Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-051

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 30 ans aurait subie lors de son arrestation survenue le 17 février 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 mars 2017, à 9 h 58, le Service de police de Hamilton (SPH) a informé l’UES d’une plainte reçue du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP).

Le plaignant y allègue que le 17 février 2016, il a garé son véhicule dans un stationnement municipal à Hamilton. Après avoir verrouillé son véhicule, il marchait vers la rue lorsqu’il a remarqué une voiture de patrouille du SPH avec ses feux d’urgence activés dans le terrain de stationnement. Le plaignant a entendu quelqu’un crier [traduction] « Eh, venez ici! », mais il a continué de marcher. Il a alors vu un agent de police courir vers lui. Le plaignant a commencé à courir dans la rue parce qu’il voulait être à la vue du public, en raison de mauvaises expériences avec le SPH dans le passé. L’agent de police a plaqué le plaignant au sol pour procéder à son arrestation. Le plaignant a été aspergé de gaz poivré et a reçu des coups de pied sur le côté gauche de la cage thoracique. À ce moment‐là, le plaignant ne s’est pas rendu compte que sa côte était fracturée, en raison de la douleur. Ultérieurement, il a appris qu’on avait aussi utilisé sur lui une arme à impulsions. Après qu’on l’eut menotté, le plaignant a été placé dans une autopatrouille. On a appelé les SMU et les ambulanciers paramédicaux ont nettoyé le visage du plaignant en raison du gaz poivré.

Le plaignant a dit qu’il avait une douleur aux côtes pendant qu’il était sous garde, mais ce n’est qu’après sa libération, le 3 mars 2016, qu’il a passé une radiographie qui a confirmé qu’il avait une côte fracturée à gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Plaignant :

homme âgé de 30 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 A participé à une entrevue mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 3 A décliné l’entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; notes reçues et examinées.

Preuve

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a reçu quatre fichiers vidéo enregistrés par l’une des témoins civils. La vidéo montre l’activité près de l’intersection où l’interaction a eu lieu. Voici un résumé des images vidéo.

Fichier vidéo no 1

  • Le fichier renferme des images vidéo qui vont de 00 h 01 à 03 h 33, et il n’y a pas d’indication de l’heure
  • À 00 h 01, on voit l’AI no1 et l’AI no 3 lutter avec le plaignant côté ouest de la rue
  • Le plaignant est couché sur le sol, la tête pointée vers le nord, et les pieds pointés vers le sud
  • Il y a de la neige au sol
  • L’AI no3 est positionné à la droite du plaignant, au niveau de son torse
  • L’AI no3 essaye de tirer les mains du plaignant de dessous son corps pour les lui mettre dans le dos et ordonne au plaignant [traduction] « mettez‐les dans le dos; laissez‐les là; laissez‐les. »
  • L’AI no1 s’agenouille à la droite de la tête du plaignant et parle sur sa radio portative en indiquant à quel endroit se produit l’interaction
  • L’AI no1 se penche au‐dessus du plaignant et cherche à atteindre ses mains sous son corps
  • L’AI no1 perd l’équilibre et tombe sur le corps du plaignant, mais il se redresse rapidement
  • L’AI no1 tente de contrôler la tête, le cou et le haut du corps du plaignant
  • À 00 h 12, on entend le plaignant dire [traduction] « Oh mon dieu, j’peux plus respirer. »
  • À 00 h 15, on entend une sirène de véhicule de police et on voit le reflet des feux rouges dans la zone
  • À 00 h 22, les agents font rouler le plaignant du ventre jusqu’au côté droit, puis sur le dos, puis sur le côté gauche, tandis que celui‐ci agite ses bras
  • À 00 h 24, on voit l’AI no3 administrer trois coups de poing sur le côté droit du corps du plaignant, au niveau des côtes
  • Le plaignant roule ensuite de son côté gauche jusqu’à se retrouver sur le ventre, position dans laquelle il se maintient
  • À 00 h 26, une autopatrouille arrive du sud de la rue et un agent [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI no2] sort du véhicule et court vers le plaignant
  • On entend l’AI no2 demander [traduction] « Est‐ce qu’il se débat? »
  • On entend plusieurs agents de police crier [traduction] « Arrêtez de lutter » et « Arrêtez de résister. »
  • À 00 h 27, en utilisant sa main et son avant‐bras droits, l’AI no1 administre un coup de poing sur le haut du dos du plaignant
  • À 00 h 29, l’AI no3 met sa jambe gauche sur le corps du plaignant et se positionne sur le plaignant
  • À 00 h 31, on voit l’AI no2 marcher autour du plaignant et se tenir debout près de sa tête
  • L’AI no1 reste agenouillé au sol, à la gauche de l’AI no
  • Le plaignant demeure sur le ventre
  • À 00 h 33, on entend un policier dire [traduction] « Arrêtez de résister » et le plaignant dire « OK »
  • À 00 h 34, on voit le pied droit de l’AI no2 se balancer légèrement en direction de la tête du plaignant
  • En raison du positionnement de l’AI no1 qui est en train de lutter avec le plaignant, on ne voit pas clairement si le pied droit de l’AI no 2 a fait contact avec le plaignant
  • À 00 h 35, un agent de police non identifié entre dans le champ de la caméra sur le trottoir, depuis le côté sud
  • Le policier non identifié se place sur le flanc droit du plaignant et s’agenouille au niveau de ses jambes
  • Un grand poteau obstrue la vue de la caméra, et les gestes de l’agent de police inconnu sont obscurcis
  • À 00 h 38, un agent [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no1] apparaît sur la vidéo et est vu en train de s’agenouiller à gauche de l’AI no
  • On voit ensuite l’AT no1 à droite du plaignant
  • Le plaignant dit [traduction] « J’peux pas respirer. »
  • À 00 h 39, on entend une voix masculine dire [traduction] « [inaudible] Bougez votre bras. Ça y est, je l’ai. »
  • À 00 h 40, l’AI no2 se lève et se penche vers l’AI no
  • L’AI no2 place alors sa main gauche sur le dos de l’AI no 1 et sa main droite sur l’arrière du cou de l’AI no
  • On voit ensuite l’AI no2 reculer son pied droit puis donner un coup de pied sur le côté gauche du corps du plaignant, au‐dessus de la taille
  • On peut entendre un bruit sourd après le coup de pied
  • L’AI no2 s’agenouille alors sur la région du haut du corps du plaignant et lutte avec lui
  • Le dos de l’AI no2 obstrue la vue de ce que l’AI no 2 est en train de faire, éventuellement, avec les mains devant son corps
  • À 00 h 41, on entend le plaignant dire [traduction] « j’peux pas respirer. »
  • À 00 h 42, on voit un agent [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no4] s’agenouiller au niveau des jambes du plaignant
  • En raison du grand poteau qui obstrue la vue de la caméra, on ne voit pas les éventuels gestes posés par l’AT no
  • À 00 h 44, on entend des policiers dire [traduction] « Arrêtez de résister, » « Arrêtez, » « Donne‐moi tes hosties de mains, » et « Mets ta tête en arrière, hostie, » et le plaignant répondre « OK »
  • À 00 h 48, une autopatrouille arrive, mais on n’a pas pu l’identifier
  • À 00 h 49, on voit l’AI no2 donner un élan à sa jambe droite et donner un coup de pied vers le haut du corps du plaignant, et on entend clairement un bruit sourd
  • On ne peut pas dire avec certitude s’il y a eu contact physique entre le pied de l’AI no2 et le plaignant
  • À 00 h 51, on voit le pied gauche de l’AI no2 donner un coup vers la partie supérieure du corps du plaignant, et un léger bruit sourd est entendu
  • On ne sait pas clairement s’il y a eu contact physique entre le pied de l’AI no2 et le plaignant
  • À 00 h 53, un agent [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no2] sort d’un véhicule de police et marche jusqu’à l’endroit où les policiers sont en train de lutter avec le plaignant
  • À 01 h 07, on voit l’AI no1 regarder l’AT no 2, pointer sa main droite et dire [traduction] « Est‐ce quelqu’un peut aller chercher cette voiture de location? »
  • On entend un homme non identifié dire [traduction] « Qu’est‐ce qui se passe AI no1? »
  • L’AI no1 répond [traduction] « Tu surveilleras mon autopatrouille. »
  • Le plaignant répète [traduction] « J’peux plus respirer. »
  • À 00 h 59, une agente de police non identifiée entre dans le champ de la caméra depuis le côté sud en marchant sur le trottoir, se dirige vers la tête du plaignant puis sort du champ de la caméra côté nord
  • À 01 h 21, la caméra fait un zoom sur le plaignant puis sur l’AI no1, l’AI no 2, l’AI no 3 et l’AT no
  • L’AI no3 et l’AT no 1 prennent le contrôle des mains du plaignant et le menottent dans le dos
  • On peut entendre le cliquetis des menottes que l’on referme sur les poignets du plaignant
  • À 01 h 24, on voit l’AI no2 marcher jusqu’à son autopatrouille, y entrer et conduire en direction nord dans la rue
  • À 01 h 40, l’AI no1 et l’AT no 1 tentent de soulever le plaignant, mais ce dernier dit qu’il n’arrive pas à se lever
  • À 01 h 52, on entend l’AI no1 annoncer dans sa radio portable [traduction] « tout est 10‐4; nous l’avons finalement mis sous garde. »
  • À 01 h 56, on entend une voix masculine dire [traduction] « Vous pouvez marcher ou on peut vous traîner, c’est votre choix. »
  • À 02 h 10, l’AT no1 et l’AT no 4 font marcher le plaignant en direction sud, dans la rue
  • La caméra se déplace vers la droite au‐delà des autres fenêtres d’appartements et continue de filmer les policiers qui marchent en direction sud
  • À 02 h 54, on voit l’AI no1 avec une arme à impulsions dans la main droite

Fichier vidéo no 2

  • Le fichier renferme des images vidéo qui vont de 00 h 01 à 02 h 37, mais il n’y a pas d’indication de l’heure
  • Les images de la vidéo sont de mauvaise qualité
  • La vidéo montre plusieurs véhicules de police dont les feux d’urgence sont activés, mais il est impossible d’identifier le numéro de chaque véhicule de police en raison de la vue partiellement obstruée
  • À 00 h 08, on entend parler une voix masculine, mais ce qu’elle dit est inaudible
  • À 00 h 09, on entend une agente de police dire [traduction] « Ne bougez pas. »
  • À 00 h 13, on entend une agente de police dire [traduction] « Tournez‐vous vers moi. »
  • À 00 h 23, on entend une agente de police dire [traduction] « Tournez‐vous vers moi; arrêtez de bouger. »
  • À 00 h 34, on entend le plaignant crier [traduction] « Eh, toi, enregistre ce merdier. Filme‐le, filme‐le, filme‐le. »
  • Un agent de police et une agente de police répètent [traduction] « Asseyez‐vous. »
  • À 00 h 46, on entend un homme dire [traduction] « Je ne joue pas à ce petit jeu. »
  • À 00 h 49, on entend une agente de police dire [traduction] « les pieds à l’intérieur »
  • À 00 h 53, on entend, à distance, une voix de femme crier [traduction] « on vous filme. »
  • À 01 h 15, on entend une voix masculine dire [traduction] « pousse‐moi pas, mon hostie. Pousse‐moi pas. Pousse‐moi pas. »
  • À 01 h 29, on entend une voix d’homme dire [traduction] « Commence pas à m’insulter mon hostie. »
  • À 02 h 13, on entend le plaignant crier [traduction] « Je respire plus, je respire plus. »
  • À 02 h 16, la témoin civile qui enregistre l’activité crie [traduction] « Non, mais franchement, ça vous fait rire ça? Ça se peut‐tu agir comme ça? Qu’est‐ce qu’il a fait d’abord? Non, mais franchement! »

Fichier vidéo no 3

  • Ce fichier renferme des images vidéo qui vont de 00 h 01 à 02 h 12 et il n’y a pas d’indication de l’heure
  • Un policier et une policière se tiennent à l’extérieur
  • La caméra les montre des pieds à la taille
  • La témoin civile qui enregistre l’incident crie à la police pour demander à savoir ce que le plaignant a fait, parce que, dit‐elle, les policiers ont agressé le plaignant
  • On entend un agent de police de sexe masculin expliquer à la témoin civile que ce n’est pas de ses affaires et lui demander si elle et l’avocate du plaignant
  • La témoin civile rétorque que le plaignant a été tabassé pour rien
  • Une agente de police ordonne à la témoin civile de rentrer chez elle et lui dit qu’elle n’est pas autorisée à divulguer de renseignements sur l’arrestation du plaignant car cela compromettrait son droit à la protection de la vie privée
  • La témoin civile dit qu’elle a tout l’incident sur vidéo, puis elle retourne chez elle
  • À 01 h 02, la témoin civile dit [traduction] « Ça prend quoi, 10 flics pour maîtriser un homme, l’asperger de poivre et lui donner des coups de pied au visage quand il est à terre? Ouais, c’est bien logique tout ça. Non, mais franchement, ça se peut‐tu? »

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPH les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé du dossier du cas
  • copie de la plainte déposée au BDIEP
  • tableau de service
  • chronologie des événements
  • renseignements sur l’événement
  • historique des événements de l’unité
  • notes de l’AI no3, l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 4, l’AT no 5, l’AT no 6, l’AT no 7 et l’AT no 8
  • résumé des témoignage anticipés (énoncés « va dire ») de l’AT no1 et de l’AT no

Description de l’incident

Le 17 février 2016, vers 00 h 37, le plaignant a conduit son véhicule de location dans un stationnement municipal et a continué jusqu’à un terrain privé adjacent, où il a garé son véhicule. L’AI no 1, qui était en train de patrouiller le secteur, a remarqué le véhicule du plaignant. L’AI no 1 a interrogé la base de données pour vérifier le numéro de plaque et a constaté que le véhicule était immatriculé au nom d’une agence de location de voitures à Scarborough.

L’AI no 1 a indiqué qu’après avoir observé le plaignant s’engager sur le terrain de stationnement municipal et se garer dans un petit stationnement non éclairé et non pavé, il a décidé d’effectuer un contrôle routier en vertu du paragraphe 216(1) du Code de la route de l’Ontario. Il a activé les feux d’urgence sur le toit de son autopatrouille et a avisé le répartiteur qu’il effectuait un contrôle routier. L’AI no 1 a arrêté son autopatrouille environ 10 à 15 pieds devant le véhicule du plaignant. Pour des raisons de sécurité, l’AI no 1 a allumé le phare de recherche fixé sur le côté de son autopatrouille et a dirigé le faisceau de lumière sur le plaignant. L’AI no 1 et le plaignant sont sortis de leurs véhicules respectifs en même temps. L’AI no 1 a ordonné au plaignant de retourner dans son véhicule. Le plaignant n’a pas obtempéré et a marché jusqu’au côté passager de son véhicule en disant [traduction] « Quoi? Je ne conduisais pas ». L’AI no 1 a continué d’ordonner au plaignant de retourner à l’intérieur de son véhicule, mais le plaignant a pris la fuite à pied. L’AI no 1 a estimé qu’il avait maintenant des motifs d’appréhender le plaignant pour ne pas s’être identifié en vertu du paragraphe 33(3) du Code de la route.

Le plaignant a couru en direction est dans une allée puis en direction sud sur une rue et en direction ouest sur une deuxième rue. S’étant lancé à sa poursuite, l’AI no 1 a crié au plaignant d’arrêter. Il a annoncé sur sa radio qu’il était en mode de poursuite à pied et a demandé des renforts. Dans la deuxième rue, l’AI no 1 a rattrapé le plaignant et l’a agrippé aux épaules. C’est à ce moment‐là que l’AI no 1 s’est rendu compte à quel point le plaignant était fort. Le plaignant a fait volteface et a assené à l’AI no 1 un coup de poing qui a éraflé le haut de son front et l’a fait lâcher le plaignant.

Le plaignant s’est alors enfui en courant en direction nord, sur le trottoir de la deuxième rue. L’AI no 1 a utilisé son arme à impulsions, et les dards ont atteint le plaignant au dos à une distance d’environ 25 pieds. Le déploiement de l’arme à impulsions ne semblait pas avoir eu d’effet sur le plaignant, qui a continué de courir avec les dards encore attachés à son dos. L’AI no 1 a de nouveau appuyé sur la détente de l’arme à impulsions et une autre décharge électrique a été déployée pendant cinq secondes[1]. Cette dernière décharge a été partiellement efficace, car le plaignant s’est penché, a ralenti sa course et avait les bras qui ballotaient, ce qui dénotait une neutralisation musculaire partielle. Toutefois, le plaignant a quand même réussi à courir vers le nord sur une troisième rue. L’AI no 1 l’a rattrapé sur le trottoir côté ouest de la troisième rue, laquelle était juste au nord de la deuxième rue.

L’AI no 1 a agrippé le plaignant de derrière, et les deux hommes sont tombés sur un amas d’immondices. L’AI no 1 a atterri sur le dos du plaignant. Le plaignant avait les mains enfouies sous son corps. L’AI no 1 a saisi le bras du plaignant et a essayé de le tirer, mais le plaignant était fort et son bras ne bougeait pas. L’AI no 1 a crié au plaignant d’arrêter de résister. L’AI no 1 craignait que le plaignant ne dissimule une arme sous son corps. L’AI no 1 était épuisé d’avoir couru et a déclaré qu’une montée d’adrénaline lui a momentanément causé une perte auditive, si bien qu’il n’a pas entendu le plaignant se plaindre qu’il ne pouvait pas respirer. Après une minute environ, L’AI no 3 est arrivé et a tenté, sans succès, de prendre le contrôle du bras gauche du plaignant. L’AI no 1 a décidé d’asperger le plaignant de gaz poivré au visage, ce qui a fait un peu desserrer ses bras au plaignant. Par contamination croisée, l’AI no 1 avait été aussi éclaboussé par le gaz poivré, ce qui lui a brouillé la vision. Le plaignant a continué de lutter et, lorsqu’il a tenté de se lever, l’AI no 1 lui a administré, de la main droite, un coup de poing sur le haut du dos. C’est la seule fois que l’AI no 1 a frappé le plaignant.

L’AI no 2 et l’AT no 1 sont arrivés pour prêter assistance, étant suivis peu de temps après par l’AT no 4, l’AT no 2 et l’AT no 5. Après deux à trois minutes de lutte au sol, le plaignant a fini par être menotté. L’AI no 1 ne se rappelait pas qui avait menotté le plaignant. L’AI no 1 était épuisé. Il n’a vu aucun autre agent donner un coup de poing ou un coup de pied au plaignant. L’AI no 1 a fouillé le plaignant et a trouvé une petite balance de couleur grise avec des résidus de cocaïne et plus de 2 000 $ en espèces dans les poches de son jean. Plus tard, l’AI no 1 a fouillé le véhicule du plaignant et y a trouvé le contrat de location qui indiquait que le véhicule avait été loué par quelqu’un d’autre que le plaignant. L’AI no 1 a également trouvé de la marijuana dans un sac de plastique qui était sur le siège conducteur. L’AI no 1 a porté des accusations contre le plaignant pour avoir agressé un agent de la paix, avoir résisté à son arrestation et avoir été en possession de résidus de cocaïne[2]. Les accusations portées contre le plaignant ont été retirées par la suite.

L’AT no 1 a également répondu à la demande d’aide de l’AI no 1. Lorsqu’elle est arrivée, l’AT no 1 a vu le plaignant couché sur le sol en train de lutter avec l’AI no 1 et l’AI no 3. L’AT no 1 s’est placée du côté droit du plaignant et a essayé de prendre le contrôle de son bras droit. Elle s’est immédiatement rendue compte qu’il était très fort. Elle a utilisé les deux mains dans sa tentative de maîtriser le plaignant, mais sans succès. À plusieurs reprises elle a ordonné au plaignant de montrer ses mains. L’AT no 1 a donné un premier coup de poing au plaignant. D’autres agents étaient impliqués dans la lutte avec le plaignant, mais l’AT no 1 ne se souvenait que de l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3. À un moment donné, l’AT no 1 a regardé vers la gauche et a remarqué que l’AI no 2 était placé près de la tête et de la région des épaules du plaignant. Elle a vu la botte de l’AI no 2 faire contact avec le visage ou la tête du plaignant, mais elle n’était pas certaine du degré ou de la force de l’impact. Elle n’a pas elle‐même vu l’AI no 2 donner un coup de pied au plaignant. Le plaignant a finalement été menotté dans le dos.

L’AT no 4 se souvient que lorsqu’il est arrivé sur les lieux, il a vu l’AI no 1, l’AI no 2 et un troisième agent non identifié en train de lutter pour maîtriser le plaignant, lequel était au sol. Le plaignant était solidement bâti et donnait des coups de pied aux agents avec les deux pieds. L’AI no 1 semblait épuisé. L’AT no 4 s’est posé en travers sur les jambes du plaignant et a dû se servir à la fois de ses mains et de ses genoux pour maintenir les jambes du plaignant au sol en raison de la force du plaignant. Le plaignant a continué de sa débattre et de résister. L’AT no 4 a administré un certain nombre de coups de poing et de coups de genou au plaignant tandis qu’il s’efforçait de contrôler les jambes du plaignant. D’autres agents sont arrivés pendant l’incident, mais il ne se souvenait pas de qui ni de leur rôle. Le plaignant a finalement été menotté. Après qu’on eut fouillé le plaignant, il a été emmené à l’autopatrouille de l’AT no 4, où on lui a fait prendre place sur le siège arrière. À 00 h 48, l’AT no 4 a conduit jusqu’à un terrain de stationnement situé à proximité pour attendre l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, lesquels ont nettoyé les yeux du plaignant qui avaient été irrités par le gaz poivré. À 01 h 08, l’AT no 4 a transporté le plaignant au poste.

L’AI no 2 a déclaré avoir entendu sur la radio de la police qu’un suspect avait tenté de frapper l’AI no 1. Lorsqu’il est arrivé sur les lieux à 00 h 40, l’AI no 2 a vu l’AI no 1, l’AI no 3 et l’AT no 4 en train de lutter pour maîtriser le plaignant, lequel était couché sur le sol et pas encore menotté. L’AT no 4 était placé du côté gauche du plaignant tandis que l’AI no 1 et l’AI no 2 se trouvaient sur le côté droit. Le plaignant avait les deux bras sous son corps et se débattait avec les trois agents, qui semblaient de plus en plus épuisés. Les agents criaient au plaignant d’arrêter de résister et de leur donner ses mains. Le plaignant criait aussi. D’une position où il se tenait debout, l’AI no 2 a tenté à plusieurs reprises, sans succès, de tirer le bras gauche du plaignant de dessous son corps. L’AI no 2 craignait que le plaignant dissimule une arme et s’inquiétait de plus en plus au sujet de l’endurance des agents qui se fatiguaient. Le gaz poivré qui avait été déployé à un moment donné commençait à lui brûler les narines et les yeux. L’AI no 2 a également vu les dards d’une arme à impulsions qui, selon lui, avait été déployée sans succès Comme les communications tactiques, les techniques de coups à poing fermé, l’utilisation de gaz poivré et le déploiement de l’arme à impulsions avaient échoué, l’AI no 2 a décidé, comme manœuvre de distraction, d’administrer un coup de pied au plaignant dans la région de l’épaule gauche. En recevant ce coup de pied, le plaignant a laissé aller son bras de dessous son corps, ce qui a permis à l’AI no 2 de lui tirer le bras gauche pour le lui mettre dans le dos afin de le menotter. Le plaignant a continué de se débattre même après qu’on l’eut menotté.

Lorsque l’AT no 2 est arrivé sur les lieux, il se souvient d’avoir vu environ cinq agents en train de lutter pour maîtriser le plaignant, lequel était couché sur le sol. L’AT no 2 a supposé qu’il y avait un nombre suffisant d’agents présents et a demandé à l’AI no 1 s’il pouvait fournir une assistance sur un autre front. L’AI no 1 lui a demandé de trouver et de fouiller le véhicule du plaignant et les environs dans un stationnement à proximité. L’AT no 2 a trouvé le véhicule et l’a fouillé. Il a aussi fouillé les environs immédiats, mais n’a rien trouvé qui pouvait avoir une valeur probante. Le véhicule a finalement été remorqué et l’AT no 2 n’a pas davantage participé à l’incident.

L’UES a obtenu et visionné une vidéo qu’une témoin civile a enregistrée à l’aide de son téléphone cellulaire à proximité du lieu de l’incident. Au début de l’enregistrement, on voit l’AI no 1 couché de travers sur le haut du dos du plaignant et pesant de tout son poids sur le plaignant, lequel était sur le ventre, le visage dans la neige. L’AI no 3 était du côté droit du plaignant, essayant de prendre le contrôle des mains du plaignant pendant qu’il lui ordonnait de laisser aller ses mains. Le plaignant s’est plaint à maintes reprises qu’il ne pouvait pas respirer, si bien que les agents l’ont fait rouler pour le mettre sur le dos, ses deux mains étant maintenant visibles et devant lui. Le plaignant a lutté pendant que les agents tentaient de prendre le contrôle de ses mains. L’AI no 1 a administré une fois un coup de poing au plaignant sur la partie supérieure droite du torse/dos. L’AI no 3 a administré trois coups de poing sur la région abdominale gauche du plaignant tandis qu’il continuait d’être placé sur le dos et le côté du plaignant. L’AI no 2 est arrivé sur les lieux pour aider et est resté debout au niveau de la tête du plaignant. À plusieurs reprises, on entend, dans l’enregistrement, les agents dire [traduction] « Arrêtez de lutter » et « Arrêtez de résister ». L’AI no 2 a utilisé son pied droit pour donner un coup sur ce qui a semblé être le milieu du corps du plaignant, bien que cela ne soit pas tout à fait clair. Un bruit sourd distinct a été entendu. L’AI no 2 s’est ensuite servi de son autre pied, un peu comme s’il donnait de petits coups à l’aveuglette, pour toucher à deux reprises une région où semblaient se trouver la tête et le haut du corps du plaignant, mais il n’est pas possible de voir où le coup a atterri ou s’il a fait contact avec le plaignant. Un poteau et les positions des corps des agents ont parfois obscurci la vue du plaignant, lequel est demeuré couché sur le sol. Il n’y avait aucune preuve vidéo claire que le plaignant ait reçu un coup de pied au visage ou à la tête[3]. Le plaignant a continué de lutter avec les agents. Bien que la vue du corps et des gestes du plaignant était obstruée, on entend à maintes reprises les agents lui crier de mettre ses mains dans le dos, pendant que le plaignant continuait de crier qu’il ne pouvait pas respirer. Le plaignant a finalement été menotté dans le dos et escorté jusqu’à un véhicule de police.

Il est allégué que le plaignant a dit qu’il avait des douleurs aux côtes pendant qu’il était sous garde. Le 3 mars 2016, il a été confirmé que le plaignant avait une côte fracturée à gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 216 (1) du Code de la route de l’Ontario – Pouvoir d’un agent de police

216 (1) Un agent de police, dans l’exercice légitime de ses fonctions, peut exiger du conducteur d’un véhicule, autre qu’une bicyclette, qu’il s’arrête. Si tel est le cas, à la suite d’une demande ou de signaux, le conducteur obéit immédiatement à la demande d’un agent de police identifiable à première vue comme tel.

Paragraphe 33 (3) du Code de la route de l’Ontario – Identité en cas de non-présentation du permis

33 (3) Quiconque n’est pas en mesure de présenter son permis ou refuse de le faire conformément au paragraphe (1) ou (2) est tenu, lorsqu’un agent de police ou un agent chargé de l’application de la présente loi le lui demande, de s’identifier de façon suffisante. Pour l’application du présent paragraphe, le nom et l’adresse exacts de cette personne sont réputés constituer une identification suffisante.

Paragraphe 217 (2) du Code de la route de l’Ontario – Arrestation sans mandat

217 (2) L’agent de police qui a des motifs raisonnables et probables de croire qu’il a été contrevenu aux dispositions du paragraphe 9 (1), 12 (1), 13 (1), 33 (3), 47 (5), (6), (7) ou (8), de l’article 51 ou 53, du paragraphe 106 (8.2), de l’article 130, 172 ou 184, du paragraphe 185 (3), de l’alinéa 200 (1) a) ou du paragraphe 216 (1), peut procéder sans mandat à l’arrestation de la personne dont il croit qu’elle est l’auteur de la contravention.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Alinéa 129 a) du Code criminel – Infractions relatives aux agents de la paix

129 Quiconque, selon le cas :

  1. volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 495 (1) du Code criminel – Arrestation sans mandat par un agent de la paix

495 (1) Un agent de la paix peut arrêter sans mandat :

  1. une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel
  2. une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle; ou
  3. une personne contre laquelle, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, un mandat d’arrestation ou un mandat de dépôt, rédigé selon une formule relative aux mandats et reproduite à la partie XXVIII, est exécutoire dans les limites de la juridiction territoriale dans laquelle est trouvée cette personne

Analyse et décision du directeur

Aux petites heures du matin, le 17 février 2016, le plaignant a été arrêté par des membres du Service de police de Hamilton (SPH). Pendant l’interaction, le plaignant a eu une côte fracturée. Je ne suis pas en mesure de trouver des motifs raisonnables m’amenant à croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ait commis une infraction criminelle en lien avec les blessures subies par le plaignant durant leur interaction.

Je me penche d’abord sur la question de savoir si l’AI no 1 avait le pouvoir d’arrêter le plaignant. Le paragraphe 216(1) du Code de la route confère aux agents de police le pouvoir général d’arrêter le conducteur d’un véhicule lorsqu’ils agissent dans l’exercice légitime de leurs fonctions. Au moment de l’incident, l’AI no 1 portait un uniforme, effectuait une patrouille et conduisait un véhicule de police identifié comme tel. Conduisant un véhicule de location, le plaignant, depuis la chaussée, s’est engagé sur le terrain de stationnement municipal, mais l’a traversé pour aller garer son véhicule sur un terrain privé, dans l’obscurité, immédiatement avant que l’AI no 1 ne s’approche de lui. Selon AI no 1, le plaignant n’a pas suivi sa directive de retourner dans son véhicule pour permettre à l’AI no 1 de le questionner. Au lieu de cela, le plaignant a pris la fuite en courant, ce qui a empêché l’AI no 1 d’effectuer des vérifications sur son identité et sur l’immatriculation du véhicule[4]. L’AI no 1 a crié au plaignant de s’arrêter, mais celui‐ci a refusé et a continué de s’enfuir à pied. Le paragraphe 217(2) du Code de la route confère aux agents de police le pouvoir d’arrêter une personne sans mandat si elle omet de s’identifier lorsqu’ils en font la demande conformément au paragraphe 33(3) du Code de la route. De plus, l’alinéa 129(a) du Code criminel interdit l’entrave délibérée d’un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions. Lorsqu’il est parti en courant pour se soustraire aux efforts de l’AI no 1 de lui parler, le plaignant a empêché l’AI no 1 d’avoir la possibilité de vérifier son identité. Qui plus est, les actions du plaignant constituaient sans doute en soi une tentative d’entraver l’exercice des fonctions légitimes d’un agent de police. Le paragraphe 495(1) du Code criminel permet aux agents de police d’arrêter sans mandat une personne qui a commis une infraction criminelle, comme celle d’entraver un agent de la paix dans l’exécution de son devoir et dont il est nécessaire d’établir l’identité. Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l’AI no 1 avait des motifs légitimes d’arrêter le plaignant sans mandat.

La question qu’il me faut trancher ensuite est de savoir si les AI ont usé d’une force excessive dans leurs tentatives d’arrêter le plaignant. À la lumière d’un examen de l’ensemble de la preuve, il est clair que le plaignant a reçu de multiples coups de poing et coups de pied pendant son arrestation par les agents impliqués du SPH, lesquels réagissaient à la résistance qu’il opposait à leurs efforts pour l’appréhender. Selon la prépondérance de la preuve, y compris un examen de la preuve vidéo, le plaignant, qui était de très solide stature, n’écoutait pas les agents de police ni ne coopérait avec eux, bien que ceux‐ci lui intimaient légitimement l’ordre de cesser de résister et de donner ses mains et qu’ils lui ont ensuite appliqué une variété d’options de recours à la force, dont la maîtrise physique, le gaz poivré et deux déploiements d’arme à impulsions, à la suite de quoi, certains des agents impliqués ont recouru à l’administration de coups de poing et de coups de pied pour le faire obtempérer. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Or, la jurisprudence établit clairement aussi qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter) (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et qu’on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206). Les blessures du plaignant ont consisté en une à trois côtes fracturées sans déplacement, ce qui, bien que cela soit important, ne correspond pas à la violente agression alléguée. Dans ces circonstances et compte tenu de la résistance constante du plaignant, je ne saurai conclure que la force employée par les agents impliqués était déraisonnable ou d’un degré plus élevé que la force nécessaire pour procéder à l’arrestation.

Ainsi, je ne suis pas convaincu, dans ce dossier, que la force employée pour arrêter le plaignant sortait des limites prescrites par le droit criminel. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de trouver des motifs raisonnables m’amenant à croire que l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 ont commis une infraction criminelle durant leurs interactions avec le plaignant le 17 février 2016. Aucune accusation ne sera donc portée, et cette affaire sera classée.

Date : 1er mai 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Les données téléchargées de l’arme à impulsions attribuée à l’AI no 1 ont confirmé que l’arme a été déployée deux fois pendant cinq secondes lors de l’incident. [Retour au texte]
  • 2) [2] Selon les renseignements fournis par le SPH, le plaignant a été accusé de voies de fait sur l’AI no 1 dans l’intention de résister à son arrestation ou à sa détention, de possession de marijuana, de possession de cocaïne et de possession de produits de la criminalité. [Retour au texte]
  • 3) [3] Si le plaignant avait reçu au visage un coup de pied le moindrement appuyé, on peut supposer qu’il aurait subi des blessures importantes au visage. Or de telles blessures n’ont pas été relevées dans les dossiers médicaux. [Retour au texte]
  • 4) [4] Il s’est avéré que le véhicule était loué au nom d’une autre personne que le plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.