Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-323

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport décrit l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 37 ans lors de son arrestation le 7 novembre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Vers 3 h 14, le 8 novembre 2017, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant durant sa mise sous garde.

Le SPT a déclaré que des agents étaient intervenus dans une résidence en réponse à une situation susceptible d’être visée par la Loi sur la santé mentale (LSM). À l’arrivée du SPT, le plaignant a claqué la porte avant au nez de la police. La porte a ensuite été ouverte par l’épouse du plaignant, ce qui a permis aux agents de police d’entrer dans la maison.

Le plaignant a alors donné des coups de pied à l’un des agents de police et une lutte s’en est suivie au cours de laquelle les agents de police ont été frappés et mordus par le plaignant. Les agents de police ont réussi à maîtriser le plaignant et l’ont appréhendé en vertu de la LSM. Le plaignant a été amené à l’hôpital, où il a reçu un sédatif et a été admis aux termes de la LSM. Le plaignant a subi une fracture déplacée à l’os nasal droit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 37 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 6 Notes reçues et examinées, entrevue jugée non nécessaire.

AT no 7 Notes reçues et examinées, entrevue jugée non nécessaire.

AT no 8 Notes reçues et examinées, entrevue jugée non nécessaire.

AT no 9 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 10 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 11 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 12 Notes reçues et examinées, entrevue jugée non nécessaire.

AT no 13 Notes reçues et examinées, entrevue jugée non nécessaire.

AT no 14 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 15 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Description de l’incident

Vers 21 h 01, le 7 novembre 2017, la TC no 1 a appelé le SPT pour obtenir l’aide de la police en raison du comportement du plaignant. Elle a dit que le plaignant se comportait étrangement et qu’elle espérait que quelqu’un puisse le convaincre de se rendre à l’hôpital. La TC no 1 n’a pas donné le sentiment à la préposée qui a répondu à l’appel au 9-1-1 qu’il était nécessaire d’intervenir urgemment. Elle a dit qu’il n’y avait pas d’armes et elle n’a pas indiqué que le plaignant était violent. Un appel de service a été créé concernant une personne perturbée affectivement et envoyé en tant que priorité 2 à l’AI no 1 et à l’AI no 2, qui étaient les agents d’intervention principaux et qui portaient l’uniforme complet. Pendant qu’ils étaient en route en réponse à l’appel, les AI nos 1 et 2 ont examiné tous les événements antérieurs impliquant le plaignant et ont constaté qu’environ un an auparavant, il avait été appréhendé en vertu de la LSM par d’autres agents de police, sans qu’il y ait eu de la violence.

À 21 h 30, les AI nos 1 et 2 sont arrivés à la maison et ont frappé à la porte avant. La TC no 1 a ouvert la porte, mais le plaignant l’a claquée après que quelques paroles ont été échangées. Le TC no 1 a alors rouvert la porte et a laissé entrer les AI nos 1 et 2.

Au moyen d’expressions faciales et par son langage corporel, la TC no 1 a fait comprendre à l’AI no 1 et à l’AI no 2 qu’elle avait besoin de l’aide de la police, de sorte qu’ils sont entrés dans le domicile. Le plaignant s’est immédiatement dirigé vers les AI nos 1 et 2 et, sans avertissement, a causé la chute de l’AI no 2 en lui donnant des coups de pied tombés à la poitrine avec les deux pieds. L’AI no 2 a été renversé vers l’arrière et s’est cogné contre l’AI no 1. Le plaignant a ensuite roulé sur le sol pour se remettre debout et a adopté une position de combat, tout en ayant les poings serrés.

Les AI nos 1 et 2 ont tenté d’arrêter le plaignant et il a résisté violemment. Ils ont frappé le plaignant à plusieurs reprises en utilisant leurs matraques ASP. Le plaignant a subi une grave blessure au visage. La TC no 1 a été entraînée dans l’échauffourée, et le plaignant l’a mordue avec force au bras. Ils ont tous atterri dans un fauteuil. Il y avait du sang partout.

À 21 h 33, environ trois minutes après que les agents s’étaient présentés à la maison, l’AI no 2 a envoyé un message affolé dans sa radio de police pour demander des renforts. Le plaignant a réussi à se libérer et s’est levé tout en brandissant un tisonnier. L’AI no 2 a saisi le tisonnier, et la lutte s’est poursuivie.

À 21 h 35, d’autres agents de police ont commencé à arriver. Pendant la lutte prolongée qui a suivi, plusieurs policiers ont reçu des coups de pied, des morsures et d’autres blessures; des meubles ont été déplacés et des bibelots et éléments de décor ont été brisés. Les agents de police sur les lieux ont demandé à plusieurs reprises que l’on fasse venir un sergent muni d’une arme à impulsions électriques (AIE), ainsi que des ambulances.

Finalement, un nombre suffisant d’agents de police sont arrivés sur les lieux et on a réussi à maîtriser et à menotter le plaignant. On lui a placé deux dispositifs de contention Ripp Hobble aux pieds et on lui a menotté les mains dans le dos. Malgré le matériel de contention, le plaignant a continué de se débattre, il s’est mis à mâcher une plante d’intérieur, a sifflé à la façon d’un serpent, a grogné et a craché sur les agents de police.

Entre 22 h 07 et 22 h 32, alors que le plaignant était tenu au sol par les agents de police, les ambulanciers paramédicaux lui ont administré plusieurs doses de sédatif en quantité suffisante pour que le plaignant puisse être placé sur une civière et transporté à l’hôpital en toute sécurité. À l’hôpital, on a évalué les blessures physiques du plaignant et on l’a admis en vue d’une évaluation psychiatrique.

Nature des blessures et traitement

Le plaignant a été évalué et selon le diagnostic, il avait subi plusieurs lacérations au visage ainsi qu’une fracture déplacée à l’os nasal droit.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant habitait dans une maison individuelle avec la TC no 1 dans la ville de Toronto. L’interaction s’est déroulée entièrement à l’intérieur de la résidence, au rez-de-chaussée, juste de l’autre côté de la porte avant.

Immédiatement après être entré par la porte avant du domicile, on accède à la salle de séjour avant où l’interaction avec le plaignant a eu lieu. La pièce mesure environ 4 mètres de profond sur 5 mètres de large et les planchers sont en bois franc. À l’extrémité gauche du salon, il y a un foyer à bois en briques peint en blanc. Il y avait un écran devant le foyer et un ensemble d’outils de foyer sur un support à côté.

Au centre de la salle de séjour, il y a une table à dîner ronde comportant un assortiment de chaises. Dans le coin opposé à la porte, juste à droite du foyer, il y a un fauteuil. C’est sur ce fauteuil qu’une partie de la lutte avec le plaignant a eu lieu.

Au-delà de la pièce de séjour et au centre du rez-de-chaussée, il y a un escalier menant au deuxième étage. Derrière l’escalier se trouve la salle à manger. La cuisine est à l’arrière de la maison.

Preuve vidéo/audio/photographique

Le SPT a fourni des photographies des lieux où l’interaction entre les agents de police et le plaignant a eu lieu à l’intérieur de la résidence du plaignant.

Enregistrements des communications

Communications du SPT, système intégré de répartition assistée par ordinateur (SIRAO) et résumé des conversations du SPT

À 22 h 01, la TC no 1 a appelé le Service de répartition de la police et a demandé si c’était l’« équipe mobile d’intervention en cas de crise ». La personne qui a pris l’appel a répondu que c’est à partir de là qu’on envoie les agents de police et a demandé à la TC no 1 comment elle pouvait l’aider. La TC no 1 a dit que le plaignant était en proie à une crise psychotique. Il tenait des [traduction] « propos fous » et parlait très bizarrement, bougeait de façon étrange et était pratiquement incohérent.

La préposée aux appels a demandé si le plaignant avait besoin d’une ambulance et si le plaignant avait menacé de se suicider. La TC no 1 a répondu « non » aux deux questions.

La TC no 1 a indiqué que la même chose s’était produite une année auparavant à peu près au même moment et que le plaignant avait été appréhendé et s’était rendu au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM). L’année auparavant, [traduction] « tout un groupe de policiers » était intervenu parce que le plaignant avait menacé de se blesser.

La préposée aux appels a expliqué qu’il y avait deux façons de convaincre le plaignant de se rendre à l’hôpital. La première était que la police procède à son arrestation. La deuxième était pour la TC no 1 d’obtenir une formule. La TC no 1 a indiqué que le plaignant n’allait pas bien et qu’il devrait aller voir quelqu’un. Elle a dit que le plaignant était vraiment sur la défensive. Elle croyait que si la police venait, ce serait [traduction] « plus réel » pour le plaignant.

La TC no 1 a indiqué que le plaignant n’avait reçu aucun diagnostic de maladie mentale. L’année précédente, le personnel médical avait attribué son comportement à la consommation de cocaïne ou de marijuana. La TC no 1 n’avait connaissance d’aucun épisode de consommation de drogue par le plaignant depuis ce temps et a indiqué que récemment, le plaignant se portait très bien. La TC no 1 a dit que le comportement étrange du plaignant avait commencé la veille et était devenu plus intense. Il avait déplacé des choses dans la maison et parlait et riait à lui-même. Il avait déchiré des photos, faisait les cent pas, ne parvenait pas à se concentrer, n’était pas en mesure d’avoir une conversation et était obsédé par des choses comme la princesse Diana et Toutankhamon.

La TC no 1 a dit que le plaignant n’était pas physiquement violent, qu’il n’avait pas d’armes et qu’il n’avait pas d’antécédents de problèmes de santé mentale autres que l’unique crise l’année précédente qui avait été attribuée à la consommation de drogues. De plus, le plaignant n’était pas disposé à se rendre à l’hôpital avec la TC no 1.

La préposée aux appels a informé la TC no 1 que des agents de police interviendraient et que le plaignant les accompagnerait peut-être de plein gré. S’il refusait et s’il pouvait être appréhendé en vertu de la LSM, les agents de police l’arrêteraient. S’il ne pouvait être appréhendé en vertu de la LSM, les agents de police expliqueraient à la TC no 1 ce qu’elle devrait faire pour obtenir, d’un médecin ou d’un juge de paix, la formule qui permettrait à la police d’appréhender le plaignant.

La préposée aux appels a dit à la TC no 1 de sortir de la maison si elle se sentait suffisamment inquiète et d’attendre à l’extérieur l’arrivée des agents de police. Elle lui a demandé de rappeler si la situation changeait.

À 21 h 09, les AI nos 2 et 1 ont été envoyés en réponse à l’appel concernant une personne perturbée affectivement. Le répartiteur leur a fourni la plupart des détails pertinents obtenus de la TC no 1 durant l’appel. Ces renseignements précisaient que l’appelante avait un problème avec le plaignant, qu’il n’était pas violent, qu’il avait été amené au CTSM l’année précédente et que sa visite antérieure était attribuable à la consommation de cocaïne ou de marijuana. Le répartiteur a également expliqué qu’au cours des quelques derniers jours, le plaignant avait fait des choses très étranges, ne voulait pas d’ambulance et n’était pas disposé à se rendre de plein gré à l’hôpital. Des renseignements plus détaillés ont été entrés dans le SIRAO, auquel les agents ont accès dans le poste de travail mobile qui se trouve dans leur véhicule de police.

À 21 h 30, les AI nos 1 et 2 ont fait savoir qu’ils étaient arrivés sur les lieux en l’indiquant dans le poste de travail mobile à bord du véhicule de police.

À 21 h 33, l’AI no 2 a demandé qu’une autre unité se rende à la résidence. Il a dit que le plaignant était agressif et que les agents le tenaient au sol. Il était clair dans la transmission que la demande d’aide était urgente. Le répartiteur a demandé que d’autres agents de police se rendent à l’adresse.

À 21 h 35, les AT nos 2 et 1 sont arrivés à la résidence, et l’Unité des crimes majeurs (UCM), composée des agents nos 14, 15 et 12, a indiqué qu’elle se trouvait à une minute.

À 21 h 36, un agent de police non identifié sur les lieux a indiqué que les agents de police qui répondaient à l’appel pouvaient ralentir, car il y avait suffisamment d’agents sur place. Ce même agent de police a demandé deux ambulances, l’une pour le plaignant, qui saignait et était conscient, et l’autre pour la TC no 1. On pouvait entendre le plaignant crier en arrière-plan. Un autre agent de police non identifié a demandé qu’on fasse venir un sergent armé d’une arme à impulsions électriques. L’AT no 10 a dit qu’il allait s’y rendre. Un autre agent de police a déclaré catégoriquement : [traduction] « Nous avons besoin d’un Taser. Nous avons besoin d’un Taser » et l’AT no 11 a dit que lui aussi se rendrait sur place à partir du poste de police.

À 21 h 40, un agent de police non identifié a demandé à quel moment on prévoyait que l’arme à impulsions arriverait. L’AT no 10 a répondu qu’il était [traduction] « à cinq secondes ».

À 21 h 42, un agent de police non identifié a indiqué qu’il avait urgemment besoin d’une ambulance, car le plaignant avait perdu connaissance. À 21 h 43, les AT nos 4 et 5 ont demandé deux autres ambulances pour deux agents de police qui avaient été blessés, dont l’un avait été mordu et l’autre était blessé à la jambe.

À 21 h 47, l’AT no 3 a dit que le plaignant se cognait la tête contre le sol. À 22 h 39, l’AT no 4 a indiqué que des agents de police se trouvaient à bord d’une ambulance et qu’il la suivrait jusqu’à l’hôpital. À 22 h 53, les AT nos 9 et 3 ont indiqué qu’ils étaient arrivés à l’hôpital.

Éléments de preuve médico-légaux

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport sur les détails de l’événement
  • rapport d’incident général
  • enregistrement de l’appel de la TC no 1 au SPT
  • enregistrements des communications de la police
  • vidéo du système de caméra dans le véhicule (x4) du véhicule de police en cause
  • notes des AT nos 1 à 15 et des AI nos 1 et 2
  • procédure : Arrestation
  • procédure : Personnes perturbées affectivement
  • procédure : Personnes perturbées affectivement (annexe A)
  • procédure : Personnes perturbées affectivement (annexe B)
  • procédure : Recours à la force
  • procédure : Recours à la force (annexe A)
  • procédure : Recours à la force (annexe B)
  • résumé de la conversation (communications du SPT)
  • résultats de la recherche de l’entité du SPT - plaignant
  • résultats de la recherche du SPT concernant une personne - plaignant
  • dossiers de formation de l’AT no 9 - dispositif de contention Ripp Hobble
  • dossiers de formation de l’AT no 3 - dispositif de contention Ripp Hobble
  • photos des lieux du crime et photos des blessures subies par les agents et la TC no 1
  • Nouvelle qualification pour le recours à la force des AI nos 1 et 2
  • liste des témoins - Accusations portées contre le plaignant

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant relatifs à cet incident
  • rapport des appels au Service d’ambulances (x3)
  • rapports d’incident des Services médicaux d’urgence (x4)

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 34 du Code criminel – Défense de la personne – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Paragraphe 270(1) du Code criminel – Voies de fait contre un agent de la paix

270 (1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

  1. soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
  2. soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
  3. soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

  1. elle s’infligera des lésions corporelles graves
  2. elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
  3. elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 7 novembre 2017, à 21 h 01, la TC no 1 a communiqué avec le Service de police de Toronto (SPT) sur sa ligne téléphonique non urgente pour demander de l’aide pour le plaignant. La TC no 1 espérait que l’équipe mobile d’intervention en cas de crise (EMIC) interviendrait, comme elle l’avait fait l’année précédente, et qu’elle amènerait le plaignant à l’hôpital. La TC no 1 a indiqué que le plaignant se comportait de façon inhabituelle et qu’elle croyait qu’il faisait une crise psychotique, mais qu’il n’était ni suicidaire ni violent, et n’avait pas accès à des armes.

À la suite de l’appel, les AI nos 1 et 2 ont été envoyés à la résidence du plaignant dans la ville de Toronto. Après l’arrestation et l’appréhension du plaignant par la police, il a été transporté à l’hôpital, où il a été évalué et où l’on a constaté qu’il avait subi une fracture déplacée à l’os nasal droit ainsi qu’un certain nombre de lacérations au visage. Le plaignant a été hospitalisé suite à l’obtention d’une formule 1, tel que prévu dans la Loi sur la santé mentale (LSM), en raison de son comportement psychotique et parce qu’il constituait un danger pour lui-même ou autrui et n’était pas en mesure de s’occuper de lui-même.

Les enquêteurs se sont entretenus avec cinq témoins civils, dont le plaignant, et avec 17 agents de police témoins, dont les deux agents impliqués. Les faits ne sont pas vraiment contestés, si ce n’est que la perception du plaignant quant à la raison pour laquelle les choses se sont déroulées comme elles l’ont fait diffère quelque peu de celle des autres témoins. Voici un résumé des faits fondé sur les éléments de preuve crédibles et fiables disponibles.

Pendant qu’ils se rendaient à la résidence, les AI nos 1 et 2 ont fait une recherche au sujet du plaignant dans l’ordinateur à bord de leur véhicule et ont découvert qu’il y avait eu un incident semblable l’année précédente au cours duquel le plaignant avait été transporté à l’hôpital, sans aucune violence. Pour cette raison, malgré la disponibilité d’une EMIC, les AI nos 1 et 2 ont décidé qu’ils se rendraient à la maison seuls et évalueraient d’abord la situation pour voir si le plaignant avait besoin de consulter un médecin et s’il était disposé à le faire avant de décider de la marche à suivre. D’après les AI nos 1 et 2, il s’agissait d’un type d’appel courant dont ils s’occupaient normalement en moyenne une fois par semaine. Bien que la décision de ne pas envoyer l’EMIC n’ait pas été déraisonnable dans les circonstances, au bout du compte, c’est le facteur qui était à l’origine des événements malheureux qui ont suivi.

À 21 h 30, lorsque les AI nos 1 et 2 sont arrivés à la résidence du plaignant, la TC no 1 a ouvert la porte. Le plaignant s’est alors présenté à la porte et, après avoir constaté que l’EMIC n’était pas sur les lieux et qu’il n’y avait pas de travailleur social pour l’aider, mais seulement des agents de police, le plaignant est immédiatement devenu belliqueux et a claqué la porte au nez des agents. La TC no 1 a alors rouvert la porte et a permis aux agents d’entrer. La TC no 1 et les deux agents de police ont tenté de rassurer le plaignant en lui disant qu’ils n’étaient là que pour parler et avoir une conversation avec lui.

D’après les AI nos 1 et 2, malgré la résistance du plaignant, ils ont ressenti le besoin d’entrer pour aider la TC no 1, car elle semblait effrayée et bouleversée et ne semblait pas souhaiter que la police parte. Tant l’AI no 1 que l’AI no 2 estimaient qu’il était de leur devoir de rester et d’aider la TC no 1, plutôt que de quitter la résidence.

Au moment de leur entrée, le plaignant se tenait debout en arrière-plan, à environ 15 pieds, les poings serrés, lorsqu’il a soudainement fait deux pas vers l’AI no 2 et lui a donné des [traduction] « coups de pied tombés » à la poitrine avec les deux pieds, la force de l’attaque faisant tomber l’AI no 2 à la renverse. Cela a été observé et confirmé par la TC no 1 et l’AI no 1. L’AI no 1 a attrapé l’AI no 2 et l’a remis debout. Le plaignant a alors roulé sur le sol et s’est relevé et a commencé à se lancer vers les deux agents de police.

À ce moment-là, les AI nos 2 et 1 étaient tous deux d’avis qu’ils avaient des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour voies de fait contre la police, en contravention de l’article 270 du Code criminel.

Selon la procédure du SPT à l’égard des personnes perturbées affectivement, il est préférable, s’il y a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis une infraction criminelle, de placer cette personne sous garde et de porter les accusations appropriées, et les agents de police ne devraient passer qu’à la deuxième étape, à savoir l’appréhension du sujet en vertu de la Loi sur la santé mentale, s’il n’y a pas de motifs d’arrestation. Je ne peux que déduire que cette procédure a pour but d’accélérer les choses, en ce sens que si la police a des motifs raisonnables, il est plus rapide et plus simple d’arrêter le sujet que de tenter de justifier une appréhension en vertu de la LSM, afin d’amener la personne perturbée affectivement à l’hôpital le plus rapidement possible et d’obtenir l’aide dont elle a besoin.

Il ne fait aucun doute qu’après que le plaignant avait « donné des coups de pied tombés » à la poitrine de l’AI no 2, la police avait de nombreux motifs d’arrêter le plaignant, et les deux agents de police ont informé le plaignant qu’il était effectivement en état d’arrestation.

Le plaignant serait alors devenu [traduction] « fou », alors que les deux agents de police tentant de le maîtriser, et tout l’incident était devenu très physique.

Le plaignant a roulé sur le sol et s’est placé dans une position de combat, les genoux pliés et les poings serrés, et l’AI no 2 a sorti sa matraque escamotable et s’est approché du plaignant et lui a donné trois ou quatre coups formant un « X » avec la matraque. L’AI no 2 a déclaré que même s’il avait l’intention de frapper le plaignant aux épaules et aux côtés, en raison des mouvements imprévisibles du plaignant, la matraque a fini par entrer en contact avec sa tête. L’AI no 2 a indiqué qu’il était d’avis que du fait que leur lutte était très rapprochée, aucune autre option de recours à la force n’était réaliste dans les circonstances. Les coups de matraque ont été décrits comme n’ayant eu aucun effet et comme ne ralentissant pas ou n’arrêtant pas le plaignant.

Le plaignant s’est alors lancé sur l’AI no 2 et la empoigné; lorsque l’AI no 1 s’est approché, le plaignant l’a saisi lui aussi, autour de la partie supérieure de la poitrine/du cou, et les trois ont lutté dans un mouvement de va-et-vient.

Les agents de police et le plaignant ont ensuite reculé dans le coin et se sont retrouvés dans un fauteuil près du foyer, et le plaignant a aussi entraîné la TC no 1 dans l’échauffourée et a commencé à lui mordre à l’avant-bras. L’AI no 2 a finalement pu retirer la TC no 1 et la mettre hors de la portée du plaignant. Le plaignant a ensuite continué d’essayer de mordre chacun des deux agents de police, et on a entendu l’AI no 1 crier qu’il avait été mordu.

La lutte sur le fauteuil s’est poursuivie et le plaignant a réussi à garder l’AI no 1 à une certaine distance en pressant ses pieds contre la poitrine de l’AI no 1 tout en lui donnant simultanément des coups au dos et au cou. L’AI no 1 a alors frappé le plaignant cinq ou six fois au haut du corps avec le bout de sa matraque, et certains des coups ont de nouveau touché la tête du plaignant. L’AI no 1 a indiqué que, lorsque le plaignant le repoussait, il n’était pas assez proche de lui pour lui donner de solides coups. Le plaignant a alors reculé et a frappé l’AI no 1 quelques fois de plus.

L’AI no 1 et l’AI no 2 ont tous deux continuellement dit au plaignant de cesser de résister, mais ils l’ont décrit comme voulant à tout prix leur causer du tort.

L’AI no 1 a alors tenté de maîtriser les jambes du plaignant en enroulant son bras gauche autour d’elles, tout en essayant de saisir le bras gauche du plaignant. Puis, le plaignant a commencé à donner des coups de pied rapides, avec ses talons, sur le cou et les épaules de l’AI no 1, après quoi il a mordu la région du joint de l’index gauche de l’AI no 1, ce qui a causé une coupure à cet endroit, et l’AI no 1 a frappé le plaignant à la joue ou à la mâchoire avec son poing droit de toutes ses forces pour lui faire lâcher prise. Une fois libéré, l’AI no 1 a de nouveau donné un coup de poing au plaignant.

L’AI no 2 a demandé de l’aide par la radio, et immédiatement après cela, le plaignant a arraché la radio portative de la poitrine de l’AI no 2, empêchant toute autre transmission. L’enregistrement de la transmission confirme qu’un appel a été fait par l’AI no 2 à 21 h 33 pour demander de l’aide, du fait que le plaignant était agressif et que les agents le tenaient au sol. On peut entendre que l’AI no 2 était épuisé et exaspéré, et sa demande d’aide est clairement urgente. Le répartiteur a alors envoyé de nombreuses autres unités à la résidence, et 15 autres agents de police ont fini par arriver sur les lieux.

Puis, le plaignant et les deux agents de police sont tombés vers l’arrière sur le sol, le plaignant agitant ses poings et frappant les deux agents de police. À un moment donné, les trois se sont de nouveau retrouvés sur le fauteuil, et l’AI no 1 a entendu son épaule craquer et il savait qu’il avait été blessé.

Le plaignant a été décrit comme saignant et comme ayant la peau glissante à cause du sang et de la sueur qui le recouvraient lorsque l’AI no 2 lui a donné plusieurs coups avec la main au visage et au corps pour le maîtriser, alors que le plaignant continuait de résister. Quand les agents ont tenté de tirer le plaignant du fauteuil et de le mettre au sol, il les a repoussés dans la fenêtre de la baie, puis a sauté et a saisi un tisonnier et s’est mis debout en le tenant à la main. Le tisonnier était d’une longueur d’environ trois pieds et les agents ont vu le plaignant le lever au-dessus de l’épaule et au-dessus de la tête, ce qui a amené l’AI no 1 à pousser le plaignant vers l’arrière et à saisir son arme à feu. Le plaignant s’apprêtait tout juste à porter un coup avec le tisonnier lorsque l’AI no 2 a immédiatement réagi et a saisi le tisonnier avec ses mains nues à mi-chemin dans les airs. L’AI no 1 a alors rengainé son arme à feu.

Alors que les deux agents continuaient de lutter avec le plaignant, les AT nos 2 et 1 sont arrivés et l’AT no 2 a donné une tape sur l’épaule de l’AI no 1 et lui a dit : [traduction] « Je m’en occupe », et l’AI no 1 a répondu : [traduction] « Non, vous ne le faites pas ». Lorsque d’autres agents de police sont arrivés, ils ont tous sauté sur le plaignant et ont continué d’essayer de le contrôler. À un moment donné, on a vu le plaignant lever son corps, alors que de nombreux agents de police étaient par-dessus lui, et les agents de police l’ont ensuite repoussé vers le sol. Même après qu’on a dit aux AI nos 1 et 2 qu’ils pouvaient lâcher le plaignant, les autres agents les assurant qu’ils avaient la situation en main, les agents ont tous deux refusé de lâcher prise, car ils craignaient que les autres agents ne sachent pas à quoi ils avaient affaire et que le plaignant soit de nouveau trop dur à contrôler.

Les agents de police ont plusieurs fois demandé que quelqu’un muni d’une arme à impulsions électriques vienne sur place et, finalement, un sergent est arrivé avec une telle arme, mais on avait déjà passé les menottes au plaignant et placé des moyens de contention sur la partie inférieure de son corps, et l’arme à impulsions n’a finalement pas été utilisée. Soudainement, le plaignant a cessé de résister. Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés, ils ont demandé et reçu l’autorisation de donner un sédatif au plaignant à trois reprises, avant qu’il ne se soit finalement suffisamment calmé pour être placé sur une civière et transporté à l’hôpital[1]; une fois à l’hôpital, le plaignant a de nouveau reçu un sédatif.

Tous les agents de police présents ont décrit les AI nos 1 et 2 comme étant de grands agents forts et en bonne condition physique; ils ont également précisé qu’ils respiraient abondamment et qu’ils étaient épuisés après leur interaction avec le plaignant, et chacun d’eux a décrit l’interaction avec le plaignant comme étant la plus difficile qu’il avait jamais eue.

L’AI no 1 a subi une blessure au doigt, où le plaignant l’avait mordu, laquelle blessure a été rincée et recouverte d’un bandage par les ambulanciers paramédicaux, ainsi qu’une blessure au genou et une déchirure à la partie supérieure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, pour laquelle il a suivi un traitement de physiothérapie. L’AI no 2 avait une égratignure sur la tête et des ecchymoses à la poitrine, mais il n’avait pas d’os cassés; il a manqué deux jours de travail en raison de ses blessures.

Bien qu’il soit clair que le plaignant a reçu sa fracture à l’os nasal à un moment donné au cours de son interaction avec la police, je conclus qu’il est impossible de déterminer exactement à quel moment cette fracture s’est produite, même si la blessure semble compatible avec le fait qu’il a été frappé à la tête par une matraque, par l’AI no 1 ou l’AI no 2, ou avec les deux coups de poing au visage que l’AI no 1 lui a donnés ou même avec les coups à main ouverte donnés par l’AI no 2, quand le plaignant a continué de résister. Quelle que soit la méthode utilisée, il est clair que la blessure a été causée par la police.

Pour déterminer si ces actions des agents en cause constituent ou non un recours excessif à la force dans ces circonstances, j’ai tenu compte du fait qu’en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont protégés contre les poursuites s’ils exercent leurs fonctions légitimes et pourvu qu’ils n’utilisent que la force nécessaire pour atteindre cet objectif légal.

À la lumière des faits qui m’ont été présentés, il est clair que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont tous deux agi dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont répondu à l’appel d’aide de la TC no 1 et se sont rendus à son domicile pour parler au plaignant. De plus, ils agissaient légalement lorsqu’ils sont entrés dans la maison à son invitation. Il est également clair que lorsque le plaignant a donné des « coups de pied tombés » à la poitrine à l’AI no 2, ils avaient des motifs suffisants de l’arrêter pour l’infraction de voies de fait contre un policier, en contravention de l’article 270 du Code criminel. Pour cette raison, la tentative d’appréhension et d’arrestation du plaignant était à la fois légitime et raisonnable dans les circonstances, et les actions de l’AI no 1 et de l’AI no 2, qui au bout du compte ont mené à la blessure grave du plaignant, sont à l’abri de poursuites tant que les agents n’ont pas eu recours à plus de force que ce qui était nécessaire et justifié dans les circonstances.

Alors que je n’ai aucune difficulté à accepter que les actions de l’AI no 2 et de l’AI no 1 étaient directement proportionnelles au degré de résistance offert par le plaignant et qu’elles ne violent pas l’article 25 du Code criminel, ce qui les protège donc contre des poursuites, je note que les deux agents avaient également le droit de s’en remettre à l’article 34 du Code criminel, en ce sens qu’ils avaient le droit d’agir pour se protéger eux-mêmes et d’autres personnes contre les nombreuses attaques dirigées contre eux par le plaignant.

En acceptant que les actions de l’AI no 1 et de l’AI no 2 soient à l’abri de poursuites en vertu du paragraphe 25(1), je suis conscient de l’état du droit tel qu’énoncé par la Cour suprême du Canada dans R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. v. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

J’ai également tenu compte de la décision rendue par le juge Power de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Chartier v. Greaves, [2001] O.J. No. 634, qui, après avoir examiné les exigences à satisfaire pour que s’applique la disposition sur la défense ou la défense d’autrui prévue à l’art. 37 du Code criminel, soit :

37(1) Le fait d’empêcher une attaque - Toute personne est fondée à employer la force pour se défendre d’une attaque, ou pour en défendre toute personne placée sous sa protection, si elle n’a recours qu’à la force nécessaire pour prévenir l’attaque ou sa répétition.

(2) Mesure de la justification - Le présent article n’a pas pour effet de justifier le fait d’infliger volontairement un mal ou dommage qui est excessif, eu égard à la nature de l’attaque que la force employée avait pour but de prévenir.

a établi un certain nombre de principes juridiques tirés des précédents cités, notamment :

  1. Quel que soit l’article du Code criminel utilisé pour évaluer les actions de la police, la Cour doit mesurer la force qui était nécessaire en tenant compte des circonstances entourant l’événement en cause
  2. « Il faut tenir compte dans une certaine mesure du fait qu’un agent, dans les exigences du moment, peut mal mesurer le degré de force nécessaire pour restreindre un prisonnier. » Le même principe s’applique à l’emploi de la force pour procéder à une arrestation ou empêcher une évasion. À l’instar du conducteur d’un véhicule faisant face à une urgence soudaine, le policier « ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention. » (Foster c. Pawsey) En d’autres termes, c’est une chose que d’avoir le temps, dans un procès s’étalant sur plusieurs jours, de reconstituer et d’examiner les événements survenus le soir du 14 août, mais ç’en est une autre que d’être un policier se retrouvant au milieu d’une urgence avec le devoir d’agir et très peu d’un temps précieux pour disséquer minutieusement la signification des événements ou réfléchir calmement aux décisions à prendre. (Berntt c. Vancouver)
  3. Les agents de police exercent une fonction essentielle dans des circonstances parfois difficiles et souvent dangereuses. La police ne doit pas être indûment entravée dans l’exécution de cette obligation. Les policiers doivent fréquemment agir rapidement et réagir à des situations urgentes qui surviennent soudainement. Leurs actes doivent donc être considérés à la lumière des circonstances
  4. « Il est à la fois déraisonnable et irréaliste d’imposer à la police l’obligation d’employer le minimum de force nécessaire susceptible de permettre d’atteindre son objectif. Si une telle obligation était imposée aux policiers, il en résulterait un danger inutile pour eux-mêmes et autrui. En pareilles situations, les policiers sont fondés à agir et exonérés de toute responsabilité s’ils n’emploient pas plus que la force qui est nécessaire en agissant sur le fondement de leur évaluation raisonnable des circonstances dans lesquels ils se trouvent et des dangers auxquels ils font face. (Levesque c. Zanibbi et al.)

Du fait qu’il s’agissait selon toute vraisemblance d’une situation très dynamique qui évoluait vite, j’ai également examiné la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par les AI nos 1 et 2 et, en fait, par les 15 autres agents qui ont répondu à leur appel à l’aide n’était pas plus que ce qui était nécessaire non seulement pour maîtriser le sujet, mais aussi pour se protéger contre d’autres agressions commises par cet homme très violent et extrêmement puissant qui, semble-t-il, n’était pas sain d’esprit à ce moment-là, comme l’a confirmé son admission à l’hôpital en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Même si l’on peut dire après coup qu’il aurait peut-être été préférable que l’EMIC se rende sur les lieux pour s’occuper du plaignant, je ne vois rien dans l’information dont disposaient les AI nos 1 et 2 au moment où ils ont pris la décision d’aller à l’adresse et d’évaluer la situation, avant d’envoyer l’EMIC, qui aurait dû les alerter dans ce sens. Je ne m’attends pas non plus à ce que ces agents soient parfaits. La citation tirée de Foster c. Pawsey (supra) telle qu’elle est exposée dans Chartier c. Greaves semble extrêmement appropriée dans les circonstances, en ce sens que [traduction] « le policier ne saurait être tenu de respecter une norme de conduite dont on aura ultérieurement déterminé, dans la quiétude d’une salle d’audience, qu’elle constituait la meilleure méthode d’intervention ».

Compte tenu de ces faits, et sans hésitation, je conclus que la preuve ne me convainc pas qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 a eu recours à un usage excessif de la force dans sa conduite à l’endroit du plaignant, malgré la blessure qu’il a subie. Je conclus qu’il n’existe aucun motif raisonnable de porter des accusations criminelles, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 10 septembre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Ils l’ont fait parce que, même si initialement le plaignant ne résistait pas après leur arrivée, il avait commencé à se débattre et à se cogner la tête contre le sol et ils craignaient qu’il se blesse sérieusement. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.