Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-127

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête menée par l’UES sur un incident survenu le 20 mai 2017 impliquant des agents du Service de police de Toronto (SPT) durant lequel un homme de 54 ans aurait subi une blessure grave.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été informée de l’incident par le plaignant le 24 mai 2017 à 11 h. Le plaignant a indiqué qu’il avait subi une blessure durant sa mise sous garde le 20 mai 2017 dans un immeuble résidentiel en copropriété. Le SPT a été informé de cette blessure. Les enquêteurs de l’UES ont rencontré le plaignant le 31 mai 2017 et il a leur fait une déclaration.

Il est allégué qu’une agente du SPT a poussé la tête du plaignant contre un mur et un miroir, ce qui lui a causé une lacération au front et une légère commotion cérébrale.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 54 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 N’a pas participé à une entrevue[1]

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 N’a pas participé à une entrevue[2]

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

De plus, les notes de deux agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agent impliqué (AI)

AI interviewée, et notes reçues et examinées

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans un immeuble en copropriété, entre les portes de l’ascenseur au 17e étage. Il y avait quatre portes d’ascenseur, deux de chaque côté du corridor et un miroir de chaque côté du corridor, entre les portes de l’ascenseur.

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun document ou élément n’a été soumis au Centre de sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Vidéos de surveillance des ascenseurs de l’immeuble en copropriété (20 mai 2017)

Quatre ascenseurs étaient en cause et tous avaient de l’équipement d’enregistrement vidéo au plafond qui filmait l’intérieur. Voici un compte rendu chronologique de l’utilisation des ascenseurs par les agents de police, les ambulanciers paramédicaux et le plaignant.

17 h 12 m 25 s

Deux ambulanciers paramédicaux [dont on pense qu’il s’agissait du TC no 4 et du TC no 5] sont entrés dans l’ascenseur 2 et en sont ressortis à 17 h 13 m 05 s.

17 h 16 m 18 s

L’AT no 2 et l’AI sont entrés dans l’ascenseur 4. L’ascenseur était un ascenseur aux parois rembourrées et ils ont tous deux quitté l’ascenseur à 17 h 17 m 01 s;

17 h 20 m 43 s

Les deux ambulanciers paramédicaux précédents sont entrés dans l’ascenseur 1 et en sont sortis à 17 h 21 m 17 s;

17 h 27 m 02

La porte de l’ascenseur 4, qui était rembourré, s’est ouverte et l’AT no 1 en est sorti et a pointé vers l’intérieur de l’ascenseur;

17 h 27 m 07 s

Le plaignant a trébuché sur un étui pour guitare qui se trouvait sur le sol juste à l’extérieur de la porte de l’ascenseur, alors que l’AI l’escortait jusqu’à l’intérieur de l’ascenseur 4. L’AI a poussé le plaignant contre la paroi rembourrée de l’ascenseur. Sa tête n’a pas semblé toucher le mur. Elle tenait l’arrière du chandail à capuchon du plaignant au cou et son bras gauche. L’AT no 2 est entré dans l’ascenseur et l’AT no 1 a placé un étui pour guitare et des sacs dans l’ascenseur. L’AI a aidé le plaignant à s’asseoir sur le plancher de l’ascenseur. À 17 h 27 m 32 s, la porte de l’ascenseur s’est fermée et l’AT no 1 est resté en dehors de celui-ci. Le plaignant semblait avoir de la difficulté à respirer et l’AI l’a tenu à l’épaule. À 17 h 28 m 21 s, on a aidé le plaignant à se lever et on l’a escorté hors de l’ascenseur. Dans la vidéo, on ne voit jamais l’AT no 2 mettre ses mains sur le plaignant.

Vidéo de surveillance de l’hôtel

Le samedi 20 mai 2017, à 17 h 50 m 30 s, le plaignant est entré dans le hall d’entrée d’un hôtel. Il portait les mêmes vêtements que ceux que l’on voit dans la vidéo de l’ascenseur de l’immeuble en copropriété. Il tenait un étui pour guitare dans la main gauche et des sacs d’épicerie dans la main droite. Son dos était tourné vers la caméra et l’on ne pouvait pas voir son visage. Une caméra différente le montre se déplacer dans le hall d’entrée près des ascenseurs, mais on ne pouvait distinguer ses traits, du fait qu’il était éloigné de la caméra.

Enregistrements des communications

16 h 57 m 38 s

La TC no 2 a appelé la police et a indiqué que le plaignant avait essayé de pénétrer dans son unité et qu’il avait déclaré qu’il allait se pendre avec un rideau de douche.

16 h 57 m 43

Le plaignant a appelé la police et s’est plaint que son fils, le TC no 1, l’avait agressé. Il a dit que son fils l’avait poussé contre un mur et qu’il s’était cogné la tête contre le cadre d’une porte. Un gardien de sécurité [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du TC no 3] était sur place au 17e étage.

17 h

Une ambulance a été envoyée en raison de la menace de suicide, mais non pas en raison d’une agression.

17 h 07 m 28 s

L’AT no 1 a été envoyé sur les lieux, où il est arrivé à 17 h 07 m 46 s.

17 h 21 m 07 s

L’AT no 2 et l’AI ont été envoyés sur place et y sont arrivés à 17 h 25 m 31 s.

17 h 53 m 39 s

Le plaignant a refusé de recevoir des soins des ambulanciers paramédicaux et il a été retiré de l’immeuble et on lui a dit de ne pas revenir à moins qu’il était accompagné d’un agent de police.

18 h 05 m 05 s

Le TC no 1 a appelé une ambulance pour son père, le plaignant, qui se trouvait dans une chambre dans un hôtel à proximité. Le plaignant a dit à son fils que les agents de police l’avaient agressé et qu’il pensait qu’il avait une commotion cérébrale.

18 h 12

L’AT no 1 a passé en revue le contenu de l’appel et a dit au répartiteur de ne pas envoyer l’AI ni l’AT no 2.

Description de l’incident

Le 20 mai 2017, à 16 h 47, le plaignant et la TC no 2 ont tous deux appelé la police. Le TC no 2 a dit que le plaignant avait essayé de pénétrer dans son unité et qu’il avait déclaré qu’il allait se pendre avec un rideau de douche. Le plaignant a allégué que son fils, le TC no 1, l’avait agressé. Il a dit que le TC no 1 l’avait poussé contre un mur et qu’il s’était cogné la tête contre le cadre d’une porte en métal. Une ambulance a été dépêchée en raison de la menace de suicide.

L’AT no 1 a été envoyé sur les lieux et est arrivé à l’immeuble vers 17 h 10. Il a parlé au plaignant, qui était assis dans le couloir devant l’unité des TC nos 1 et 2. Le plaignant a expliqué à l’agent qu’il essayait de récupérer ses effets personnels. L’AT no 1 a frappé à la porte et a parlé aux TC nos 1 et 2, qui ont dit qu’ils se préoccupaient de la détérioration de la santé mentale et du comportement agressif du plaignant. Le TC no 1 a indiqué que son père avait lancé un étui pour guitare dans sa direction. Les TC nos 1 et 2 voulaient que le plaignant soit arrêté, mais l’AT no 1 a indiqué qu’il n’y avait aucune raison de le faire. Le plaignant a parlé avec deux ambulanciers paramédicaux, les TC nos 4 et 5, dans le couloir et il ne semblait pas avoir des blessures visibles ou du sang sur lui. Peu de temps après, deux agentes additionnelles, l’AI et l’AT no 2, sont arrivées. L’AT no 1 leur a dit qu’aucune accusation ne serait portée, mais que le plaignant devait quitter l’immeuble. Les ambulanciers paramédicaux sont partis parce que le plaignant refusait leur aide.

Pendant qu’il était dans le couloir, le plaignant a expliqué à l’AI et à l’AT no 2 que son fils l’avait agressé. Selon l’AI, lorsqu’elle avait dit au plaignant qu’il devait quitter l’immeuble, il avait commencé à protester. Le plaignant ne présentait aucun signe qu’il aurait consommé de l’alcool ou des drogues. L’AT no 2 a déclaré avoir entendu l’AI demander plusieurs fois au plaignant de partir. L’AI a apporté deux sacs contenant ses effets personnels et un étui pour guitare près des ascenseurs. Le plaignant voulait son matériel d’écriture, et elle est donc retournée dans l’unité pour aller le chercher pour lui. Puis, il voulait une tasse en céramique, mais elle lui a dit qu’il devrait s’en occuper plus tard. L’AI a constaté que le plaignant devenait de plus en plus belliqueux. Il a menacé de se plaindre auprès du chef de police. Le plaignant a marché vers l’ascenseur et puis est revenu vers les agents de police de multiples fois. La dernière fois qu’il s’est retourné et a marché vers eux, il a dit à l’AI et à l’AT no 2 de ne plus faire feu sur des [traduction] « enfants noirs » et de faire attention aux chasse‐neige, faisant allusion à un agent du SPT qui avait été tué lorsqu’il avait été écrasé par un chasse‐neige volé. Le plaignant ne savait pas que l’AI connaissait l’agent qui avait trouvé ainsi la mort, et ces propos l’avait bouleversée.

L’AI a pris le plaignant par le bras gauche et lui a demandé s’il pensait qu’il était drôle alors qu’elle tentait de le sortir de l’immeuble. L’AT no 2 a indiqué que l’AI tenait les épaules du plaignant par derrière. Le plaignant s’est effondré sur le sol du corridor et refusait de bouger en dépit des requêtes de l’AI. L’AT no 2 observait la situation plus loin dans le corridor et s’est approchée pour fournir de l’aide. L’AT no 1 a entendu du bruit dans le couloir et est sorti de l’unité pour enquêter. Il a vu que l’AI maîtrisait physiquement le plaignant en le tenant contre un mur, par derrière. Même si l’AT no 2 se souvenait avoir saisi le plaignant par le bras droit, tandis que l’AI tenait son bras gauche et qu’ensemble elles l’avaient mené à l’ascenseur, les séquences de la télévision en circuit fermé (TVCF) montraient uniquement l’AI escortant le plaignant dans l’ascenseur. L’AT no 1 a aidé à mettre les effets personnels du plaignant dans l’ascenseur. Le plaignant voulait s’asseoir sur le plancher de l’ascenseur, et les agents lui ont permis de le faire. L’AT no 2 s’est souvenue que le plaignant avait dit qu’il avait l’impression que ses genoux étaient faibles. Une fois dans le hall d’entrée, le plaignant était sorti de l’immeuble par lui‐même tout en transportant ses effets personnels. L’AI et l’AT no 2 l’avaient laissé sur le trottoir avec ses sacs d’effets personnels et lui avaient dit qu’il n’était pas autorisé à retourner dans l’immeuble en copropriété. Ni l’AI ni l’AT no 1 ni l’AT no 2 ont vu des blessures à la tête du plaignant.

À 18 h 05, le TC no 1 a appelé une ambulance pour le plaignant, qui se trouvait dans une chambre dans un hôtel à proximité. Le plaignant avait dit à son fils que les agents de police l’avaient agressé et qu’il pensait qu’il avait une commotion cérébrale. Deux ambulanciers paramédicaux, les TC nos 8 et 9, ont amené le plaignant à un hôpital où il a reçu des agrafes pour fermer une lacération juste au‐dessus du front dans le cuir chevelu. Il s’est plaint à l’agent de police à l’hôpital que l’AI avait cogné sa tête contre les murs du corridor, le cadre de la porte de l’ascenseur et les miroirs. Le lendemain, le plaignant s’est évanoui et s’est rendu à l’hôpital pour une deuxième fois, où l’on a déterminé qu’il avait une légère commotion cérébrale.

L’AI a nié avoir cogné la tête du plaignant contre les murs ou les miroirs. L’AT no 2, qui était présent durant l’interaction et qui a dit que sa vue était libre de tout obstacle, a également affirmé que cet acte n’avait pas eu lieu. De plus, l’AT no 1 n’a pas vu ni l’AI ni l’AT no 2 frapper le plaignant, mais il n’était pas présent dans le couloir pendant une grande partie de l’interaction. Malheureusement, au moment de l’incident, il n’y avait pas de caméra vidéo ou d’autres témoins dans les corridors de l’immeuble en copropriété qui auraient pu filmer ou voir ce qui s’était produit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 2(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation - L’entrée sans autorisation est une infraction

2 (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

  1. sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
    1. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi
    2. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi
  2. ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné

Paragraphe 9(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation – Arrestation sans mandat sur les lieux

9 (1) Un agent de police, l’occupant des lieux ou une personne que ce dernier a autorisée à cet effet, peut arrêter sans mandat une personne qu’il croit, pour des motifs raisonnables et probables, être sur les lieux en contravention de l’article 2.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

En fin d’après-midi le 20 mai 2017, le plaignant a été retiré de force d’un immeuble en copropriété par des membres du SPT. À la suite de cette interaction, le plaignant a eu besoin de deux agrafes pour fermer une lacération au front et a reçu un diagnostic de commotion cérébrale. Il est allégué que l’AI a saisi le plaignant et a poussé son front contre les miroirs près des ascenseurs à deux reprises. Pour les raisons qui suivent, je ne peux trouver des motifs raisonnables m’amenant à croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec les blessures subies par le plaignant.

Au cours de son enquête, l’UES a interrogé sept témoins civils et six agents témoins, qui ont également fourni une copie de leurs notes. De plus, l’AI a volontairement subi une entrevue et a fourni une copie de ses notes. Les enquêteurs ont obtenu et examiné des séquences de TVCF provenant des ascenseurs dans l’immeuble en copropriété et du hall d’entrée d’un hôtel. Il n’y avait pas de vidéo disponible provenant des corridors de l’immeuble en copropriété et de l’intérieur des ascenseurs de l’hôtel. Les enquêteurs ont examiné les rapports d’incident du SPT, ainsi que ses enregistrements des communications, y compris des appels à la police. Ils ont également obtenu et examiné les dossiers médicaux établis par l’hôpital et les services médicaux d’urgence (SMU).

Je me pencherai d’abord sur la question de savoir si l’AI avait le pouvoir légal d’escorter physiquement le plaignant en dehors de l’immeuble en copropriété. Je conclus que l’AI agissait dans l’exercice de ses fonctions légitimes lorsqu’elle est intervenue physiquement auprès du plaignant. L’AT no 1 lui avait dit de s’assurer que le plaignant quitte l’immeuble, même s’il ne devait pas être mis en état d’arrestation. Le plaignant est resté dans l’immeuble en dépit de ses requêtes qu’il quitte, ce qui a été confirmé par l’AT no 2. En vertu de l’article 2 de la Loi sur l’entrée sans autorisation (LPA), l’omission de quitter les lieux immédiatement après que l’occupant ou une personne autorisée par l’occupant à cette fin l’a ordonné est une infraction. Par ailleurs, le paragraphe 9(1) de la LPA autorise un agent de police à arrêter sans mandat quiconque est soupçonné, pour des motifs raisonnables, d’être sur les lieux en contravention de l’article 2 de la LPA, parce qu’il a reçu l’ordre de quitter ces lieux de quelqu’un qui est responsable d’en assurer le contrôle. Par conséquent, même si l’AI n’a pas arrêté le plaignant ou ne lui a pas donné de contravention du fait qu’il s’y trouvait sans autorisation, à mon avis, elle avait le pouvoir de le faire si elle lui avait ordonné de partir et qu’il avait refusé. De plus, les agents en cause avaient techniquement le pouvoir d’arrêter le plaignant et le TC no 1 pour avoir agressé l’autre, bien que, compte tenu des circonstances, l’AT no 1 ait pris une décision réfléchie et mesurée de procéder autrement.

Je me penche maintenant sur la question de savoir si la force utilisée par l’AI pour maîtriser et escorter le plaignant hors de l’immeuble était raisonnable. Le paragraphe 25(1) du Code criminel limite la force qu’un agent peut employer à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour exécuter son obligation légale. Bien que je ne doute pas que les commentaires du plaignant au sujet du chasse‐neige aient contribué à la perte de patience de l’AI et au choix du moment où elle a décidé d’escorter physiquement le plaignant à l’extérieur, je ne crois pas qu’il y ait des motifs raisonnables m’amenant à croire que l’AI a commis une infraction criminelle. Il n’y avait aucune preuve physique ou preuve fournie par un témoin à l’appui de l’allégation, à l’exception des affirmations du plaignant et de son fils. J’ai un certain doute concernant la fiabilité de la déclaration faite par le plaignant et le TC no 1. En raison du lien familial, j’estime que le témoignage du TC no 1 a une valeur limitée parce qu’il n’a pas vu l’altercation. De même, la déclaration du plaignant présentait des problèmes parce que son souvenir de l’incident était incomplet et différait des allégations qu’il avait faites à l’hôpital.

Il y a aussi de l’ambiguïté puisqu’on ne sait pas si certaines ou l’ensemble des blessures à la tête du plaignant sont survenues avant, durant ou après son interaction avec l’AI. L’enregistrement vidéo provenant de l’ascenseur de l’immeuble en copropriété ne montre aucun sang visible à son front, et son comportement ne présente aucun signe qu’il avait subi une lacération au front.

Il ressort clairement de la vidéo provenant de l’ascenseur que l’AI a eu recours à une certaine force physique durant ses rapports avec le plaignant. Or, la jurisprudence indique clairement que la norme à laquelle les agents doivent se conformer n’est pas la perfection (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206) ni s’attend-on à ce qu’ils mesurent avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leurs interventions (R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.)). L’AI est intervenue physiquement auprès du plaignant lorsqu’il ne répondait pas à ses requêtes de quitter rapidement l’immeuble. Après ce que l’AI considérait comme un comportement conflictuel envers les agents, elle avait décidé qu’il était temps de prendre le bras du plaignant et de l’escorter à l’extérieur de l’immeuble elle‐même. Elle prétend qu’il est tombé au sol par la suite et a résisté aux efforts de la police pour l’obliger à quitter l’immeuble. Le plaignant, soutenu par le témoignage de son fils, affirme qu’il a ensuite été victime d’une agression, que les deux agentes nient. Je me demande ce qui s’est réellement passé. À la lumière des faiblesses de la preuve, je ne peux me prononcer sur la question de savoir si les déclarations des agents qui sont intervenus, du plaignant ou de son fils, sont la vérité.

Me fondant sur le contenu du dossier, je ne peux arriver à des motifs raisonnables de conclure que l’AI a eu recours à une force excessive. La preuve présente de l’incertitude quant au moment et au mécanisme de la blessure au front et de la commotion cérébrale du plaignant. De plus, le manque de souvenir du plaignant et le démenti de l’AI et l’AT no 2 à l’accusation de voies de fait me laissent incertain quant à ce qui s’est réellement passé. Je ne suis donc pas en mesure de conclure que l’AI est criminellement responsable pour ses actes au cours de son interaction avec le plaignant. Par conséquent, aucune accusation ne sera portée et cette affaire sera classée.

Date : 8 mai 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Il a été décidé qu’une entrevue ne fournirait aucun élément contribuant à l’enquête. [Retour au texte]
  • 2) [2] Il a été décidé qu’une entrevue ne fournirait aucun élément contribuant à l’enquête. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.