Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-282

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’aurait subie un homme âgé de 23 ans (le plaignant) lors de son arrestation survenue le 29 septembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 septembre 2017, vers 13 h 20, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant lors de sa mise sous garde.

La PRY a indiqué que le 29 septembre 2017, à 20 h 45, le plaignant et la témoin civile (TC) no 1 ont été arrêtés au volant d’un véhicule automobile volé dans le secteur du centre commercial Vaughan Mills, dans la ville de Vaughan. Les agents de la PRY recherchaient ces deux personnes en rapport avec les mandats d’arrestation qui avaient été émis contre eux par le Service de police régional de Niagara (SPRN). Lors de son arrestation, le plaignant a lutté avec les agents et a dû être sorti de force du véhicule et mis au sol. Les Services médicaux d’urgence (SMU) ont été appelés, et le plaignant a été transporté à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il n’avait pas de blessures. Le plaignant a ensuite été transféré à la garde du SPRN.

Pendant qu’il était sous la garde du SPRN, le plaignant s’est plaint de douleurs au visage. Il a ensuite été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture de la mâchoire et de l’os orbitaire.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs de l’UES ont interrogé le plaignant au centre de détention. Le plaignant a consenti à la divulgation de ses dossiers médicaux, et ses blessures visibles ont été photographiées par l’EJ de l’UES.

L’EJ de l’UES s’est aussi rendu au centre commercial Vaughan Mills et a repéré et préservé les éléments de preuve. Il a documenté les scènes pertinentes liées à l’incident au moyen de notes, de photographies et de mesures.

Plaignant :

Homme âgé de 23 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 Notes examinés; entrevue jugée non nécessaire

L’AT no 7 n’a pas été interrogé, car ses notes indiquaient qu’il n’avait pas directement participé à l’arrestation du plaignant.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A décliné l’entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Le 24 mai 2017, le plaignant a été libéré sous caution par un juge de paix sur promesse de comparaître en cour à St. Catharines le 27 juillet 2017. Le plaignant ne s’est pas présenté en cour, et un mandat d’arrestation a été émis contre lui.

Au cours des semaines qui ont suivi, le plaignant, avec la complicité de la TC no 1, en faisant semblant de vouloir acheter des véhicules qui avaient été annoncés sur le site Web Kijiji, se sont procurés et ont volé divers véhicules. Ils ont utilisé les véhicules volés pour commettre une série de délits dans la région administrative du SPRN ainsi que dans le sud de l’Ontario, de juillet à septembre 2017.

Le 21 septembre 2017, le plaignant et la TC no 1 ont été impliqués dans un incident à Kitchener (Ontario) au cours duquel une agente du Service de police régional de Waterloo (SPRW), qui tentait de les arrêter, a été agressée. Lors de cet incident, le plaignant et la TC no 1 conduisaient une voiture volée, une Nissan Sentra de couleur grise. Ils ont été poursuivis par des agents du SPRW, mais la poursuite véhiculaire a été interrompue en raison des risques qu’elle présentait pour le public. Un peu plus tard, ce même jour, le SPRN a croisé le plaignant alors qu’il était au volant de la Nissan Sentra volée dans la ville de Pelham, et de nouveau le plaignant a fui la police.

Le 26 septembre 2017, à la suite d’un signalement de conduite agressive d’une Chevrolet Cobalt de couleur rouge dans la ville de Lincoln, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a également poursuivi le plaignant. Il a été encore été mis fin à la poursuite véhiculaire pour des raisons de sécurité. Après la fin de la poursuite, la PPO a lancé un avis de recherche pour la Chevrolet Cobalt rouge, qui était un véhicule volé.

Le SPRN a pris connaissance de l’avis de recherche pour la Cobalt rouge volée et, étant familier avec le modus operandi (MO) du plaignant et de la TC no 1, a commencé une recherche du véhicule dans la région de Niagara-on-the-Lake.

Vers 13 h 40, le 26 septembre 2017, des membres de l’Unité des crimes de rue (UCR) du SPRN ont remarqué la présence de la Cobalt volée sur le terrain de stationnement du magasin Valu-Mart, dans la collectivité de Virgil (Ontario). Les membres de l’UCR, qui conduisaient des véhicules de police banalisés, ont tenté d’arrêter le plaignant et la TC no 1 en bloquant leur véhicule pour les empêcher de fuir. Les agents de l’UCR, bien qu’ils étaient habillés en civil, portaient tous des vestes d’identification de la police. Ils ont dit au plaignant de sortir de la Cobalt volée et ont dit au plaignant et à la TC no 1 qu’ils étaient en état d’arrestation. Le plaignant a refusé d’obéir aux commandes et, au volant de la Cobalt volée, a percuté trois des véhicules banalisés de l’UCR et deux véhicules civils et a réussi à prendre la fuite.

Il a alors été demandé à l’AT no 1 et à l’équipe de l’UCR du SPRN de localiser le plaignant et la TC no 1. Le SPRN a alors émis un communiqué de presse demandant l’aide des médias et du public. Le communiqué indiquait que le plaignant et la TC no 1 étaient considérés comme un risque pour la sécurité publique et qu’on ne devait pas s’approcher d’eux.

Le 28 septembre 2017, l’agent témoin (AT) no 1 a parlé à la mère du plaignant et lui a conseillé de faire en sorte que le plaignant vienne se livrer aux autorités.

Le 29 septembre 2017, l’AT no 1 a présenté une demande pour que la Cour de justice de l’Ontario à St. Catharines décerne un mandat pour obtenir l’autorisation de repérer par triangulation le téléphone cellulaire du plaignant afin d’essayer de le localiser. Après avoir obtenu ledit mandat, l’AT no 1 a pu déterminer que le plaignant se trouvait dans le secteur du centre commercial Vaughan Mills, dans la ville de Vaughan.

L’AT no 1 a communiqué avec l’Unité des crimes contre les biens (UCB) de la Police régionale de York (PRY) pour la mettre au courant de la situation concernant le plaignant et la TC no 1. De plus, l’AT no 1 a fourni à l’UCB des détails sur les incidents qui s’étaient produits à Kitchener, le 21 septembre 2017, et à Virgil, le 26 septembre 2017. Il a transmis à l’UCB une copie du communiqué du SPRN, qui renfermait des photographies des deux délinquants, et a donné des détails sur une Chevrolet Impala volée dont on pensait que le duo utilisait alors. Également, l’AT no 1 a régulièrement tenu l’UCB au courant des emplacements du plaignant selon le repérage de son téléphone cellulaire.

Le 29 septembre 2017, vers 20 h 40, des membres de l’UCB se sont rendus au centre commercial Vaughan Mills et ont commencé à chercher le plaignant et l’AT no 1 à l’intérieur du centre commercial et dans les stationnements adjacents. Alors qu’ils effectuaient un balayage des terrains de stationnement, ils ont localisé l’Impala volée, avec le plaignant et la TC no 1 à l’intérieur. L’UCB a alors mené une opération de surveillance secrète de l’Impala, tandis que la voiture se déplaçait de sa place initiale jusqu’au stationnement du magasin Toys ‘R’ Us, et qu’elle s’est garée là, à proximité des portes du magasin et que le plaignant et la TC no 1 sont entrés dans le magasin.

L’AT no 2 a établi un plan pour procéder à l’arrestation du plaignant de la TC no 1. Comme la police était au courant du précédent incident lors duquel le plaignant avait percuté un certain nombre de véhicules banalisés du SPRN et, pour assurer la sécurité de son équipe et du public, l’AT no 2 a planifié l’arrestation des deux délinquants au moment où ils retourneraient à la voiture, mais avant qu’ils puissent prendre place à l’intérieur.

L’AT no 2 avait demandé aux membres de l’UCB de positionner leurs véhicules banalisés de façon stratégique, près de l’Impala volée. L’AI, qui conduisait une camionnette banalisée, a été chargé de placer le pare-chocs de son véhicule contre celui de l’Impala pour l’empêcher de bouger au cas où le plaignant réussirait à entrer de nouveau dans la voiture. D’autres membres de l’UCB ont été chargés de procéder physiquement à l’arrestation du plaignant et de la TC no 1.

Lorsque le plaignant et la TC no 1 sont sortis du magasin Toys ‘R’ Us et se sont approchés de l’Impala volée, l’AT no 2 a donné l’ordre de procéder à leur arrestation. La TC no 1 a été arrêtée par l’AT no 5, alors qu’elle s’approchait de la portière côté passager de l’Impala, mais le plaignant, en voyant les agents de police s’approcher, a couru et a réussi à prendre place sur le siège côté conducteur de l’impala. L’agent impliqué (AI) a alors placé sa camionnette contre le pare-chocs avant de l’Impala, tandis que l’AT no 3 et l’AT no 2 tentaient d’arrêter le plaignant et le faire sortir du véhicule. L’AT no 3 et l’AT no 2 ont été rejoints par l’AT no 4 et l’AI, lesquels n’ont pas été en mesure de prêter assistance, car leur accès au côté conducteur de l’Impala était bloqué par la portière ouverte du côté conducteur.

Le plaignant a été vu en train d’essayer de mettre les clés dans le contact, et l’AT no 3 lui a dit d’arrêter et qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant n’a pas obtempéré et a continué d’essayer de démarrer la voiture. L’AT no 3 a alors administré un certain nombre de coups de poing à la tête et aux épaules du plaignant pour tenter de l’empêcher de s’enfuir au volant du véhicule, mais ce fut sans effet.

L’AT no 3 et l’AT no 2 ont ensuite réussi à tirer le plaignant hors de la voiture et à le mettre au sol, où il a continué d’opposer la résistance aux policiers et, alors que ces derniers essayaient de le maîtriser, la résistance qu’il continuait d’opposer l’a fait se retrouver, en étant toujours au sol, à l’arrière de l’Impala. L’AT no 4 et l’AI ont alors rejoint l’AT no 3 et l’AT no 2 pour tenter de maîtriser le plaignant à l’arrière de l’Impala. L’AT no 4 a administré quelques coups de genou sur la cuisse droite du plaignant et au niveau des fesses, mais ces coups n’ont pas semblé avoir eu d’effets sur le plaignant.

Le plaignant a contré les efforts des quatre policiers pour le maîtriser physiquement et a réussi à se remettre debout. L’AI a alors étreint le plaignant dans une manœuvre de type « prise de l’ours » et l’a forcé à retourner au sol, pendant que le plaignant continuait de se débattre et de donner des coups de pied aux agents de police. Le plaignant a fini par être maîtrisé puis menotté, mains dans le dos.

Lorsque les agents l’ont remis debout, le plaignant saignait au visage; on a alors appelé les Services médicaux d’urgence (SMU) et le plaignant a été transporté à l’hôpital.

Nature des blessures et traitement

Les dossiers médicaux du plaignant indiquent que le plaignant a subi une fracture sans déplacement de l’os orbitaire gauche et des fractures sans déplacement de l’os nasal.

Le 30 septembre 2017, le plaignant a obtenu son congé de l’hôpital et a été transporté au poste de police du SPRN, dans la ville de Niagara Falls. À 7 h 20, le plaignant a de nouveau été emmené à l’hôpital, où d’autres tests ont été effectués. Les dossiers de triage de l’hôpital indiquent qu’un autre examen des blessures au visage du plaignant a été demandé. L’examen a révélé que le plaignant avait également subi une fracture sans déplacement du zygome gauche (pommette) et une fracture comminutive de la branche/arcade mandibulaire gauche (mâchoire).

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène a d’abord été décrite par le plaignant comme étant le stationnement extérieur du centre commercial Vaughan Mills, devant le magasin Bass Pro. L’enquête a toutefois établi que la scène réelle de l’incident se trouvait au stationnement extérieur du magasin Toys ‘R’ Us, à une courte distance de là.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été envoyé pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Preuve vidéo/audio/photographique

Séquence du système de surveillance de télévision en circuit fermé (TVCF) provenant du magasin Valu-Mart, à Virgil

Les images de cette séquence vidéo ont été jugées de mauvaise qualité, n’ayant pas permis d’identifier les personnes ou les véhicules dans la vidéo, à l’exception de la TC no 1. Cette séquence de TVCF concorde avec le récit des événements donné par le plaignant, par la TC no 1 et par l’AT no 1.

Séquence vidéo de TVCF provenant du centre commercial Vaughan Mills

L’arrestation du plaignant et de la TC no 1 a été captée par les caméras de surveillance du centre commercial Vaughan Mills. La séquence filmée provenait d’une caméra orientée sur le stationnement nord du magasin Toys ‘R’ Us. Il est évident que l’opérateur du système de caméra était au courant du fait que la PRY s’intéressait à la zone située à l’extérieur du magasin Toys ‘R’ Us, puisque la caméra n’était plus en mode de balayage et avait été orientée de façon continue sur la zone extérieure du magasin Toys ‘R’ Us. Le récit des événements donné le plaignant, par la TC no 1 et par les divers agents témoins de la police est conforme à la séquence vidéo de TVCF.

Séquence vidéo provenant du système de caméras dans les voitures de patrouille de la PRY

Un certain nombre d’autopatrouilles de la PRY sont arrivées sur les lieux de l’incident, dans le stationnement, immédiatement après l’arrestation du plaignant et de la TC no 1, avec leur caméra à bord du véhicule activée et en train d’enregistrer. Les séquences vidéo ne sont malheureusement pas d’une très grande utilité, si ce n’est qu’elles montrent que tous les membres de l’UCB qui ont pris part aux arrestations portaient des gilets/vestes avec le mot « POLICE » écrit en lettres blanches sur le devant et dans le dos.

Enregistrements de communications

Communications radio de la PRY

L’enregistrement montre les membres de l’UCB en train de discuter de la vue du plaignant et de la TC no 1 à l’intérieur de la Chevrolet Impala volée et de l’entrée subséquente de la paire dans le magasin Toys ‘R’ Us.

L’AT no 2 exprime alors ses craintes pour la sécurité du public et les agents de police si le plaignant et la TC no 1 obtiennent l’accès à la Chevrolet Impala volée, en sortant du magasin. Il souligne à plusieurs reprises l’importance de les empêcher d’accéder à l’Impala volée et assigne des tâches à chaque membre de l’UCB.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants qu’elle avait demandés aux trois services de police concernés, soit le SPRN, la PRY et la PPO :

  • résumé du dossier de la Couronne
  • rapport sur les détails de l’événement
  • rapports d’incident généraux (x4)
  • notes des AT nos 1 à 5 et 7
  • déclaration écrite de l’AT no 6
  • enregistrements des transmissions radio de la police
  • enregistrements provenant des caméras dans les véhicules de patrouille de la PRY
  • communiqués du SPRN (x4)
  • rapports sur les détails des incidents antérieurs (x3)
  • procédure : Recours à la force
  • procédure : Traitement du délinquant
  • historique des appels de la PRY

Éléments reçus d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 333.1 du Code criminel – Vol d’un véhicule à moteur

333.1 (1) Quiconque commet un vol est, si l’objet volé est un véhicule à moteur, coupable d’une infraction passible, sur déclaration de culpabilité :

  1. par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de dix ans, la peine minimale étant de six mois dans le cas d’une troisième infraction prévue au présent paragraphe ou de toute autre récidive subséquente
  2. par procédure sommaire, d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois

Article 354(1) du Code criminel – Possession de biens criminellement obtenus

354 (1) Commet une infraction quiconque a en sa possession un bien, une chose ou leur produit sachant que tout ou partie d’entre eux ont été obtenus ou proviennent directement ou indirectement :

  1. soit de la perpétration, au Canada, d’une infraction punissable sur acte d’accusation
  2. soit d’un acte ou d’une omission en quelque endroit que ce soit, qui aurait constitué, s’il avait eu lieu au Canada, une infraction punissable sur acte d’accusation

Analyse et décision du directeur

Le 29 septembre 2017, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a localisé le plaignant et la témoin civile (TC) no 1 au centre commercial Vaughan Mills, dans la ville de Vaughan, et a informé l’unité des crimes contre les biens (UCB) de la Police régionale de York (PRY) de leur emplacement. Différents services de police tentaient depuis un certain temps de localiser et d’arrêter le plaignant et la TC no 1 en lien avec divers mandats d’arrestation non exécutés pour des infractions criminelles ayant été commises sur la période de juillet à septembre 2017, y compris pour un défaut de comparaître en cour, ainsi que pour le vol de véhicules à moteur (dans un certain nombre de districts administratifs de l’Ontario) à des personnes qui annonçaient leurs voitures à vendre sur le site Web Kijiji.

Une tentative antérieure du SPRN d’appréhender ces deux personnes avait échoué, la paire ayant percuté un certain nombre de véhicules, tant de police que civils, dans leur tentative réussie de fuite. Des poursuites véhiculaires antérieures du plaignant et de la TC no 1 menées par le Service de police régional de Waterloo (SPRW) et la Police provinciale de l’Ontario (PPO), avaient aussi échoué en différentes occasions, les poursuites véhiculaires ayant chaque fois été interrompues par la police pour des raisons de sécurité publique.

Le 29 septembre 2017, le duo a été localisé par le SPRN, puis ultérieurement arrêté par la PRY. Au cours de l’arrestation, le plaignant a subi une fracture sans déplacement de l’os orbitaire gauche, des fractures sans déplacement de l’os nasal, une fracture sans déplacement du zygome gauche (pommette) et une fracture comminutive de la branche/arcade mandibulaire gauche (mâchoire).

Le plaignant allègue qu’en voulant l’arrêter et le sortir du véhicule automobile dans lequel il était assis, les policiers, lorsqu’ils ont pénétré à l’intérieur de la voiture pour le sortir de force, agitaient leurs bras comme pour lui décocher des coups. Ces gestes ne lui ont pas causé de douleurs, et le plaignant ne pouvait pas distinguer entre les agents qui essayaient effectivement de le frapper et ceux qui essayaient simplement de l’agripper par la chemise. Le plaignant allègue que, une fois sorti de la voiture, on l’a projeté sur le sol, face contre terre, que c’était la première fois et qu’il n’a pas alors ressenti de douleurs. Par la suite, il a senti un genou dans son dos, au niveau de ses omoplates, et un pied sur l’arrière de son genou, pendant qu’il était arrêté et qu’on le menottait dans le dos.

La TC no 1 allègue, alors qu’elle tentait d’entrer dans le véhicule à moteur, qu’elle a été agrippée autour de la taille et jetée au sol de la façon dont on plaque un joueur de football et que l’agent a atterri sur elle. Pendant qu’elle était au sol, un agent appuyait son genou sur son dos et elle a été menottée et informée de son état d’arrestation. La TC no 1 n’a subi aucune blessure grave, bien qu’elle ait effectivement subi des ecchymoses, des éraflures et des égratignures sur le corps, ainsi qu’une enflure à l’œil droit, pour lesquelles elle n’a pas reçu de traitement médical.

À aucun moment le plaignant ou la TC no 1 n’a allégué qu’un agent de police lui a donné un coup de poing, un coup de pied ou un autre coup, hormis l’agitation des bras susmentionnée sur le plaignant, laquelle ne lui a pas causé de douleurs. Aucune option de recours à la force n’a non plus été employée sur l’une ou l’autre des parties.

À aucun moment le plaignant n’a allégué que les agents de police, en l’arrêtant, ont recouru à une force excessive, disant plutôt au sujet de leurs gestes [traduction] « ils m’avaient mis en état d’arrestation et ils ont dû faire ce qu’ils devaient faire, je suppose. » Malgré cela, comme le plaignant a bel et bien subi une blessure grave au cours de son arrestation, cette affaire nécessite quand même que l’on détermine s’il y a eu ou non, de la part des policiers, l’emploi d’une force excessive pendant l’arrestation.

Au cours de l’enquête, un TC, en plus du plaignant et de la TC no 1, ainsi que six témoins de la police, ont été interrogés, l’AI n’ayant pas consenti à faire une déclaration ou à remettre les notes de son calepin de service, comme il en a légalement le droit. De plus, les enquêteurs de l’UES avaient accès aux notes de calepin de service des AT, aux séquences vidéo de TVCF du centre commercial Vaughan Mills, aux enregistrements vidéo provenant des caméras à bord des autopatrouilles concernées, aux enregistrements radio de la police et à la séquence de TVCF dans laquelle est filmée la tentative antérieure d’arrêter le duo, à Virgil (Ontario). Par conséquent, les faits ne sont pas contestés.

Initialement, le SPRN et, par la suite, l’unité des crimes contre les biens (UCB) de la PRY, ont été chargés de localiser et d’appréhender le plaignant et la TC no 1. Le duo était considéré comme [traduction « un risque pour la sécurité publique », et la police a diffusé à cet égard un communiqué qui renfermait des photographies des deux personnes.

Le SPRN a informé la PRY que le plaignant et la TC no 1 avaient été impliqués dans plusieurs poursuites véhiculaires de la police, qu’on alléguait qu’ils avaient agressé une agente de police lors d’une tentative d’arrestation et qu’ils avaient percuté des véhicules de police, en une occasion, ainsi que le véhicule d’un agent de la Commission des parcs du Niagara, en une autre occasion, réussissant le deux fois à s’échapper.

La fois où le SPRN avait bloqué le plaignant et la TC no 1 dans un véhicule automobile volé dans un stationnement à Virgil (Ontario), un policier avait été coincé entre la voiture volée et un second véhicule à moteur, tandis que le plaignant percutait les voitures pour assurer sa fuite. Cette fois-là, l’agent de police pris au piège, craignant pour sa sécurité, avait dégainé son arme à feu, mais n’a pas tiré, et le duo au volant de la voiture volée a pu quitter le secteur sans que la police ne se lance à sa poursuite, pour des raisons de sécurité publique.

Avant que les agents de la PRY ne confrontent le plaignant et la TC no 1, ils ont été informés par le SPRN que l’on pensait que les deux délinquants ne ménageraient aucun effort pour échapper à la police et à leur arrestation. La PRY a été informée du fait que, le 29 septembre 2017, le plaignant et la TC no 1 avaient déjà fait l’objet d’au moins trois poursuites véhiculaires de la police, avaient percuté des véhicules de police et/ou d’autres véhicules à au moins deux autres occasions, et avaient agressé (pensait-on) au moins une agente de police qui avait tenté de procédé à leur arrestation, tout cela dans le but d’éviter leur appréhension.

La PRY, avec l’aide du SPRN, a localisé le véhicule automobile volé en possession du plaignant et de la TC no 1 dans le stationnement du centre commercial Vaughan Mills. La police a alors vu le véhicule se garer devant le magasin Toys ‘R’ Us et le duo en sortir pour entrer dans le magasin.

L’AT no 2, l’agent en charge de l’UCB, a donné l’instruction aux membres de son unité de déplacer leurs véhicules pour les positionner aussi près que possible du véhicule volé (une Impala) pendant que les deux délinquants se trouvaient à l’intérieur du magasin et, lorsqu’il donnerait l’instruction de procéder à l’arrestation, l’AI positionnerait sa camionnette tout près du pare-chocs avant de l’Impala. L’AT no 2 a indiqué que, étant au courant du précédent incident lors duquel le plaignant avait percuté des véhicules de police du SPRN, son objectif premier était d’empêcher les deux délinquants d’accéder à l’Impala volée pour prendre la fuite. À trois reprises, l’AT no 2 a dit par radio qu’il ne fallait pas permettre au plaignant d’accéder à l’Impala et de la démarrer et que le but était d’arrêter le plaignant avant qu’il n’atteigne la voiture. Cette preuve a été confirmée par l’enregistrement des transmissions radio dans lequel on entend l’AT no 2 faire part de ses craintes pour la sécurité du public et des agents de police dans le cas où le plaignant et la TC no 1 accèderaient à l’Impala volée en sortant du magasin. À plusieurs reprises, on entend l’AT no 2 insister sur l’importance d’empêcher le duo d’accéder à l’Impala volée.

L’AT no 2 a indiqué que ce qu’il espérait c’était de minuter la manœuvre d’arrestation du duo de façon que cela ne se fasse ni trop tôt, ce qui aurait permis aux délinquants de fuir à pied, voire de voler un autre véhicule automobile dans le stationnement du centre commercial, lequel est très achalandé, ni trop tard, ce qui aurait permis aux délinquants d’embarquer dans leur voiture volée et, à nouveau, de s’échapper au volant de cette voiture.

L’AT no 4 a reçu la consigne d’arrêter le plaignant en s’approchant de lui par derrière, tandis que l’AT no 5 devait arrêter la TC no 1 par derrière, quand celle-ci s’approcherait de l’Impala.

À 20 h 42, les deux délinquants ont été vus en train de sortir du magasin Toys ‘R’ Us et, tandis qu’ils se rapprochaient de l’Impala, l’AT no 2 a donné l’ordre aux agents de converger sur eux et de procéder à leur arrestation. L’AT no 2 est sorti de son propre véhicule et, tandis qu’il s’approchait de l’Impala, le plaignant l’a repéré et l’a reconnu comme étant un agent de police, à la suite de quoi l’AT no 2 a plusieurs fois averti le plaignant qu’il était de la police, qu’il était en état d’arrestation et qu’il devait s’arrêter. Au lieu de cela, le plaignant a commencé à se diriger rapidement vers l’Impala. L’AT no 2 s’est dit d’avis que la manœuvre d’arrestation avait été déclenchée une fraction de seconde trop tard, ce qui avait permis au plaignant de réagir rapidement et d’ouvrir la portière côté conducteur de l’Impala, d’y prendre place et de fermer la portière.

Simultanément, la TC no 1 a été arrêtée du côté passager de la portière de l’Impala et sortie du véhicule. Cela est confirmé par le témoignage du plaignant et concorde avec le témoignage de tous les agents de police présents.

L’AT no 3 a déclaré qu’il a vu les feux de freinage s’allumer dès que le plaignant a pris place à l’intérieur de l’Impala et qu’il a remarqué que la clé était sur le contact, ou à proximité.

L’AT no 3 a alors rapidement ouvert la portière côté conducteur de l’Impala, mais il n’a pas réussi à l’ouvrir entièrement, car il n’y avait pas suffisamment d’espace entre l’Impala et la voiture stationnée à côté. L’AT no 4 et l’AI, qui s’approchaient de l’avant de la voiture, n’ont pas pu atteindre le plaignant, car ils en ont été empêchés par la portière ouverte de la voiture qui leur bloquait le chemin.

Le plaignant a été observé en train de se concentrer sur l’allumage du véhicule, et l’on craignait qu’il soit sur le point de démarrer la voiture. L’AT no 2 a alors saisi le plaignant par son bras gauche et l’a fait passer autour du montant de la portière côté conducteur, dans une technique de contrainte par la douleur, mais il semble que cela n’ait eu aucun effet sur le plaignant. L’AT no 3, qui se trouvait dans l’espace entre la portière ouverte et l’habitacle de la voiture, a posé ses mains sur le plaignant et a essayé de le tirer par sa chemise, mais le plaignant s’est dégagé, faisant se déchirer sa chemise, et une lutte a suivi. Le plaignant essayait de mettre la clé dans le contact et s’agrippait au volant pour empêcher l’AT no 3 de le sortir de l’habitacle de la voiture.

L’AT no 3 a déclaré qu’il était conscient du fait que si le plaignant réussissait à démarrer la voiture, il aurait été capable de sortir du stationnement en percutant d’autres véhicules, et qu’il aurait pu blesser à la fois des agents de police et des piétons. En raison de l’espace limité entre les voitures, l’AT no 3 était le seul agent à ce moment-là qui avait un accès direct au plaignant, car l’AT no 4 et l’AI étaient bloqués par la portière ouverte, et l’AT no 2 se trouvait derrière l’AT no 3.

L’AT no 3 a alors donné plusieurs coups de poing sur ce qu’il pensait être le côté gauche du visage ou la tête du plaignant. Il a toutefois été incapable de voir où les coups de poing ont atterri du fait que la portière n’avait pu s’ouvrir entièrement. Il a administré des coups de poing de la main gauche tout en maintenant le plaignant avec sa main droite. Les coups de poing n’ont semblé avoir eu aucun effet sur le plaignant, car ce dernier essayait toujours de démarrer le véhicule. Cette preuve est confirmée par le plaignant, il se souvenait que des agents [traduction] « agitaient leurs poings » pour lui décocher des coups, mais que les coups ne l’ont pas blessé, et qu’il n’était pas sûr de savoir si les agents l’avaient réellement frappé ou s’ils essayaient simplement de l’agripper par la chemise pour le faire sortir de l’auto.

L’AT no 2 et l’AT no 3 ont alors ensemble tiré le plaignant hors de l’habitacle de la voiture et l’ont mis au sol dans un mouvement fluide, le plaignant atterrissant face contre terre sur l’asphalte, ses jambes se trouvant encore à l’intérieur du plancher de la voiture, et l’AT no 2 le tenant toujours par son bras gauche. L’AT no 2 croyait que le plaignant essayait de se relever du sol pour s’échapper, si bien qu’il lui a administré plusieurs coups de genou sur le côté gauche du corps et des coups avec sa main, mais ces coups ne semblaient pas avoir eu d’effets. Curieusement, le plaignant ne se souvenait pas que de tels coups lui aient été administrés ou qu’ils lui aient causé de la douleur.

Malgré les efforts déployés par l’AT no 2 et l’AT no 3 pour détenir le plaignant, celui-ci, en rampant et en essayant de se relever, s’est déplacé jusqu’à l’arrière de l’Impala. À maintes reprises, l’AT no 2 a dit au plaignant d’arrêter de résister et de mettre ses mains dans le dos, mais le plaignant n’a pas obtempéré.

Une fois que les pieds du plaignant ont été dégagés du plancher de l’habitacle, la portière de l’Impala a été refermée et l’AI et l’AT no 4 sont arrivés pour prêter assistance, pendant que le plaignant continuait de résister, alors même que les quatre agents de police présents tentaient, dans un espace très confiné, de le maîtriser. Le plaignant a continué de se débattre pour se mettre debout, et il s’agrippait aux vêtements des policiers tout en donnant des coups de pied et en agitant les bras. L’AT no 4 a alors administré deux coups de genou au plaignant, faisant contact avec la cuisse droite ou la région des fesses du plaignant, mais ces coups ne semblent pas avoir non plus eu d’effets sur le plaignant, et ce dernier a continué de donner des coups de pied et ne voulait pas laisser aller ses bras. Là encore, le plaignant ne se souvenait pas de ces coups ni s’ils lui avaient causé de la douleur.

L’AT no 3, qui était épuisé par la lutte, s’est reculé momentanément, et le plaignant a réussi à se redresser et s’est de nouveau dirigé vers l’Impala pour s’échapper. Alors que le plaignant s’était redressé, l’AI s’est déplacé et l’a étreint au niveau de la taille ou de l’estomac dans une manœuvre de type « prise de l’ours », puis l’a plaqué de nouveau au sol.

Une fois le plaignant au sol, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 2 4 et l’AI ont collectivement tiré les bras du plaignant pour les lui mettre dans le dos afin de le menotter. Les agents ont indiqué qu’ils ont dû utiliser toute leur force pour maintenir le plaignant au sol, alors que celui-ci continuait de se débattre et qu’il essayait constamment de se relever. Le plaignant n’a jamais cessé de se débattre ou de résister, et il n’a jamais cessé non plus d’essayer de se relever et de fuir la police.

Le plaignant a été décrit comme déployant une force incroyable pendant la lutte avec les quatre policiers, laquelle a duré environ une minute, chaque agent ayant indiqué a posteriori que la force du plaignant était probablement due à l’ingestion de stupéfiants. Cela a ultérieurement été confirmé par une analyse toxicologique à l’hôpital, qui a révélé la présence tant de cocaïne que d’opiacés dans le système du plaignant.

Une fois que le plaignant a été mis en position assise, du sang a été observé sur son visage. L’AT no 2 a déclaré que cela ne l’étonnait pas que le plaignant ait été blessé, compte tenu de l’intensité de sa résistance et de la force physique des quatre policiers de stature solide qui a été nécessaire pour le maîtriser et le menotter.

Lorsque la voiture a été fouillée par la suite, on a découvert que le plaignant avait effectivement réussi à insérer la clé dans le contact.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel du Canada, un agent de police, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, est fondé à employer la force nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Par conséquent, pour que les agents de police ayant procédé à l’arrestation du plaignant aient droit à une protection contre des poursuites en vertu de l’article 25, il doit être établi qu’ils exécutaient une obligation légale, qu’ils agissaient pour des motifs raisonnables et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement des renseignements fournis par le SPRN, que la PRY avait manifestement des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour des mandats d’arrestation nombreux et en croissance détenus par plusieurs autres services de police. Puisque le SPRN, de par sa participation directe à cette affaire, était en possession de motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis plusieurs actes criminels, les agents de la PRY, en aidant le SPRN et en agissant sur la foi des renseignements reçus du SPRN, agissaient aussi légalement dans le cadre de leurs fonctions lorsqu’ils ont voulu procéder à l’arrestation et du plaignant et de la TC no 1 sur l’autorité de ces mandats. Par conséquent, l’appréhension et l’arrestation du plaignant par l’UCB de la PRY étaient légalement justifiées dans les circonstances, et les agents de l’UCB agissaient alors en s’appuyant sur des motifs raisonnables. Dès lors qu’ils n’ont pas employé plus de force que ce qui était justifié ou nécessaire, ils sont à l’abri des poursuites en application du paragraphe 25 (1).

Pour évaluer l’emploi de la force par chacun des trois agents de police ayant recouru à une force physique pour maîtriser le plaignant, il faut alors déterminer si, en ces circonstances, les actions suivantes étaient excessives :

  • la technique de contrainte par la douleur que l’AT no2 a employée lorsqu’il a saisi le plaignant par son bras gauche et l’a plié vers l’arrière en le faisant passer autour du montant de la portière côté conducteur, comme technique de contrainte par la douleur
  • les coups de poing que l’AT no3 a plusieurs fois administrés au plaignant, sur le côté gauche de sa tête ou de son visage, alors que le plaignant était assis à l’intérieur de l’Impala volée et tentait de démarrer la voiture
  • lorsque l’AT no2 et l’AT no 3 ont saisi le plaignant et l’ont tiré hors de l’habitacle de la voiture, le faisant tomber face la première sur l’asphalte
  • les coups de genou et les coups main ouverte que l’AT no2 a administrés sur le côté gauche du plaignant pendant que celui-ci était au sol mais continuait de résister
  • lorsque l’AI a étreint le plaignant à la taille, dans une manÅ“uvre de type « prise de l’ours », et l’a plaqué de nouveau sur le sol

Bien qu’il soit fort probable que le plaignant n’ait été blessé que dans la dernière de ces manœuvres par la police, même s’il est également possible que le plaignant ait été blessé, soit lorsque l’AT no 3 lui a donné plusieurs coups de poing, alors qu’il était à l’intérieur de la voiture, sur le côté gauche de la tête et du visage, soit lorsqu’il a été initialement mis au sol par l’AT no 2 et l’AT no 3, atterrissant face la première sur l’asphalte, j’ai énuméré tous les gestes posés par les policiers pour démontrer que leurs actions ont progressé de façon directement proportionnelle à la force extraordinaire et à l’incessante résistance manifestées par le plaignant.

Je n’ai aucune hésitation à accepter que l’information dont étaient en possession les agents ayant procédé à l’arrestation selon laquelle le plaignant n’avait ménagé aucun effort, antérieurement, pour contrecarrer son arrestation, conjuguée à la grande force apparemment inépuisable et à la détermination que le plaignant avait démontrées cette fois-là, aurait suscité aux agents la crainte extrême qu’ils n’auraient pas été capables de maîtriser le plaignant, et qu’il aurait alors continué de représenter un risque sérieux pour la population. Compte tenu du fait que le plaignant avait déjà percuté plusieurs véhicules, agressé une agente de police, coincé un deuxième agent entre son véhicule volé et un autre véhicule et fait l’objet de pas moins de trois poursuites véhiculaires de police, j’accepte pleinement qu’il y avait une grande urgence à mettre un terme à la série de délits commis par le plaignant en le plaçant sous garde policière.

J’ai également noté que parmi les cinq actions susmentionnées de la police pour maîtriser le plaignant, le plaignant n’en a même pas remarqué ou ne s’est même pas souvenu de trois d’entre elles, et il a confirmé que ces actions ne lui avaient pas causé de douleurs. C’est seulement lorsqu’il a été mis au sol, la première ou la deuxième fois, que le plaignant a indiqué qu’il a finalement ressenti de la douleur. Qu’il n’ait ressenti aucune douleur en raison de son ingestion antérieure de stupéfiants, parce qu’il se concentrait sur son désir de fuir, en raison de la poussée d’adrénaline, ou parce que les actions de la police n’ont pas été suffisamment appuyées pour lui causer des effets, il est clair que les policiers ont dû accroître la force qu’ils employaient pour tenter d’appréhender le plaignant s’ils voulaient le moindrement réussir à l’arrêter.

Bien que je conclue que la blessure ait été causée par les agents de police dans leurs efforts pour maîtriser et arrêter le plaignant, je conclus qu’en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents n’ont pas employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire dans l’exercice de leurs fonctions légitimes pour appréhender un homme extrêmement fort qui avait l’intention de s’échapper et qui y avait réussi de nombreuses fois par le passé. Dans cette situation factuelle particulière, je trouve tout à fait pertinent ce que la Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, en ces termes :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (B.C.C.A.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Je conclus, sur la foi du dossier qui m’a été soumis, que le degré de force employé, le nombre de coups de distractions différents qui ont été administrés et les manœuvres qui ont été effectuées sur le plaignant (y compris sa mise au sol à deux reprises) ont été malheureusement nécessaires pour maîtriser le plaignant et le mettre sous garde, et ainsi mettre fin au risque qu’il continuait de poser tant qu’il était en liberté. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que le plaignant a été capable de ramper jusqu’à l’arrière de l’Impala volée, même si quatre agents de police physiquement aptes ont utilisé toutes leurs forces pour le maîtriser, alors qu’il les traînait avec lui. Je n’ai aucune difficulté à accepter que les craintes de l’AT no 2 pour la sécurité de la population et des agents de police si le plaignant et la TC no 1 arrivaient à accéder à l’Impala volée étaient on ne peut plus fondées dans ces circonstances.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la mise sous détention du plaignant et la manière dont cela s’est fait étaient légitimes malgré les blessures qu’il a subies. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par tous les agents de police en cause pour tenter de maîtriser le plaignant a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et vaincre la résistance et la force étonnante du plaignant et qu’elle était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise en détention légale du plaignant.

Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les actions exercées par les agents de police étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de déposer des accusations en l’espèce.

Date : 7 septembre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.