Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OVI-283

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 33 ans le 30 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident par un membre du Service de police de Belleville (SPB) le 30 septembre 2017, à 13 h 15.

Un membre du SPB a indiqué que le samedi 30 septembre 2017, vers 12 h 50, des agents du SPB effectuaient une patrouille à pied près du sentier de la rivière Moira lorsqu’ils ont vu un homme à bicyclette. Un des agents de police a reconnu le cycliste comme étant le plaignant, contre lequel des mandats d’arrestation avaient été lancés.

L’agent de police a interpellé le plaignant. Le plaignant a emprunté une passerelle piétonnière par-dessus la rivière Moira et est entré en collision avec une camionnette qui circulait en direction sud sur la rue Coleman.

Le plaignant a ensuite été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture au bassin et une fracture au genou droit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES ont pris des photographies numériques des lieux de l’incident, ont recueilli des preuves, ont saisi des pièces à conviction, ont pris des mesures et ont fait des croquis à l’échelle de la scène.

Plaignant :

Homme de 33 ans, interviewé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (proche)

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le 30 septembre 2017, l’AI et l’AT patrouillaient à pied près de la rivière Moira à Belleville. Vers 12 h 23, l’AI a vu le plaignant rouler à bicyclette dans un stationnement près d’un pont piétonnier enjambant la rivière. L’AI savait que des mandats d’arrestation non exécutés avaient été lancés contre le plaignant et l’a hélé en disant son nom. Le plaignant l’a entendu, mais a décidé de continuer à circuler à bicyclette en empruntant la passerelle piétonnière. L’AI et l’AT n’ont pas poursuivi le plaignant à pied et sont retournés à leur voiture de patrouille, qui était stationnée à proximité, pour ensuite contourner le secteur et traverser un pont destiné aux automobiles afin d’essayer de retrouver le plaignant. Moins d’une minute plus tard, l’AI et l’AT sont arrivés sur les lieux d’une collision. Le plaignant était couché dans la rue, et il y avait une camionnette au milieu d’une intersection. Le TC no 2 a dit à l’AI qu’il conduisait sa camionnette lorsque le plaignant avait soudainement traversé l’intersection sur sa bicyclette. Le plaignant a assumé la responsabilité pour la collision et a été transporté à l’hôpital où il est allégué qu’on a diagnostiqué une fracture au bassin et une fracture au genou.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène était située à l’intersection en forme de T des rues Coleman et Catharine. La rue Coleman est une route asphaltée à deux voies où la limite de vitesse affichée est de 50 km/h et qui permet le mouvement des véhicules dans la direction nord-sud. La rue Catharine est une route asphaltée où la limite de vitesse affichée est de 50 km/h et qui permet le mouvement des véhicules dans la direction est-ouest. La rue Catharine se termine à la rue Coleman.

La rue Bridge Ouest est une route revêtue à deux voies qui permet le mouvement de véhicules dans la direction est-ouest sur la rivière Moira.

La rivière Moira traverse la ville de Belleville du nord au sud. Une passerelle piétonnière relie un stationnement près du sentier riverain et l’extrémité de la rue Catharine et permet aux piétons de traverser la rivière Moira.

Schéma des lieux

La carte Google ci-dessous montre les déplacements du véhicule de police [indiqué en bleu], de la camionnette [indiqué en jaune] et du plaignant [indiqué en rouge].

La distance qu’a parcourue le véhicule de police entre le stationnement et la scène de la collision est d’environ 600 mètres.

Schéma des lieux

Preuves médicolégales

Rapport du reconstitutionniste de l’UES

La plus longue trace de freinage mesurée sur la chaussée était de 12,99 mètres et y avait été laissée par le pneu avant droit de la camionnette. À l’aide d’une formule mathématique servant à calculer la distance entre le début du dérapage et l’arrêt de la camionnette et incluant un coefficient de friction [établi à entre 0,55 et 0,70 sur une route asphaltée fort parcourue], il a été déterminé que la vitesse du véhicule se situait entre 42,4 km/h et 47,8 km/h.

Preuve vidéo/audio/photographique

Enregistrements des TVCF de la Ville de Belleville

L’UES a reçu et examiné les images vidéo provenant des TVCF de la Ville de Belleville. Les caméras de sécurité se trouvent dans le stationnement près du sentier riverain, et les images enregistrées ont montré ce qui suit :

  • À 12 h 24 min 46 s L’AI et l’AT marchaient vers un véhicule de police garée dans le stationnement
  • À 12 h 25 min 12 s Un homme [désigné plus tard comme le plaignant] roulait à bicyclette dans le stationnement vers la passerelle piétonnière
  • À 12 h 25 min 21 s Le plaignant a traversé la passerelle piétonnière vers l’intersection des rues Coleman et Catharine
  • À 12 h 25 min 44 s L’AI et l’AT ont conduit leur véhicule de police hors du stationnement sur la rue Front

Enregistrements des communications

Enregistrements des communications et Rapport de répartition assistée par ordinateur (RAO)

L’UES a reçu et examiné les enregistrements des communications et le rapport de RAO ayant trait à l’incident. Les enregistrements des communications ont révélé ce qui suit :

  • À 12 h 26 L’AI a dit au répartiteur qu’il avait vu le plaignant rouler à bicyclette vers la passerelle piétonnière
  • À 12 h 27 L’AI a demandé une ambulance

Le rapport de RAO était conforme au contenu des enregistrements des communications obtenus du SPB.

Éléments obtenus du Service de police

L’UES a demandé au SPB les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • chronologie des événements
  • notes de l’AI et de l’AT
  • communications radio

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel – Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant circulait à bicyclette à Belleville lorsque l’AI l’a reconnu et l’a appelé par son nom pour exécuter un mandat d’arrestation en souffrance. Le plaignant ne s’est pas arrêté et s’est rendu vers une route où il a été heurté par une camionnette et a subi des fractures au bassin et au genou. Compte tenu de ces circonstances, il n’y a absolument aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

L’UES a mené des entrevues avec le plaignant, trois témoins civils, l’AI et l’AT. Toutes les déclarations sont sensiblement cohérentes et établissent clairement les circonstances factuelles de l’incident.

La seule accusation à prendre en considération dans ces circonstances serait celle de négligence criminelle causant des lésions corporelles contrairement à l’article 221 du Code criminel. Une personne fait preuve de négligence criminelle lorsqu’elle montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie et de la sécurité d’autrui en faisant quelque chose ou en omettant de faire quelque chose qu’elle a l’obligation de faire. La Cour d’appel de l’Ontario a apporté des précisions supplémentaires à ce sujet dans R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (C.A. de l’Ont.), à savoir que pour pouvoir invoquer la négligence criminelle, il faut qu’il y ait eu un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. En l’espèce, il n’y a aucune preuve que la décision de l’AI de héler le plaignant équivalait à un écart « marqué et important » de la norme qu’appliquerait un agent de police raisonnable. Les agents de police sont tenus d’exécuter les mandats d’arrestation, et je ne puis conclure que l’AI a mal agi en hélant le plaignant pour tenter de procéder à l’arrestation. Lorsque l’AI a appelé le plaignant, il se trouvait dans un stationnement près d’une passerelle piétonnière du côté est de la rivière et ne pouvait aucunement prévoir que le plaignant serait heurté par une camionnette lorsqu’il s’est éloigné de l’AI sur sa bicyclette. De plus, comme le plaignant était déjà sur sa bicyclette et a simplement décidé de ne pas s’arrêter pour la police, qui ne l’a pas poursuivi, je ne peux conclure qu’il y a un lien de causalité entre les actions de l’AI et les blessures du plaignant. Pour ces raisons, je conclus qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à cet incident et l’affaire sera classée.

Date : 12 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.