignant et celle de la police quant aux événements après l’arrivée de celle‐ci. Il ne semble aucunement contesté que l’AI a causé la blessure au visage du plaignant en lui donnant cinq ou six coups de poing à cet endroit aussi fort qu’il pouvait et que par la suite, il avait aussi donné des coups de genou à la partie supérieure gauche du torse du plaignant. Le plaignant estime qu’il s’agissait d’un recours excessif à la force, tandis que l’AI est d’avis que ses actions étaient justifiées dans les circonstances et ne constituent pas une infraction criminelle.

Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, l’AI a déclaré que vers 4 h 10, le 24 mai 2017, il avait reçu un appel par la radio pour prêter main‐forte au motel, dans la chambre 9, et que l’appel initial venait du TC no 1, le propriétaire du motel, et mettait en cause quatre ou cinq personnes endommageant des biens. À son arrivée, l’AT no 4, l’AT no 2, l’AT no 3 et l’AT no 1 étaient déjà présents et l’AI a parlé au TC no 5 puis à la TC no 4 au sujet de ce qui s’était passé.

L’AI a décrit le TC no 5 comme étant intoxiqué et a indiqué qu’il avait vu une arme de poing argentée au devant du pantalon de la TC no 2.

L’AI a alors parlé à la TC no 2, qui a nié avoir en sa possession une arme à feu.

D’après l’AT no 2, pendant que l’AI parlait aux différents témoins, l’AT no 2 s’était rendu à la chambre 9 où il avait vu deux femmes et un homme à l’intérieur, ces personnes étant les TC nos 4, 2 et 3. La TC no 4 était connue de l’AT no 2 parce qu’il avait déjà eu affaire à elle par le passé. La TC no 4 a fourni une version des événements à l’AT no 2, laquelle différait sensiblement de celle qu’elle a fournie à l’UES plus tard et de celle qu’elle avait déjà fournie à l’AI. Les trois occupants de la chambre ont chacun nié avoir vu une arme à feu et qu’une quatrième personne avait été dans la chambre.

À la requête du TC no 1, l’AT no 2 a demandé à toutes les personnes de quitter la pièce et il a attendu à l’extérieur de la chambre en regardant à l’intérieur pendant que la TC no 4 commençait à faire ses bagages. L’AT no 2 a vu le TC no 3 se rendre au coin droit avant du lit, tendre la main vers le bas et soulever rapidement le matelas, puis retirer sa main et la mettre derrière la jambe droite. Le TC no 3 et la TC no 2 confirment tous deux que le TC no 3 avait tenté de ramasser un petit sac de drogue, mais qu’il l’avait ensuite laissé tomber au sol, le TC no 3 indiquant qu’il l’avait fait à la demande de la TC no 4; par conséquent, l’AT no 2 a arrêté et menotté le TC no 3.

L’AT no 2 a indiqué qu’il avait ensuite fouillé le TC no 3 au cas où il aurait des armes sur lui et avait inspecté le petit sac, qui semblait contenir du résidu, qui à son avis était peut‐être de la méthamphétamine en cristaux. L’AT no 2 a indiqué qu’il n’était pas en mesure de déterminer si le TC no 3 avait caché quelque chose sous le matelas et il avait informé l’AI et l’AT no 3 de ce qu’il avait observé, après quoi l’AI était entré dans la chambre et avait soulevé le coin du lit, qu’il avait immédiatement rabaissé avec force, et il avait crié qu’il y avait un homme sous le lit; cela est confirmé par le plaignant ainsi que par la TC no 2 et le TC no 3.

L’AI a déclaré qu’après avoir vu un homme sous le matelas du lit, il était allé chercher l’AT no 1, puisqu’il avait un fusil. L’AI avait alors soulevé le matelas au milieu tandis que l’AT no 2 l’avait soulevé au coin droit et ils avaient vu le plaignant recroquevillé sur le ventre faisant face à l’AI.

L’AT no 3 avait alors crié au plaignant de rester où il se trouvait et de ne pas bouger, après quoi il avait ordonné à la TC no 4 et à la TC no 2 de quitter la chambre, ce qu’elles avaient fait. Puis, l’AT no 3 avait demandé au plaignant de sortir de sous le lit avec ses mains à un endroit où il pouvait les voir, mais n’avait pas reçu de réponse, tandis que l’AT no 1 avait actionné la glissière de son fusil aussi bruyamment que possible afin d’informer le plaignant qu’il était armé d’un fusil.

L’AI avait alors tenté de tirer le plaignant par les bras de dessous du lit, mais le plaignant avait résisté et s’était éloigné pour se remettre sous le lit. L’AT no 3 avait vu le plaignant déplacer ses mains derrière le dos et il avait vu une gaine brune et un manche brun à l’arrière du pantalon du plaignant et il avait crié [traduction] « couteau! » et avait saisi le manche du couteau, tirant l’arme du pantalon du plaignant, et l’avait jeté pour le mettre hors d’atteinte. Puis, l’AT no 3 avait vu une arme de poing argentée à la droite du plaignant, à portée de bras, et il a crié « pistolet! ». Lorsqu’il a entendu les cris de l’AT no 3, l’AI a crié au plaignant de lui montrer ses mains.

L’AI a déclaré qu’il pensait qu’il serait peut‐être obligé de faire feu sur le plaignant, si celui‐ci réussissait à prendre le pistolet, et, par conséquent, il s’était immédiatement penché et avait saisi la chemise du plaignant et avait commencé à le tirer vers lui pour le sortir de dessous du lit.

L’AI a déclaré qu’il ne pouvait voir la main gauche du plaignant, mais qu’il avait vu que le plaignant approchait la main droite du pistolet et qu’il sentait que le plaignant reculait et il n’obéissait pas à l’ordre de montrer ses mains. L’AI a continué de crier contre le plaignant d’arrêter de résister et de montrer ses mains. L’AI a précisé qu’il craignait que si le plaignant parvenait à saisir le pistolet, il fasse feu sur lui et qu’il soit obligé de tirer d’abord afin d’éviter cela.

À ce moment‐là, la main droite du plaignant se trouvait à environ 16 pouces du pistolet. L’AI a déclaré qu’en raison de cela, il avait saisi le plaignant et lui avait donné cinq ou six coups de poing au visage de toutes ses forces afin de lui faire perdre connaissance ou de le distraire et de l’empêcher d’essayer de saisir le pistolet, mais que le plaignant avait continué de résister. L’AI a expliqué qu’il avait continué à frapper le plaignant jusqu’à ce qu’il arrête d’essayer de prendre le pistolet.

Je conclus que cette preuve concorde avec les observations des autres agents de police présents et avec le témoignage du plaignant. L’AT no 3 a décrit le plaignant comme s’éloignant de l’AI et comme tendant sa main vers l’arrière et vers le pistolet, auquel moment l’AT no 3 avait vu l’AI donner au moins un coup de poing, voire plus, au visage du plaignant, tandis que l’AT no 1 a dit qu’il avait vu l’AI donner un coup de poing de distraction dans la région de la tempe droite du plaignant.

L’AI a expliqué qu’il avait alors réussi à tirer le plaignant au‐delà du bord du lit, sur le ventre au sol, entre le lit et le mur, mais qu’il ne pouvait toujours pas voir sa main gauche, qui était sous son corps. À ce moment‐là, l’AI était sur les genoux à côté de la partie supérieure gauche du torse du plaignant et a donné des coups de genou à cet endroit tout en tirant sur le bras gauche du plaignant afin d’éviter qu’il saisisse une quelconque autre arme qu’il avait peut‐être cachée sous son corps.

L’AT no 3 a indiqué qu’il avait vu l’AI donner au moins un coup au plaignant avec son genou, qui d’après lui, était entré en contact avec le front du plaignant.

L’AT no 2 a indiqué que pendant qu’il tentait de tirer et de sortir les bras du plaignant pour le menotter, lui aussi, avait administré trois coups avec son genou gauche aussi fort qu’il pouvait au plaignant, deux à l’arrière de la tête et un au haut du dos en dessous du cou. L’AT no 2 a indiqué qu’il n’avait jamais frappé le plaignant au visage. Tous les autres agents présents ont indiqué qu’ils n’avaient pas donné de coups au plaignant. Le plaignant a fini par être menotté. L’AI estimait que l’entière interaction avec le plaignant, du moment où le matelas avait été soulevé jusqu’au moment où il avait été menotté, avait duré environ une minute.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déclaration du TC no 1 qu’il souhaitait que les occupants de la chambre 9 soient retirés de la propriété, car il craignait qu’ils endommageaient les lieux, et qu’il avait demandé l’aide du SPRN à cette fin. À ce titre, en tant qu’agents intervenant à la demande du TC no 1, le propriétaire de la propriété, la police était légalement présente sur les lieux et était autorisée à en retirer les occupants, y compris le plaignant. La police était donc légalement autorisée à retirer le plaignant, dans les circonstances. Par la suite, lorsque la police avait vu que le plaignant avait en sa possession un couteau et une arme de poing, elle était légalement fondée à l’arrêter et à enquêter sur lui pour déterminer s’il avait peut-être commis des infractions liées aux armes.

En ce qui concerne la force utilisée par les agents dans leurs tentatives d’appréhender et de maîtriser le plaignant, je conclus que leur comportement était justifié dans les circonstances et bien qu’il soit clair que les actions de l’AI étaient la cause des blessures du plaignant, je ne peux conclure que la conduite de l’AI équivalait à un recours excessif à la force dans cette situation factuelle particulière.

Dans une situation où, comme c’était le cas ici, l’AI savait, grâce à l’avertissement crié par l’AT no 3, qu’une arme de poing et un couteau avaient été aperçus, et où l’AI n’avait pas vu le couteau, mais avait clairement vu l’arme de poing à portée de la main du plaignant et qui présentait une menace potentielle pour la sécurité non seulement de l’AI, mais aussi de celle de tous les agents présents, je ne peux conclure que ses gestes étaient excessifs dans les circonstances. Les gestes posés par l’AI, qui consistaient à donner des coups de poing au visage du plaignant aussi fort qu’il pouvait dans le but de lui faire perdre connaissance ou de le distraire afin d’éviter qu’il saisisse l’arme de poing, étaient certainement préférables à l’autre option envisagée par lui, à savoir qu’il pourrait être forcé à faire feu sur le plaignant pour protéger sa propre vie.

Les actions de l’AI, en donnant cinq ou six coups de poing ou plus au visage du plaignant pour lui faire perdre connaissance ou pour le distraire afin d’éviter qu’il saisisse ce qui semblait être aux yeux de toutes les personnes présentes une arme de poing, et par la suite, en donnant trois coups de genou à la partie supérieure gauche de son torse, ainsi que les actions de l’AT no 2, en administrant trois coups avec le genou gauche aussi fort qu’il pouvait au plaignant, et dont deux étaient entrés en contact avec l’arrière de sa tête, tandis qu’un troisième l’avait touché au haut du dos en dessous du cou, nécessitent une évaluation en conformité avec les normes énoncées dans la législation pertinente, soit l’article 34 et le paragraphe 25(1) du Code criminel du Canada.

En vertu du par. 34(1) du Code criminel, l’AI et l’AT no 2 auraient été autorisées à employer la force nécessaire pour empêcher le plaignant d’avoir accès à l’arme à feu à portée de son bras ou d’avoir accès à toute autre arme qu’il dissimulait peut‐être sous son corps, si :

  1. ils croyaient tous les deux, pour des motifs raisonnables, qu’ils étaient exposés à de la force ou à la menace d’emploi de la force
  2. ils avaient chacun seulement agi pour se défendre ou de se protéger contre cette force ou menace d’emploi de cette force
  3. le geste était raisonnable dans les circonstances

Dans toutes les circonstances, y compris le fait que le plaignant se cachait sous le lit avec ce qui semblait être une arme de poing et qu’il avait une deuxième arme, un couteau, dans une gaine au bas du dos, tout en refusant continuellement de présenter ses mains et tout en semblant vouloir saisir l’arme de poing et, par la suite, en mettant la main sous le corps pour peut‐être saisir une autre arme, je conclus que l’AI et l’AT no 2 avaient tous deux des motifs raisonnables de croire que de la force serait utilisée ou menaçait d’être utilisée contre eux, si le plaignant n’était pas maîtrisé et s’il parvenait à saisir une arme.

Par conséquent, je conclus que les actions de l’AI et de l’AT no 2 étaient justifiées aux termes de l’article 34 du Code criminel parce qu’il s’agissait de légitime défense et qu’il était nécessaire de protéger les autres agents de police présents et que l’AI et l’AT no 2 n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour atteindre leur objectif légitime en vertu du par. 25 (1) du Code criminel. Je trouve appui dans cette conclusion dans le fait que toutes les parties conviennent que dès que le plaignant avait présenté ses mains et avait été menotté, aucun des agents de police n’avait donné d’autres coups au plaignant.

En ce qui concerne les exigences visées par les paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

J’ai également pris en considération la décision rendue par le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Chartier c. Greaves, [2001] O.J. No. 634, telle qu’adoptée par la Cour suprême du Canada, dans laquelle il énonce un certain nombre d’autres principes juridiques tirés des précédents cités, dont les suivants :

[traduction]

  1. Quel que soit l’article du Code criminel utilisé pour évaluer les actions de la police, la Cour doit mesurer la force qui était nécessaire en tenant compte des circonstances entourant l’événement en cause
  2. « Il faut tenir compte dans une certaine mesure du fait qu’un agent, dans les exigences du moment, peut mal mesurer le degré de force nécessaire pour restreindre un prisonnier. » Le même principe s’applique à l’emploi de la force pour procéder à une arrestation ou empêcher une évasion. À l’instar du conducteur d’un véhicule faisant face à une urgence soudaine, le policier « ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention. » (Foster c. Pawsey). En d’autres termes, c’est une chose que d’avoir le temps, dans un procès s’étalant sur plusieurs jours, de reconstituer et d’examiner les événements survenus le soir du 14 août, mais c’en est une autre que d’être un policier se retrouvant au milieu d’une urgence avec le devoir d’agir et très peu d’un temps précieux pour disséquer minutieusement la signification des événements ou réfléchir calmement aux décisions à prendre. (Berntt c. Vancouver)
  3. Les agents de police exercent une fonction essentielle dans des circonstances parfois difficiles et souvent dangereuses. La police ne doit pas être indûment entravée dans l’exécution de cette obligation. Les policiers doivent fréquemment agir rapidement et réagir à des situations urgentes qui surviennent soudainement. Leurs actes doivent donc être considérés à la lumière des circonstances
  4. « Il est à la fois déraisonnable et irréaliste d’imposer à la police l’obligation d’employer le minimum de force nécessaire susceptible de permettre d’atteindre son objectif. Si une telle obligation était imposée aux policiers, il en résulterait un danger inutile pour eux-mêmes et autrui. En pareilles situations, les policiers sont fondés à agir et exonérés de toute responsabilité s’ils n’emploient pas plus que la force qui est nécessaire en agissant sur le fondement de leur évaluation raisonnable des circonstances et des dangers dans lesquels ils se trouvent. » (Levesque c. Zanibbi et autres)

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Dans cette affaire, il est clair que la force employée par l’AI et l’AT no 2 et les autres agents qui ont aidé à tirer le plaignant de dessous du lit et suffisamment loin pour qu’il ne puisse saisir le pistolet, tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise en détention légale et éliminer le risque qu’il continuait de poser tant qu’ils ne pouvaient pas contrôler ses mains et tant qu’il avait la possibilité de saisir une autre arme potentielle.

En conclusion, après avoir examiné l’ensemble de la preuve et la jurisprudence à cet égard, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension du plaignant et la façon dont elle s’est déroulée étaient légitimes, nonobstant la blessure qu’il a subie. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par les agents sont conformes aux limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 26 avril 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.