Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-259

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme de 25 ans aurait subie lors de son arrestation, le 30 juillet 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 14 septembre 2017, vers 14 h 30, le Service de police de Guelph (SPG) a avisé l’UES d’une plainte reçue du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP).

Le SPG a indiqué que le 30 juillet 2017, à 14 h 47, le plaignant a été arrêté pour ivresse dans un lieu public, à l’angle des rues Gordon et Water, dans la ville de Guelph. Pendant l’arrestation, il y a eu une échauffourée et le nez du plaignant a été brisé.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 25 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes reçues et examinées

AT no 3 Sa déclaration écrite a été lue et une entrevue n’a pas été jugée nécessaire

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A décliné l’entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Le 30 juillet 2017, le TC no 1 a appelé le SPG parce qu’il avait trouvé le plaignant inconscient à l’intersection des rues Water et Gordon dans la ville de Guelph. L’AI et l’AT no 1 sont arrivés sur les lieux et ont arrêté le plaignant pour ivresse dans un lieu public. Pendant l’arrestation, le plaignant est devenu agressif envers l’AI, et l’AI a tenté de le mettre au sol. Durant cette manœuvre, l’AI et le plaignant sont tous deux tombés au sol. Le plaignant a continué de résister et l’AI a utilisé sur lui son vaporisateur d’oléorésine de capsicum (OC ou gaz poivré). Le plaignant a ensuite été menotté puis transporté à l’hôpital.

Nature des blessures et traitement

Le 30 juillet 2017, à 5 h 20 du matin, le plaignant a été examiné à l’hôpital. On lui a fait un tomodensitogramme des os crâniens et faciaux et on lui a diagnostiqué une fracture comminutive de l’os nasal avec léger déplacement.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté à l’intersection des rues Water et Gordon, dans la ville de Guelph. Il a été trouvé inconscient sur l’herbe, à côté du trottoir.

Preuve vidéo/audio/photographique

Aucun enregistrement vidéo ou audio de l’incident n’a été trouvé.

Enregistrements de communications

Le SPG a fourni les enregistrements des communications relatifs à l’incident, lesquels ont révélé ce qui suit :

  • À 4 h 42, le TC no1 a signalé un homme évanoui à l’intersection des rues Gordon et Water
  • À 4 h 47, l’AI est arrivé sur les lieux, suivi peu de temps après par l’AT no
  • À 4 h53, l’AT no 1 a indiqué que les policiers avaient une personne en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public
  • À 4 h 54, l’AI a déclaré avoir pulvérisé de l’oléorésine de capsicum (gaz poivré) sur le plaignant et que lui aussi (l’AI) avait été un peu aspergé de gaz poivré
  • À 5 h 02, l’AT no1 a indiqué qu’il était dans l’ambulance en route pour l’hôpital. L’AT no 1 a déclaré qu’il se pouvait que le plaignant se soit blessé au nez après être tombé sur le sol
  • À 5 h 03, l’AI a indiqué qu’il s’était disloqué le doigt
  • À 5 h 04, l’AT no1 a dit au sergent-chef que le plaignant était endormi, que les policiers l’avaient réveillé et qu’il s’était assis. Les agents de police ont posé plusieurs questions au plaignant, mais il a refusé de s’identifier. L’AI a dit au plaignant que s’il refusait de s’identifier, il serait arrêté pour ivresse dans un lieu public. L’AI a arrêté le plaignant et l’a mis debout. Le plaignant a résisté et a reculé. Il est tombé sur le trottoir, face la première, et l’AI est tombé sur lui. Le plaignant avait les mains sous son corps et refusait de les tendre. L’AI a déployé du gaz poivré sur le plaignant, et l’AT no 1 a alors réussi à prendre le contrôle du bras du plaignant
  • À 5 h 37, le sergent-chef a parlé à l’AT no L’AT no4 a indiqué qu’il avait parlé à l’AI et que l’AI lui avait dit que le plaignant était en état d’ébriété et qu’il refusait de s’identifier. Le plaignant est devenu agressif et s’est tourné contre l’AI. L’AI lui a alors fait un croche-pied pour l’amener au sol, mais l’AI a perdu l’équilibre et les deux hommes sont tombés au sol, l’AI atterrissant sur le plaignant. L’AI n’était pas certain de savoir si c’était son bras qui avait atterri sur le visage du plaignant ou si le plaignant était tombé sur le sol, face la première. L’AI a alors déployé son aérosol capsique pour prendre le contrôle du bras du plaignant. L’AI s’est aussi aspergé du gaz poivré durant cette manÅ“uvre. Après que le plaignant eut été menotté, l’AI a remarqué que le plaignant saignait du nez. L’AI est passé au triage pour un doigt disloqué

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPG, puis a obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • rapport sur les détails de l’incident
  • liste des agents en cause et des témoins civils
  • transmissions de TDM (terminaux de données mobiles) pour les agents en cause (messages envoyés à des terminaux à l’intérieur des voitures de patrouille)
  • enregistrement de l’appel reçu du TC no 1
  • enregistrement des communications par radio de la police
  • notes des AT nos 1, 2 et 4
  • déclaration écrite (énoncé des fonctions) de l’AT no 3
  • rapport d’incident (personne) pour le plaignant
  • procédure : Politique sur les arrestations

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant en lien avec l’incident
  • plainte déposée par le plaignant auprès du BDIEP

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 31(4) de la Loi sur les permis d’alcool – Ivresse dans un lieu public

31 (4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission
  2. dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun

Analyse et décision du directeur

Le 30 juillet 2017, à 4 h 42 du matin, le répartiteur du Service de police de Guelph (SPG) a reçu un appel dont l’auteur signalait un homme qui était évanoui à l’angle des rues Gordon et Water, dans la ville de Guelph. L’AI et l’AT no 1, du SPG, se sont rendus sur place.

À leur arrivée sur les lieux, le plaignant se trouvait à l’intersection et les agents l’ont réveillé. Le plaignant a fini par écoper d’une accusation d’ivresse dans un lieu public, en contravention du paragraphe 31 (4) de la Loi sur les permis d’alcool de l’Ontario. Durant l’arrestation, le plaignant a subi une blessure et a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os nasal. L’affaire n’a été déférée à l’UES qu’après qu’une plainte eut été déposée auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP), et c’est donc le 14 septembre 2017 que l’UES a été avisée du dossier et a commencé à enquêter.

Le plaignant a indiqué qu’il ne se souvenait pas très bien de l’incident, mais il a été très franc en admettant qu’il était alcoolique et qu’il avait tendance à s’irriter, à manquer de respect et à être désagréable et vulgaire lorsqu’il est en état d’ébriété. Le plaignant a indiqué qu’il n’avait qu’un vague souvenir de ce qui s’était passé les 29 et 30 juillet, lorsqu’il était intoxiqué. Il a indiqué que c’est sa mère qui avait déposé une plainte auprès du BDIEP, et ce, sans son consentement.

Le plaignant a indiqué qu’il se souvenait d’avoir reçu une contravention d’infraction provinciale pour ivresse dans un lieu public à 5 h 30 du matin, le 30 juillet 2017, contravention que l’AT no 1 avait émise pour un incident qui s’est produit sur la rue Water. Le plaignant a indiqué qu’après avoir consommé de l’alcool, il était en train de revenir chez lui à pied lorsqu’il a vu les deux agents de police. Il a ensuite été menotté mains dans le dos et il a essayé de repousser le policier. Il se souvient que quelqu’un l’a saisi à l’arrière, par le cou, et a cogné son visage contre la partie supérieure de la portière de l’autopatrouille et que son nez a été brisé. Il a indiqué qu’on l’a ensuite mis au sol, mais qu’il ne se souvenait pas ce qui s’était passé. La seule chose dont il se rappelait après cela était qu’il s’est réveillé à l’hôpital, que ses yeux lui faisaient mal et qu’il ne pouvait pas voir.

Le plaignant a admis qu’en raison de son comportement antérieur, il a présumé qu’il avait résisté à l’agent de police et qu’il a continué de résister jusqu’à ce que son nez soit brisé, à la suite de quoi il a été mis au sol et aspergé de gaz poivré.

Il n’y avait pas de témoins civils présents pendant l’arrestation du plaignant et, bien que l’auteur de l’appel au 9‐1‐1, le TC no 1, soit bel et bien resté avec le plaignant jusqu’à l’arrivée de la police, il est rentré chez lui avant que commence l’interaction entre les policiers et le plaignant, et les ambulanciers paramédicaux ne sont arrivés qu’après la conclusion de cette interaction.

Bien que l’agent impliqué (AI) n’est pas consenti à fournir une déclaration ou les notes de son calepin de service aux enquêteurs de l’UES, comme il en a légalement le droit, les observations de l’AT no 1, la déclaration que l’AI a faite à l’AT no 4 et l’enregistrement des transmissions par radio de la police permettent d’obtenir un tableau assez clair de ce qui s’est passé en faisant une extrapolation à partir de tous les éléments de preuve fiables, dont voici un résumé.

Le 30 juillet 2017, le TC no 1 a appelé le SPG vers 4 h 42 du matin pour signaler [traduction] « qu’un homme ivre mort est allongé sous les feux de l’intersection », à l’angle des rues Gordon et Water, dans la ville de Guelph.

Plusieurs unités ont été envoyées sur les lieux. L’AI est arrivé le premier à 4 h 47 m 23 s, suivi de l’AT no 1, à 4 h 50 m 49 s. Le TC no 1 a vu l’AI s’approcher du plaignant, lui parler et éclairer son visage avec sa lampe de poche, mais n’a pas vu l’agent avoir un contact physique avec le plaignant. Le plaignant n’a pas réagi à la présence de l’agent. Le TC no 1 a alors quitté la scène et est rentré chez lui.

Lorsque l’AT no 1 est arrivé, l’AI était avec le plaignant, lequel était assis contre un poteau et semblait confus; il refusait de répondre à toute question ou de s’identifier. L’AI a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public. Les policiers ont aussi appelé les Services médicaux d’urgence (SMU), car on ne pouvait pas laisser le plaignant seul à cause de son état d’intoxication.

L’AI a alors pris le plaignant par le bras gauche et a commencé à le mettre debout. Le plaignant a résisté, a reculé puis s’est retourné de façon agressive vers l’AI, et l’AT no 1 a entendu l’AI dire [traduction] « Ne faites pas ça. » L’AI a alors fait un croche-pied au plaignant pour l’amener au sol, mais l’AI a perdu l’équilibre et les deux sont tombés, le plaignant atterrissant face la première contre le sol et l’AI tombant sur lui.

L’AT no 1 s’était alors placé à gauche du plaignant, et l’AI, à droite. Le plaignant avait les mains sous son torse et résistait pendant que les agents de police essayaient de prendre le contrôle de ses mains. À ce moment-là, l’AT no 1 a constaté que le plaignant saignait du nez et qu’il y avait du sang sur l’herbe. L’AI a alors frappé de son poing fermé le plaignant à l’épaule droite, trois à cinq fois, pour faire obtempérer le plaignant. Lorsque ces coups de poing se sont révélés inefficaces pour amener le plaignant à laisser aller ses mains pour le menottage, l’AI a déployé sur lui son aérosol capsique.

Le gaz poivré a apparemment été efficace puisque l’AT no 1 a retourné le plaignant sur le sol pendant que l’AI lui tirait la main droite et menottait le plaignant mains dans le dos.

Lorsque les SMU sont arrivés, le plaignant était encore agressif et refusait de coopérer avec les ambulanciers, que ce soit pour un examen physique ou pour répondre à des questions. Il a été décrit comme donnant des coups avec ses jambes et se débattant. Il a ensuite été placé sur une civière, attaché à la civière avec des menottes puis transporté à l’hôpital.

À l’hôpital, le plaignant a été évalué comme ayant subi une fracture comminutive de l’os nasal avec léger déplacement. Son analyse toxicologique est revenue avec un résultat de 55 mmol/L d’alcool dans le sang, soit l’équivalent de 253 mg d’alcool par 100 ml de sang (plus de trois fois la limite légale permise pour conduire un véhicule à moteur au Canada, qui est 80 mg d’alcool par 100 ml de sang). Dans ses dossiers médicaux, il est indiqué que le plaignant avait une attitude belliqueuse, qu’il n’était pas coopératif et qu’il agitait ses bras et ses jambes pendant son passage à l’hôpital.

Compte tenu de l’évaluation que le plaignant a lui‐même faite de son comportement lorsqu’il est en état d’ébriété, des observations faites par l’AI et l’AT no 1, ainsi que des observations faites par les ambulanciers paramédicaux et le personnel de l’hôpital selon lesquelles le plaignant était agressif, peu coopératif et agitait ses bras et ses jambes, je n’ai aucune difficulté à conclure que le plaignant a opposé de la résistance à la police et qu’il a essayé de se dégager de la prise de l’AI.

Bien que le plaignant fût d’avis qu’il s’était blessé lorsqu’il s’était cogné la tête sur la portière du véhicule de police après qu’on l’eut menotté, je n’accepte pas sa version de l’histoire, non seulement parce qu’il était extrêmement intoxiqué, mais aussi en raison du témoignage de toutes les personnes présentes selon lequel personne n’a tenté de faire monter le plaignant à bord de la voiture de police, et il ne s’est jamais trouvé le moindrement à proximité de l’autopatrouille, puisqu’il a été transporté par ambulance à l’hôpital.

Par ailleurs, j’accepte le témoignage de l’AT no 1, qui est compatible avec la version des événements que l’AI a fournie à l’AT no 4, selon laquelle le plaignant n’était pas encore menotté lorsqu’il s’est retrouvé au sol avec l’AI, moment auquel il a subi sa blessure en tombant sur le sol, face la première.

Comme le plaignant l’a lui-même indiqué, son souvenir de l’incident est vague en raison de son degré d’ébriété, et j’estime qu’il serait malavisé de se fier à sa seule version des événements pour former des motifs raisonnables, en raison de son état d’ébriété. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il semble que le plaignant se soit mépris sur l’enchaînement des événements et sur la façon dont il s’est blessé.

Qui plus est, à la lumière de l’ensemble de la preuve, il est clair que l’AI et l’AT no 1 agissaient légalement et dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils ont tenté d’appréhender le plaignant pour ivresse dans un lieu public. En outre, ils auraient manqué à leur devoir s’ils avaient simplement laissé le plaignant inconscient et en état d’ébriété au coin de la rue, car il était manifestement incapable de s’occuper de lui-même dans son état. Par conséquent, en application du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police, et l’AI en particulier, seraient protégés contre d’éventuelles poursuites si, dans leurs actions pour appréhender le plaignant, ils n’ont employé qu’une force nécessaire et justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de force utilisé par l’AI pour tenter d’appréhender le plaignant, lorsque l’on tient compte du fait que le plaignant était dans un état d’ébriété extrême, était combattif et résistait à son arrestation par la police, je ne saurais conclure que les actions de l’AI lorsqu’il a tenté de mettre le plaignant au sol afin de le maîtriser ont constitué un recours excessif à la force dans ces circonstances. Bien que comportement du plaignant, regrettablement, ait fait perdre l’équilibre à l’AI et que les deux soient tombés au sol ensemble, l’AI tombant sur le plaignant et accentuant probablement l’élan et la force d’impact lorsque le plaignant est tombé au sol, face la première, je conclus que ce résultat était imprévisible dans les circonstances et qu’il était principalement dû aux propres actions et à la résistance du plaignant.

De plus, je note que, bien qu’il ait frappé le sol avec une certaine force et qu’il se soit brisé le nez, le plaignant a continué de résister et de se débattre, forçant l’AI à recourir à d’autres mesures, dont des coups de distraction à l’épaule et le déploiement de l’aérosol capsique, avant que l’AI puisse finalement maîtriser le plaignant et le menotter. Sur la foi de cette preuve, je conclus que les actions de l’AI ont progressé de façon directement proportionnelle au degré de résistance opposé par le plaignant et qu’elles n’ont pas constitué à un recours excessif à la force.

J’en arrive à cette conclusion en gardant à l’esprit l’état du droit applicable tel que la Cour suprême du Canada l’a énoncé en ces termes dans l’arrêt R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la mise sous détention du plaignant et la manière dont cela s’est fait étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les actions exercées par les agents de police étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de déposer des accusations en l’espèce.

Date : 12 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.