Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OVI-246

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 38 ans aurait subie à la suite d’une poursuite de son véhicule par la police, le 7 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 7 septembre 2017, vers 10 h 15, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a avisé l’UES des blessures graves que le plaignant âgé de 38 ans avait subies lors d’une collision automobile impliquant un seul véhicule, à la suite d’une brève poursuite policière.

Le SPRN a indiqué que le 7 septembre 2017, à 8 h 57, le propriétaire d’une ferraille locale a communiqué avec la police pour signaler deux hommes qui venaient de lui offrir de lui vendre une camionnette, une remorque et du matériel d’entretien de pelouse. L’appelant a décrit les hommes comme étant sous l’effet de substances intoxicantes et a fourni à la police le numéro de plaque d’immatriculation de leur camionnette.

Peu après, l’agent impliqué (AI) a localisé la camionnette et la remorque et a déclenché un contrôle routier. Le véhicule ne s’est pas arrêté et a fait une sortie de route, rentrant violemment dans un arbre. Le plaignant a été partiellement éjecté du véhicule et a ensuite été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué des fractures aux côtes.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 3

Nombre de reconstitutionnistes d’accidents routiers de l’UES assignés : 1

Le jeudi 7 septembre 2017, trois enquêteurs, un reconstitutionniste d’accidents routiers et trois enquêteurs judiciaires (EJ) de l’UES ont amorcé une enquête dans la région de Niagara. Les enquêteurs ont photographié les lieux, les ont mesurés et en ont établi un schéma. Ils ont examiné les alentours à la recherche d’une éventuelle caméra de surveillance, mais sans succès, car la scène de l’accident se trouvait dans un endroit éloigné de la région. Des témoins civils ont été trouvés et questionnés, et des dossiers médicaux ont été obtenus et examinés sur consentement.

Plaignant :

entretien avec l’homme âgé de 38 ans; obtention et examen de ses dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 N’était pas disponible pour une entrevue, mais son rapport a été obtenu et examiné.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Le matin du 7 septembre 2017, le plaignant et le témoin civil (TC) no 1 a essayé de vendre une camionnette, une remorque et de l’équipement volés au propriétaire d’une cour de ferraille. Le plaignant et le TC no 1 sont entrés au volant de la camionnette sur le terrain du parc à ferraille par le chemin de sortie et sont restés coincés. Un employé a réussi à libérer la camionnette, mais le plaignant a ensuite roulé sur une balance industrielle. Le propriétaire de la ferraille a communiqué avec la police pour signaler que le plaignant et le TC no 1, dont il pensait qu’ils étaient sous l’effet de stupéfiants, tentaient de lui vendre des biens volés.

Des agents de police du SPRN ont répondu et se sont mis à la recherche de la camionnette et de la remorque. L’AI et l’agent témoin (AT) no 1 ont été les premiers à localiser la camionnette volée, et ils l’ont suivie sur le chemin Beechwood, l’AI roulant devant l’AT no 1. La camionnette est sortie de la chaussée sur la droite et a roulé le long du fossé sur une longue distance avant de finalement rentrer dans un arbre et s’immobiliser. L’AI a décrit le mouvement de la camionnette et de la remorque comme zigzagant le long du fossé.

Une enquête subséquente a confirmé que l’AI se trouvait à 52 mètres derrière la camionnette lorsque celle‐ci s’est écrasée contre l’arbre et que les vitesses auxquelles il roulait au volant de l’autopatrouille variaient entre 52 et 99 km/h pendant la poursuite, et ce dans une zone où la limite de vitesse affichée était de 80 km/h. Les EJ de l’UES ont vérifié que le véhicule de police conduit par l’AI n’a jamais fait contact avec la camionnette. Aucun autre véhicule ne se trouvait sur le chemin Beechwood à ce moment‐là, et il n’y avait pas non plus de piétions à proximité des lieux de la collision. La chaussée était sèche et les conditions météorologiques étaient bonnes.

À l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, le plaignant a dû recevoir de multiples injections de Narcan sur place, à bord de l’hélicoptère et à l’hôpital pour neutraliser l’effet des drogues dans son système.

Nature des blessures et traitement

Le plaignant a été examiné à l’hôpital le 8 septembre 2017, après avoir été traité au Narcan pour une surdose apparente de drogue. On lui a alors diagnostiqué une côte fracturée de chaque côté et une contusion au poumon. On lui a prescrit des analgésiques pour les blessures aux côtes et l’on s’attend à ce qu’il se rétablisse complètement.

Preuve

Les lieux de l’incident

Examen criminalistique de la scène par l’UES

Le chemin Beechwood est une route rurale avec des terres agricoles de chaque côté. Il s’agit d’une route asphaltée droite à deux voies, avec des accotements d’herbe et des fossés peu profonds, orientée nord‐sud. La limite de vitesse affichée est de 80 km/h et la chaussée était sèche et en bon état.

Scene photo

La collision s’est produite à mi‐chemin entre deux intersections, directement devant une maison.

Scene photo

À environ 130 mètres au nord de l’arbre heurté, il y avait des marques de pneus sur l’accotement gazonné côté ouest du chemin. Les marques de pneus reviennent sur la chaussée et tournent vers l’accotement côté est, avant de revenir sur l’accotement côté ouest, pour finalement aboutir à l’arbre qui a été frappé.

Scene photo

Scene photo

Scene photo

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Données GPS du système de localisation automatique des véhicules (LAV) pour l’autopatrouille

L’UES a obtenu du SPRN les données GPS de l’autopatrouille de l’AI, et ces données ont été examinées par un EJ de l’UES. Les données indiquent qu’au moment où la camionnette s’est écrasée contre l’arbre, l’AI se trouvait à 52 mètres (170 pieds) derrière, ce qui cadre avec l’estimation de 200 à 300 pieds qu’en avait faite l’AI. L’AI a d’abord rencontré la camionnette volée à 8 h 44 m 18 s, à l’intersection des chemins Beaverdams et Beechwood. Cette intersection est contrôlée par un feu d’arrêt rouge clignotant suspendu pour les quatre côtés de l’intersection. Le chemin Beechwood a deux voies, l’une pour la circulation en direction nord et l’autre pour la circulation vers le sud. La limite de vitesse affichée est de 80 km/h et il n’y a pas d’autres intersections entre le chemin Beaverdams et l’endroit de l’impact. Il y a deux résidences à cette hauteur sur le chemin Beechwood, mais pas d’autre obstacle ou risque en matière de sécurité.

Les données horaires de distance parcourue et la vitesse moyenne de la voiture de patrouille conduite par l’AI aux quatre points qui ont été enregistrés sur le diagramme GPS à partir de l’intersection avec le chemin Beaverdams en direction sud jusqu’au point d’impact de la camionnette contre l’arbre sont indiquées ci‐après. Les vitesses enregistrées aux quatre points donnent une vitesse moyenne de 58,75 km/h pour le véhicule de police de l’AI.

HeureDistance parcourueVitesse
De 8 h 44 m 18 s à 8 h 44 m 31 s190,10 mètres52 km/h
De 8 h 44 m 31 s à 8 h 44 m 41 s216,48 mètres77 km/h
De 8 h 44 m 41 s à 8 h 44 m 52 s303,44 mètres99 km/h
De 8 h 44 m 52 s à 8 h 45 m 03 s190,21 mètres13 km/h

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve d’expert

Le rapport de reconstitution de la collision se lit comme suit :

Les preuves matérielles trouvées sur les lieux montraient ce qui suit. Les marques de pneus indiquent que le véhicule en cause roulait en direction sud sur le chemin Beechwood lorsqu’il a emprunté l’accotement gazonné avant de se retrouver dans le fossé peu profond, côté ouest de la route.

Le balancement de la remorque, habituellement dû à une vitesse excessive, a probablement commencé avant les premières marques de pneus sur l’accotement côté ouest et a fait perdre le contrôle du véhicule au conducteur, qui a commencé à rouler sur l’accotement herbeux. Même si le conducteur de la camionnette tentait de freiner ou de ralentir, l’action de poussée de la remorque aurait obligé la camionnette à tourner dans le sens horaire.

Lorsque la camionnette a commencé à tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, la remorque s’est déplacée vers la droite, forçant une rotation encore plus prononcée de la camionnette, laquelle est retournée sur le côté ouest de la route devant [nombre de maisons], en commençant par le côté conducteur de la camionnette. La camionnette a fait une sortie de route et s’est violemment écrasée contre l’arbre côté conducteur, près de la roue avant.

Les causes de cette collision étaient la vitesse excessive et la perte de contrôle. Il n’y avait pas d’intersections contrôlées, d’écoles, de zones de sécurité ou d’autres dangers sur le chemin Beechwood, à la hauteur ou à proximité du lieu de la collision.

Le véhicule de police conduit par l’AI a été minutieusement examiné, et aucune preuve de contact avec la remorque ou la camionnette n’a été trouvée

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, mais elle n’en a pas trouvé.

Enregistrements de communications

La majorité des enregistrements portaient sur l’incident après que le plaignant eut tenté de vendre la camionnette Dodge et l’équipement à la casse. Des agents ont été envoyés dans le secteur pour rechercher la camionnette Dodge et la remorque. L’AT no 3 a indiqué que la camionnette avait été vue la dernière fois sur le chemin Allanburg. Une minute avant la collision, l’AI a indiqué par radio que le véhicule volé venait tout juste de le dépasser sur le chemin Beaverdams, vers le chemin Beechwood. L’AI a demandé et obtenu, du surveillant des communications, la permission de suivre la camionnette. Quelques instants plus tard, l’AI a déclaré par radio que le véhicule volé avait fait une sortie de route et était rentré dans un arbre.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRN, puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • dossier d’arrestation du plaignant
  • dossier d’arrestation du TC no 1
  • rapport sur les appels tiré du système de répartition assistée par ordinateur d’Integraph (I/CAD)
  • tableau des résultats de reconstitution d’accident pour les transmissions radio du système NICE Inform
  • notes des AT nos 1 à 3
  • données GPS du système de localisation automatique des véhicules (LAV) pour le véhicule de police de l’AI
  • enregistrements des transmissions radio de la police
  • demande des enregistrements de communications du SPRN
  • dépositions au SPRN de deux témoins civils non désignés
  • déclaration de témoin du TC no 2 au SPRN
  • procédure du SPRN : Poursuites visant l’appréhension de suspects
  • rapport de vol de véhicule établi par l’AI

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant liés à cet incident

Dispositions législatives pertinentes

Articles 1 à 3 du Règlement de l’Ontario 266/10 (« Poursuites visant l’appréhension de suspects ») en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario

1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule

(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Article 249 du Code criminel – Conduite dangereuse

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]

(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

Article 252 du Code criminel – Défaut d’arrêter lors d’un accident

252 (1) Commet une infraction quiconque, ayant la garde, la charge ou le contrôle d’un véhicule, d’un bateau ou d’un aéronef, omet dans l’intention d’échapper à toute responsabilité civile ou criminelle d’arrêter son véhicule, son bateau ou, si c’est possible, son aéronef, de donner ses nom et adresse, et lorsqu’une personne a été blessée ou semble avoir besoin d’aide, d’offrir de l’aide, dans le cas où ce véhicule, bateau, ou aéronef est impliqué dans un accident :

  1. soit avec une autre personne
  2. soit avec un véhicule, un bateau ou un aéronef
  3. soit avec du bétail sous la responsabilité d’une autre personne, dans le cas d’un véhicule impliqué dans un accident

Paragraphe 253(1) du Code criminel – Capacité de conduite affaiblie

253 (1) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non, dans les cas suivants :

  1. lorsque sa capacité de conduire ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue
  2. lorsqu’il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang

Article 333.1 du Code criminel – Vol d’un véhicule à moteur

333.1 (1) Quiconque commet un vol est, si l’objet volé est un véhicule à moteur, coupable d’une infraction passible, sur déclaration de culpabilité :

  1. par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de dix ans, la peine minimale étant de six mois dans le cas d’une troisième infraction prévue au présent paragraphe ou de toute autre récidive subséquente
  2. par procédure sommaire, d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois

Article 334 du Code criminel – Punition du vol

334 Sauf disposition contraire des lois, quiconque commet un vol :

  1. est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, si le bien volé est un titre testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse cinq mille dollars
  2. est coupable :
    1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
    2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas cinq mille dollars.

Paragraphe 354(1) du Code criminel – Possession de biens criminellement obtenus

354 (1) Commet une infraction quiconque a en sa possession un bien, une chose ou leur produit sachant que tout ou partie d’entre eux ont été obtenus ou proviennent directement ou indirectement :

  1. soit de la perpétration, au Canada, d’une infraction punissable sur acte d’accusation
  2. soit d’un acte ou d’une omission en quelque endroit que ce soit, qui aurait constitué, s’il avait eu lieu au Canada, une infraction punissable sur acte d’accusation

Paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances – Possession de substances

4 (1) Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite.

Analyse et décision du directeur

Le 7 septembre 2017, vers 7 h, le propriétaire d’une résidence dans la ville de Niagara Falls a appelé le Service de police régional de Niagara (SPRN) pour signaler qu’on avait volé sa camionnette à laquelle était attachée une remorque sur laquelle se trouvaient une certain nombre de tondeuses à siège. Le propriétaire a également indiqué que la camionnette avait accroché son autre véhicule automobile lorsque le voleur est sorti de son entrée de cour.

Le même jour, vers 8 h 08, le SPRN a reçu un autre appel au 9-1-1 signalant que cette même camionnette, à laquelle était restée attachée la remorque, avait accroché un véhicule à moteur sur le chemin Beaverdams, à l’approche de la ville de Thorold, et que le conducteur de la camionnette avait fui les lieux.

Vers 8 h 15, un troisième appel au 9-1-1 a été reçu d’une autre personne qui a déclaré qu’elle avait vu ce même véhicule rouler de façon erratique et qu’il était presque entré en collision avec un autre véhicule à moteur; elle a fait une description du conducteur en indiquant que son front touchait presque le pare-prise avant et qu’elle pensait que le conducteur avait les facultés affaiblies. L’appelante a déclaré que la dernière fois qu’elle avait vu la camionnette, c’était sur le chemin Beaverdams, à l’intersection du chemin Beechwood.

Vers 8 h 25, une personne a fait un appel au 9-1-1 pour signaler que le même véhicule volé s’était rendu dans une cour à ferraille dans la ville de Thorold. Le propriétaire du parc à ferraille a ultérieurement fait une déclaration à la police dans laquelle il a indiqué que les deux hommes qui occupaient le véhicule volé avaient tenté de lui vendre la camionnette, la remorque et le matériel d’entretien de pelouse, mais qu’il avait décliné leur offre, car les deux hommes semblaient sous l’effet de drogues ou en état d’intoxication. Le propriétaire de la ferraille a remarqué que la camionnette était endommagée à l’avant et que le rétroviseur côté passager manquait. Il a ajouté que le conducteur de la camionnette volée s’était d’abord retrouvé coincé lorsqu’il est entré par la mauvaise voie d’accès à la cour de ferraille et qu’il n’avait pas suffisamment de dégagement; lorsqu’il a fini par se dégager de l’entrée et a conduit jusqu’à la balance, il a raté son coup et s’est retrouvé à cheval sur le trottoir, et il a fallu le déloger de la balance. La camionnette volée a alors quitté les lieux.

L’agent impliqué (AI) avait initialement été envoyé à la résidence, où le véhicule à moteur et la remorque avaient été volés, et avait établi un rapport. À 8 h 39, l’AI a entendu une transmission radio signalant une collision de véhicules avec délit de fuite impliquant la même camionnette volée. Alors qu’il se trouvait sur les lieux du délit de fuite, l’AI a entendu une autre transmission radio indiquant que le véhicule volé se trouvait maintenant à proximité d’une cour à ferraille, de sorte que l’AI s’est dirigé vers cet endroit.

À 8 h 41, alors qu’il était en route vers le parc à ferraille, l’AI a observé le véhicule volé sur le chemin Beaverdams, à l’ouest du chemin Beechwood, et a fait un virage pour suivre le véhicule. L’AI a tenté d’effectuer un contrôle routier, et la camionnette volée a plus tard été impliquée dans une collision à la suite de laquelle le conducteur (le plaignant) a été transporté à l’hôpital et a été évalué comme ayant subi deux côtes fracturées, l’une de chaque côté, et une contusion au poumon.

Au cours de cette enquête, le plaignant ainsi que son passager, le témoin civil (TC) no 1, de même que l’AI et les trois agents témoins (AT) ont été questionnés. Les enquêteurs de l’UES avaient aussi accès aux enregistrements des transmissions radio de la police, à l’enregistrement des divers appels faits au 9-1-1 et à une déclaration écrite fournie par le propriétaire de la cour à ferraille.

Bien que le plaignant ait fourni une déclaration aux enquêteurs, je ne suis pas en mesure de me fier le moindrement à son témoignage, car il est entièrement contredit, non seulement par la preuve matérielle, le témoignage du témoin civil, les appels au 9-1-1 et la preuve médicale, mais aussi par le témoignage de son propre passager, le TC no 1. Sans trop entrer dans le détail, qu’il suffise de dire que les contradictions majeures suivantes m’ont conforté dans ma conclusion à cet égard :

  • Le plaignant a indiqué que l’AI avait foncé sur la camionnette volée qu’il conduisait, provoquant ainsi la collision qui lui a causé ses blessures, alors que le TC no1 a indiqué que la collision n’impliquait qu’un seul véhicule et résultait du fait que le plaignant avait les facultés affaiblies par des drogues, que la camionnette avait de très mauvais freins et que le plaignant conduisait très mal. Le TC no 1 a expressément indiqué qu’à aucun moment le véhicule de police n’a fait contact avec leur camionnette avant ou pendant la collision. Le témoignage du TC no 1 à cet égard a été corroboré par un examen minutieux de l’autopatrouille, lequel a indiqué que le véhicule de police n’avait aucun signe de dommage et n’avait pas fait contact avec la camionnette volée, ainsi que par le rapport de reconstitution de l’accident, dont le contenu était également entièrement confirmé par la déclaration de l’AI. De plus, les données GPS du système LAV extraites de l’autopatrouille conduite par l’AI confirmaient bel et bien qu’au moment où la camionnette conduite par le plaignant a heurté l’arbre, l’autopatrouille de l’AI se trouvait à quelque 52 mètres derrière la camionnette
  • Le plaignant a indiqué qu’il n’était sous l’effet d’aucune drogue au moment de cet incident, alors que le TC no1 a décrit le plaignant comme hochant la tête vers l’avant et, à l’occasion, s’endormant au volant, et il a indiqué que, d’après lui, le plaignant avait ingéré des opiacés plus tôt ce matin-là et qu’il [traduction] « planait ». Les observations des facultés affaiblies du plaignant sont également appuyées par le témoignage du propriétaire de la cour à ferraille, par la troisième appelante du 9‐1-1 et par le fait qu’on a administré au plaignant du Narcan, un médicament injecté pour contrer les effets d’une surdose d’opiacés, et ce, à au moins trois reprises durant le traitement médical qu’il a reçu ce matin-là
  • Le plaignant a indiqué qu’il était juste en train de se ranger sur l’accotement lorsque, soudainement, l’autopatrouille lui est entrée dedans, alors que le TC no1 a indiqué qu’il a dit au plaignant de se ranger sur l’accotement pour l’agent de police, mais que le plaignant a ignoré son conseil et a plutôt accéléré
  • Le plaignant a nié avoir eu des drogues en sa possession, mais un ambulancier paramédical a trouvé un Å“uf de plastique Kinder Surprise dans son sous-vêtement qui, après examen, s’est révélé contenir plusieurs petits sacs refermables ZipLock dans lesquels il y avait du fentanyl, de la marijuana et des champignons magiques
  • Compte tenu de ces quelques incohérences majeures énumérées, auxquelles s’ajoutent les nombreuses contradictions apparentes entre la déclaration du plaignant et celle du TC no1, je ne puis accorder aucune crédibilité à la version des événements donnée par le plaignant et je tiens pour avéré, à la lumière de la preuve matérielle, qu’à aucun moment la voiture de patrouille de l’AI n’a fait contact avec la camionnette volée conduite par le plaignant et que l’AI n’a pas été physiquement impliqué dans la collision qui a causé les blessures au plaignant

Cela étant dit, je dois quand même répondre à la question de savoir si l’AI s’est rendu ou non coupable d’une infraction criminelle dans ses efforts pour arrêter le véhicule à moteur conduit par le plaignant et dans la collision qui a suivi.

L’infraction sur laquelle il faut se pencher en pareilles circonstances est celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention du paragraphe 249(3) du Code criminel, et la question à trancher est de savoir s’il existe ou non des motifs raisonnables de croire que la façon dont l’AI a conduit l’autopatrouille a atteint le niveau défini de danger.

Selon la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »

Dans cette affaire, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la façon de conduire de l’AI a créé un danger pour les autres usagers de la route ou que l’AI a nui à la circulation d’autres véhicules à quelque moment que ce soit; plus précisément, tous les témoins ont indiqué qu’il n’y avait aucun autre véhicule qui circulait sur la route ni aucun piéton à ce moment‐là. D’autre part, les conditions météorologiques étaient bonnes et la chaussée était sèche.

Je note également, à partir des données recueillies de l’autopatrouille de l’AI, que l’AI n’a jamais dépassé la vitesse de 99 km/h dans une zone de 80 km/h, et qu’il a roulé à une vitesse beaucoup moins élevée pendant une bonne partie du temps qu’il a passé à essayer d’intercepter le plaignant.

De plus, tout l’itinéraire parcouru faisait moins d’un kilomètre et cette distance a été parcourue sur une durée de 45 secondes. Par conséquent, j’accepte, en bout de ligne, que le plaignant s’est écrasé en raison de sa vitesse, du fait qu’il conduisait mal, de son état d’intoxication extrême par la drogue et de ses tentatives de se soustraire à la police, et non en raison d’une façon de conduire dangereuse de la part de l’AI.

Je conclus, sur la foi de cette preuve, que la façon de conduire de l’AI, dans sa tentative d’appréhender le conducteur d’un véhicule volé qui avait déjà été impliqué dans au moins deux collisions avec délit de fuite, et dont la capacité de conduire un véhicule à moteur, sur la foi du témoignage du témoin civil et de l’appelante au 9-1-1, était manifestement affectée, n’atteint pas le niveau requis par le droit applicable pour constituer « un écart marqué par rapport à la norme de diligence » et je ne saurais établir l’existence d’un lien de cause à effet entre les actions de l’AI et la collision impliquant un seul véhicule lors de laquelle le plaignant a subi ses blessures.

Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, j’accepte que l’AI a répondu à la situation en se conformant pleinement aux dispositions de la Loi sur les services policiers de l’Ontario concernant les poursuites visant l’appréhension de suspects et qu’il s’est comporté en tout temps de façon professionnelle, prudente et sensée. Je ne vois donc aucun motif, ici, de déposer des accusations criminelles, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 12 juillet 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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