Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-177

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’aurait subie un homme de 46 ans lors de son arrestation le 10 juillet 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 23 h 22 le lundi 10 juillet 2017, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES d’une blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde. Le SPT a déclaré que le 10 juillet 2017, à 13 h 30, un agent du SPT a vu le plaignant tenter de voler un vélo. L’agent du SPT a essayé d’arrêter le plaignant, mais il a été agressé, et le plaignant a fui à pied. Une poursuite à pied s’en est suivie et un agent de l’Unité des crimes majeurs (UCM) du SPT a plaqué le plaignant au sol et l’a arrêté. Le plaignant s’est plaint de douleurs thoraciques et a été transporté à l’hôpital. D’après le diagnostic, il avait une côte fracturée et un poumon perforé et pourrait avoir à subir une intervention chirurgicale. Le SPT n’a pas bouclé les lieux.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de UES assignés : 1

À 12 h 04, le 11 juillet 2017, le plaignant a été interrogé par les enquêteurs de l’UES et ses blessures ont été photographiées. Pour une raison inconnue, la carte SD numérique est devenue corrompue et on n’a pas pu récupérer les photos.

Les enquêteurs de l’UES ont saisi des copies des séquences filmées par les télévisions en circuit fermé (TVCF) de l’immeuble Canada-Vie au 330, avenue University. Ils ont examiné les imagées captées par les TVCF au consulat des États-Unis (É.-U.), mais des copies n’ont pas été mises à leur disposition. Les enquêteurs ont examiné la vidéo de mise en détention et la vidéo provenant de la caméra dans la voiture de patrouille.

Deux témoins civils ont été identifiés, et l’un d’eux a été interrogé. Le deuxième témoin civil, le TC no 2, n’a pas rappelé les enquêteurs de l’UES, qui avaient laissé des messages au numéro de téléphone qu’il avait fourni à l’AT no 4. Le témoin civil qui avait initialement signalé le vol à l’AT no 4 n’a jamais été identifié.

Plaignant :

Homme de 46 ans, interviewé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoin civil (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 N’a pas participé à une entrevue, ne s’est pas mis à la disposition des enquêteurs

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Le lundi 10 juillet 2017, l’AT no 4 était en service rémunéré au coin des rues Richmond Ouest et Duncan dans la ville de Toronto.

Vers 13 h 04, un piéton s’est approché de l’AT no 4 et a attiré son attention sur un homme qui avait tenté de voler un vélo. On sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant. L’AT no 4 s’est approché du plaignant et, après une brève conversation, a déterminé qu’il avait des motifs d’arrêter le plaignant pour vol. Le plaignant s’est éloigné de l’AT no 4 et a couru en direction est sur la rue Richmond Ouest. Le plaignant a couru jusqu’à ce qu’il revienne à l’endroit où l’AT no 4 l’avait confronté initialement. Le plaignant a alors pris le vélo et a commencé à s’éloigner à pied en le tenant, et l’AT no 4 a couru après lui. Le plaignant a alors poussé la bicyclette contre l’AT no 4, qui est tombé. Puis, l’AT no 4 a demandé de l’aide par la radio et a fourni la description du plaignant.

Le plaignant a ensuite été pourchassé par d’autres agents du SPT au centre-ville. Au consulat des États-Unis, le plaignant est passé par-dessus la clôture et s’est caché dans la cour sous des buissons. Des agents de police de l’Unité des crimes majeurs (UCM) sont passés à leur tour par-dessus la clôture pour arrêter le plaignant, mais il s’est mis à courir, après quoi il a été plaqué au sol. Le plaignant a été menotté et s’est plaint de douleurs thoraciques. Il a été transporté à un hôpital où, selon le diagnostic, il avait des côtes cassées et un poumon perforé. Il a ensuite été transporté à l’unité chirurgicale d’un deuxième hôpital, en attendant de subir une possible intervention chirurgicale.

Nature des blessures et traitement

Le plaignant a été transféré à un deuxième hôpital en vue d’y subir éventuellement une chirurgie, et des radiographies ont été ordonnées. Les radiographies ont révélé que le plaignant avait une fracture postérieure non déplacée à la 12e côte gauche ainsi qu’une fracture postéro-latérale à la 10e côte gauche (à l’arrière et à l’écart de la ligne médiane) et une possible fracture postéro-latérale à la 11e côte gauche et un léger pneumothorax du côté gauche (poumon affaissé). L’état du plaignant est demeuré stable, et il a été libéré de l’hôpital sans que d’autres interventions médicales soient nécessaires.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène de l’arrestation était une cour entre le consulat des États-Unis au nord et l’immeuble Canada-Vie au 330, avenue University, situé au sud. La cour est bornée par l’avenue University à l’est et la rue Simcoe à l’ouest. L’UES n’a pas procédé à un examen judiciaire des lieux.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo

TVCF - Consulat général des États-Unis

Les enquêteurs de l’UES ont rencontré un enquêteur du Service de sécurité diplomatique du consulat général des États-Unis. L’enquêteur a déclaré qu’il y avait deux caméras de TVCF pointées vers la cour au sud de l’immeuble du consulat. Une caméra se trouve au coin du mur sud. Cette caméra fait face à l’est le long du mur sud. Il s’agit d’une caméra stationnaire. La deuxième caméra se trouve sur le toit sud-ouest, et pointe vers le coin sud-ouest. La caméra pivote et peut être contrôlée par un agent de sécurité. La caméra revient à sa position initiale lorsqu’elle n’est pas contrôlée. Cette caméra permet aussi de voir le coin sud-est. Il y a une troisième caméra sur l’avenue University qui ne capte que l’entrée principale du consulat des États-Unis et dont les images n’ont donc pas été examinées.

L’enquêteur du consulat a expliqué que les règles du gouvernement américain interdisent au consulat de fournir des copies des vidéos des TVCF; toutefois, les enquêteurs de l’UES ont été autorisés à regarder les images.

La caméra installée au mur sud a enregistré ce qui suit. À 13 h 10, le plaignant court de la rue Simcoe vers l’avenue University, le long du périmètre du mur. Cette zone est couverte de buissons denses. Il semble qu’à 13 h 12, le plaignant se fasse plaquer au sol, mais une branche bloque la vue. Deux hommes en civil, dont on sait maintenant qu’il s’agissait des AI nos 1 et 2, sont visibles à l’arrière-plan. À 13 h 12 m 59 s, un policier vêtu d’une tenue de cyclisme, dont il a été établi qu’il s’agissait de l’AT no 3, entre dans la cour. À 13 h 13 m 40 s, un policier vêtu d’un t-shirt gris [on pense que c’était l’AI no 1] apparaît de derrière un arbre. À 13 h 14 m 40 s, les AI nos 1 et 2 circulent à pied dans le jardin. À 13 h 15 m 38 s, le plaignant est escorté hors de la propriété par deux agents de police portant une tenue de cyclisme, derrière les AI nos 1 et 2.

La caméra sur le toit sud-ouest a enregistré ce qui suit. À 13 h 10 m 12 s, le plaignant franchit sans difficulté la clôture et pénètre dans la cour à partir de la rue Simcoe. À 13 h 11 m 13 s, une voiture de police s’arrête en face du coin sud-ouest de l’immeuble. À 13 h 12 m 18 s, deux policiers en uniforme passent devant l’immeuble à pied sur la rue Simcoe, du côté extérieur de la clôture. À 13 h 13 m 06 s, on voit l’AI no 1 immobile dans le coin de la caméra. La caméra n’était pas dirigée vers l’endroit où les AI nos 1 et 2 ont amené le plaignant au sol. À 13 h 14 m 14 s, un agent de sécurité du consulat américain a déplacé la caméra vers le lieu de l’arrestation. Le plaignant est sur le sol avec deux agents de la police à vélo, les mains menottées dans le dos. Les AI nos 1 et 2 fouillent la propriété à proximité. À 13 h 15 m 40 s, le plaignant est escorté hors de la propriété par deux agents de police portant une tenue de cyclisme.

TVCF 330, avenue University

L’immeuble Canada-Vie comporte quatre caméras de TVCF. Il y a deux caméras sur l’avenue University et deux caméras sur la rue Simcoe. Aux deux endroits, il y a une caméra dirigée vers le nord et une autre, vers le sud. Les enquêteurs ont examiné les images filmées par les quatre caméras et n’ont rien repéré de pertinent.

Vidéo de la mise en détention

Il est à noter que la mise en détention du plaignant a eu lieu après sa libération de l’hôpital. La seule chose que le plaignant a dite durant le processus de mise en détention était son nom et sa date de naissance. L’agent l’ayant présenté à l’agent de mise en détention a décrit ses blessures comme une petite perforation au poumon gauche et une côte fissurée. À part cela, il n’y avait rien de significatif.

Caméra dans la voiture de patrouille ayant servi au transport

La caméra dans la voiture de patrouille ayant servi au transport a fourni des images vidéo montrant l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT no 3 grimper par-dessus la clôture en fer forgé autour de la cour où le plaignant a été arrêté. L’arrestation n’a pas été enregistrée. Les images ne contenaient rien d’autre de pertinent aux fins de l’enquête.

Photos et vidéos du programme de nouvelles de CTV

Les photos et la vidéo montrent un policier qui saute par-dessus une clôture pour se rendre dans la cour et le plaignant qui est escorté hors de celle-ci.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications au sujet de la poursuite à pied du plaignant le 10 juillet 2017 concordaient avec le résumé provenant du Système de répartition assistée par ordinateur (RAO) et corroboraient les déclarations des agents témoins.

Documents et éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé des communications (RAO)
  • enregistrement des communications de la police
  • rapports sur les détails de l’événement
  • rapport d’incident général
  • rapport des blessures
  • notes des AT nos 1 à 6
  • photos du vélo
  • procédure 15-01 – Annexe A
  • procédure 15-01 – Annexe B
  • procédure 15-01 – Emploi de la force
  • interrogation du système du CIPC par le SPT – plaignant
  • déclarations écrites des AT nos 3 et 4

L’UES a obtenu et a examiné les documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant relatifs à cet incident

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 129 du Code criminel – Infractions relatives aux agents de la paix

129 Quiconque, selon le cas :

  1. volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas
  2. omet, sans excuse raisonnable, de prêter main-forte à un fonctionnaire public ou à un agent de la paix qui exécute ses fonctions en arrêtant quelqu’un ou en préservant la paix, après un avis raisonnable portant qu’il est requis de le faire
  3. résiste à une personne ou volontairement l’entrave dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire contre des terres ou biens meubles ou dans l’accomplissement d’une saisie légale

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 270(1) du Code criminel - Voies de fait contre un agent de la paix

270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Paragraphe 322(1) du Code criminel – Vol

322 (1) Commet un vol quiconque prend frauduleusement et sans apparence de droit, ou détourne à son propre usage ou à l’usage d’une autre personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose quelconque, animée ou inanimée, avec l’intention :

  1. soit de priver, temporairement ou absolument, son propriétaire, ou une personne y ayant un droit de propriété spécial ou un intérêt spécial, de cette chose ou de son droit ou intérêt dans cette chose
  2. soit de la mettre en gage ou de la déposer en garantie
  3. soit de s’en dessaisir à une condition, pour son retour, que celui qui s’en dessaisit peut-être incapable de remplir
  4. soit d’agir à son égard de telle manière qu’il soit impossible de la remettre dans l’état où elle était au moment où elle a été prise ou détournée

Article 334 du Code criminel – Punition du vol

334 Sauf disposition contraire des lois, quiconque commet un vol :

  1. est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien volé est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse cinq milles dollars
  2. est coupable :
    1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
    2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas cinq mille dollars.

Analyse et décision du directeur

Le 10 juillet 2017, l’AT no 4, du Service de police de Toronto (SPT), était en service rémunéré au coin des rues Richmond Ouest et Duncan dans la ville de Toronto, lorsque vers 13 h 04, il a été abordé par un piéton qui a attiré son attention sur un homme qui se tenait près d’un support à vélos. À ce moment-là, l’homme ne faisait que mettre quelque chose dans son sac à dos. Le piéton a informé l’AT no 4 qu’il venait de voir l’homme utiliser un coupe-boulons pour couper le verrou d’un vélo. Sur la foi de cette information, l’AT no 4 avait des motifs raisonnables de croire que l’homme commettait une infraction et il s’est approché de l’homme, qui plus tard a été identifié comme le plaignant.

L’AT no 4 a vu les poignées métalliques de ce qu’il croyait être un coupe-boulons sortant du sac à dos du plaignant; l’AT no 4 a également vu un siège de vélo dans le sac à dos. Prenant en considération l’information que lui avait fournie le piéton ainsi que le fait que le plaignant était proche d’un support comportant deux vélos, l’AT no 4 a conclu qu’il avait des motifs de croire que le plaignant venait tout juste de commettre un vol ou une tentative de vol du vélo. L’AT no 4 a expliqué au plaignant que quelqu’un lui avait dit qu’il avait tenté de couper le verrou du vélo et il l’a informé qu’il pouvait voir le coupe-boulons dans son sac à dos. Le plaignant, qui se tenait près d’un vélo de montagne, semblait surpris par l’allégation et a commencé à nier tout acte répréhensible, après quoi il a immédiatement laissé tomber son sac à dos.

L’AT no 4 a saisi le plaignant, qui a commencé à reculer. L’AT no 4 a dit au plaignant qu’il le plaçait en état d’arrestation pour vol. L’AT no 4 a mis sa main droite sur le bras du plaignant, et le plaignant a immédiatement fait un mouvement vers l’avant, a fait lâcher prise à l’agent et a commencé à courir en direction est sur la rue Richmond Ouest. L’AT no 4 a couru après lui. Le plaignant a répété plusieurs fois qu’il n’avait rien fait de mal, tandis que l’AT no 4 continuait de crier contre lui de s’arrêter parce qu’il était en état d’arrestation.

L’AT no 4 a poursuivi le plaignant à pied jusqu’à ce qu’ils reviennent au support à vélos, où le plaignant a alors saisi le vélo de montagne et a rapidement traversé la rue en marchant. L’AT no 4, qui se trouvait toujours du côté opposé de la route, a continué de crier au plaignant de s’arrêter. Le plaignant a alors commencé à courir et, comme il semblait à l’AT no 4 que le plaignant avait l’intention de sauter sur le vélo et de s’éloigner, l’AT no 4 a tenté de l’agripper. Le plaignant a alors lancé ou poussé le vélo vers l’AT no 4 pour lui bloquer le chemin, et le vélo a touché l’AT no 4 et l’a fait tomber sur les mains et les genoux. Le plaignant a alors couru en direction nord sur la rue Duncan, et l’AT no 4 a signalé l’incident par la radio à 13 h 05, affirmant qu’il avait entamé une poursuite à pied pour vol et voies de fait contre un agent de police.

L’AT no 4 a initialement tenté de suivre le plaignant, mais lorsqu’il a entendu les sirènes de la police s’approcher et qu’il a été informé par radio que d’autres agents de police poursuivaient le plaignant, il a rebroussé chemin et a récupéré le vélo et le sac à dos du plaignant.

Par la suite, une femme s’est approchée de l’AT no 4 et a indiqué que le vélo lui appartenait et a indiqué qu’une marque sur le verrou n’y était pas précédemment. Le piéton qui avait signalé initialement le vol n’était pas resté pour parler à la police.

Après l’incident, l’AT no 4 avait des égratignures aux genoux et aux paumes et avait mal aux deux genoux.

L’enregistrement des communications de la police confirme qu’à 9 h 49 m 56 s, l’AT no 4 a appelé pour signaler qu’il était en service rémunéré aux rues Richmond et Duncan et qu’il y serait jusqu’à 15 h 30.

À 13 h 04 m 42 s, on entend l’AT no 4 dire par la radio [traduction] « Il y a eu un vol de vélo »; il respire manifestement fort et semble courir. Il fournit ensuite une description du suspect et indique que le dernière fois qu’il a aperçu l’homme, celui-ci courait en direction ouest sur la rue Queen à l’ouest de Duncan. On entend ensuite des sirènes en arrière-plan. L’AT no 4, qui respire toujours fort, dit ensuite que l’homme est recherché pour « vol de vélo et voies de fait contre un agent de police ». Le répartiteur demande si le suspect est toujours en possession du vélo, et l’AT no 4 répond que non et que le vélo se trouve toujours aux rues Duncan et Richmond.

Pendant environ neuf minutes après cela, on entend de nombreux agents signaler qu’ils ont vu le plaignant à différents endroits et plus précisément, qu’il avait couru d’abord sur la rue Queen Ouest, puis sur la rue St. Patrick et la rue Simcoe et ensuite sur l’avenue University, qu’il avait traversée derrière l’immeuble du consulat des États-Unis. Un agent non identifié envoie un message précisant qu’il a maintenant perdu de vue l’homme, mais qu’il se trouve vraisemblablement dans le secteur de la rue Armory et de l’avenue University. Ce même agent dit alors qu’il a de nouveau aperçu l’homme en train d’escalader la clôture pour pénétrer ensuite sur la propriété du consulat des États-Unis et dans les buissons au consulat. Un autre agent dit alors par la radio : [traduction] « Il se dirige vers nous », « Ils l’ont mis sur le sol » et quelques secondes plus tard « L’unité des crimes majeurs a une personne sous garde ». Puis, quelqu’un demande qu’on fasse venir les Services médicaux d’urgence (SMU), car [traduction] « un homme de 45 ans se plaint de douleurs thoraciques ».

La vidéo du consulat des États-Unis révèle qu’à 13 h 10 m 12 s, le plaignant a sauté par-dessus la clôture dans la cour et a couru le long du périmètre de l’immeuble; le secteur est couvert de buissons denses. À 13 h 11 m 13 s, on voit une voiture de police s’arrêter à l’immeuble. À 13 h 12, il semble que le plaignant soit plaqué au sol; deux agents en civil se trouvent à l’arrière-plan. À 13 h 12 m 59 s, on voit l’AT no 3 entrer dans la cour.

Le plaignant allègue que trois ou quatre agents de police en civil ont sauté sur lui et l’ont battu alors qu’il sortait des buissons; que ces agents l’ont frappé directement au visage à plusieurs reprises et lui ont donné des coups de pied et des coups de poing aux côtes des deux côtés, tout en lui disant continuellement de ne pas résister, malgré le fait qu’il n’a jamais résisté; et que l’interaction a duré pendant environ une minute. Il a également allégué que deux ou trois agents en uniforme ont observé ce qui se passait sans intervenir.

Heureusement, bien que ni l’un ni l’autre des agents impliqués n’ait fourni une déclaration, comme c’était leur droit légal, grâce aux observations d’un témoin civil, aux séquences de TVCF et aux observations de l’AT no 3, la majeure partie de l’interaction entre le plaignant et la police est connue, à quelques petites exceptions près.

Le témoin civil, le TC no 1, a vu le plaignant courir en direction nord à travers les buissons de l’immeuble Canada-Vie, à partir d’une fenêtre au 3e étage de l’immeuble. Il a ensuite vu une voiture de police stationnée contre la clôture et deux agents de la police à vélo monter sur le capot de la voiture de police pour sauter par-dessus la clôture. Il a également observé deux agents de police en civil pourchasser le plaignant à travers les buissons. Le TC no 1 a alors quitté la fenêtre pendant tout au plus quelques secondes pour se rendre à son propre bureau afin d’avoir une meilleure vue. La fenêtre de son bureau était ouverte et il n’a entendu aucun cri, aucune voix ni aucun ordre. Le TC no 1 a indiqué que les deux agents de police en civil étaient les premiers à rattraper le plaignant et qu’au moment où les deux agents de la police à vélo avaient franchi la clôture, le plaignant était déjà sur la pelouse sur le ventre, les mains menottées dans le dos. Le TC no 1 n’a vu personne donner des coups de poing ou des coups de pied au visage ou au corps du plaignant.

L’AT no 3 a indiqué qu’il avait entendu par la radio que le plaignant se trouvait dans la cour près du consulat des États-Unis et qu’il pouvait voir le plaignant dans la cour. Il a vu les AI nos 1 et 2 utiliser la voiture de police comme plateforme pour sauter par-dessus la clôture. L’AT no 3 était le troisième agent de police à monter sur la voiture. À partir de l’endroit où il se trouvait, il pouvait voir le plaignant à l’intérieur de la cour et l’a vu commencer à courir, et que l’un des agents de police en civil l’a plaqué par derrière. L’AT no 3 a décrit le plaquage comme analogue à un plaquage durant un match de football et a indiqué que le plaignant avait atterri sur l’herbe.

Après que le plaignant avait été plaqué au sol, l’AT no 3 a grimpé par-dessus la clôture et est passé par les buissons pour se rendre à l’endroit où se trouvait le plaignant. Pendant qu’il traversait les buissons, il était incapable de voir ce qui se passait entre les AI nos 1 et 2 et le plaignant. Lorsqu’il est arrivé à l’endroit où se trouvait le plaignant, celui-ci était sur le sol avec une main menottée et l’autre au-dessus de la tête. L’AT no 3 a ensuite déplacé la main droite du plaignant derrière son dos et a menotté le plaignant. L’AT no 3 a indiqué qu’à part le plaquage initial, il n’avait vu personne utiliser de la force contre le plaignant et que lui-même ne l’avait jamais frappé ou n’avait jamais usé d’une quelconque autre force contre lui. Le plaignant s’est alors plaint que ses côtes ou sa poitrine lui faisaient mal, et l’AT no 3 a demandé une ambulance.

À l’hôpital, on a découvert que le plaignant avait une fracture postérieure non déplacée à la 12e côte gauche ainsi qu’une fracture postéro-latérale à la 10e côte gauche (à l’arrière et à l’écart de la ligne médiane) et une possible fracture postéro-latérale à la 11e côte gauche et un léger pneumothorax apical, également du côté gauche.

Dans les dossiers médicaux du plaignant, on lit que celui-ci avait expliqué qu’il avait été agressé ou battu par la police et avait reçu des coups de poing à la bouche. Son diagnostic se lit comme suit : [traduction] « un pneumothorax traumatique du côté gauche, probablement à cause d’une chute sur ce côté avec fractures non déplacées de côtes ». Aucune autre blessure n’a été constatée.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve fiable, je conclus que je ne peux accorder que peu de crédibilité aux allégations du plaignant, qui a dit que trois ou quatre agents de police en civil avaient sauté sur lui et l’avaient ensuite battu alors qu’il sortait des buissons, que les agents de police en civil l’avaient frappé plusieurs fois directement au visage et lui avaient donné des coups de pied et des coups de poing aux côtes des deux côtés de son corps. Puisque je conclus que tous les éléments de preuve fiables disponibles contredisent expressément ces allégations, je ne peux conclure que le compte rendu de l’incident fourni par le plaignant correspond suffisamment aux faits pour me convaincre qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les faits allégués par lui se sont réellement produits. J’arrive à cette conclusion pour les raisons suivantes :

  • Selon l’ensemble de la preuve, y compris celle fournie par le témoin civil indépendant, il n’y avait jamais plus de deux agents de police en civil dans la cour avec le plaignant, et non trois ou quatre, comme il le prétend
  • Les blessures subies par le plaignant ne correspondent pas à son affirmation qu’il a été battu, c’est-à-dire selon laquelle il aurait reçu plusieurs coups de poing au visage, ainsi que des coups de pied et des coups de poing à ses cotes, des deux côtés. Je note que les blessures subies par le plaignant sont toutes concentrées à un endroit, à la partie arrière de ses côtes du côté gauche, ce qui semble contredire ses allégations selon lesquelles il a reçu des coups de pied répétés aux côtes gauches et droites. De plus, le diagnostic posé à l’hôpital selon lequel les blessures étaient [traduction] « probablement dues à une chute de ce côté » contredit également l’allégation que le plaignant aurait reçu des coups de pied et des coups de poing à ses côtés des deux côtés
  • La blessure et le diagnostic médical sont tous deux compatibles avec le fait que le plaignant a été blessé soit lorsqu’il a escaladé la clôture qui mesurait environ neuf pieds de haut[1], soit lorsqu’un des agents impliqués l’a plaqué à la façon d’un joueur de football alors qu’il tentait de fuir une fois de plus
  • Si le plaignant avait été battu comme il le prétend, on se serait attendu à ce qu’il ait des blessures beaucoup plus importantes et visibles, comme des ecchymoses, des enflures, des lacérations et des abrasions au visage et au corps, dont aucune n’est mentionnée dans ses dossiers médicaux
  • Grâce aux observations du TC no1, qui a indiqué qu’il ne s’était éloigné d’une fenêtre que pendant quelques secondes, et aux observations de l’AT no 3, qui a seulement détourné le regard pendant qu’il franchissait la clôture et traversait les buissons, et aux séquences filmées par les TVCF, l’interaction complète entre le plaignant et les deux agents impliqués semble connue et aucun des témoins ni les séquences filmées n’ont vu ou capté des coups de poing ou coups de pied qui auraient été donnés au plaignait. De plus, je note que le TC no 1 a dit que même lorsqu’il s’était absenté de la fenêtre, en précisant qu’il ne l’avait fait que pendant seulement quelques secondes, il n’avait entendu aucun cri ou hurlement, ce à quoi on se serait attendu si le plaignant avait été battu au degré qu’il a allégué
  • En ce qui concerne la crédibilité du plaignant lui-même, je note qu’il a continué de clamer son innocence, malgré le fait que la propriété du vélo était revendiquée par une autre témoin, et qu’un passant l’avait vu couper le verrou avec un coupe-boulons, qui a été retrouvé dans son sac à dos
  • À mon avis, le comportement du plaignant, en abandonnant un vélo qui coûtait cher et dont il prétendait être le propriétaire, en agressant un policier et en obligeant la police à entreprendre une poursuite à pied longue et ardue, lors de laquelle il a notamment escaladé une clôture de neuf pieds et s’est dissimulé dans des buissons, n’est pas celui d’une personne innocente

En conclusion, après avoir soigneusement examiné tous les éléments de preuve fiables disponibles, je conclus que je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que les deux agents impliqués ont battu le plaignant ou lui ont donné des coups de poing ou de pied, comme il le prétend.

Or, l’analyse ne s’arrête pas là. Puisqu’il n’est pas contesté que le plaignant a été gravement blessé durant son interaction avec la police, une évaluation de l’incident est toujours requise pour déterminer si les actions de l’AI no 1 et de l’AI no 2, en appréhendant et en arrêtant le plaignant, équivalaient à un recours excessif à la force dans les circonstances, ce qui compromettrait leur protection contre des poursuites aux termes du paragraphe 25 (1) du Code criminel.

De toute évidence, si le plaignant a été blessé lorsqu’il a franchi la clôture d’environ neuf pieds, il ne fait aucun doute que la faute incombe uniquement à lui et non à un agent de police, puisque les agents de police ne peuvent être tenus responsables des actions de personnes qui tentent de se soustraire à la police.

Toutefois, l’analyse qui suit portera sur la question de savoir si les AI nos 1 et 2 ont eu recours à une force excessive, dans la mesure où le plaignant a subi ses blessures au moment de son plaquage au sol.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il est clair que les AI nos 1 et 2 agissaient sur la foi de l’information reçue de l’AT no 4 selon laquelle il avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis des infractions de vol de moins de 5 000 $ et avait agressé un policier. Même si cette information à elle seule aurait justifié la décision des agents d’appréhender et d’arrêter le plaignant, je m’empresse de souligner que l’AT no 4 avait amplement d’éléments de preuve sur lesquels il pouvait se baser pour établir qu’il avait les motifs requis; ces éléments incluaient l’information fournie par la personne qui avait vu le plaignant couper le verrou du vélo avec un coupe-boulons et sa propre constatation que le plaignant avait en sa possession le même coupe-boulons et l’avait agressé en jetant le vélo vers lui pour lui bloquer le chemin. Par conséquent, la police avait de nombreux motifs pour arrêter le plaignant, de sorte que la poursuite et l’appréhension du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne la force utilisée par les deux agents de police impliqués durant leurs tentatives d’appréhender le plaignant, je conclus que leur comportement était justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour appréhender le plaignant, dont ils savaient qu’il avait fui à la police, qu’il avait agressé un policier et qu’il faisait tout en son pouvoir pour échapper à la police et éviter son arrestation. Compte tenu du fait que l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient en possession d’information que le plaignant avait déjà agressé l’AT no 4, il était raisonnable pour eux de croire qu’il était capable de le faire de nouveau s’il n’était pas maîtrisé rapidement. À la lumière de ces faits, je ne peux conclure que le plaquage au sol du plaignant par l’un de ces deux agents de police équivalait à un recours excessif à la force dans les circonstances. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, y compris la longue et difficile poursuite à pied que le plaignant avait déjà forcé la police à entreprendre, il aurait été clair pour l’AI no 1 et l’AI no 2 que le plaignant n’était pas sur le point de se livrer volontairement et qu’il faudrait user de force pour mettre fin à son comportement et le placer en état d’arrestation.

Je conclus qu’il est probable que le plaignant ait subi les blessures aux côtes et le léger pneumothorax lorsque, pendant qu’il courait à toute vitesse, il a été plaqué au sol par un agent qui, selon toute vraisemblance, courait lui aussi à toute allure et a dû se lancer sur le plaignant pour l’arrêter. J’interprète la description du plaquage à la manière d’un joueur de football comme voulant dire que l’agent impliqué a atterri sur le plaignant alors qu’ils tombaient tous deux ensemble et que le poids supplémentaire de l’agent de police sur le plaignant, en plus de l’élan additionnel causé par la chute des deux hommes, était probablement la cause de ses blessures. Je suis conforté dans cette conclusion par le fait que les blessures aux côtes du plaignant étaient toutes au même endroit et à l’arrière de la cage thoracique, ce qui correspondrait à cet exposé des faits. Vu ces faits, je ne peux conclure qu’il s’agissait d’un recours à de la force excessive.

Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme l’a expliqué le juge Anderson dans l’affaire R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’agent impliqué qui a causé la chute du plaignant en le plaquant à la façon d’un joueur de football tombait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise sous garde légale et mettre fin à la poursuite à pied qui durait déjà trop longtemps.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la poursuite et l’appréhension du plaignant et la façon dont elles ont été exécutées étaient légitimes malgré les blessures qu’il a subies. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par les agents sont conformes aux limites prescrites pas le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 7 juin 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] C’est l’estimation fournie par le plaignant quant à la hauteur de la clôture qu’il a franchie près du consulat des États-Unis. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.