Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OFI-255

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur une blessure grave qu’un homme de 21 ans a subie le 12 septembre 2017. Au cours du même incident, un homme de 37 ans a également subi une blessure, bien que l’on ne connaisse pas la gravité de sa blessure.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été notifiée de l’incident par la police. Le 12 septembre 2017, à 19 h 15, un agent du Service de police d’Ottawa (SPO) a informé l’UES de blessures par balle subies par les deux plaignants.

L’agent a indiqué que le 12 septembre 2017, à 18 h 15, des membres du SPO effectuaient une opération mobile de surveillance des plaignants relativement à une infraction liée aux armes à feu. Les agents du SPO ont essayé d’immobiliser le véhicule des plaignants en lui barrant la route lors d’une tentative d’arrestation des plaignants. Le plaignant no 1 a pointé une arme à feu sur les agents et les agents ont fait feu avec leurs armes de service. Le plaignant no 1 a été touché à l’épaule et a été transporté par ambulance à l’hôpital. Le plaignant no 2 a subi une blessure à l’oreille dont on pensait qu’elle avait été causée par une balle lui ayant effleuré l’oreille. La blessure à l’oreille du plaignant no 2 n’a pas été jugée grave. Il a été traité sur place par des ambulanciers paramédicaux et a été retourné à la garde policière.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

L’UES est arrivée sur les lieux le 13 septembre 2017 à 00 h 32 et a immédiatement commencé son enquête. Des témoins civils ont été identifiés et questionnés. Les enquêteurs de l’UES ont examiné l’endroit où l’incident s’est produit en recherchant d’éventuelles séquences vidéo de surveillance pertinentes à cet incident. Ils n’en ont trouvé aucune.

Le même jour, le SPO a obtenu un mandat de perquisition pour fouiller le véhicule du plaignant no 2 et a exécuté ce mandat dans le cadre de l’enquête parallèle que le SPO menait sur les plaignants. Une fois que le SPO a eu terminé sa fouille, les enquêteurs judiciaires de l’UES ont procédé à l’examen criminalistique du véhicule.

Un examen criminalistique de la scène a également été réalisé et une vidéo, des photographies et des mesures des lieux ont été prises. Les éléments de preuve jugés pertinents à l’enquête ont par la suite été envoyés pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Plaignants

Plaignant no 1 A décliné l’entrevue et n’a pas consenti à la divulgation de ses dossiers médicaux

Plaignant no 2 A décliné l’entrevue et n’a pas consenti à la divulgation de ses dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 Ses notes ont été examinées et une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 4 Ses notes ont été examinées et une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 Ses notes ont été examinées et une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue

AI no 2 A participé à une entrevue

Description de l’incident

L’AI no 2 et l’AI no 1 sont des membres du SPO et, le 12 septembre 2017, ils portaient tous deux des vêtements civils et une veste de police avec le mot « Police » inscrit dessus. L’AI no 1 portait une cagoule sur laquelle était aussi marqué le mot « Police »; elle portait cette cagoule durant l’incident pour protéger son identité. L’AI no 1 et l’AI no 2 conduisaient chacun des véhicules de police banalisés.

Entre 16 h 15 et 16 h 30, la SPO a amorcé une opération de surveillance visant le plaignant no 1, un trafiquant de drogue présumé dont on pensait qu’il était en possession d’une arme à feu. Le SPO a suivi le plaignant no 1 jusqu’au stationnement d’un restaurant où le plaignant no 1 a pris place sur le siège côté passager d’une Toyota rouge. Le plaignant no 2 était au volant de la Toyota et il a conduit le plaignant no 1 dans divers secteurs résidentiels. Les membres du SPO croyaient avoir vu le plaignant no 1 effectuer au moins trois transactions de drogue et ils estimaient que le plaignant no 1 présentait les caractéristiques d’un sujet armé. Vers 17 h 50, le plaignant no 2 et le plaignant no 1 se sont arrêtés dans le terrain de stationnement d’une résidence. L’AI no 2 avait déjà positionné son véhicule à l’extrémité est du terrain de stationnement. Dans son rétroviseur, il a vu la Toyota reculer dans un espace de stationnement situé deux places plus loin, au nord de l’endroit où il avait garé son véhicule.

Vers 17 h 56, l’AT no 6, qui était l’agent en charge de l’opération, a ordonné l’arrestation tactique des plaignants. Il estimait qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour arrêter les plaignants pour des infractions liées au trafic de stupéfiants et aux armes, et ils pensaient que le terrain de stationnement était un endroit sûr pour procéder à l’arrestation car il n’y avait pas de civils à cet endroit à ce moment‐là. L’AT no 2 a conduit sa camionnette dans le stationnement et l’a arrêtée à un angle de 45 degrés devant le côté passager de la Toyota. Au même moment, AI no 2 est sorti de son véhicule en ayant dégainé son pistolet de service. Il a marché vers le côté conducteur de la Toyota et se trouvait à environ 5 ou 6 pieds lorsque l’AI no 1 a conduit son véhicule de police vers lui, manquant de peu de le heurter. L’AI no 1 a placé son véhicule devant l’avant de la Toyota pour lui barrer la route et empêcher les plaignants de prendre la fuite.

Le reste s’est déroulé très rapidement. L’AI no 1 a dégainé son pistolet de service et est sortie de son véhicule. Elle a vu le plaignant no 1 qui pointait directement sur elle une arme de poing et a cru que sa vie était en danger. Immédiatement et sans rien dire, l’AI no 1 a fait feu une fois avec son arme de service. L’AI no 2, qui avait contourné en courant l’arrière gauche du véhicule de l’AI no 1, a entendu un bruit d’éclatement et a vu un trou dans le parebrise près du côté conducteur de la Toyota. L’AI no 2 ne savait pas si le coup avait été tiré de l’intérieur ou de l’extérieur de la Toyota, mais il a vu le plaignant no 1 pointer une arme sur l’AI no 1 et croyait qu’un occupant de la Toyota avait tiré sur l’AI no 1. Le plaignant no 1 a tourné l’arme de poing pour la pointer directement sur l’AI no 2. L’AI no 2 pensait que le plaignant no 1 allait lui tirer dessus, et il a fait feu avec son pistolet de service sur le plaignant no 1 tout en reculant pour se mettre à l’abri. Alors qu’elle le voyait en vision périphérique, l’AI no 1 a vu l’AI no 2 tirer deux coups et l’AI no 2 a dit à l’UES qu’il pensait avoir tiré deux fois sur le plaignant no 1, mais la preuve criminalistique a montré que l’AI no 2 avait fait feu trois fois avec son arme de service. Cet écart n’a pas d’incidence sur la crédibilité des agents, étant donné le poids de la preuve non contredite qui corrobore leur récit de l’incident. Toujours est‐il que l’AI no 2 a tiré plusieurs coups en succession rapide avec son arme à feu et qu’il est fort possible que l’AI no 2 ne se soit pas rendu compte du fait qu’il avait fait feu une troisième fois avec son arme.

Finalement, le plaignant no 1 a baissé la tête sous le tableau de bord de la Toyota et a mis les mains en l’air en signe de reddition. Les AI nos 2 et 1 ont commencé à crier [traduction] « Police, ne bougez pas! » L’AI no 2, qui travaillait avec l’AT no 6 et l’AT no 2, a tiré le plaignant no 1 hors du siège passager de la Toyota et l’a mis au sol, où il a été menotté. Les agents ont vu une arme de poing semi‐automatique noire avec une crosse marron sur le plancher du véhicule côté passager, le canon de l’arme étant recouvert par une chaussette. L’AT no 2 a dit à l’UES qu’il était alarmé et qu’il a ramassé l’arme de poing parce que le plaignant no 2 se trouvait toujours dans le véhicule. L’AT no 6 a tiré le plaignant no 2 en le faisant passer par-dessus le siège côté passager puis l’a mis au sol. Une fois le plaignant no 2 sorti du véhicule, l’AT no 2 a replacé l’arme de poing au même endroit où elle se trouvait initialement dans le véhicule. Rien dans la preuve n’indique que l’AT no 2 a touché de façon inappropriée l’arme de poing et je conclus que, dans les circonstances, son action était raisonnable et nécessaire pour préserver la sécurité des agents.

Pendant son arrestation, le plaignant no 1 s’est excusé auprès des agents en disant [traduction] « Je suis désolé, je suis désolé, je pensais que vous essayiez de me voler. » Plusieurs agents ont entendu le plaignant no 1 dire qu’il pensait que les policiers étaient des « Arabes » ou [traduction] « des types du Moyen‐Orient ». Même si le plaignant no 1 a pu initialement se méprendre sur l’identité des agents impliqués, je suis convaincu que l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient facilement identifiables comme agents de police par leur veste de police et la cagoule que portait l’AI no 1.

Après qu’on l’eu menotté, le plaignant no 1 a dit que son épaule lui faisait mal. L’AT no 6 l’a examiné pour voir s’il avait subi une blessure et il a constaté qu’une balle avait traversé l’épaule gauche du plaignant no 1. Le plaignant no 2 avait aussi du sang à l’oreille gauche et se plaignait de douleurs à l’oreille et à la tête. On a fait venir une ambulance. La blessure à l’oreille du plaignant no 2 n’a pas été jugée sérieuse et le plaignant no 2 a été traité sur place par les ambulanciers paramédicaux.

Preuve

Les lieux de l’incident

Les lieux de l’incident

La fusillade s’est produite dans le stationnement d’un complexe résidentiel à Ottawa. La Toyota rouge du plaignant no 2 était garée à reculons dans un espace de stationnement et faisait face à l’Ouest. Il y avait deux véhicules civils, une Mitsubishi rouge et un Hyundai grise, qui étaient stationnées sur le côté nord‐est du terrain de stationnement, près du véhicule du plaignant no 2. Six véhicules de surveillance du SPO étaient stationnés dans des positions qui encerclaient la Toyota rouge du plaignant no 2.

Le véhicule de surveillance de l’AI no 1, une Mitsubishi grise, faisait face au nord‐est et barrait la route du véhicule du plaignant no 2 côté conducteur. Le véhicule de surveillance de l’AT no 2, une camionnette grise GMC, était arrêtée en angle et bloquait le pare‐chocs avant et le côté passager du véhicule du plaignant no 2. Le véhicule de surveillance de l’AI no 2, une Nissan marron, était garée entre les deux véhicules civils, la Mitsubishi rouge et la Hyundai grise. Le véhicule de surveillance de l’AT no 5, une Ford grise, faisait face au nord‐est et était stationnée derrière la camionnette de l’AT no 2. Le véhicule de surveillance de l’AT no 1, une Kia grise, était positionnée en direction nord‐est et était arrêtée tout près de la Mitsubishi grise de l’AI no 1.

Dans la Toyota du plaignant no 2, il y avait plusieurs impacts de balles sur le capot et le parebrise avant. La portière côté passager de la Toyota rouge était ouverte et l’on pouvait clairement voir un pistolet semi‐automatique posé sur le plancher avec une chaussette qui en recouvrait le canon. Le chien du pistolet était armé, en position de tir. En raison d’un mandat de perquisition à exécuter sur le véhicule en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, les enquêteurs judiciaires ne sont pas entrés dans le véhicule et n’ont pas saisi l’arme. Il y avait aussi, à proximité du véhicule du plaignant no 2, deux cartes de crédit et un téléphone cellulaire du côté passager. Une paire de chaussures se trouvait à l’écart des lieux, sur une bordure.

Les preuves de quatre douilles de cartouche de calibre .40 ont été localisées sur les lieux et sont indiquées comme suit sur le schéma des lieux préparé par les enquêteurs judiciaires de l’UES:

  • une douille de balle tirée de calibre .40 trouvée près du côté droit du parechoc avant de la Ford de l’AT no 5
  • une deuxième douille de balle tirée de calibre .40 trouvée près du pneu avant côté conducteur de la Mitsubishi de l’AI no 1
  • une troisième douille de balle tirée de calibre .40 trouvée près du pneu arrière côté conducteur de la Mitsubishi de l’AI no 1
  • une quatrième douille de balle tirée trouvée sur l’essuie-glace du côté passager de la Mitsubishi de l’AI no 1

Preuve matérielle

Examen criminalistique de la Toyota du plaignant no 2

Le 13 septembre 2017, à 15 h 20, les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus à des installations sécurisées d’expertise judiciaire du SPO pour participer à l’examen criminalistique du véhicule du plaignant no 2. Les enquêteurs judiciaires de l’UES ont pu effectuer un examen criminalistique de l’intérieur et de l’extérieur de la Toyota, trouvant des endroits d’impacts sur le capot et le pare‐brise du véhicule. Un projectile a été récupéré du compartiment moteur de la Toyota rouge.

En présence d’un enquêteur judiciaire de l’UES, le SPO a sécurisé un pistolet de calibre 9 mm de marque Browning Arms trouvé sur le plancher côté passager de la Toyota. Une chaussette recouvrait le canon du pistolet et le chien externe était armé. Le chargeur a été retiré du pistolet et on a découvert qu’il y avait une balle non tirée dans la chambre. Le numéro de série du pistolet était limé. Il n’y avait pas de preuve indiquant que l’on avait fait feu avec cette arme.

Examen des vêtements du plaignant no 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES ont procédé à l’expertise judiciaire de la capuche noire du plaignant no 1 et leur examen a révélé un projectile partiellement déconstruit qui avait traversé le tissu de la capuche sur le côté gauche, près de la ligne du cou.

Preuve d’expert

Le 6 novembre 2017, un analyste judiciaire du Centre des sciences judiciaires a conclu que l’AI no 2 a tiré trois balles en tout avec son pistolet de service et que l’AI no 1 a fait feu une fois avec son pistolet de service.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPO, puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • deux courriels concernant l’information sur les cagoules
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapports d’incident généraux (4)
  • photo d’identité judiciaire du plaignant no1
  • photo d’identité judiciaire du plaignant no2
  • notes de l’AT no1, de l’AT no 2, de l’AT no 5 et de l’AT no 6
  • notes (dactylographiées) de l’AT no2 et de l’AT no 5
  • liste des cagoules remises du SPO
  • rapport de surveillance de l’unité de l’escouade antidrogue du SPO – AT no1
  • copie papier des antécédents d’une personne (historique du SGD) – plaignant no1
  • copie papier des antécédents d’une personne (historique du SGD) – plaignant no2
  • politique 5.10 : Enquêtes en matière de drogues
  • politique 5.17 : Interception de véhicules à haut risque
  • politique 6.07 : Recours à la force
  • politique 9.10 : Opérations de surveillance
  • enregistrement des communications par radio
  • historique du SGD (copie papier des antécédents d’une personne) – plaignant no1
  • historique du SGD (copie papier des antécédents d’une personne) – plaignant no2
  • feuille de signature du SPO pour les enquêtes de l’UES
  • dossiers de formation en opérations de surveillance
  • dossiers de formation de l’AT no1, de l’AT no 2, de l’AT no 5, de l’AT no 6, de l’AI no 1 et de l’AI no 2
  • résumé des témoignages anticipés (énoncés « va dire ») de l’AT no1 et de l’AT no

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Article 34 du Code criminel – Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 12 septembre 2017, des agents du Service de police d’Ottawa (SPO) ont arrêté le plaignant no 1 et le plaignant no 2 pour des infractions liées au trafic de drogue et aux armes à feu. Pendant l’arrestation, le plaignant no 1 a pointé une arme de poing sur les agents impliqués, l’AI no 1 et l’AI no 2, qui ont réagi en tirant quatre fois sur le plaignant no 1. Le plaignant no 1 a subi une blessure par balle à l’épaule gauche et le plaignant no 2, qui était assis dans le véhicule à côté du plaignant no 1, a subi une blessure non sérieuse à l’oreille gauche. Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que la force employée par les agents n’a pas dépassé les limites permises par la loi. Par conséquent, il n’y a pas lieu de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 ait commis une infraction criminelle en lien avec les blessures des plaignants.

L’enquête de l’UES comprenait, entre autres, des entrevues avec les agents impliqués, quatre agents témoins et six témoins civils. Les plaignants ont rejeté une demande d’entrevue et n’ont pas consenti à la divulgation de leurs dossiers médicaux. Les déclarations des agents impliqués sont cohérentes à l’interne et corroborées en grande partie par les déclarations des témoins civils et la preuve criminalistique.

Dans ce dossier, il est clair que les agents en cause n’ont aucune responsabilité criminelle dans les blessures des plaignants. En vertu de l’article 25 du Code criminel, l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient autorisés à employer une force raisonnable contre les plaignants dans l’exercice de leurs fonctions légitimes. Les agents ont légalement arrêté les plaignants en vertu de l’alinéa 495a) du Code criminel, qui permet à un agent de police d’arrêter sans mandat une personne qui, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, a commis un acte criminel. Avant l’arrestation du plaignant no 1, le SPO avait reçu des renseignements qui identifiaient le plaignant no 1 comme étant une personne qui se livrait au trafic de drogue et était en possession d’une arme à feu. Les agents du SPO ont ensuite observé le plaignant no 2 conduire le plaignant no 1 dans divers quartiers résidentiels, où des personnes se sont approchées du véhicule à trois reprises et se sont comportées d’une manière qui signalait des transactions de drogue selon ce que les agents en pensaient en s’appuyaient sur la formation qu’ils avaient reçue. Qui plus est, les agents du SPO ont vu le plaignant no 1 rajuster de diverses façons la taille de son pantalon, ce qui, d’après la formation qu’ils ont reçue, était un comportement qui dénotait qu’il était armé. Je suis convaincu qu’il s’agissait d’une preuve suffisante pour établir l’existence de motifs raisonnables de procéder à l’arrestation du plaignant no 1. Les agents avaient également des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant no 2 parce que, en tant que conducteur du plaignant no 1, le plaignant no 2 était partie aux transactions de drogue.

La question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si les AI nos 1 et 2 étaient fondés à recourir à la force létale contre le plaignant no 1 dans ces circonstances. Le paragraphe 25(1) du Code criminel prévoit qu’un policier est fondé à recourir à la force pour effectuer une arrestation légale pour autant qu’il n’utilise que la force nécessaire dans les circonstances. Le paragraphe 25(3) du Code criminel interdit l’utilisation d’une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves à moins que l’agent ne juge nécessaire un tel recours à la force pour se protéger ou protéger toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves. À l’évidence, si le plaignant no 1 a pointé une arme de poing directement sur les agents impliqués, comme l’affirment ces derniers, il ne fait aucun doute que les croyances subjectives des agents impliqués selon lesquelles leur vie était en danger donneraient lieu à la conviction raisonnable que le recours à la force létale était nécessaire pour protéger leurs vies. L’AI no 1 a indiqué qu’elle croyait que le plaignant était sur le point de tirer sur elle et l’AI no 2, qui n’était pas certain de savoir qui avait tiré la première balle, croyait que le plaignant no 1 venait de tirer sur l’AI no 1 et qu’il allait tirer sur lui. Dans de telles circonstances, il était raisonnablement nécessaire de réagir à la menace immédiate de mort en tirant sur le plaignant no 1 plutôt qu’en utilisant d’autres options de recours à la force.

De plus, l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient fondés à tirer sur le plaignant no 1 parce que ils agissaient ainsi en légitime défense. Aux termes de l’article 34 du Code criminel, les agents de police peuvent recourir à la force pour se défendre lorsque leur intention est de repousser une attaque raisonnablement appréhendée et que le recours à la force est raisonnable dans toutes les circonstances. Les circonstances pertinentes comprennent la nature de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et la proportionnalité de la force employée pour se défendre par rapport au danger en question. La preuve non contredite établit que le plaignant no 1 a pointé une arme à feu sur les AI nos 1 et 2 immédiatement avant que ces derniers lui tirent dessus. De plus, les actions des agents impliqués dénotent une réaction mesurée à la menace de violence qu’il y avait contre eux. Selon la preuve non contestée, après que le plaignant no 1 eut mis les mains en l’air et que le danger pour la vie des agents en cause fut passé, les agents impliqués ont immédiatement cessé de tirer sur le plaignant no 1. En pareille circonstances, il était objectivement raisonnable pour les agents en cause de croire que l’arme à feu présentait un risque grave et immédiat pour leur vie. Par conséquent, leur réaction rapide avec emploi d’une force létale était proportionnée et nécessaire et était donc une réaction justifiée face au danger.

En somme, je suis convaincu que l’utilisation des armes à feu des agents impliqués sur le plaignant no 1 était justifiée en vertu tant de l’article 25 que de l’article 34 du Code criminel. Je n’ai donc pas de motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 a commis une infraction criminelle en lien avec les blessures des plaignants, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 12 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.