Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-PCI-315

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 23 ans (le plaignant) le 28 octobre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été informée de l’incident le 29 octobre 2017, à 7 h 30, par un membre de la Police provinciale de l’Ontario (PPO), qui a signalé ce qui suit :

Le 28 octobre 2017, vers 20 h 20, le centre de communications de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a reçu un appel concernant un homme [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] qui avait causé des troubles dans un autobus de Greyhound sur l’autoroute 35/115. Le plaignant avait été maîtrisé par un passager dans l’autobus, mais il s’était libéré et avait exigé que le chauffeur arrête l’autobus. Lorsque le chauffeur avait arrêté l’autobus, le plaignant en était sorti et avait couru vers le stationnement du motel Twin Oaks. L’agent impliqué (AI) a répondu à l’appel et a observé que le plaignant était tenu au sol par trois personnes. Le plaignant a été arrêté après une lutte, et des agents de police du Service de police régional de Durham (SPRD) sont venus pour lui prêter secours. Les agents de police du SPRD ont assumé la garde du plaignant.

Le plaignant a été amené à un poste du SPRD puis au Centre de santé de Lakeridge (CSL). Il avait le poignet cassé et on soupçonnait que son comportement s’expliquait par la consommation de drogue.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme âgé de 23 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC n° 1 A participé à une entrevue

TC n° 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Preuve

Les lieux de l’incident

Le motel Twin Oaks est situé à l’est de l’autoroute 35/115 sur le rang 4. Le motel se trouve juste au sud du rang 4 et le stationnement est juste au nord du bâtiment.

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Résumé des séquences vidéo du motel

Le 30 octobre 2017, l’UES a obtenu des séquences vidéo filmées par des caméras du Motel Twin Oaks. On a découvert que l’horodatage sur la vidéo était 41 minutes en avance sur le temps réel. Voici un résumé des séquences enregistrées le 28 octobre 2017; le temps indiqué est en avance de 41 minutes par rapport au temps réel :

Caméras 2 et 5 :

  • À 21 h 07, une camionnette [dont on sait maintenant qu’elle était conduite par le TC no2] est entrée dans le stationnement du motel. La camionnette s’est arrêtée et faisait face au motel
  • À 21 h 10 m 03 s, la portière du côté du conducteur de la camionnette s’est ouverte et il semblait y avoir une lutte entre le TC no2 et le plaignant. Le TC no 2 est sorti de la camionnette
  • À 21 h 11 m 30 s, un homme [déterminé comme étant le TC no1] est sorti d’une chambre du motel et s’est approché de la camionnette du TC no 2
  • À 21 h 13 m 30 s, les TC nos 1 et 2 ont commencé à se battre avec le plaignant, qui se trouvait toujours à l’intérieur de la camionnette. Pendant la lutte, le plaignant a été tiré hors de la camionnette et a atterri sur le sol. Les TC nos 1 et 2 ont maintenu le plaignant au sol
  • À 21 h 15 m 05 s, un homme a marché du motel vers l’endroit où se déroulait la bagarre
  • À 21 h 17 m 13 s, l’homme agitait ses bras dans les airs vers l’autoroute 115, où un autobus et un véhicule [dont on sait maintenant qu’il s’agissait du véhicule de l’AI] étaient arrêtés
  • À 21 h 17 m 40 s, l’AI est entré dans le stationnement du motel et est sorti de sa voiture de patrouille. L’AI a marché vers les TC nos 1 et 2 et s’est agenouillé à côté du plaignant
  • À 21 h 18 m 18 s, une ambulance est entrée dans le stationnement et deux ambulanciers paramédicaux [dont on sait maintenant qu’il s’agissait des TC nos 3 et 4] sont sortis du véhicule et ont marché vers l’AI
  • À 21 h 22 m 55 s, le plaignant a été mis debout et escorté par l’AI à sa voiture de patrouille. Le plaignant a été placé à l’arrière de la voiture de patrouille de l’AI
  • À 21 h 25 m 25 s, une voiture de patrouille de couleur blanche [dont on sait maintenant qu’elle avait à son bord les AT nos 1 et 2] dont les feux d’urgence étaient allumés est entrée dans le stationnement du motel
  • À 21 h 33, la vidéo s’est arrêtée et on n’a pas réussi à récupérer d’autres séquences

Caméra 4 :

  • À 20 h 56 m 23 s, un autobus s’est arrêté du côté nord de l’autoroute 115 et la porte s’est rapidement ouverte. Un homme [désigné maintenant comme le plaignant] est sorti et a marché en trébuchant en direction est vers le motel. Il semblait que le plaignant essayait de courir ou de marcher, mais il est tombé deux fois sur l’herbe
  • À 21 h 17 h 30, un véhicule noir et blanc aux feux d’urgence activés est passé par l’autobus et s’est dirigé vers le stationnement du motel

Enregistrements des communications

Résumé des enregistrements des appels au 9-1-1 et des communications :

Voici un résumé de l’appel au numéro 9-1-1 fait par le chauffeur de l’autobus de Greyhound le 28 octobre 2017 :

  • À 20 h 17, le chauffeur de l’autobus a parlé à un répartiteur au centre de communications de la Police provinciale de l’Ontario (PPO). Le chauffeur de l’autobus a déclaré qu’il y avait un passager dans son autobus [désigné maintenant comme le plaignant] qui, selon lui, était « gelé » parce qu’il avait consommé de la drogue et parce qu’il avait les yeux [traduction] « défoncés ». Le chauffeur s’est rangé sur l’accotement nord de l’autoroute 115, proche du motel Twin Oaks. Le chauffeur de l’autobus avait dit au plaignant de ne pas mettre la main à l’extérieur de la fenêtre pendant que l’autobus était en mouvement, et le plaignant l’avait assuré qu’il ne causerait pas de problèmes. Peu après, le plaignant avait répété au chauffeur d’ouvrir la porte de l’autobus. Lorsque le chauffeur de l’autobus avait garé l’autobus et avait ouvert la porte, le plaignant avait immédiatement bondi hors du véhicule et avait couru vers l’arrière du motel.

Voici un résumé de l’appel fait au numéro 9-1-1 par le TC no 2 dans le secteur du motel Twin Oaks le 28 octobre 2017 :

  • À 20 h 26, le TC no2 a parlé à un répartiteur et a indiqué qu’il avait ramassé un homme [désigné maintenant comme le plaignant] qui rampait sur le côté de la route. Le TC no 2 a indiqué que le plaignant avait peut-être besoin d’aide médicale (pendant que le répartiteur parlait, on pouvait entendre le TC no 2 dire « arrêtez » en arrière-plan). Lorsque le TC no 2 a été transféré à un répartiteur du Service d’ambulances, il a commencé à répéter ce qu’il avait dit au premier répartiteur; toutefois, l’appel téléphonique a été interrompu

On pouvait entendre les services médicaux d’urgence, la Police provinciale de l’Ontario et les répartiteurs du SPRD discuter de l’incident et l’un des répartiteurs a indiqué que le plaignant était devenu violent envers le TC no 2 et que lorsqu’ils avaient tenté de rappeler le TC no 2, il n’y avait pas eu de réponse.

Éléments obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPRD et de la PPO et puis les a examinés :

  • dossier de mise en détention
  • formulaire de libération médicale du SPRD
  • rapport d’incident général
  • notes de l’AI et des AT nos 1 et 2
  • détails de l’incident
  • communications radio

Nature des blessures et traitement

Le 28 octobre 2017, vers 21 h 20, le plaignant a été amené au Centre de santé de Lakeridge (CSL) par ambulance et on lui a diagnostiqué une fracture au poignet droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Description de l’incident

L’enquête de l’UES comprenait, sans s’y limiter, des entrevues avec le plaignant, quatre témoins civils, l’AI et deux agents témoins, ainsi qu’un examen des images vidéo de surveillance provenant du stationnement du motel. Les circonstances factuelles entourant l’incident ressortent clairement d’un examen de la preuve. Le 28 octobre 2017, le plaignant est monté à bord d’un train à la gare Union à Toronto pour rendre visite à sa mère à Ottawa. Le plaignant consomme régulièrement de la cocaïne et a habituellement des crises épileptiques après l’avoir consommée. Pendant qu’il était à bord du train, il s’est injecté de la cocaïne dans les toilettes du train et a commencé à agiter ses bras dans tous les sens. Le plaignant a été amené à un hôpital inconnu, mais il a quitté celui-ci et est monté à bord d’un autobus pour se rendre à Ottawa. Pendant qu’il était à bord de l’autobus, le chauffeur de celui-ci a parlé au plaignant parce qu’il se comportait étrangement. Le plaignant a d’abord coopéré et a dit au chauffeur de l’autobus qu’il ne causerait aucun problème, mais peu après avait demandé au chauffeur d’ouvrir la porte de l’autobus. Vers 20 h 15, l’autobus s’est rangé sur le bord de l’autoroute près du motel Twin Oaks, qui se trouve proche de l’autoroute 115 et au rang 4 près de Clarington. Le plaignant a sauté de l’autobus et s’est dirigé vers le motel, en tombant dans l’herbe alors qu’il tentait de marcher.

Vers 20 h 30, le TC no 2 roulait à proximité lorsqu’il a remarqué que le plaignant rampait sur les mains et les genoux dans le fossé. Le TC no 2 s’inquiétait du bien-être du plaignant et a rangé sa camionnette sur le côté pour l’aider. Le TC no 2 a dit au plaignant de monter dans sa camionnette et l’a conduit au stationnement du motel Twin Oaks, où il a appelé le 9-1-1. Le plaignant s’est fâché contre le TC no 2 pour avoir appelé la police et a décidé de voler la camionnette du TC no 2. Pendant que le TC no 2 était au téléphone avec le répartiteur, le plaignant a commencé à tirer sur sa manche et s’est glissé dans le siège du conducteur, ce qui a obligé le TC no 2 à sortir de la camionnette. Le plaignant a appuyé à fond sur la pédale d’accélérateur de la camionnette et a essayé de mettre le changement de vitesse à conduite. Le TC no 2 a tenté de prendre les clés et le plaignant l’a frappé au visage. Une lutte s’en est suivie au sujet des clés, que le TC no 2 a réussi à retirer de l’allumage.

Le tumulte dans la camionnette a attiré l’attention du TC no 1, qui logeait au motel. Le TC no 1 a vu le TC no 2 et le plaignant échanger des coups de poing et s’agripper et tirant l’un sur l’autre agressivement. Le plaignant se trouvait dans le siège du conducteur de la camionnette et tenait le volant, et le TC no 2 se penchait vers lui et tenait sa veste. Le TC no 1 croyait que le plaignant agissait étrangement, et a expliqué que ses yeux [traduction] « sortaient de leurs orbites » et qu’il tordait sa bouche de façons bizarres. Le TC no 1 s’est approché de l’endroit de la lutte et a demandé au plaignant s’il avait consommé de la drogue. Le plaignant a répété : [traduction] « J’ai pris deux capsules, j’ai pris deux capsules » et « C’est ma camionnette. » Le TC no 1 a tenté de rassurer le plaignant, mais le plaignant a commencé à [traduction] « piquer une crise » et a poignardé à plusieurs reprises le TC no 2 dans la main avec un objet en métal, en disant « les clés, les clés ». Le TC no 1 s’est penché dans la camionnette et a frappé le plaignant à la tête pour l’empêcher de poignarder le TC no 2. Ensemble, le TC no 1 et le TC no 2 ont tiré le plaignant hors de la camionnette et l’ont placé au sol sur le ventre. Les deux hommes ont tenté de contrôler le plaignant. Le TC no 2 a tenu la partie inférieure du corps du plaignant, en plaçant son genou sur son dos, tandis que le TC no 1 s’est mis à califourchon sur le haut de son corps. Le TC no 1 a donné quelques coups de poing additionnels au plaignant et a placé un genou à l’arrière de son cou. Le visage du plaignant s’est frotté contre l’asphalte alors qu’il continuait de se débattre. À un moment donné, le plaignant a saisi le pied du TC no 1 et a dit qu’il allait le poignarder avec une seringue.

Vers 20 h 35, l’AI est arrivé sur l’autoroute 115 à hauteur du rang 4, a garé sa voiture de patrouille derrière l’autobus sur l’autoroute et a parlé au chauffeur de celui-ci. Environ deux minutes plus tard, l’AI a vu un homme dans le stationnement du motel Twin Oaks agiter ses bras pour attirer son attention. L’AI s’est rendu au stationnement et a vu les TC nos 1 et 2 tenter de tenir le plaignant au sol. Le plaignant était au sol sur le ventre, avec le bras gauche sous le corps. Il y avait beaucoup de cris, et le TC no 2 a plusieurs fois dit [traduction] « Il essaie de voler ma camionnette ». L’AI s’est placé à droite du plaignant, a exigé que le plaignant lui montre ses mains et puis a glissé ses propres mains sous le corps du plaignant et a ramené le bras gauche du plaignant jusqu’au creux de ses reins. Une menotte a été placée sur le poignet gauche du plaignant. Le bras droit du plaignant était complètement à l’intérieur de la manche de son chandail et un ambulancier paramédical, qui était arrivé sur les lieux peu après l’AI, a aidé l’AI à sortir le bras droit du plaignant de sa manche. L’AI a menotté le poignet droit du plaignant. Le plaignant avait des clés dans sa main droite, que l’AI a retournées au TC no 2.

L’AI a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait et vol, l’a fouillé et a trouvé la partie extérieure en plastique d’une seringue, mais pas d’aiguille. À 20 h 40, deux agents du SPRD, l’AT no 1 et l’AT no 2, sont arrivés pour assumer la garde du plaignant. Les menottes que portait l’AI ont été enlevées et l’AT no 2 lui a passé ses propres menottes. Les ambulanciers paramédicaux ont ensuite évalué le plaignant, qui leur a dit qu’il avait consommé de la cocaïne et des champignons pendant qu’il était dans l’autobus. Le plaignant avait plusieurs éraflures sur le côté du visage et a été placé dans une ambulance en vue de son transport au Centre de santé de Lakeridge (CSL). Un ambulancier paramédical a vérifié la mobilité des bras du plaignant et le plaignant ne s’est pas plaint de douleur ou de blessure, ni n’a grimacé ou favorisé une partie de son corps pendant l’évaluation. Le plaignant a été amené au CSL, où il s’est plaint pour la première fois qu’il avait mal au poignet. Une radiographie a révélé que le plaignant s’était fracturé le poignet droit.

Analyse et décision du directeur

À mon avis, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la blessure du plaignant. Tout d’abord, il y a un doute dans la preuve en ce qui concerne la question de savoir si l’AI a fracturé le poignet du plaignant en serrant trop les menottes. Le plaignant ne s’est pas plaint des menottes au moment où elles lui ont été passées, et aucun autre témoin ne se souvenait que les menottes auraient été mises incorrectement. D’après la preuve qui m’a été présentée, il est raisonnable de penser que la fracture a peut-être pu se produire de plusieurs autres façons, par exemple, durant la lutte prolongée entre le plaignant et les TC nos 1 et 2 ou lorsque le plaignant est sorti de l’autobus et a trébuché deux fois dans le fossé en marchant vers le motel. Comme la blessure aurait pu être causée à l’un ou l’autre de ces moments, j’hésite à attribuer la cause de la blessure aux actions de l’AI.

De plus, même en supposant que le poignet du plaignant a été fracturé en raison de l’utilisation de menottes, il n’y a aucune preuve indiquant que l’AI a eu recours à une force déraisonnable ou a par ailleurs fait preuve de négligence en appliquant les menottes. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions légitimes pour autant que cet emploi de la force soit raisonnablement nécessaire dans les circonstances. L’AI savait que le plaignant avait tenté de voler la camionnette du TC no 2 et il agissait donc conformément à ses fonctions légitimes lorsqu’il a arrêté le plaignant sans mandat. Le recours à la force durant l’arrestation s’est limité à la force requise pour maîtriser le plaignant, amener les mains du plaignant au creux des reins et lui passer les menottes. Cette force est à la fois raisonnable et nécessaire pour arrêter un suspect qui résiste activement. Pour en arriver à cette conclusion, je suis conscient que l’on ne devrait pas appliquer la norme de la perfection aux agents de police dans l’exercice de leurs fonctions (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206) et qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ontario)). De même, le poids de la preuve indique que les menottes ont été appliquées de manière raisonnable et non remarquable. En l’absence d’une preuve crédible du contraire, je ne suis pas en mesure de conclure que l’utilisation de menottes constituait de la négligence criminelle.

Bref, je suis réticent à attribuer la blessure du plaignant aux actions de l’AI. En supposant que l’AI a causé la blessure, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que l’AI a usé d’une force excessive ou qu’il a fait preuve de négligence au moment de l’utilisation des menottes. Par conséquent, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la blessure et l’affaire sera classée.

Date : 8 août 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.