Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-231

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 28 ans lors de son arrestation le 26 août 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 12 h 25 le 26 août 2017, le Service de police de Sarnia (SPS) a informé l’UES d’une blessure subie par la plaignante durant sa mise sous garde.

Le SPS a expliqué qu’il avait envoyé des agents à la résidence de la plaignante à 3 h ce matin-là après qu’elle avait communiqué avec eux par téléphone au 9‐1-1 pour signaler qu’elle était suicidaire. La plaignante a été arrêtée pour une accusation en instance. Pendant son arrestation, son os nasal a été fracturé.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Femme de 28 ans interviewée, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

[Remarque : Un agent témoin est un agent de police qui, de l’avis du directeur de l’UES, est en cause dans l’incident qui fait l’objet d’une enquête, mais qui n’est pas un agent impliqué.

En vertu du Règlement de l’Ontario 267/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers, les agents témoins sont tenus de rencontrer l’UES et de répondre à ses questions après avoir reçu une demande d’entrevue de celle-ci. L’UES a aussi le droit d’obtenir une copie de leurs notes auprès du service de police dont ils sont membres.]

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Tard le soir du 25 août 2017, la plaignante s’est approchée d’une agente de police qui procédait à un arrêt véhiculaire sans aucun rapport avec elle, proche de sa résidence, et elle a commencé à proférer des menaces à l’agente de police. Après lui avoir donné plusieurs avertissements, l’agente de police a dit à la plaignante qu’elle serait arrêtée pour l’avoir menacée. Puis, la plaignante s’est réfugiée chez elle et a refusé de laisser la police entrer dans le domicile, faisant ainsi obstacle à son arrestation. On a dit à la plaignante qu’un mandat d’arrestation serait lancé contre elle.

Au petit matin du 26 août 2017, la plaignante a fait un certain nombre d’appels au SPS lui faisant part de son désir de mettre fin à sa vie. Par conséquent, l’AI et l’AT no 1 ont été envoyés à sa résidence pour vérifier son bien‐être et éventuellement exécuter le mandat d’arrestation émis contre elle. La plaignante refusait de sortir de sa résidence pour que la police puisse confirmer qu’elle n’allait pas s’ôter la vie, mais lorsqu’elle elle en est sortie partiellement pour remettre son téléphone cellulaire à l’AI, ce dernier en a profité pour la mettre en état d’arrestation et a tenté de la sortir entièrement de sa résidence.

La plaignante a alors donné environ cinq coups de poing à la tête et au visage de l’AI, qui a riposté en la frappant au visage pour se défendre. La plaignante a continué de résister et lorsque les agents et la plaignante sont tombés par terre à l’intérieur de l’entrée de sa résidence, où elle a alors donné des coups de pied à l’AI, l’AI lui a donné un autre coup de poing, ce qui a fait saigner son nez. La plaignante a ensuite été arrêtée et transportée au poste de police. Plus tard le même matin, la plaignante a été transportée à l’hôpital.

Nature des blessures/traitement

On a commencé par prendre une radiographie du visage de la plaignante, ce qui n’a révélé aucune fracture. En raison de l’enflure dans la région nasale de la plaignante, on a procédé à un tomodensitogramme, qui a montré qu’elle avait une [traduction] « fracture subtile non comminutive de l’os nasal droit » ne nécessitant aucun traitement particulier. Elle était censée se rétablir complètement.

On a également admis la plaignante aux termes du formulaire Un de la Loi sur la santé mentale en tant que personne qui est un danger pour elle‐même ou pour d’autres.

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

L’incident est survenu à la résidence de la plaignante dans la ville de Sarnia. On accédait à la porte d’entrée de la résidence à partir de l’entrée des autos. Il y avait deux marches en bois avec des garde-corps donnant accès à une terrasse devant l’entrée avant. Selon les estimations, la terrasse mesurait environ 45 pouces sur 45 pouces. La porte était munie d’une fenêtre à moustiquaire au centre. L’arrestation et l’altercation physique se sont produites sur le seuil de la porte partiellement ouverte.

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Le SPS a obtenu et examiné des photographies des blessures subies par l’AI et par la plaignante.

Les photographies de l’AI ont révélé une grosse boursouflure à l’intérieur de sa lèvre inférieure, accompagnée d’une lacération au même endroit qui semble avoir été causée lorsque l’intérieur de sa lèvre est entré en contact avec ses dents lors d’un impact.

Les photographies de la plaignante montraient qu’elle avait du sang séché autour du nez et deux petites écorchures ou éraflures au coude gauche ressemblant à celles causées par le frottement de la peau sur une chaussée.

Enregistrements des communications

Le 26 août 2017, la plaignante a appelé le SPS au numéro 9‐1‐1. Elle voulait savoir s’il y avait un mandat d’arrestation contre elle et si elle pouvait se livrer au quartier général de la police. Son appel a été transféré au TC no 3.

À 2 h 39, la plaignante a appelé le Service des communications du SPS. Elle a indiqué que l’AT no 3 lui avait menti au sujet des séances de libération sous caution se tenant le samedi. La plaignante a tenu les propos suivants : [traduction] « Veuillez lui dire (à l’AT no 3) qu’après avoir agi ainsi, j’espère qu’un jour sa fille se fasse violer et qu’elle pourrisse en enfer. Au revoir, au revoir, je vais écrire dans ma note de suicide que j’espère qu’elle pourrisse en enfer ».

À 2 h 40, le Service des communications a informé l’AT no 2 des appels de la plaignante. L’AT no 2 a ordonné qu’une unité soit envoyée pour vérifier l’état de la plaignante. À 3 h 05, l’AI a informé le Service des communications que la plaignante avait été placée sous garde et qu’une autre accusation avait été portée contre elle pour voies de fait contre un policier. La plaignante est arrivée dans le bloc cellulaire du SPS à 3 h 11.

À 3 h 19, le Service des communications du SPS a reçu un appel au numéro 9‐1‐1 du TC no 1, qui a signalé qu’il avait reçu un appel de détresse de la plaignante plus tôt, et qu’il y avait du sang sur le perron de sa résidence. Le Service des communications du SPS a informé le TC no 1 que la plaignante était sous leur garde.

Appel de la plaignante à la messagerie vocale de l’AT no 4

L’AT no 4 était membre du SPS, mais donnait également à temps partiel le cours « Droit et sécurité » au collège communautaire local, où la plaignante avait été une étudiante et avait fait la connaissance de l’AT no 4.

Entre le mardi 22 août 2017 et le dimanche 27 août 2017, la plaignante a laissé huit messages dans la messagerie vocale de l’AT no 4 à son bureau au SPS. L’AI, l’AT no 1 et le personnel du Service des communications n’étaient pas au courant des messages vocaux laissés au moment de l’incident décrit ici. Les messages vocaux de la plaignante répétaient sans cesse des allégations selon lesquelles le SPS l’aurait provoquée et l’aurait harcelée. Dans les messages qu’elle a envoyés le 26 août 2017 avant son arrestation, la plaignante parlait de son intention de se suicider. On entendait la plaignante pleurer et elle semblait intoxiquée. Dans les messages vocaux, la plaignante formulait une variété de plaintes au sujet de la conduite du SPS, l’allégation principale étant sa croyance que le SPS envoyait des agents pour la harceler et pour l’encourager à se suicider.

Éléments et documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPS les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Chronologies des événements contextuels (x4) et enregistrements des communications connexes
  • Sommaire du dossier du cas
  • Interrogation du CIPC – plaignante
  • Dossier de garde de la plaignante
  • Rapports généraux d’incident (x2) et enregistrements des communications connexes
  • Résumé de l’entrevue du SPS avec un civil non désigné
  • Notes et déclarations écrites des AT nos 1 et 4
  • Enregistrement du compte de messagerie vocale de l’AT no 4 du SPS
  • Notes et déclarations écrites de deux agents de police non désignés
  • Déclarations de deux autres agents de police témoins non désignés
  • Résumé de l’incident
  • Événements (entrées ponctuelles) impliquant la plaignante
  • Entrée dans le système PARIS au sujet de la plaignante
  • Dispense du SPS pour l’accompagnement durant le trajet du 25 août 2017
  • Message sur Facebook de la plaignante le 27 août 2017, décrivant les événements
  • Photos des blessures subies par la plaignante et par l’AI prises par le Service d’identité judiciaire du SPS
  • Rapport d’incident supplémentaire d’un policier non désigné
  • Procédure : Arrestation, détention, garde et traitement d’un prisonnier
  • Procédure : Intervention de la police auprès de personnes ayant des troubles émotifs
  • Procédure : Recours à la force.

Les éléments et documents suivants ont été obtenus d’autres sources :

  • Dossiers médicaux du plaignant

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne – Emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Article 175 (1) du Code criminel – Causer des troubles

175 (1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :

  1. n’étant pas dans une maison d’habitation, fait du tapage dans un endroit public ou près d’un tel endroit :
    1. soit en se battant, en criant, vociférant, jurant, chantant ou employant un langage insultant ou obscène
    2. soit en étant ivre
    3. soit en gênant ou molestant d’autres personnes

Article 264.1 du Code criminel – Proférer des menaces

264.1 (1) Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace :

  1. de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un
  2. de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles
  3. de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

(2) Le présent article s’applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles, les agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles et les agressions sexuelles graves.

(3) Pour l’application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison :

  1. soit de l’emploi de la force envers le plaignant ou une autre personne
  2. soit des menaces d’emploi de la force ou de la crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre personne
  3. soit de la fraude
  4. soit de l’exercice de l’autorité

Paragraphe 270(1) du Code criminel – Voies de fait contre un agent de la paix

270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
  3. elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 26 août 2017, l’AI et l’AT no 1, du Service de police de Sarnia (SPS), se sont rendus à la résidence de la plaignante dans la ville de Sarnia pour vérifier son bien‐être et, au besoin, pour exécuter un mandat d’arrestation lancé contre elle. Au cours de son arrestation, la plaignante s’est retrouvée avec un nez en sang et a été transportée à l’hôpital le même matin, où l’on a déterminé qu’elle avait subi une [traduction] « fracture subtile non comminutive à l’os nasal droit », sans qu’aucun traitement particulier ne soit nécessaire. La seule question à trancher dans cette affaire est celle de savoir si les actions de l’AI à l’origine de la blessure de la plaignante constituaient un recours excessif à la force dans les circonstances et constituaient donc l’infraction de voies de fait en contravention de l’article 265 du Code criminel.

Les faits ne sont pas contestés, y compris que la plaignante était intoxiquée au moment de son interaction avec la police.

Le 25 août 2017, en fin de soirée, l’AT no 3 se trouvait dans les environs de la résidence de la plaignante pour y effectuer des tâches n’ayant aucun rapport avec celle-ci, et procédait plus particulièrement à un arrêt véhiculaire. La plaignante, parce qu’elle croyait qu’elle était victime d’un complot de harcèlement mené contre elle par le SPS, pensait que l’AT no 3 était là pour la provoquer et la harceler. La plaignante s’est approchée de l’AT no 3, qui était assise à l’intérieur de son véhicule de police, et lui a fait de nombreuses remarques désobligeantes de nature très offensantes. L’AT no 3 a donné un avertissement à la plaignante de ne pas causer des troubles. Puis, la plaignante a menacé de blesser ou de tuer l’AT no 3 et ses proches, et puis est retournée à sa résidence avant que l’agente puisse l’arrêter.

L’AT no 3 a attendu l’arrivée d’un collègue et puis s’est rendue avec lui à la résidence de la plaignante pour l’arrêter, mais cette dernière refusait d’en sortir. Par conséquent, l’AT no 3 a dit à la plaignante qu’elle lancerait un mandat d’arrestation contre elle pour avoir proféré des menaces ou avoir causé des troubles, et les agents ont quitté les lieux.

Ver 0 h 40, le samedi 26 août 2017, la plaignante a communiqué avec le Service des communications du SPS et bien qu’elle ait commencé par dire qu’elle souhaitait s’excuser auprès de l’AT no 3 et se livrer à la police, elle a ensuite indiqué qu’elle avait l’intention de s’enlever la vie.

À la suite des appels de la plaignante et de son employeur ayant suscité des préoccupations que la plaignante avait l’intention de mettre fin à sa vie, l’AI et l’AT no 1 ont été dépêchés à la résidence de la plaignante pour vérifier son bien-être. Les deux agents de police ont également été informés des accusations en instance qui pesaient contre la plaignante.

La plaignante parlait au téléphone avec son employeur au moment de l’arrivée de la police. La plaignante a d’abord parlé aux agents de police par la fenêtre ouverte de la porte fermée donnant accès à la résidence, puis a ouvert la porte afin de remettre le téléphone à l’AI, à la demande de son employeur. Comme l’AI n’était pas en mesure d’évaluer l’état de la plaignante à cause de son refus d’ouvrir la porte, dès que la plaignante est sortie partiellement de la porte pour remettre le téléphone à l’AI, l’AI lui a dit qu’elle était en état d’arrestation, l’a saisie par le poignet et a essayé de la sortir complètement par la porte.

L’AI a indiqué qu’il savait qu’il ne pouvait entrer dans la résidence pour exécuter le mandat d’arrestation visant la plaignante et ne l’avait jamais fait, préférant attendre qu’il ait la possibilité, lorsqu’elle placerait son corps partiellement en dehors de la porte, de la sortir complètement et la mettre en état d’arrestation.

La plaignante avait tenté de se dégager de l’AI et l’avait frappé. D’après l’AI et l’AT no 1, la plaignante avait donné environ quatre coups de poing à la façon d’un marteau au visage de l’AI, le frappant sur la joue et la bouche, ce qui avait violemment forcé sa tête vers l’arrière, mais il n’avait jamais lâché le chandail de la plaignante.

Après avoir été frappé par la plaignante, l’AI l’a frappée deux fois à la tête, et ils sont tous deux tombés par la porte sur le plancher à l’intérieur de la maison. D’après l’AI, la plaignante lui aurait alors donné des coups de pied et lui aurait donné un autre coup de poing à la tête. L’AI a indiqué que du fait qu’il se trouvait dans un endroit exigu, il ne disposait d’aucune autre option pour mettre fin aux coups de pied donnés par la plaignante.

L’AT no 1 a indiqué que parce que l’incident se déroulait dans un endroit confiné, il ne pouvait intervenir pour aider l’AI lorsque la plaignante avait commencé à le frapper. L’AT no 1 avait entendu l’AI dire à la plaignante de cesser de résister et il avait vu les coups de poing qu’avait reçus l’AI, y compris les coups sur le côté de la tête, dont un avait brisé ses lunettes et d’autres l’avaient touché sous l’œil et près de la bouche. Il a précisé que l’AI avait baissé son menton et avait fermé les yeux alors qu’il recevait plusieurs coups de la plaignante. Au moment du dernier coup, l’AT no 1 avait réussi à agripper la main gauche de la plaignante, et tous les trois étaient tombés sur le plancher où, selon l’AT no 1, l’AI avait alors donné deux coups de poing à la tête et au visage de la plaignante, pendant qu’ils tombaient par le cadre de la porte.

La plaignante a ensuite été menottée et escortée jusqu’au véhicule de police, où elle avait refusé de prendre place à l’intérieur. Quand l’AT no 1 l’avait poussée pour la forcer à prendre place sur le siège arrière du véhicule, elle avait lancé trois coups de pied, dont un l’avait touché au côté.

Les trois parties se souviennent, avec très peu d’écart dans leurs souvenirs, qu’une fois au poste de police, où l’on procédait à sa mise en détention, la plaignante avait dit à l’AI quelque chose du genre [traduction] « vous m’avez frappée fort » et l’AI avait répondu « oui, vous m’avez frappé fort, environ cinq fois ».

Le sergent chargé de la mise en détention se rappelait que la plaignante avait fait un commentaire à l’AI, qui lui avait répondu [traduction] « si vous frappez quelqu’un au visage, vous serez frappé en retour » et que la plaignante avait alors dit « vous m’avez bien eue » et que l’AI avait répondu « ouais, vous m’avez bien eu aussi ».

L’AT no 3, qui avait entendu une conversation semblable dans le bloc cellulaire entre l’AI et la plaignante, pensait que la plaignante avait dit que l’AI n’était pas censé frapper une fille, ce à quoi l’AI avait répondu qu’elle avait brisé ses lunettes lorsqu’elle lui avait donné un coup de poing en premier et puis que la plaignante avait dit [traduction] « vous m’avez pas mal bien eue », ce à quoi l’AI avait répondu « vous m’avez pas mal bien eu aussi » et, finalement, la plaignante avait admis « ouais, c’est vrai ».

Quelles que soient les paroles prononcées, il ne semble nullement contesté que la plaignante avait agressé l’AI et que cette agression était à l’origine des événements qui ont conduit à ses blessures.

Pour déterminer si ces actions de l’AI équivalent ou non à un recours excessif à la force dans ces circonstances, j’ai tenu compte du fait qu’en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont protégés contre les poursuites s’ils exercent leurs fonctions légitimement et pour autant qu’ils n’emploient que la force nécessaire à cette fin légitime.

Dans le dossier devant moi, il est clair, d’après les renseignements fournis à la police durant les appels de la plaignante ainsi que durant l’appel de son employeur, qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire que la plaignante avait l’intention de s’enlever la vie et que, par conséquent, ils étaient tenus de faire enquête et de fournir à la plaignante toute aide dont elle avait besoin pendant qu’elle traversait une crise.

La police avait également des motifs raisonnables de croire que la plaignante avait commis, plus tôt ce jour-là, des infractions en ayant causé des troubles et en ayant proféré des menaces de mort contre l’AT no 3 et sa famille, pour lesquelles l’AT no 3 avait obtenu ou était en voie d’obtenir des mandats d’arrestation.

Quand la plaignante, après avoir menacé à maintes reprises de s’enlever la vie, avait refusé de quitter sa résidence pour être évaluée correctement et recevoir l’aide de la police, l’AI avait été très débrouillard en ce sens qu’il avait invoqué les accusations en instance et avait profité du fait que la plaignante était sortie partiellement de sa résidence, afin de remplir l’objectif de la police, qui était d’aider la plaignante par tous les moyens raisonnables et légaux disponibles.

Il ressort donc clairement de ces faits que l’AI agissait aux fins d’exécution de ses fonctions légitimes au moment où il a arrêté la plaignante et a tenté avec force de la retirer complètement de sa résidence. Bien qu’il puisse sembler que la façon dont la plaignante a été traitée alors qu’elle traversait une crise était sévère, il semble qu’il s’agissait de la seule option qui était possible à ce moment-là pour éviter que la plaignante retourne à l’intérieur de sa résidence et s’enlève peut-être la vie, geste en prévision duquel elle avait apparemment déjà fait tous les préparatifs nécessaires.

En ce qui concerne la force utilisée par l’AI, je note qu’alors qu’il tentait clairement d’appréhender la plaignante, il devait également se défendre contre l’agression injustifiée venant de celle-ci et qui semblait inclure cinq coups de poing de type marteau à la tête et au visage de l’AI.

Il semble clair que les gestes ou les réactions de l’AI étaient mesurés et proportionnels à la résistance qu’offrait la plaignante et qu’il a seulement réagi à sa force, en recourant à de la force, jusqu’à ce qu’elle se retrouve sur le plancher et soit menottée, après quoi aucun autre coup n’avait été donné. Par conséquent, non seulement les actions de l’AI n’équivalaient pas à un recours à de la force excessive dans ces circonstances, mais ces actions étaient justifiées en vertu du paragraphe 34 (1) du Code criminel, qui énonce ce qui suit :

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

Compte tenu de cette disposition, il est clair que l’AI ne peut être coupable d’une infraction pour avoir frappé la plaignante, car il :

  1. avait des motifs raisonnables de croire qu’elle utilisait de la force contre lui
  2. a donné des coups de poing pour se défendre ou se protéger contre la plaignante
  3. a agi raisonnablement dans les circonstances

De plus, bien que la plaignante ait finalement subi une fracture non comminutive de l’os nasal du fait qu’elle avait été frappée par l’AI, j’ai tenu compte de l’état du droit tel qu’énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218].

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Dans ces circonstances, où la plaignante a donné activement plusieurs coups de poing de style marteau à la tête et au visage de l’AI, qui lui ont causé quelques blessures, mais qui n’étaient pas graves, dans un espace confiné et dans une situation qui évoluait rapidement et où la plaignante résistait activement à ses efforts pour l’aider et répondre à ses appels d’aide, il est évident que l’AI disposait de peu de temps pour s’arrêter et mesurer la force usée contre la plaignante pour se défendre et pour mettre fin à sa résistance active et violente et la placer sous garde.

Dans cette affaire, je n’ai aucune hésitation à conclure que les actions de l’AI étaient la seule option raisonnable à sa disposition lorsqu’il a soudainement et de façon inattendue reçu une volée de coups donnés par la plaignante avec ses poings et où l’AI no 1 était incapable d’apporter son aide du fait que l’incident se déroulait dans un espace clos.

En conclusion, j’accepte que la force utilisée par l’AI était justifiée puisqu’il repoussait l’attaque de la plaignante, et je conclus que la preuve ne me convainc pas qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise par l’AI, et par conséquent, aucune accusation ne sera portée.

Date : 31 mai 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.