Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OFD-193

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la mort d’un jeune homme de 15 ans sur qui la police a tiré le 27 juillet 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 27 juillet 2017, vers 2 h 30, la Police régionale de Peel (PRP) a informé l’UES de la blessure par balle subie par le plaignant. Au moment où l’incident a été signalé, le plaignant était hospitalisé pour une blessure par balle.

Selon la PRP, le jeudi 27 juillet 2017, à 1 h 50 du matin, des agents de la PRP ont répondu à un appel concernant un vol qualifié commis à la succursale de la Banque de Montréal située au 6035, chemin Creditview, dans la ville de Mississauga. L’agent impliqué (AI) a tiré sur un homme de 15 ans non identifié au moment de la notification [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant]. Il a été indiqué que le plaignant a été transporté à un hôpital à Toronto. Les agents de la PRP recherchaient activement d’autres suspects dans le vol qualifié.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 8

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 4

Les enquêteurs de l’UES ont interrogé des témoins civils et de la police, ont effectué une recherche de témoins supplémentaires et ont recherché et obtenu des images pertinentes à l’incident provenant de systèmes de télévision en circuit fermé (TVCF).

Le témoin civil (TC) no 5, le TC no 10 et le TC no 11 n’ont pas été interrogés car ils ne disposaient pas de renseignements permettant de faire avancer l’enquête qui n’étaient pas déjà connus à partir des nombreux dossiers médicaux, des entrevues auprès des TC, de l’agent impliqué (AI) et des agents témoins (AT), des données de TVCF et des rapports et enregistrements audio de communications de la PRP obtenus au cours de l’enquête.

Les enquêteurs judiciaires (EJ) de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont pris des photographies numériques des lieux, ont recueilli des preuves matérielles et ont saisi des pièces pertinentes à l’incident.

Les EJ de l’UES ont examiné, photographié et analysé un petit trou en forme de cratère sur le mur extérieur du bâtiment de la succursale de la Banque de Montréal, au‐dessus des portes d’entrée, qui se trouvaient à l’intérieur de l’arc de portée de l’arme utilisée par l’AI pour vérifier si ce trou avait été créé par un projectile provenant de la carabine C8 avec laquelle l’AI a fait feu en direction du plaignant. Du plomb à l’état de trace a été trouvé dans le trou et cela semblait correspondre à un impact de balle.

L’UES a examiné les données de TVCF de la station‐service Petro-Canada et du restaurant Kentucky Fried Chicken (KFC) qu’elle a obtenues de la PRP. Elle a aussi examiné les données de TVCF provenant des restaurants Pizza Pizza et Tim Hortons. Les séquences vidéo provenant des systèmes de TVCF de la station‐service Petro-Canada et du restaurant Pizza Pizza montraient le comportement du plaignant alors qu’il était armé d’une arme de poing plusieurs minutes avant que l’AI ne lui tire dessus, alors que le plaignant se trouvait dans l’entrée de la Banque de Montréal. Les données de TVCF et du restaurant Tim Hortons n’avaient pas de valeur probante.

Seuls les données de TVCF que l’UES a obtenues de la Banque de Montréal, lesquelles ont été améliorées par les services de récupération de données judiciaires du ministère des Finances de l’Ontario, montraient le comportement du plaignant et l’interaction avec arme à feu avec l’AI, laquelle a ultérieurement entraîné le décès du plaignant.

Les services de récupération de données judiciaires du ministère des Finances ont également fourni à l’UES des données améliorées quant aux enregistrements audio/vidéo effectués par le TC no 1.

Plaignant:

Homme âgé de 15 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 N’a pas participé à une entrevue; plus proche parent

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

TC no 10 N’a pas participé à une entrevue; n’avait pas d’autres renseignements à offrir qui ne figuraient pas déjà dans les dossiers médicaux

TC no 11 N’a pas participé à une entrevue; n’avait aucun renseignement supplémentaire à offrir

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

De plus, les notes de trois autres agents ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le 27 juillet 2017, entre minuit et 1 h 25, le plaignant se trouvait dans une berline Audi qui avait été déclarée volée. Il était accompagné de deux jeunes hommes et de deux jeunes filles, tous âgés de moins de 17 ans, dont le TC no 3.

À 1 h 33, le plaignant est entré dans la station‐service Petro-Canada du 1520, chemin Britannia Ouest, dans la ville de Mississauga. Il était seul et a braqué ce qui semblait être une arme de poing noire sur le préposé, lequel a sorti du tiroir‐caisse une certaine somme d’argent en espèces et l’a mise sur le comptoir. Le plaignant est alors sorti de la station‐service sans prendre l’argent, mais il est retourné environ une minute plus tard, accompagné de deux des autres adolescents qui se trouvaient dans la voiture, et a essayé de rafler l’argent en espèces qui était toujours sur le comptoir. Les deux autres jeunes ont repoussé l’argent vers le préposé et loin du plaignant, puis ont escorté ce dernier à l’extérieur du magasin. Le préposé de la station‐service a appelé la PRP alors que les deux jeunes hommes retournaient dans la berline Audi volée et quittaient rapidement l’endroit avec les deux jeunes filles, laissant le plaignant derrière.

Immédiatement après le vol avorté de la station‐service Petro-Canada, le plaignant est entré dans le restaurant Pizza du 6065, chemin Creditview, et a pointé la même arme de poing noire sur le visage d’un employé du restaurant qui se tenait près de la caisse. L’employé a saisi l’arme de poing, mais le plaignant l’a retenue et s’est enfui du restaurant.

Au moment où le plaignant se trouvait à l’extérieur du restaurant Pizza Pizza, la berline Audi et ses quatre occupants avaient quitté le secteur et n’ont pas été vus par les agents de la PRP qui répondaient aux appels concernant les incidents à la station‐service Petro‐Canada et au restaurant Pizza Pizza.

Avant que les agents de la PRP n’arrivent dans le secteur des tentatives de vol qualifié, le plaignant a tenté de voler, sous la menace d’une arme, le véhicule conduit et uniquement occupé par la TC no 1, qui s’était garée dans le stationnement et travaillait sur son ordinateur. La TC no 1 a contrecarré la tentative de détournement de voiture en s’éloignant du plaignant, mais elle est restée sur le terrain de stationnement tout en appelant la PRP sur son téléphone cellulaire. La TC no 1 s’éloignait du plaignant dans son véhicule lorsqu’elle l’a vu s’approcher d’un autre véhicule et pointer l’arme de poing sur le conducteur de ce véhicule, lequel s’est aussi éloigné du plaignant au volant de sa voiture.

La TC no 1 a ensuite fait des enregistrements audio et vidéo, avec son téléphone cellulaire, durant ses communications avec la PRP, pendant qu’elle s’efforçait de décrire les actions du plaignant, y compris sa fuite à pied vers la Banque de Montréal, qui se trouvait dans le même centre commercial où il avait tenté de voler le véhicule de la TC no 1 sous la menace de son pistolet.

Dans l’un des enregistrements audio/vidéo faits par la TC no 1, on voit l’AI faire feu sur le plaignant avec sa carabine C8. À peu près au même moment, l’AI a ouvert le microphone de sa radio portable, ce qui a fait que l’audio des communications de la PRP a commencé à être enregistré.

Après que le plaignant eut couru en direction nord vers la Banque de Montréal se trouvant à l’extrémité ouest du centre commercial, il est entré dans le foyer non verrouillé de la banque, en est sorti, puis y est entré de nouveau à peu près en même temps que les agents de la PRP sont arrivés à hauteur de la station‐service Petro-Canada et du restaurant Pizza Pizza. Les agents de la PRP [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI et de l’agent témoin (AT) no 3] se sont approchés de la banque, depuis le chemin Creditview, dans leur voiture de patrouille.

Après une brève confrontation entre le plaignant, qui se trouvait dans l’entrebâillement de la porte du foyer de la Banque de Montréal, et l’AI et l’AT no 3, qui s’étaient mis à l’abri derrière leurs autopatrouilles de la PRP sur le chemin Creditview, le plaignant a levé son arme de poing en direction de l’AI, lequel a alors fait feu sur le plaignant avec sa carabine C8 que la PRP lui avait remise, atteignant le plaignant une fois à l’abdomen; une deuxième balle tirée semble s’être logée dans le mur extérieur de la Banque de Montréal (BMO).

Le plaignant a été transporté par ambulance à un hôpital, où il a été admis pour un traitement chirurgical de la blessure par balle.

Nature des blessures et traitement/cause de la mort

Le plaignant a été admis à l’hôpital le 27 juillet 2017, pour une blessure traumatique par balle à l’abdomen accompagnée de plusieurs blessures organiques secondaires. De nombreuses interventions chirurgicales urgentes et électives ont été pratiquées dans le but d’endiguer les saignements internes et de traiter les infections systémiques ayant résulté de la blessure par balle. Le plaignant ne s’est pas remis de ses blessures et est décédé à l’hôpital le 26 août 2017.

À l’issue de l’autopsie du corps du plaignant effectuée au CSJ par le médecin légiste du CSJ le 28 août 2017, il a été déterminé provisoirement que la cause du décès était une [traduction] « blessure par balle à l’abdomen ».

Le 25 avril 2018, le Service de pathologie judiciaire de l’Ontario a produit son rapport final (que l’EUS a reçu le 15 juin 2018) dans lequel le pathologiste a constaté qu’une balle déformée avait été récupérée dans la paroi thoracique inférieure gauche et que l’étendue pathologique de la blessure par balle était indéterminée. Le pathologiste a également conclu que le plaignant avait succombé à des complications dues à une blessure par balle au torse.

Preuve

Les lieux

La scène était le terrain de stationnement du centre commercial Credit Valley Town Plaza dans la ville de Mississauga. Le premier endroit d’intérêt était la succursale de la Banque de Montréal située à l’angle nord‐ouest du centre commercial.

Les lieux

Il y avait de nombreux véhicules de la PRP sur le terrain de stationnement du centre commercial, ainsi que sur les chemins Britannia Ouest et Creditview.

Sur l’entrée cimentée de la banque, il y avait des vêtements, un fil de couleur cuivre, un briquet, un porte‐monnaie bleu, des attaches en plastique bleues, des boîtes de préservatifs et une espadrille noire.

Il y avait une camionnette noire Dodge Ram banalisée de la PRP avec son système de feux d’urgence de la police toujours activé qui était garée devant la banque avec des traces de pneus fraîches sur la surface gazonnée du boulevard entre le chemin Creditview et le stationnement du centre commercial, traces qui s’arrêtaient à la camionnette.

Deux douilles de cartouche ont été trouvées sur les lieux, l’une sur le dessus du véhicule de la PRP conduit par l’AI et l’autre sur la chaussée, près de l’avant gauche du même véhicule de police.

Un trou en forme de cratère, dont on croit qu’il a été causé par un impact de projectile, a été observé sur la surface du revêtement en stucco du mur extérieur avant de la banque, près de l’entrée de la succursale.

Trou en forme de cratère dans le stucco

Trou en forme de cratère dans le stucco

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

L’arme du plaignant

Sur les lieux, l’UES a récupéré un pistolet à plombs non chargé de couleur noire Hechler & Koch HK.45, de calibre .177 [4,5 mm], fabriqué en Taiwan, avec une plaque incrustée au bas du palier à glissière portant un numéro de série. Il manquait, dans l’arme, la cartouche à propulsion au dioxyde de carbone nécessaire pour projeter un projectile. Le profil et l’apparence de l’arme étaient remarquablement similaires à l’authentique HK.45, une arme de poing semi‐automatique de calibre 45 fabriquée pour l’armée américaine.

Données du système de localisation automatique de véhicule (LAV) du véhicule de la PRP

Les données ci‐dessous ont été créées par le véhicule de l’AI sur les lieux où il a garé son véhicule lorsque le plaignant s’est montré devant la succursale de la Banque de Montréal.

L’heure enregistrée par le système LAV lorsque l’AI était en train de s’immobiliser et de stationner son véhicule était 01 h 50 m 31 s. L’entrée de données suivante dans le système LAV s’est produite à 01 h 52 m 31 s, alors que le véhicule de l’AI était stationnaire, après que l’AI eu tiré une fois sur le plaignant, à 01 h 51 m 27 s, ou vers cette heure‐là, comme l’indiquent la chronologie des événements et les enregistrements audio de communications de la PRP.

Preuve criminalistique

Éléments de preuve envoyés au Centre des sciences judiciaires (CSJ) et résultats des analyses

L’UES a envoyé pour analyse des éléments au CSJ afin qu’il soit déterminé si les deux cartouches dont on a trouvé les douilles sur les lieux ainsi que la balle endommagée qu’on a retrouvée dans le corps du plaignant ont été chargées et tirées de la carabine C8 utilisée par l’AI. Les résultats de l’analyse faite par le CSJ concluaient que les deux douilles de cartouche des balles tirées et une balle endommagée correspondaient à la catégorie et aux caractéristiques individuelles de la carabine C8 avec laquelle l’AI a fait feu.

Le rapport du CSJ concluait aussi que la carabine semi‐automatique C8 utilisée par l’AI ne pouvait pas tirer plus d’un projectile à la fois et qu’il fallait chaque fois appuyer délibérément sur la détente de l’arme pour faire feu.

L’UES a également envoyé pour analyse un élément de preuve au CSJ pour qu’il soit déterminé si un échantillon d’acide désoxyribonucléique (ADN) obtenu du plaignant correspondait aux substances biologiques que l’UES a récupérées sur la réplique d’arme de poing trouvée sur la scène.

Le 12 mars 2018, l’UES a reçu le rapport d’analyse d’ADN par le CSJ daté du 8 septembre 2017, qui concluait que l’ADN provenant du prélèvement effectué sur la surface texturée de la crosse et de la glissière de l’imitation d’arme de poing trouvée sur les lieux constituait un mélange d’ADN provenant de quatre personnes, dont au moins une était de sexe masculin. Une composante majeure d’ADN masculin et trois composantes mineures d’ADN ont été jugées acceptables aux fins de comparaison. L’UES n’était pas en possession de l’ADN de l’une ou l’autre des parties, de sorte qu’une comparaison n’a pu être effectuée. Toutefois, le directeur intérimaire de l’UES a autorisé la transmission du rapport du CSJ à la PRP au cas où elle choisirait d’essayer de comparer la composante masculine d’ADN avec les autres échantillons d’ADN masculins qu’elle avait obtenus au cours de son enquête.

Preuve d’expert

À l’autopsie qu’il a pratiquée sur le corps du plaignant le 28 août 2017, au CSJ, le médecin légiste du CSJ a estimé provisoirement que la cause du décès était une [traduction] « blessure par balle à l’abdomen ».

Le 25 avril 2018, le Service de pathologie judiciaire de l’Ontario a rendu son rapport final (que l’UES a reçu le 15 juin 2018), dans lequel le pathologiste a constaté qu’une balle déformée a été récupérée de la paroi thoracique inférieure gauche et que l’étendue pathologique de la blessure par balle était indéterminée. Le pathologiste a également conclu que le plaignant avait succombé à des complications dues à une blessure par balle au torse.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré les alentours à la recherche de possibles enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, et elle a trouvé ce qui suit :

Données de TVCF

Les données se rapportaient aux incidents survenus le 27 juillet 2017. Aucune des données ne comportait de piste audio. L’heure n’était pas indiquée sur les images de TVCF provenant du restaurant Pizza Pizza.

Station‐service Petro-Canada

  • 1 h 25 m 17 s – l’enregistrement vidéo commence. On voit un jeune employé de sexe masculin à l’intérieur du magasin de la station‐service Petro-Canada
  • 1 h 32 m 30 s – le caissier du magasin fait un signe à quelqu’un à l’extérieur
  • 1 h 32 m 47 s – un homme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] entre dans le magasin. Il porte une veste grise à capuche avec la capuche relevée (sur sa tête). Il a la main droite dans la poche droite de sa veste et la main gauche dans la poche gauche. Il s’approche du comptoir de caisse où se trouve le préposé
  • 1 h 33 m 01 s – le plaignant tourne à droite, s’éloignant du comptoir de la caisse, puis il tourne à gauche en direction du préposé. Le préposé pointe ensuite la zone des pompes à essence
  • 1 h 33 m 07 s – de sa main droite, le plaignant sort un pistolet de la poche droite de sa veste à capuche et le braque sur le préposé. Le préposé ouvre le tiroir-caisse de la caisse enregistreuse et en sort une certaine quantité de billets de banque
  • 1 h 33 m 23 s – le plaignant remet le pistolet dans sa poche droite. Il sourit et sort du magasin. Le préposé remet l’argent dans le tiroir-caisse
  • 1 h 33 m 45 s – le plaignant retourne à l’intérieur du magasin et, de nouveau, a la main droite dans sa poche droite et la main gauche dans sa poche gauche. Il s’approche du comptoir où se tient le préposé. Le préposé ouvre le tiroir-caisse et prend une certaine quantité de billets et les place sur le comptoir
  • 1 h 34 m 01 s – un jeune homme de race noire portant une veste à capuche de couleur noire entre dans le magasin et s’approche du comptoir de caisse. Le jeune homme est à gauche du plaignant et passe son bras droit autour de l’épaule du plaignant. Le plaignant essaie de saisir, de la main gauche, l’argent qui se trouve sur le comptoir. Le jeune homme repousse d’un revers de la main l’argent vers le préposé à la caisse. Un deuxième jeune homme entre dans le magasin et se met à droite du plaignant. Le plaignant et les deux hommes sortent du magasin
  • 1 h 34 m 45 s – le préposé regarde en direction de la zone des pompes à essence
  • 1 h 35 m 17 s – le préposé fait un appel téléphonique et écrit quelque chose sur un morceau de papier
  • 1 h 37 m 17 s – la vidéo se termine

Restaurant Pizza Pizza

Caméra 3 – porte d’entrée

  • 8 m 09 s après le début de la vidéo – on voit le plaignant à l’entrée du restaurant, à l’extérieur
  • 8 m 14 s après le début de la vidéo – le plaignant entre dans le restaurant par la porte principale, et on peut voir le contour d’une arme de poing qui se trouve dans la poche droite de sa veste à capuche

Caméra 4 – comptoir avant

  • 17 m après le début de la vidéo – le plaignant s’approche d’une employée au comptoir avant. La vidéo saute ensuite le moment où l’incident s’est produit

Caméra 5 – passage menant au comptoir

  • 4 m 10 s après le début de la vidéo – le plaignant entre dans le restaurant Pizza Pizza et se rend au comptoir
  • 4 m 25 s après le début de la vidéo – le plaignant emprunte le passage et marche vers le comptoir
  • 4 m 35 s après le début de la vidéo – le plaignant met le pistolet dans la poche droite de sa veste à capuchon puis sort du restaurant

Camera 6 – comptoir de caisse

  • 18 m 41 s après le début de la vidéo – Le plaignant se trouve au comptoir de caisse. Il a les mains dans les poches de sa veste à capuche
  • 19 m 22 s après le début de la vidéo – Le plaignant met le devant de sa veste à capuche sur le comptoir de caisse
  • 19 m 41 s après le début de la vidéo – La préposée à la caisse s’éloigne du comptoir. Un employé de sexe masculin arrive au comptoir de caisse et parle au plaignant, lequel recule, sortant du champ de la caméra, puis s’avance et « donne un cinq! (fait un « high five ») à l’employé de Pizza Pizza
  • 20 m 20 s après le début de la vidéo – Le plaignant quitte le comptoir de caisse en sortant du champ de vision, puis il y revient rapidement
  • 20 m 34 s après le début de la vidéo – Le plaignant sort un pistolet de la poche droite de sa veste à capuche et le braque sur le visage de l’employé au comptoir de caisse. Le pistolet est à quelques pouces à peine du visage de l’employé de Pizza Pizza. L’employé de sexe masculin saisit le pistolet par le canon, et le plaignant tire le pistolet vers lui en l’éloignant de l’employé
  • 20 m 38 s après le début de la vidéo – Le plaignant recule et sort à nouveau du champ de la caméra

Tim Hortons

Champ de la caméra – poubelles

  • 1 h 42 m 48 s – La vidéo commence. L’image est granuleuse et on a de la difficulté à percevoir les choses
  • 1 h 44 m 00 s – Un véhicule de police identifié arrive dans le stationnement de la BMO. D’autres véhicules de police arrivent dans le secteur avec leurs feux d’urgence activés sur le toit. Il y a de l’activité à la BMO, mais la qualité de l’image ne permet pas de discerner ce qui se passe
  • 1 h 50 m 55 s – Un homme marche depuis l’emplacement du Tim Hortons en direction des poubelles et regarde en direction de la BMO
  • 1 h 58 m 42 s – La vidéo se termine

Banque de Montréal (BMO)

Caméra no 1 – Vue de l’entrée

  • 1 h 00 – La vidéo commence
  • 1 h 48 m 28 s – Le plaignant apparaît dans le champ de la caméra et entre dans la BMO. Il porte une veste à capuche grise et la capuche est relevée. L’angle de la caméra permet de voir seulement le torse du plaignant
  • 1 h 48 m 32 s – Le plaignant sort du champ de la camera
  • 1 h 48 m 34 s – Le plaignant réapparaît dans le champ de la caméra, puis en sort de nouveau
  • 1 h 51 m 01 s – Le plaignant réapparaît encore dans le champ de la caméra, puis de nouveau, en sort

Caméra no 2 – Vue de la sortie

  • 1 h 00 – La vidéo commence
  • 1 h 48 m 27 s – Le plaignant apparaît dans le champ de la caméra à l’intérieur du foyer d’entrée de la BMO, puis il marche vers la porte d’entrée menant à l’intérieur de la banque. Avant d’atteindre la porte, le plaignant se tourne rapidement et se précipite vers la porte de sortie. Sa capuche est relevée. Il a la main droite dans la poche droite de sa veste à capuche et sa main gauche est sortie lorsqu’il sort du foyer de la banque
  • 1 h 49 m 46 s – Le plaignant apparaît dans le champ de la caméra, tandis qu’il s’approche de la porte d’entrée de la BMO, puis il entre à l’intérieur. Il porte sa main gauche au niveau de sa gorge et il a un pistolet dans la main droite. Il marche jusqu’à la porte donnant à l’intérieur de la banque et se sert de sa main gauche pour essayer de l’ouvrir
  • 1 h 51 m 07 s – Le plaignant marche vers la porte de sortie et sort du champ de la caméra
  • 2 h 00 – La vidéo se termine

Caméra no 3 – Vue du foyer de la banque

  • 1 h 00 – La vidéo commence
  • 1 h 48 m 32 s – Le plaignant apparaît dans le champ de la caméra puis sort du champ de vision
  • 1 h 51 m 02 s – Le plaignant apparaît dans le champ de la caméra et a sa capuche sur la tête
  • 2 h 00 – La vidéo se termine

Caméra no 4 – Vue des GAB (guichets automatiques bancaires)

  • 1 h 00 – La vidéo commence
  • 1 h 48 m 20 s – Le plaignant entre dans le champ de la caméra, alors qu’il s’approche de la porte d’entrée de la BMO
  • 1 h 48 m 24 s – Le plaignant ouvre la porte de la banque de la main gauche. Il a la main droite dans la poche droite de sa veste à capuche. Il marche en direction de la porte donnant vers l’intérieur de la BMO, puis se retourne rapidement et retourne à la porte de sortie du sas d’entrée
  • 1 h 48 m 35 s – Le plaignant se trouve à la porte de sortie, qui est ouverte, et il regarde vers l’extérieur. Il maintient la porte ouverte de la main gauche
  • 1 h 48 m 55 s – Le plaignant laisse la porte se fermer et marche à droite de la porte de la BMO et sort du champ de la caméra
  • 1 h 49 m 31 s – Le plaignant réapparaît dans le champ de vision à l’extérieur du foyer d’entrée de la BMO; il ouvre alors cette porte avec sa main gauche et fait une pause en regardant derrière lui. Il entre et a un pistolet à la main droite
  • 1 h 49 m 50 s – Le plaignant se retourne, ouvre la porte donnant vers l’extérieur et s’arrête un instant
  • 1 h 49 m 58 s – Le plaignant recule vers l’embrassure de la porte de sortie
  • 1 h 50 m 10 s – Le plaignant marche vers la droite de l’entrée et sort du champ de vision
  • 1 h 50 m 19 s – Le plaignant apparaît dans le champ de vision à l’extérieur des portes du foyer de la BMO, puis il marche vers la droite des portes et, de nouveau, sort du champ de la caméra
  • 1 h 50 m 53 s – Le plaignant se trouve à la porte de la BMO. Il s’arrête et regarde derrière lui, puis il pointe avec sa main droite
  • 1 h 51 m 00 s – Le plaignant entre dans la BMO. Il a un pistolet à la main droite. Il marche jusqu’à la porte donnant vers l’intérieur de la banque et essaye de l’ouvrir avec la main gauche
  • 1 h 51 m 06 s – Le plaignant se tourne vers la porte de sortie, se baisse et marche jusqu’à la porte de sortie. Il ouvre la porte de sortie de la main gauche, fait quelques pas à l’extérieur, puis revient vers l’embrassure de la porte
  • 1 h 51 m 23 s – Le plaignant lève sa main droite au-dessus de son épaule, puis il lève la main gauche et se touche derrière la tête, puis il baisse son bras droit qui va vers l’avant
  • 1 h 51 m 30 s – Le plaignant fléchit et tombe en avant dans le foyer d’entrée de la BMO. Il atterrit sur le ventre et roule d’un côté à l’autre. Ses jambes et ses pieds empêchent la porte de la BMO de se refermer
  • 1 h 52 m 20 s – Dans la baie vitrée de la BMO, on voit le reflet de phares et de feux clignotants bleus
  • 1 h 52 m 53 s – Le faisceau de lumière d’une torche s’approche de la porte de la BMO. Un agent de police portant son équipement tactique apparaît. Il a une arme dans les mains, tandis qu’il s’approche de l’embrassure des portes de la banque et il la pointe sur le plaignant
  • 1 h 53 m 10 s – Un deuxième agent de police, qui a le crâne chauve, saisit le plaignant par ses membres inférieurs et le sort du sas d’entrée de la banque
  • 1 h 53 m 20 s – La porte de la banque se ferme, et des agents de police arrivent et se penchent sur le plaignant
  • 1 h 53 m 43 s – Une autopatrouille arrive devant la BMO. Le faisceau de lumière d’une torche illumine la banque
  • 1 h 57 m 29 s – Deux agents de police en tenue d’intervention tactique entrent dans le foyer d’entrée de la banque et vérifient les lieux. La banque est sécurisée et les agents sortent
  • 1 h 58 m 38 s – Une ambulance arrive, et les ambulanciers paramédicaux sont penchés sur le plaignant avec les agents de police. Un ambulancier apporte une civière à l’avant de la banque
  • 2 h 00 – La vidéo se termine

Caméra no 5 – Vue de surveillance des GAB (guichets automatiques bancaires)

  • La caméra no 5 offre la même vue que la caméra no 4.Enregistrements audio et vidéo de la TC no 1

Le 27 juillet 2017, la TC no 1 a enregistré deux vidéos sur son iPhone. La vidéo no 1 commençait à 1 h 50 m 26 s du matin et durait 42 secondes. La vidéo no 2 commençait à 1 h 51 m 14 s et durait 9 minutes et 40 secondes.

Vidéo no 1 – IMG_4215

  • Le téléphone cellulaire enregistre l’intérieur du véhicule de la TC no1 pendant qu’elle conduit. Le téléphone est ensuite dirigé vers l’extérieur de la fenêtre côté conducteur. Le stationnement est filmé et un véhicule de police identifié est visible. Le téléphone cellulaire est ensuite abaissé. C’est l’intérieur du véhicule qui est filmé et, parfois, l’écran est noir. Le téléphone cellulaire est alors levé et, à nouveau, le stationnement est quelque peu visible, ainsi que les feux d’urgence clignotants
  • La TC no1 dit [traduction] « Il va vers le nord, il est en train de danser, il porte une veste à capuche grise et des pantalons de jogging gris
  • Une voix masculine [qu’on présume être celle du préposé aux appels au 9‐1‐1 au téléphone] dit [traduction] « Le nord, au nord, où? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Il va vers le nord, heu, au nord par-là, heu, en direction nord après la banque. Il a vu votre voiture, il a vu la voiture. OK, la police, il y a une voiture de police, il y a une autopatrouille ici maintenant, qui sera sur lui. Ouais, il y a deux voitures de police ici. »
  • La voix masculine demande [traduction] « Est-ce qu’ils le voient? »
  • La TC no1 répond [traduction] « Non, ils partent à sa recherche. C’est lui, c’est lui. »
  • On entend une voiture klaxonner deux fois
  • À 0 h 23 m dans l’enregistrement, on entend un coup de feu
  • La TC no1 crie
  • La TC no1 dit [traduction] « [inaudible] a un pistolet, Oh Seigneur. Oh, oh, oh, oh mon dieu. C’était un pistolet, Seigneur. Oh, c’est lui, oh mon dieu, il a une arme. Il a sorti son arme. »
  • On entend des voix masculines crier [traduction] « Madame, fermez votre portière. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, c’est lui, ok, ok, ok, ok, ne [...] »
  • L’enregistrement vidéo et audio se termine à 0 h 42 m

Vidéo no 2 – IMG_4216

  • Le téléphone cellulaire enregistre de l’intérieur du véhicule de la TC no1, à travers la fenêtre côté conducteur. Au début, le téléphone cellulaire est dirigé vers le magasin 99 Depot et la succursale de la BMO lorsqu’on entend un coup de feu. Le téléphone cellulaire est ensuite dirigé vers le stationnement, où des véhicules d’urgence sont vus. Le téléphone cellulaire est alors dirigé vers la BMO, où des personnes se déplacent
  • La TC no1 dit [traduction] « Monsieur l’agent, Monsieur l’agent. »
  • Une voix masculine [qu’on présume être celle du préposé aux appels au 9‐1‐1 au téléphone] répond « Oui »
  • La TC no1 dit [traduction] « Il y a eu un coup de feu. »
  • À 0 h 05 dans l’enregistrement, on entend un coup de feu
  • La TC no1 hurle et on entend des cognements à l’intérieur de son véhicule. La TC no 1 dit [traduction] « Seigneur, Seigneur, oh mon dieu. Ils lui ont tiré dessus, non. Les gars, ne tirez pas sur lui. Je vous ai demandé de ne pas lui tirer dessus. Oh, mon dieu, ne t […]. »
  • Une voix masculine dit [traduction] « Madame, Madame, respirez profondément. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Non, ne tirez pas sur lui. Oh Seigneur, je suis responsable. Non, s’il-vous-plaît ne tirez pas sur lui, s’il-vous-plaît, je […]. »
  • Une voix masculine dit [traduction] « Madame »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, oh mon dieu, je crois qu’ils lui ont tiré dessus. »
  • La voix masculine dit [traduction] « Madame »
  • La TC no1 dit [traduction] « Je ne peux pas qu’ils abattent l’homme, j’ai dit (inaudible). Non, je n’arrive pas à le croire, oh mon dieu. Je crois qu’ils ont abattu l’homme. Ne tirez pas s’il-vous-plaît. Je n’arrive pas à le croire, non.&rdquo
  • Une voix masculine dit [traduction] « Madame »
  • La TC no1 dit [traduction] « Je vous ai appelé les gars. »
  • Une voix masculine dit [traduction] « Madame »
  • La TC no1 dit [traduction] « C’est moi qui vous ai appelé. Ok, je vous ai appelé les gars. Ok, ne le tuez pas, s’il-vous-plaît, Monsieur l’agent, Il a des problèmes mentaux. »
  • Une voix masculine dit [traduction] « Ok, Madame »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oh mon dieu, oh mon dieu, je vous ai appelé les gars, pas pour le tuer. S’il-vous-plaît, ne le tuez pas, s’il-vous-plaît. Oh non, attendez, non, mon dieu. S’il-vous-plaît, ne le tuez pas. » « Oh mon dieu, c’est ma faute, je sais, les gars ne le tuez pas. Seigneur, s’il-vous-plaît, aidez-le. Mon dieu, aidez-le, s’il-vous-plaît, il a ouvert […] Oh oui. »
  • Une voix masculine crie [traduction] « (inaudible) Les mains en l’air, les mains en l’air. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Visez la jambe. Il aurait pu me tuer mais il ne l’a pas fait. Merci Seigneur. Oh mon dieu. »
  • Une voix masculine crie [traduction] « Sortez vos mains vers l’extérieur sur le côté (inaudible). »
  • La TC no1 dit [traduction] « Merci les gars, merci, merci (inaudible). Oh mon Dieu, oh mon dieu, ils l’ont attrapé, ok. L’agent des appels au 9-1-1, oh, oh, ok, respiration profonde. Oh mon dieu, oh mon dieu, oh, oh, ok, respiration profonde. Voilà les conséquences qu’un appel téléphonique peut avoir. J’ai fait venir la police. »
  • Une voix masculine criant sur un haut-parleur (paroles inaudibles)
  • La TC no1 dit [traduction] « Merci Seigneur (inaudible), merci. Oh mon dieu. Tout cela à la suite d’un seul coup de téléphone. Oh mon Dieu, ok. Oh mon dieu, ok, je ne sais pas s’il a fait feu une fois. Oh mon dieu, il a ouvert la portière de ma voiture. Seigneur, je te remercie de me protéger. Il aurait pu m’abattre dans la voiture, mais il ne l’a pas fait. Le lui ai gentiment demandé de refermer ma portière et je lui ai dit que mon petit ami était en chemin. Oh mon dieu, Porscha, Joshua, je vous aime. Oh mon dieu, oh mon dieu. Merci Seigneur, j’espère qu’il va bien. Seigneur, il ne m’a pas tiré dessus. Oh mon dieu, oh mon dieu. Je ne sais pas s’il va bien. Je crois qu’il saigne. Oh mon dieu, peut-être qu’il est mort maintenant. Il ne bouge plus maintenant. Oh mon dieu. Il bouge un peu. Les gars, appelez l’ambulance, s’il-vous-plaît. Appelez une ambulance pour lui, s’il-vous-plaît. C’est qui qui a fait l’appel. Allez, ne le laissez pas mourir comme ça, s’il-vous-plaît. Est-ce qu’on peut avoir une ambulance ici? 9-1-1, 9-1-1 il nous faut une ambulance. Oh mon dieu. »
  • À 4 h 16, un appel de téléphone cellulaire est fait
  • La TC no1 dit [traduction] « Les gars, aidez-le, s’il-vous-plaît. Je suis celle qui a fait l’appel. Pouvez-vous faire venir une ambulance pour l’aider, s’il vous plaît? »
  • Le préposé aux appels au 9-1-1 dit [traduction] « 9-1-1, avez-vous besoin de la police, des pompiers, ou d’une ambulance? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Il nous faut une ambulance à la Banque de Montréal. »
  • Le préposé aux appels au 9-1-1 dit [traduction] « Gardez la ligne pour l’ambulance. »
  • Message enregistré : « Nous sommes désolés, votre appel ne peut être acheminé. »
  • Une voix masculine crie en arrière-plan « Pizza Pizza […] (inaudible) »
  • Un appel téléphonique est fait à partir d’un téléphone cellulaire
  • La TC no1 dit [traduction] « Est-ce que vous pouvez aider cet homme? »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Oui, gardez la ligne. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Ambulance, quelle est votre urgence? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, la police vient de tirer sur l’homme. J’ai appelé la police. J’ai appelé la police pour qu’on l’aide, et ils lui ont tiré dessus. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Je ne vous entends pas. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Madame, écoutez, madame. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Madame, êtes-vous au coin de Britannia et Creditview? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, c’est moi qui ai appelé, mais il n’y a pas d’ambulance. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Nous avons beaucoup d’aide en route. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Mais il n’y a pas d’ambulance, il n’y a pas d’ambulance, je crois qu’ils ont tiré sur l’homme. Il n’y a pas d’ambulance. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Écoutez, Madame, j’aimerais que vous preniez une grande respiration, d’accord? Il y a beaucoup d’aide qui s’en vient. Les ambulanciers sont en route et ils arriveront le plus vite possible. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Allô, c’est moi qui ai appelé. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « D’accord, écoutez, écoutez une seconde. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Non, l’agent de police arrive à mon véhicule. »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Ok, écoutez-là, ok? Vous êtes au coin de Britannia et Creditview, n’est-ce pas? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Je suis celle qui a fait l’appel, mais. J’espère, j’espère que vous ne lui avez pas tiré dessus, mais je crois que vous l’avez fait. »
  • Une voix d’homme (venant de l’extérieur de la voiture) dit : [traduction] « Je crois qu’il est correct et vivant. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Est-ce qu’il est vivant? Est-ce que vous avez eu l’ambulance? »
  • Une voix de femme dit [traduction] « Est-ce qu’il y a quelqu’un avec vous en ce moment? »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « L’ambulance est en chemin, qu’est-ce qui est arrivé? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Merci, d’accord. J’ai un agent ici avec moi, merci Madame, merci
  • La TC no1 dit [traduction] « J’étais dans le stationnement concentrée sur mon iPhone® et il est arrivé et a ouvert ma portière. Je ne savais même pas que la portière était déverrouillée. Avant que j’ai eu le temps d’essayer de la verrouiller, cela n’a pas verrouillé sur ce côté, de sorte qu’il a ouvert ma portière, comme complètement. Et, heu, c’était vraiment bizarre parce que quel genre de personne ouvre complètement la portière de votre véhicule. Alors, j’étais comme stupéfaite, ne sachant pas vraiment quoi dire. J’ai dit, Monsieur, pourriez-vous refermer ma porte. Et il essayait de penser à ce qu’il allait faire. Je crois qu’il se demandait s’il allait ou pas me tirer dessus, alors j’ai dit : »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Mais est-ce qu’il vous a montré le pistolet? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Mais il avait un pistolet. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Alors je lui ai dit d’une voix calme que mon copain arrivait. Je n’ai pas de petit ami. Alors j’ai dit, s’il-vous-plaît, fermez ma porte, et il a fermé la portière. Et ensuite je me suis éloignée en voiture; je me suis arrêtée pour voir si j’avais pas imaginé ce que j’avais vu. Lorsque je l’ai vu sortir un pistolet en direction de l’autre voiture, la voiture grise qui est là. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Est-ce qu’il y avait un seul homme ou étaient‐ils deux? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Je l’ai vu se diriger vers une voiture rouge, mais j’ignore si le conducteur de la voiture était quelqu’un qu’il essayait d’accoster comme il l’avait fait avec moi, ou si c’était quelqu’un qu’il connaissait. Je ne portais pas mes lunettes lorsque j’ai tourné ma voiture. J’ai mis mes lunettes et je l’ai alors vu se déplacer de l’endroit où il se trouvait et commencer à cogner sur la voiture grise, là-bas, puis à cogner avec l’arme, le pistolet qu’il avait à la main. Alors, quand j’ai vu cela, je me suis, tu sais, il vaut mieux. Et là, il a recommencé à venir vers moi, puis, merde, vous savez ce que j’ai dit. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Donnez-moi une seconde, s’il‐vous‐plaît. Il est possible que nous ayons besoin de prendre votre déposition au poste, est-ce que c’est correct? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Est-ce que vous lui avez tiré dessus? »
  • Une voix d’homme répond [traduction] « Je ne sais pas, mais je crois qu’il va bien. Il bougeait, mais ils hurlaient et criaient à son endroit, alors nous lui avons enlevé le pistolet. Il n’était pas mort. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Alors vous avez récupéré l’arme? »
  • Une voix d’homme répond [traduction] « Oui. Avez-vous une pièce d’identité sur vous? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Nous avons effectivement l’arme en notre possession. Je l’ai ramassée. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, mais est-ce qu’il va bien? Voilà ma pièce d’identité. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Mais je ne sais pas si le pistolet… »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, j’ai dit à la police que j’ignorais s’il s’agissait d’un faux pistolet ou d’une vraie arme à feu. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Il a l’air vrai, mais je ne sais pas si… »
  • La TC no1 dit [traduction] « Mais j’ai entendu un coup de feu. Je ne sais pas si le coup est d’abord venu de lui ou des policiers. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Je crois que cela venait de nous. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Je me disais, oh mon dieu, je ne veux pas appeler la police si quelqu’un est tué à cause de mon appel, n’est-ce pas? Ce n’est pas une bonne chose. »
  • Une voix d’homme dit [traduction] « Donnez-moi un instant, d’accord? »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oui, oh mon dieu, oh mon Dieu. L’ambulance est ici. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Oh mon dieu, j’espère qu’il va bien. »
  • On entend une transmission par radio dans laquelle il est dit : [traduction] « J’ai besoin de deux autres unités sur place avec moi. »
  • La TC no1 dit : [traduction] « Pourquoi est-ce qu’il a apporté ma carte d’identité jusque là-bas? Il veut que j’aille au poste, vraiment? Il a juste ouvert ma portière, quel genre de personne fait cela? Oh mon dieu. »
  • La TC no1 dit [traduction] « Pour un pistolet, il y a un, deux, trois, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix voitures de police, incroyable! »
  • On entend d’autres transmissions radio

Enregistrements de communications

Les enquêteurs de l’UES ont obtenu et examiné les enregistrements de sept appels au 9‐1‐1 ainsi que les enregistrements du microphone ouvert de la radio de l’AI et les enregistrements des transmissions radio de la police.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP, puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • enregistrements des appels téléphoniques au service 9-1-1
  • rapport de transcription de communications audio – appels des services internes, de soutien et d’assistance à la répartition
  • rapport de transcription de communications audio – transmissions radio de la division
  • rapport de transcription de communications audio – canal tactique sécurisé
  • données du système de localisation automatique de véhicule (LAV) provenant du véhicule de l’AI
  • données provenant des systèmes de télévision en circuit fermé (TVCF) de la station‐service Petro-Canada située au 1520, chemin Britannia Ouest
  • données de TVCF provenant du restaurant Kentucky Fried Chicken situé au 6055, chemin Creditview
  • schéma des lieux créé le 27 juillet 2017 par l’AT no 3
  • dessin du stationnement et de l’autopatrouille créé le 27 juillet 2017 par l’AT no 1
  • tableau de service
  • rapports de la chronologie des événements
  • carte satellite Google ® annotée par l’AI
  • notes des AT nos 1 à 6, de l’AI et de trois agents non désignés
  • rapports sur les détails de l’incident
  • procédure : Recours à la force
  • procédure : Alerte d’incident critique
  • procédure : Intervention lors d’un vol qualifié
  • procédure : Armes autorisées délivrées
  • cours de la PRP en manipulation de la carabine C8
  • résumé d’entrevues vidéo menées auprès de quatre civils non désignés fourni par la PRP
  • résumé d’entrevues vidéo auprès de huit témoins civils désignés fourni par la PRP
  • dossier de formation de l’AI
  • rapport sur l’emploi de la force
  • liste des victimes

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • rapport d’autopsie
  • rapport d’analyse d’ADN obtenu du CSJ
  • rapport sur les armes à feu obtenu du CSJ
  • données de TVCF provenant du restaurant Pizza Pizza situé au 6065, chemin Creditview
  • données de TVCF provenant du restaurant Tim Hortons situé au 6075, chemin Creditview
  • données de TVCF provenant de la succursale de la Banque de Montréal située au 6085, chemin Creditview
  • dessin du trajet de la balle par le chirurgien
  • dessin des lieux par le TC no 3
  • dessins des lieux par le TC no 1
  • lettre et photographies fournies par un témoin non désigné
  • dossiers médicaux du plaignant liés à cet incident
  • données obtenues des services de récupération de données judiciaires du ministère des Finances de l’Ontario
  • enregistrements vidéo faits par la TC no 1

Dispositions législatives pertinentes

Article 25 du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Article 27 du Code criminel du Canada – Recours à la force pour empêcher la perpétration d’une infraction

27 Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :

  1. pour empêcher la perpétration d’une infraction :
    1. d’une part, pour laquelle, si elle était commise, la personne qui la commet pourrait être arrêtée sans mandat
    2. d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne
  2. pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a)

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Paragraphe 88(1) du Code criminel – Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Article 343 du Code criminel – Vol qualifié

343 Commet un vol qualifié quiconque, selon le cas :

  1. vole et, pour extorquer la chose volée ou empêcher ou maîtriser toute résistance au vol, emploie la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens
  2. vole quelqu’un et, au moment où il vole, ou immédiatement avant ou après, blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte à des actes de violence contre elle
  3. se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler
  4. vole une personne alors qu’il est muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme

Analyse et décision du directeur

Le 27 juillet 2017, entre 1 h 40 m 27 s et 1 h 55 m 39 s, six appels au 9-1-1 ont été reçus par la Police régionale de Peel (PRP). Le premier appel, reçu à 1 h 40 m 27 s, a été fait sur la ligne ordinaire (situations non urgentes) et provenait de la station-service Petro-Canada située dans le centre commercial à l’angle des chemins Creditview et Britannia Ouest, dans la ville de Mississauga. L’appelant a indiqué qu’il venait d’être victime d’un vol commis par un homme sous la menace d’une arme de poing noire. Son appel a alors été transféré au préposé aux appels au 9-1-1.

Lors de cet appel, qui a été enregistré à 1 h 40 m 51 s sur la ligne du 9-1-1, l’appelant a indiqué que l’homme lui avait demandé de l’argent sous la menace d’une arme à feu, mais qu’un deuxième homme était alors entré et lui avait rendu l’argent dérobé. L’appelant a indiqué que les deux hommes allaient se rendre à une autre station-service. Il a également précisé qu’un deuxième homme était parti au volant d’une automobile grise de marque Audi et il a fourni le numéro de la plaque d’immatriculation; ce numéro a été vérifié par le préposé aux appels et s’est avéré le numéro de la plaque d’immatriculation d’un véhicule volé.

Trois agents de police ont été envoyés sur place, soit l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 3.

Les images vidéo provenant du système de télévision en circuit fermé (TVCF) de la station‐service Petro-Canada ont confirmé que le plaignant est entré dans le magasin, qu’il s’est approché du préposé, qu’il a sorti, de la main droite, une arme de la poche droite de sa veste à capuche et qu’il a pointé cette arme sur le préposé, lequel a alors ouvert le tiroir‐caisse et a mis une certaine quantité d’argent en espèces sur le comptoir. Le plaignant est alors sorti du magasin, avant d’y revenir, en ayant toujours la main droite dans la même poche de sa veste à capuche d’où il avait sorti le pistolet auparavant. Le préposé a de nouveau placé l’argent en espèces sur le comptoir, mais lorsque le plaignant a tendu le bras pour s’emparer de l’argent, ses deux compagnons sont entrés, ont repoussé l’argent vers le préposé et ont escorté le plaignant hors du magasin.

À la suite de cela, les AT nos 2 et 4, une unité canine et un agent non désigné ont tous été envoyés dans le secteur.

Un troisième appel a été reçu à 1 h 42 m 46 s de la TC no 1, qui a déclaré qu’un homme venait de s’approcher d’elle avec une arme de poing noire à la main dans le stationnement du restaurant Pizza Pizza, à l’angle des chemins Creditview et Britannia Ouest. L’appelante a dit que l’homme avait ouvert la portière de sa voiture et qu’il semblait déboussolé et qu’il s’est ensuite déplacé vers une deuxième voiture et qu’il essayait d’en briser la fenêtre. L’appelante est hystérique, et le préposé aux appels au 9-1-1 a maintes fois répété à la TC no 1 de partir au volant de sa voiture.

La TC no 1 a décrit le pistolet comme étant une arme de poing au canon court de couleur noire et a indiqué qu’elle ne savait pas s’il s’agissait d’une arme véritable ou d’un faux pistolet. Lorsque le plaignant a ouvert sa portière, elle l’a prié de refermer la portière parce que son copain était en chemin; c’est alors qu’elle a vu le pistolet qu’il avait à la main. Elle a dit [traduction] « J’espère qu’il ne va pas tirer sur personne dans la voiture. » Elle a ensuite indiqué que la police était arrivée.

Plus tard, on entend la TC no 1 crier [traduction] « Il y a une arme […], il a une arme à feu. » Le reste de ses commentaires sont tels qu’ils sont décrits plus haut dans les paragraphes traitant de ses enregistrements par téléphone cellulaire.

Un quatrième appel a été reçu à 1 h 44 35 s du TC no 6, qui a indiqué qu’il se trouvait devant le restaurant Pizza Pizza et qu’il avait vu un homme avec une arme à feu qui essayait d’entrer par effraction dans une voiture et qu’il essayait d’en briser la fenêtre. Le TC no 6 a déclaré qu’il se trouvait à passer par-là en voiture lorsque l’homme a [traduction] « littéralement exhibé » l’arme devant eux et leur a dit d’arrêter leur véhicule, mais ils ne l’ont pas fait. Le TC no 6 a décrit l’homme comme étant un homme noir âgé de 20 à 25 ans qui avait une arme de poing de couleur noire. Le TC no 6 a déclaré qu’il n’aurait pu dire s’il s’agissait d’une arme véritable ou d’un pistolet à plombs, qu’il avait vu l’homme essayer de briser la fenêtre arrière d’une voiture au moyen de cette arme. Le TC no 6 a indiqué qu’il y avait une camionnette noire qui [traduction] « tournait autour » de l’homme et qu’il pensait que la femme qui conduisait la camionnette était liée d’une certaine façon à l’homme. Ce véhicule était en fait celui conduit par la TC no 1.

À 1 h 47 m 05 s, un employé du restaurant Pizza Pizza (le TC no 2) a fait un appel au 9‐1‐1 en déclarant qu’un homme de race noire âgé d’environ 18 ou 19 ans avait braqué sur lui un pistolet et qu’il se pouvait que cet homme se dirige maintenant vers la succursale de la Banque de Montréal. Le TC no 2 a décrit l’arme comme étant une arme de poing noire et a déclaré que l’homme lui avait demandé de l’argent et avait ensuite exhibé le pistolet.

L’AT nos 5 et 6 ont été envoyés dans le secteur.

L’appel suivant est venu à 1 h 48 m 10 s d’une employée du restaurant Pizza Pizza (la TC no 8), qui a indiqué qu’un homme de race noire dans la jeune vingtaine était entré à l’intérieur du restaurant et qu’il avait un pistolet. Elle a déclaré qu’il était maintenant en train d’entrer et de sortir de la BMO.

Deux autres agents non désignés ont été envoyés sur les lieux.

Les séquences vidéo de TVCF du restaurant Pizza Pizza ont confirmé que le plaignant est entré dans le restaurant; le contour d’une arme de poing est vu dans la poche droite de sa veste à capuche. Plus tard, on voit le plaignant sortir un pistolet de sa poche et le braquer sur le préposé au comptoir de caisse, tenant le pistolet à quelques pouces du visage de l’employé. L’employé saisit le pistolet par le canon et le plaignant tire le pistolet vers l’arrière, puis sort du restaurant.

Le dernier appel au 9-1-1 a été reçu à 1 h 55 m 39 s de la TC no 1, qui a signalé qu’un coup de feu avait été tiré, que [traduction] « la police a tiré sur le gars » et demandait qu’on envoie une ambulance pour s’occuper de l’homme. L’appelante était hystérique.

L’AI a indiqué qu’il avait entendu l’appel radio concernant le vol à main armé à la station‐service Petro-Canada à 1 h 42 m, alors qu’il se trouvait dans le secteur des rues Dundas et Mississauga, et qu’il se dirigeait vers ce secteur. Pendant qu’il était en route, il a entendu deux autres appels concernant un vol qualifié au même centre commercial, l’un provenant du restaurant Pizza Pizza et l’autre émanant de la TC no 1. Il se souvient que tous les appelants ont décrit le voleur comme étant un homme noir âgé d’une vingtaine d’années portant une veste à capuche grise et brandissant un pistolet noir. L’AI a accédé à sa carabine C8 et l’a placée sur ses genoux pour aller plus vite. Il a indiqué qu’il était qualifié pour utiliser la carabine C8 et que sa certification était à jour.

L’AI a aperçu le plaignant qui marchait devant le foyer d’entrée de la BMO; il l’a décrit comme étant un homme noir portant une veste à capuche grise, avec la capuche relevée, et tenant une arme de poing noire dans la main droite. Cette preuve est confirmée par l’enregistrement de TVCF de la BMO. L’AI a informé le répartiteur qu’il avait trouvé le plaignant et que le plaignant avait une arme de poing à la main. Il a ensuite arrêté son autopatrouille à une ouverture dans la haie, contre la bordure est du chemin Creditview, ce qui lui donnait une vue claire des portes d’entrée de la BMO. L’AI a regardé le plaignant marcher vers les portes avant de la banque. L’AI a vu le plaignant regarder dans sa direction et il croyait que le plaignant savait que l’AI était là.

L’AI s’est caché derrière la porte côté conducteur de son véhicule de police en sachant que si le plaignant tirait sur lui, le bloque-moteur de l’autopatrouille arrêterait la balle. Il a ensuite pris sa carabine, a inséré une cartouche dans la chambre tout en tenant la carabine pointée vers le bas. Il a ensuite pris position avec sa carabine, regardant par-dessus le capot de son véhicule, et a crié aussi fort qu’il le pouvait et à plusieurs reprises au plaignant de lâcher le pistolet. Il était sûr que le plaignant pouvait l’entendre. Le plaignant a ouvert la porte de la banque, comme pour y entrer, mais il s’est retourné et a fait face à l’extérieur, tout en tenant ouverte la porte avec la main gauche et en tenant l’arme de la main droite pointée vers le bas sur son côté. Cette preuve est également corroborée par les séquences de TVCF de la BMO.

L’AI a activé le bouton d’urgence de sa radio portable pour permettre aux autres agents et au répartiteur d’entendre ses communications. Cela est confirmé par le registre des communications radio de la police dans lequel il est noté qu’à 1 h 50 m 56 s l’AI avait les yeux sur l’homme et que l’homme pointait une arme à feu. Il est ensuite noté que l’AI avait activé le mode d’urgence déclenché « à l’initiative d’un agent » sur sa radio portable. Il a continué de crier au plaignant de laisser tomber le pistolet et il a entendu l’AT no 3 faire de même.

L’AI a déclaré qu’il connaissait très bien ce centre commercial et le secteur en général et qu’il était conscient qu’il y avait souvent des gens qui se promenaient autour du centre commercial. Il savait aussi que d’autres agents se trouvaient dans le secteur, qu’il y avait un Tim Hortons assez fréquenté non loin de là et qu’il y avait des logements résidentiels derrière lui. L’AI a indiqué qu’en plus des préoccupations relatives à sa propre sécurité, il craignait que, si le plaignant devait faire feu avec son arme, une balle atteindrait un civil ou un autre policier.

L’AI a vu le plaignant lever le pistolet directement à la hauteur des épaules et, bien que le pistolet n’ait pas été pointé directement sur l’AI, mais à sa droite, l’AI croyait que le plaignant était sur le point de tirer avec son arme.

L’AT no 1 a observé le plaignant avec une arme de poing dans la main droite, une arme qu’il pointait en direction de quelqu’un, mais pas de l’ATI no 1. Il a décrit l’arme de poing comme se trouvant dans la main droite du plaignant, lequel tendait le bras devant son corps à un angle de 90 degrés. Le plaignant a donc vu l’AT no 1 et le plaignant a pointé son arme sur lui. L’AT no 1 a indiqué qu’il ne pouvait pas se cacher à ce moment-là, et que, craignant pour sa sécurité, il s’est retranché jusqu’à son autopatrouille. Il a entendu l’AI ordonner au plaignant de poser le pistolet par terre. L’AT no 1 a alors entendu un coup de feu qu’il a décrit comme un bruit fort. Le plaignant est alors tombé sur le sol, et l’AT no 1 a annoncé [traduction] « coups tirés » sur la radio de la police. L’AT no 1 a alors couru jusqu’à la BMO où il a vu le plaignant au sol, mais qui bougeait encore, et a vu une arme de poing qui se trouvait à un ou deux pieds du plaignant, arme que l’AT no 1 a éloignée d’un coup de pied.

L’AI a dit qu’il a tiré un coup sur le plaignant et qu’il a vu le plaignant lâcher son arme et tomber sur le sol, dans le foyer d’entrée de la banque. Cela est confirmé par les images vidéo de TVCF.

L’AT no 3 a indiqué qu’il se tenait debout, à droite de l’AI, lorsque l’AI a tiré sur le plaignant. Il a indiqué que le plaignant regardait à gauche et à droite et pointait le pistolet vers le haut; l’AT no 3 a déduit que le plaignant semblait confus et qu’il réfléchissait à ce qu’il allait faire. L’AT no 3 a indiqué qu’il pensait que le plaignant était conscient de la présence policière et qu’il allait tirer sur les policiers. Le plaignant est sorti de la banque en tenant le pistolet dans sa main droite et a regardé en direction de l’AI et de l’AT no 3, lesquels lui criaient tous deux des ordres. L’AT no 3 a indiqué qu’il était d’avis que sa propre vie était en danger.

L’AT no 3 a ensuite indiqué qu’une vingtaine de secondes se sont écoulées et que le plaignant a levé le pistolet à hauteur de l’épaule et l’a pointé directement sur l’AI et l’AT no 3, tout en tournant simultanément son corps vers la gauche, à 45 degrés, et exposant son côté droit à l’agent. L’AT no 3 était sur le point de faire feu avec son arme de poing lorsqu’il a entendu deux coups de feu tirés depuis l’endroit où se trouvait l’AI.

L’AI a indiqué qu’il a alors avisé le répartiteur qu’un coup avait été tiré et qu’il croyait que le plaignant avait été touché; il a ensuite appelé une ambulance, mais est resté derrière son véhicule de police parce que le pistolet se trouvait encore à proximité du plaignant. Cette preuve est confirmée dans le registre des transmissions par radio de la police, où il est noté qu’à 1 h 51 m 27 s, une transmission a été reçue dans laquelle on entendait [traduction] « Un homme est touché » et, qu’à 1 h 51 m 45 s, on a entendu sur la radio [traduction] « L’homme a lâché le pistolet », « Il se trouve à l’intérieur de la BMO » et « L’homme est au sol, mais il bouge encore. » À 1 h 51 m 53 s une ambulance a été envoyée sur les lieux.

Interrogé au sujet d’une deuxième balle tirée avec sa carabine, l’AI a indiqué qu’il ne se souvenait pas d’avoir fait feu deux fois avec sa carabine, mais il a admis qu’il était possible qu’il l’ait fait. L’AI a déclaré que chaque fois que l’on tire avec sa carabine, il faut appuyer délibérément sur la gâchette, ce qui a été confirmé par un examen subséquent effectué par le CSJ. De plus, le fait qu’une arme à feu de l’AI a été utilisée deux fois est confirmé par la présence de deux douilles, une sur le toit de l’autopatrouille de l’AI, et la seconde près de l’avant gauche de son véhicule, par le fait que deux coups de feu ont été entendus sur l’enregistrement audio que la TC no 1 a fait avec son téléphone cellulaire, ainsi que par la présence d’un trou sur le mur extérieur de la BMO dans lequel la présence de plomb a été décelée et qui indiquait qu’une balle avait terminé sa course dans le mur de la banque, tandis que la deuxième avait pénétré dans le corps du plaignant.

La balle endommagée a été récupérée après l’autopsie par les enquêteurs de l’UES, et le CSJ a confirmé que les deux douilles retrouvées et la balle endommagée correspondaient à des tirs provenant d’une carabine C8. L’AI a indiqué qu’il était le seul agent sur les lieux avec une carabine C8 et qu’il avait été le seul à faire feu avec son arme. Il est donc clair que les deux balles ont dû être tirées avec l’arme de l’AI.

Tous les témoins, tant civils que de la police, ont indiqué que l’arme que le plaignant avait en sa possession ressemblait à un vrai pistolet, ou bien qu’ils étaient incapables de déterminer s’il s’agissait d’une véritable arme à feu ou d’un pistolet à plombs/faux pistolet.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où il a subi de nombreuses interventions chirurgicales pendant le mois qui a suivi pour réparer les dommages internes causés par la balle qui était entrée dans son corps et les infections consécutives à la blessure par balle. Les dossiers médicaux indiquent que, le 26 août 2017, le plaignant est décédé des suites des complications causées par sa blessure par balle. Cette conclusion a été confirmée dans le rapport final d’autopsie, que l’UES a reçu le 15 juin 2018.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, un agent de police, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, est fondé à employer la force nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale.

En outre, aux termes du paragraphe 25(3) :

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle‐même ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Par conséquent, pour que l’AI soit admissible à une protection contre des poursuites en vertu de l’article 25, il faut établir qu’il exécutait une obligation légale, qu’il agissait en s’appuyant sur des motifs raisonnables et qu’il n’a pas employé plus de force que nécessaire. De plus, en vertu du paragraphe (3), si la mort ou des lésions corporelles graves sont causées, il faut aussi établir que l’agent de police a agi de la sorte en ayant des motifs raisonnables de croire que c’était nécessaire pour se protéger lui-même contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

En ce qui concerne d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement des appels au 9-1-1, des séquences vidéo de TVCF et des déclarations des témoins civils que le plaignant avait à tout le moins commis ou tenté de commettre des vols à main armée sur des employés de la station-service Petro-Canada, des employés du restaurant Pizza Pizza et la TC no 1. De plus, il était en possession d’une arme ou d’une imitation d’arme dans un endroit public. Par conséquent, la police avait des motifs plus que suffisants pour arrêter le plaignant pour des infractions de vol qualifié qu’il avait commises alors qu’il était muni « d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme », en contravention de l’alinéa 343 (d) du Code criminel, ainsi que pour possession d’une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique, en contravention de l’article 88. Ainsi, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui concerne les autres exigences visées par les paragraphes 25(1) et 25(3), je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, de la façon suivante :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C. A. C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

La Cour décrit comme suit le critère requis en vertu de l’article 25 :

Le paragraphe 25(1) indique essentiellement qu’un policier est fondé à utiliser la force pour effectuer une arrestation légale, pourvu qu’il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu’il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Mais l’examen de la question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 25(3) précise qu’il est interdit au policier d’utiliser une trop grande force, c’est‐à‐dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu’il ne croie que cette force est nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences. La croyance du policier doit rester objectivement raisonnable. Par conséquent, le recours à la force visé au par. 25(3) doit être examiné à la lumière de motifs subjectifs et objectifs (Chartier c. Greaves, [2001] O.J. No. 634 (QL) (C.S.J.), par. 59).

La décision que le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendue dans Chartier c. Greaves, [2001] O.J. no 634, telle qu’elle a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans la décision susmentionnée, énonce d’autres dispositions pertinentes du Code criminel à prendre en considération, en ces termes :

  1. Recours à la force pour empêcher la perpétration d’une infraction – Toute personne est fondée à employer la force raisonnablement nécessaire :
  1. pour empêcher la perpétration d’une infraction :
    1. pour laquelle, si elle a été commise, la personne qui l’a commise peut être arrêtée sans mandat
  2. d’autre part, qui serait de nature à causer des blessures immédiates et graves à la personne ou des dégâts immédiats et graves aux biens de toute personne
  3. pour empêcher l’accomplissement de tout acte qui, à son avis, basé sur des motifs raisonnables, constituerait une infraction mentionnée à l’alinéa a)

[traduction] Par conséquent, cet article autorise le recours à la force pour empêcher la perpétration de certaines infractions. « Toute personne » inclurait un agent de police. La force ne doit pas dépasser ce qui est raisonnablement nécessaire. Par conséquent, un critère objectif est requis. La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481, a statué que le recours à une force létale peut seulement être justifié dans des cas de légitime défense ou pour empêcher la perpétration d’un crime qui causera probablement des lésions à la fois graves et immédiates.

34(1) Légitime défense - Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l’attaque si, en ce faisant, elle n’a pas l’intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves

  1. Mesure de la justification - Quiconque est illégalement attaqué et cause la mort ou une lésion corporelle grave en repoussant l’attaque est justifié si :
    1. d’une part, il la cause parce qu’il a des motifs raisonnables pour appréhender que la mort ou quelque lésion corporelle grave ne résulte de la violence avec laquelle l’attaque a en premier lieu été faite, ou avec laquelle l’assaillant poursuit son dessein
    2. d’autre part, il croit, pour des motifs raisonnables, qu’il ne peut pas autrement se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves

[traduction] Pour invoquer la défense visée au paragraphe (2) de l’article 34, un agent de police doit démontrer qu’il a été attaqué illégalement et qu’il a causé la mort ou des lésions corporelles graves à l’agresseur au moment où il a repoussé l’agression. L’agent de police doit démontrer qu’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il risquait de mourir ou d’être grièvement blessé et qu’il croyait, de nouveau pour des motifs raisonnables, qu’il n’y avait aucun autre moyen d’éviter cela. De nouveau, l’utilisation du terme « raisonnable » nécessite l’application d’un critère objectif.

De plus, la Cour établit un certain nombre de principes juridiques glanés dans la jurisprudence citée, dont les suivants :

  1. Quel que soit l’article du Code criminel utilisé pour évaluer les actions de la police, la Cour doit mesurer la force qui était nécessaire en tenant compte des circonstances entourant l’événement en cause
  2. « Il faut tenir compte dans une certaine mesure du fait qu’un agent, dans les exigences du moment, peut mal mesurer le degré de force nécessaire pour restreindre un prisonnier. » Le même principe s’applique à l’emploi de la force pour procéder à une arrestation ou empêcher une invasion. À l’instar du conducteur d’un véhicule faisant face à une urgence soudaine, le policier « ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention. » (Foster c. Pawsey) En d’autres termes, c’est une chose que d’avoir le temps, dans un procès s’étalant sur plusieurs jours, de reconstituer et d’examiner les événements survenus le soir du 14 août, mais ç’en est une autre que d’être un policier se retrouvant au milieu d’une urgence avec le devoir d’agir et très peu d’un temps précieux pour disséquer minutieusement la signification des événements ou réfléchir calmement aux décisions à prendre. (Berntt c. Vancouver)
  3. Les agents de police exercent une fonction essentielle dans des circonstances parfois difficiles et souvent dangereuses. La police ne doit pas être indûment entravée dans l’exécution de cette obligation. Les policiers doivent fréquemment agir rapidement et réagir à des situations urgentes qui surviennent soudainement. Leurs actes doivent donc être considérés à la lumière des circonstances
  4. « Il est à la fois déraisonnable et irréaliste d’imposer à la police l’obligation d’employer le minimum de force nécessaire susceptible de permettre d’atteindre son objectif. Si une telle obligation était imposée aux policiers, il en résulterait un danger inutile pour eux‐mêmes et autrui. En pareilles situations, les policiers sont fondés à agir et exonérés de toute responsabilité s’ils n’emploient pas plus que la force qui est nécessaire en agissant sur le fondement de leur évaluation raisonnable des circonstances dans lesquels ils se trouvent et des dangers auxquels ils font face. (Levesque c. Zanibbi et al.)

En me fondant sur les principes de droit qui précèdent, je dois déterminer :

  1. si l’AI croyait que lui-même ou d’autres personnes risquaient la mort ou des lésions corporelles graves aux mains du plaignant au moment où l’AI a fait feu avec son arme
  2. si cette croyance était objectivement raisonnable, en d’autres termes, si les actions de l’AI seraient considérées comme raisonnables par un observateur objectif qui aurait disposé de tous les renseignements dont disposait l’AI au moment où il a fait feu avec son arme

En ce qui concerne le premier de ces critères, il ressort clairement de la déclaration de l’AI qu’il croyait que lui-même ou d’autres personnes risquaient de mourir ou de subir des lésions corporelles graves au moment où il a tiré avec sa carabine. Il a fondé cette croyance sur ses observations à ce moment-là, à savoir que le plaignant avait une arme de poing en sa possession, que de nombreux témoins avaient appelé le 9-1-1 pour signaler que le plaignant était en possession d’une arme à feu et qu’il s’en était servi pour tenter de les dévaliser, que le plaignant était conscient de la présence policière mais avait refusé de se conformer aux commandes répétées de l’AI et d’autres policiers de lâcher son arme et que le plaignant pointait le pistolet en direction de l’AI et qu’il semblait qu’il était sur le point de tirer. En outre, l’AI a indiqué qu’il a tenu compte du fait que l’incident survenait dans un endroit où étaient présents de nombreux civils et agents de police, ainsi qu’un secteur résidentiel, et donc que le plaignant constituait un danger non seulement pour la vie de l’AI, mais aussi pour celle de nombreux autres policiers et membres du public. Ainsi, il y a une preuve amplement suffisante pour répondre par l’affirmative à la question 1, c’est‐à‐dire pour affirmer que l’AI croyait bel et bien que lui-même et/ou d’autres personnes risquaient la mort ou des lésions corporelles graves aux mains du plaignant au moment où l’AI a tiré avec son arme à feu.

En ce qui concerne maintenant la question 2, celle de savoir s’il existait ou non des motifs objectivement raisonnables de croire que l’AI ou toute personne sous sa protection risquait la mort ou des lésions corporelles graves aux mains du plaignant, qu’il suffise de s’en remettre au témoignage des passants objectifs qui ont effectivement été témoins des actions du plaignant. Dans chacun des appels au 9-1-1 émanant de cinq témoins différents, trois ont expressément mentionné l’arme que le plaignant avait en sa possession comme étant une arme à feu, tandis que deux ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de dire s’il s’agissait d’une véritable arme à feu ou d’une imitation. Qui plus est, d’après les enregistrements audio ainsi que les déclarations de divers témoins, il n’est pas contesté que l’AI de même que d’autres agents ont plusieurs fois crié au plaignant de lâcher son arme, ce qu’il a refusé de faire. Il semble donc clair que l’AI n’a pas immédiatement recouru à l’utilisation de son arme à feu, mais a plutôt tenté d’abord de résoudre le problème sans recourir à une force létale; le plaignant, cependant, a refusé de coopérer.

Je note également que l’AT no 3, qui était l’agent qui se tenait le plus près de l’AI, a vu le plaignant lever son pistolet à hauteur des épaules et le pointer dans la direction de l’AI et de l’AT no 3, ce qui a fait craindre pour sa vie à l’AT no 3. L’AT no 3 a indiqué qu’à ce moment‐là il était lui aussi sur le point d’utiliser son arme à feu sur le plaignant, mais que l’AI a tiré le premier, éliminant ainsi la nécessité pour l’AT no 3 de faire de même. Compte tenu de cette preuve, il est donc clair que l’AT no 3 partageait les craintes de l’AI pour sa propre sécurité et celle d’autrui, eu égard à des lésions corporelles graves ou la mort.

De plus, l’AT no 1 a vu le plaignant pointer l’arme de poing sur lui, et lui aussi a craint pour sa sécurité et s’est éloigné du plaignant en essayant de se mettre à l’abri lorsqu’il a entendu l’AI tirer avec sa carabine.

Enfin, bien que j’accepte que tous les témoins civils et les témoins de la police soit croyaient que le plaignant était en possession d’une arme à feu, soit ne pouvaient pas dire s’il s’agissait d’une arme de poing véritable ou d’un pistolet à plombs[1], il m’apparaît clairement, après avoir visionné les séquences vidéo de TVCF et examiné la photographie de l’arme que le plaignant avait en sa possession, qu’il aurait été presque impossible de savoir si l’arme en question était ou non une arme à feu réelle. Il est assurément incontestable que l’AI n’avait pas le luxe d’attendre de voir si le plaignant allait faire feu sur lui avec son arme pour déterminer s’il s’agissait ou non d’une vraie arme à feu, risquant alors de perdre la vie ou mettant à risque la vie des personnes autour de lui.

Après avoir longuement examiné l’ensemble de la preuve, ainsi que le droit relatif à la justification de l’emploi de la force dans l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves lorsque l’on croit, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire pour se protéger de la mort ou de lésions corporelles graves, je conclus que l’on est fondé à employer une force létale en pareille situation. Je conclus, dans toutes les circonstances, que l’AI croyait raisonnablement que sa vie et celle de ses collègues policiers et des civils se trouvant dans le secteur étaient en danger aux mains du plaignant et que les actions de l’AI, lorsqu’il a fait feu sur le plaignant, étaient donc justifiées. J’estime qu’il aurait été insensé et téméraire pour l’AI de risquer sa propre vie en attendant de voir si un coup de feu allait réellement être tiré de l’arme que le plaignant avait en sa possession, laquelle avait clairement l’apparence d’une arme à feu et que le plaignant pointait en direction des agents, comme s’il s’agissait bel et bien d’une arme létale. Je considère que ce risque n’était pas un risque que l’AI, ou qui que ce soit d’autre, aurait dû prendre lorsque confronté à la possibilité de se faire tirer dessus par un homme qui, selon toutes les apparences, était armé d’un pistolet et représentait un danger imminent pour l’AI et les personnes sous sa protection.

Finalement, bien que cette perte de vie tragique le soit encore plus du fait qu’il s’agissait de la vie d’un adolescent de 15 ans, je dois souligner le fait qu’aucun des témoins ayant fourni une description du plaignant ne l’a jamais décrit comme étant un adolescent, l’âge le plus jeune lui ayant été attribué étant de 18 ou 19 ans et que l’âge le plus vieux, de 25 à 30 ans, tous les autres témoins lui ayant donné la jeune vingtaine. Également, d’après la description du plaignant qui est faite dans des documents antérieurs qui ont été fournis, le plaignant ayant une taille d’environ 6 pieds et pesait environ 201 livres, et après avoir vu des photographies du plaignant, j’estime qu’il n’aurait été évident pour personne faisant face au plaignant de croire qu’il s’agissait d’un adolescent plutôt que d’un adulte. Cela étant dit, cependant, confronté à la décision de tirer ou de se faire tirer dessus, je ne suis certes pas convaincu que l’âge du plaignant aurait nécessairement beaucoup pesé dans la prise de cette décision.

En de telles circonstances, je mentionnerai de nouveau le jugement cité plus haut de la Cour suprême du Canada comme étant particulièrement approprié dans ce scénario factuel particulier lorsqu’il est dit qu’« il ne faut pas oublier que ceux-ci [les policiers] accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile ».

Je conclus donc, dans ce dossier, que le coup de feu qui a été tiré et qui a touché et tué le plaignant était justifié aux termes des paragraphes 25(1) et (3) du Code criminel et que l’AI, en se protégeant lui-même ou en protégeant autrui de la menace de l’infliction de lésions corporelles graves ou de la mort aux mains du plaignant, n’a pas eu recours à plus de force que nécessaire pour accomplir ses fonctions légitimes. Par conséquent, je n’ai pas de motif raisonnable de croire que les actions exercées par l’AI sortaient des limites prescrites par le droit criminel, et je conclus plutôt qu’il n’y a pas lieu de déposer des accusations au criminel en l’espèce.

Date : June 27, 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Lequel, d’ailleurs, peut aussi causer des lésions corporelles et a souvent été classé comme une arme à feu, selon la définition qu’en donne le Code criminel, en fonction de la vélocité du projectile. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.