Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCD-297

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 36 ans (le plaignant) le 13 octobre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 23 h 15, le vendredi 13 octobre 2017, le Service de police de Hamilton (SPH) a informé l’UES du décès du plaignant.

Le SPH a signalé que le plaignant avait communiqué par téléphone cellulaire avec son père, le TC no 3, et lui avait dit qu’il avait été à une fête et que quelqu’un avait mis quelque chose dans son verre. Le plaignant a indiqué qu’il marchait quelque part à Ancaster et qu’il était désorienté.

L’AI circulait vers l’ouest sur la promenade Lincoln Alexander (PLA) lorsqu’il a vu le plaignant se tenir debout sur le terre-plein près de la sortie de l’autoroute 403. Le plaignant a traversé la promenade en courant et a été heurté par un camion de transport. Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où l’on a constaté son décès.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Nombre de reconstitutionnistes de l’UES : 1 

Plaignant :

Homme de 36 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue.

TC n° 2 A participé à une entrevue.

TC n° 3 A participé à une entrevue.

TC no 4 A participé à une entrevue.

TC n° 5 A participé à une entrevue.

TC n° 6 A participé à une entrevue.

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agent impliqué (AI)

AI A refusé de subir une entrevue ou de fournir ses notes, comme c’était son droit légal en tant qu’agent impliqué, mais il a fourni une déclaration écrite par l’entremise d’un avocat.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène se trouvait sur la promenade Lincoln Alexander (PLA) à Ancaster, proche de la sortie de la rue Rousseaux à gauche et des sorties vers l’autoroute 403 à droite. Il faisait noir, mais il y avait de l’éclairage artificiel dans le secteur. Les routes étaient sèches et l’air était frais et humide.

Scene photo

Scene photo

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Témoignage d’expert

Rapport du reconstitutionniste de l’UES

Peu après 21 h le 13 octobre 2017, juste avant la collision en question, le plaignant se déplaçait à pied dans le secteur du terre-plein qui sépare les rampes de sortie vers l’autoroute 403 de la rampe de sortie vers la rue Rousseaux de la PLA ou dans la rampe de sortie vers la rue Rousseaux près de la PLA. La PLA est désignée comme une autoroute à accès contrôlé et comporte des clôtures de sécurité des deux côtés, et la limite de vitesse qui y est affichée est de 90 km/h. Il faisait noir et il y avait un certain éclairage artificiel, les routes étaient sèches et l’air était frais et humide. Au même moment, l’AI se trouvait dans sa voiture de patrouille à une certaine distance à l’ouest du plaignant sur l’accotement droit de la PLA lorsqu’il a demandé au répartiteur du SPH de demander au plaignant de marcher vers sa voiture de patrouille. En l’espace de quelques secondes, le plaignant s’est rendu en direction nord et a traversé la rampe de sortie de la rue Rousseaux, juste à l’ouest de la tête d’îlot. Il a été heurté par l’aile avant droite d’un véhicule inconnu se dirigeant vers l’ouest dans la rampe de la rue Rousseaux, lequel véhicule n’est pas resté sur les lieux. Le plaignant a continué de se diriger vers le nord dans la voie de dépassement ouest de la PLA. Au même moment, roulant à une vitesse qui, selon les calculs, se situait entre 77 et 87 km/h, un camion gros porteur Freightliner 2015 conduit par le TC no 2 se déplaçait vers l’ouest dans la voie de dépassement ouest. Le plaignant a été frappé de plein fouet par la grille avant du camion gros porteur et son corps a été lancé vers le nord-ouest et a atterri dans la voie ouest de la PLA. Le TC no 2 a appuyé sur les freins du camion gros porteur et a tourné vers la gauche, l’immobilisant en faisant face à l’ouest entre les marques solides peintes en blanc de la tête d’îlot de la rampe de sortie de la rue Rousseaux. L’AI a signalé l’incident à son répartiteur et, avec les feux d’urgence activés sur le toit de son véhicule, a bloqué les voies de dépassement et du centre en direction ouest de la PLA, juste à l’est du corps du plaignant.

Preuve vidéo/audio/photographique

La vidéo de surveillance provenant du magasin à prix modiques Billy Bee a révélé qu’à environ 19 h 53, le plaignant parlait sur son téléphone cellulaire et a acheté une boisson gazeuse.

Enregistrements des communications

Enregistrements des communications et répartition assistée par ordinateur (RAO) du SPH

L’UES a obtenu et examiné les enregistrements des communications audio et le rapport sur la chronologie des événements du SPH, qui ont révélé ce qui suit :

20 h 42 min 34 s Le TC no 3 fait un appel au numéro 9-1-1 et à la Police provinciale de l’Ontario (PPO), qui est transféré au SPH. Le TC no 3 et son épouse sont en train de parler au plaignant par téléphone cellulaire. Le TC no 3 dit au préposé qui a répondu à l’appel que son fils, le plaignant, se trouve quelque part à Ancaster et qu’il est désorienté

. Le plaignant a dit au TC no 3 qu’il croyait que quelqu’un avait mis quelque chose dans son verre. Le TC no 3 dit au préposé qu’ils étaient au téléphone avec lui, le plaignant, depuis une demi-heure, essayant de déterminer où il se trouve, avant d’appeler la police pour obtenir de l’aide. Le TC no 3 dit que le plaignant marche sur une piste cyclable près de l’autoroute 403.

20 h 50 min 7 s L’AI est envoyé au secteur de l’autoroute 403 à Ancaster.

20 h 54 min 44 s Le TC no 3 dit au répartiteur que le plaignant peut voir un panneau indiquant l’autoroute 403 vers Toronto.

20 h 55 min 23 s Le TC no 3 dit au répartiteur que le plaignant peut voir Costco.

21 h 7 s L’AI se trouve dans le secteur de l’autoroute 403 à Ancaster.

21 h 4 Le TC no 3 dit au répartiteur que le plaignant peut maintenant voir le Home Depot et qu’il y a aussi de la construction dans le secteur. Le répartiteur indique que le plaignant est peut-être à la rue Rousseaux.

21 h 4 min 14 s Le TC no 3 dit au répartiteur que le plaignant marche sur la chaussée.

21 h 4 min 31 s Le TC no 3 dit au répartiteur que le plaignant peut voir la police.

21 h 5 min 14 s L’AI dit au répartiteur de demander au plaignant de marcher vers lui.

21 h 5 min 24 s L’AI demande une ambulance.

21 h 5 min 45 s L’AI signale que le plaignant a traversé la route et a été heurté par un véhicule.

Cause du décès

L’autopsie a été effectuée le 14 octobre 2017. Le pathologiste a déclaré que le plaignant était décédé à la suite d’un traumatisme contondant à la tête et au torse.

Documents obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPH les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • chronologies des événements - Répartition assistée par ordinateur (RAO) (x4)
  • notes des AT nos 1 et 2
  • déclarations écrites de l’AI et des AT nos 1 et 2
  • enregistrements des communications de la police
  • enregistrement de l’appel au 9-1-1

L’UES a obtenu et a examiné les documents suivants provenant d’autres sources :

  • Photographies du plaignant dans le magasin à prix modiques Billy Bee tirées des images de surveillance filmées

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220 du Code criminel – Le fait de causer la mort par négligence criminelle

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité

Description de l’incident

Le 13 octobre 2017, vers 20 h, le plaignant a téléphoné à ses parents et leur a dit qu’il pensait que quelqu’un avait mis quelque chose dans son verre et qu’il était perdu et désorienté quelque part dans le secteur d’Ancaster et qu’il ne parvenait pas à trouver son chemin pour rentrer chez lui. Après avoir parlé à leur fils pendant un certain temps, vers 20 h 42, les parents du plaignant ont appelé le 9-1-1 dans l’espoir que la police puisse trouver et aider leur fils.

À 20 h 50, l’AI a été envoyé au secteur de l’autoroute 403 à Ancaster. Pendant que l’AI était à la recherche de l’endroit où se trouvait le plaignant, le préposé aux appels de la police est resté en ligne avec ses parents, qui répétaient ce que leur fils leur disait. Cette information, à son tour, était communiquée aux agents chargés d’intervenir, y compris à l’AI.

Vers 21 h, le TC no 1, un employé du service d’entretien des routes de la Ville de Hamilton a vu le plaignant assis sur une barrière de béton à sa droite alors qu’il circulait en direction ouest sur la rue Rousseaux à l’ouest de la jonction de la PLA et de l’autoroute 403. Le TC no 1 a vu le plaignant parler sur son téléphone cellulaire. Le TC no 1 a décrit la zone comme étant sombre et a indiqué que la limite de vitesse affichée sur la PLA était de 80 km/h.

Le TC no 1 est retourné au secteur peu de temps après et a vu le plaignant marcher en direction est vers la PLA, environ à 200 mètres en avant de l’endroit où il l’avait vu la dernière fois. Le TC no 1 a arrêté son véhicule automobile près du plaignant et lui a demandé s’il allait bien et lui a dit qu’il allait se blesser. Il a vu le plaignant parler sur son téléphone cellulaire et l’a entendu dire à quelqu’un au téléphone : [traduction] « Je leur parle maintenant ». Le TC no 1 a décrit le plaignant comme étant cohérent et comme ne présentant pas de signes qu’il était intoxiqué ou psychologiquement instable, mais qu’il était peut-être irrité.

À peu près au même moment, un autre automobiliste, le TC no 5, qui circulait en direction est sur la rue Rousseaux, tout en s’approchant de la PLA, a vu le plaignant, à gauche, marcher vers l’est sur le terre-plein et traverser le passage supérieur de l’autoroute 403 vers la PLA. Le TC no 5 a décrit le plaignant comme se trouvant à environ 200 mètres de la PLA et comme parlant sur son téléphone cellulaire. Le TC no 5 a indiqué que le plaignant semblait marcher normalement. Au moment où le TC no 5 a vu le plaignant, il n’a vu aucun véhicule de police dans les environs.

Peu après 21 h, l’AI circulait en direction ouest sur la PLA vers la fourche de la rue Rousseaux et de l’autoroute 403 lorsqu’il a vu le plaignant marcher vers l’est sur le terre-plein au centre, tout en parlant sur son téléphone cellulaire. L’AI a rangé sa voiture de patrouille sur l’accotement droit de la PLA et est sorti de son véhicule en hélant le plaignant. Il n’a reçu aucune réponse, le plaignant continuant de marcher vers l’est. L’AI a alors activé ses feux d’urgence sur le toit et sa sirène en espérant attirer l’attention du plaignant. L’AI est retourné dans sa voiture de patrouille et a commencé à faire marche arrière pour se rapprocher du plaignant, mais a décidé que cela n’était pas sécuritaire et s’est arrêté. L’AI est de nouveau sorti de sa voiture de patrouille, et le préposé lui a dit que le plaignant avait dit à ses parents qu’il pouvait voir la voiture de patrouille. L’AI a conseillé au répartiteur de dire au plaignant qu’il devrait marcher vers la voiture de patrouille.

À ce moment-là, le TC no 2 conduisait son camion gros porteur dans les voies ouest de la PLA. Il avait l’intention de prendre la sortie vers l’autoroute 403 en direction ouest vers Brantford. Lorsqu’il se trouvait à environ un mille des sorties de la rue Rousseaux et de l’autoroute 403, il a vu la voiture de patrouille de l’AI avec ses feux d’urgence allumés. Le TC no 2 a affirmé qu’il faisait noir dans le secteur, qu’il y avait un certain éclairage artificiel dans le terre-plein au centre et que la circulation était dense. Alors que le TC no 2 s’approchait des sorties, il a viré dans la voie de gauche et a ralenti. Il a vu un véhicule devant lui prendre la sortie de la rue Rousseaux et freiner fort soudainement. Le TC no 2 a également freiné.

Comme le TC no 2 dépassait le véhicule qui se trouvait maintenant à sa gauche dans la sortie de la rue Rousseaux, le conducteur du véhicule a de nouveau freiné. Le TC no 2 a vu le plaignant surgir vers le nord, de l’avant du véhicule, dans les voies de la PLA réservées aux véhicules. L’aile avant droite du véhicule situé devant le TC no 2 a heurté l’un des pieds du plaignant, ce qui a fait tourner le plaignant, qui faisait face alors au TC no 2 dans sa voie. Comme le plaignant n’était qu’un à deux pieds devant le camion du TC no 2, le TC no 2 n’a pas réussi à l’éviter. La grille avant du camion gros porteur du TC no 2 a heurté le plaignant, qui a trébuché et est tombé sur la chaussée sur le ventre. Le TC no 2 s’est arrêté et s’est garé au terre-plein entre la sortie de la rue Rousseaux et la sortie vers l’autoroute 403 Ouest. Le TC no 2 a indiqué que le conducteur qui avait initialement heurté le plaignant ne s’était pas arrêté.

Le TC no 2 a vu une voiture de patrouille identifiée arrêtée avec ses feux d’urgence activés à environ une longueur de remorque et demie devant le TC no 2. La voiture de patrouille a alors activé sa sirène et a fait demi-tour et s’est garé sur la rue Rousseaux en direction est, pas loin de l’endroit où le plaignant gisait sur la chaussée. Le TC no 2 a indiqué que lui et l’AI avaient tous deux couru vers le plaignant en même temps.

Dans sa déclaration écrite, l’AI a indiqué qu’il avait dit au préposé de la police de dire à la personne qui parlait au plaignant de demander à ce dernier de revenir vers sa voiture de patrouille. Alors que l’AI retournait à sa voiture de patrouille, il a entendu un bruit fort et pouvait voir de la fumée venant de l’avant d’un camion gros porteur. Quand l’AI ne pouvait plus voir le plaignant, il a réalisé qu’il avait dû être heurté par un véhicule. L’AI est retourné dans sa voiture de patrouille et a conduit en direction est sur la PLA dans le sens contraire de la circulation jusqu’à l’endroit où le plaignant était couché sur la chaussée, dans la deuxième voie à partir du centre, où l’AI a ensuite utilisé sa voiture de patrouille pour bloquer la circulation. Il a informé le préposé de la police qu’il avait besoin d’une ambulance et l’aide d’autres unités à l’endroit où il se trouvait.

L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2 (qui sont arrivés peu de temps après la transmission de l’appel demandant de l’aide) ont fait des tentatives pour raviver le plaignant jusqu’à ce que l’ambulance arrive et que les ambulanciers paramédicaux prennent la relève. Le plaignant a ensuite été transporté à l’hôpital, où il a été déclaré mort à 22 h 10.

Analyse et décision du directeur

La seule accusation criminelle pouvant être examinée à la lumière de ces faits serait celle de négligence criminelle causant la mort, contrairement à l’article 220 du Code criminel. Pour qu’il s’agisse d’une infraction de négligence criminelle, il faut en partie que la conduite examinée équivaille à un écart marqué par rapport à la norme de diligence à laquelle se serait conformée une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. De toute évidence, il n’y a guère, sinon rien, à reprocher à la façon dont l’AI s’est conduit alors qu’il tentait de trouver le plaignant et d’assurer sa sécurité. Il a réussi à trouver le plaignant dans les minutes qui ont suivi son envoi sur les lieux. Une fois arrivé à destination, l’agent a hélé le plaignant, qui se trouvait de l’autre côté de l’autoroute. N’ayant reçu aucune réponse, l’AI a allumé ses feux d’urgence pour attirer l’attention du plaignant. Cette mesure aurait également averti certains automobilistes, sinon tous, dans les environs, qu’ils devraient s’approcher des lieux en faisant preuve d’une plus grande prudence. Tout en s’exposant lui-même à un certain danger, l’AI a fait marche arrière avec sa voiture de patrouille le long de l’accotement de l’autoroute pour se rapprocher du plaignant, mais a rapidement abandonné cet effort, sagement à mon avis, en raison des risques pour la sécurité publique inhérents à la manœuvre. Immédiatement après la collision, l’AI s’est approché du plaignant sur la chaussée avec sa voiture de patrouille, l’a placée de façon à protéger le plaignant contre la circulation et, avec d’autres agents qui sont intervenus par la suite, a commencé à lui prodiguer les premiers soins en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux.

La seule objection possible concernant la conduite de l’AI la nuit en question a trait à sa décision de demander au préposé de la police de prier les parents du plaignant de dire à leur fils de se diriger vers la voiture de patrouille; à ce moment-là, il était devenu évident que le plaignant était conscient de la présence de l’agent de l’autre côté de l’autoroute. Peu de temps après, cette directive ayant effectivement été retransmise par les parents du plaignant, le plaignant s’est rendu sur l’autoroute et a été mortellement frappé par un camion gros porteur qui se dirigeait vers l’ouest. Était-il sage de suggérer au plaignant de faire quelque chose qui pourrait vraisemblablement le mettre en danger à cause de la circulation qui se déplaçait à haute vitesse autour de lui, alors que l’agent savait que l’état d’esprit du plaignant n’était pas normal et qu’il avait peut-être de la difficulté à voir? Probablement pas. Cela dit, il n’est pas clair si le plaignant a bel et bien reçu cette directive ou s’il l’a suivie expressément. De plus, il n’est pas clair que l’intention de l’AI était que le plaignant traverse l’autoroute; il est tout aussi probable, à mon avis, que l’AI ait simplement voulu que le plaignant se dirige vers l’ouest le long du terre-plein vers la voiture de patrouille (et non pas en traversant l’autoroute) pour faciliter la communication entre eux.

En dernière analyse, compte tenu des circonstances atténuantes associées à l’imprudence singulière de l’AI, s’il en était ainsi, et compte tenu du professionnalisme avec lequel l’agent a autrement exécuté ses fonctions, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que dans ses rapports avec le plaignant, l’AI a fait preuve d’un niveau de diligence qui tombait nettement dans les limites prescrites par le droit criminel. Par conséquent, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la mort tragique du plaignant et ce dossier est fermé.

Date : 7 août 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.