Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-296

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra`.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 23 ans lors de son arrestation, le 7 octobre 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 12 octobre 2017, vers 10 h 25, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant lors de sa mise sous garde.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme âgé de 23 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Description de l’incident

Le 7 octobre 2017, vers 00 h 58 m, le plaignant et ses amis ont quitté le « Fluid Room », un bar local situé sur la rue James à St. Catharines. Ils sont allés un peu plus loin dans la rue et se sont retrouvés devant un autre bar appelé Level3. À ce moment-là, le plaignant et un ami de sexe masculin ont eu une altercation. À un moment donné pendant l’altercation, le plaignant est retenu par une deuxième amie, la témoin civile (TC) no 1, et c’est à ce moment‐là que lui et la TC no 1 ont attiré l’attention de la police.

L’agent impliqué (AI) était le premier agent de police arrivé sur les lieux, et il a arrêté le plaignant pour ivresse dans un lieu public. Le plaignant a ensuite été reconduit en voiture chez lui et a été libéré sans condition aux soins de son père.

Quelque temps plus tard, le plaignant a allégué que la police avait poussé son visage contre une autopatrouille et lui avait causé une blessure à l’œil droit. Le plaignant et sa mère se sont rendus à l’hôpital, où le plaignant a été examiné.

Nature des blessures et traitement

Le 8 octobre 2017, à 14 h 56, le plaignant s’est rendu à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une [traduction] « fracture orbitale comminutive du plafond de l’orbite oculaire droite avec configuration en trappe ».

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté près de l’intersection des rues St. Paul et James, dans la ville de St. Catharines. La chaussée était asphaltée avec un trottoir de chaque côté, et le secteur était exclusivement commercial. La scène de l’incident n’a pas été bouclée pour les fins de l’enquête de l’UES.

Preuve vidéo/audio/photographique

Aucun enregistrement vidéo ou audio ni éléments de preuve photographiques n’a été trouvé.

Preuve criminalistique

Aucun élément n’a été soumis pour analyse au Centre des sciences judiciaires.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRN, puis obtenu et examiné les éléments et documents suivants :

  • détails de l’arrestation
  • résumé détaillé de l’appel
  • rapport d’incident général
  • notes des agents témoins (AT) nos 1 et 2
  • procédure : Pouvoirs d’arrestation
  • procédure : Recours à la force
  • photos de la scène de l’incident
  • historique d’unité des AT nos 1 et 2 et de l’AI

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants provenant d’autres sources :

  • dossiers médicaux du plaignant liés à cet incident

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 31(4) de la Loi sur les permis d’alcool – Ivresse dans un lieu public

31 (4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission
  2. dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun

Analyse et décision du directeur

Le 7 octobre 2017, le plaignant et ses amis, la témoin civile (TC) no 1 et un autre jeune homme, se sont rendus à un bar appelé le « Fluid Room » sur la rue St. Paul, dans la ville de St. Catharines, après avoir déjà consommé de l’alcool à la résidence de la TC no 1. Une fois au bar, le plaignant a consommé une quantité considérable d’alcool et, d’après toutes les personnes qui l’ont observé, était en état d’ébriété, tout comme son ami de sexe masculin.

Aux dires du plaignant, il a ensuite eu une altercation avec le videur du « Fluid Room », le TC no 2, qui l’a frappé à la tête avec une main ouverte, ce qui a fait trébucher le plaignant, mais sans le faire tomber. Le plaignant est alors sorti du bar et a rejoint ses amis, lorsqu’il a vu une autopatrouille du SPRN arriver. Le plaignant s’est souvenu que trois agents de police étaient présents en tout

Le plaignant a décrit le premier agent de police étant arrivé sur les lieux comme étant un homme de race blanche, dans la trentaine, 5 pieds 6 pouces et chauve, de stature moyenne avec une moustache et portant un uniforme du SPRN. Le plaignant allègue que c’est ce policier qui l’a agressé et lui a causé sa blessure.

Malheureusement, cette description ne semble correspondre à aucun des agents présents, bien qu’il puisse s’agir d’un amalgame de descriptions de plusieurs agents[1], l’âge et l’uniforme correspondant à la description de l’agent impliqué (AI) et la calvitie correspondant à la description de l’AT no 1; toutefois, ces deux agents font beaucoup plus que 5 pieds 6 pouces, l’AI mesurant 6 pieds 2 pouces. Quant à l’AT no 2, c’est un homme de race noire, de sorte qu’il ne correspond manifestement pas à la description fournie. L’AI et l’AT no 1 sont tous deux de race blanche.

Selon les dires du plaignant, l’agent de police décrit plus haut a dégainé son arme à impulsions, mais ne l’a pas utilisée sur lui. L’agent a agrippé le plaignant de derrière, par le bras, et l’a projeté sur le sol, le bas de son corps atterrissant d’abord sur le sol, qui était en béton, suivi de son visage. Le plaignant a alors été relevé, menotté dans le dos et amené à un VUS de police, où il a été projeté face la première contre le capot du véhicule, se cognant le côté droit du visage sur le capot. Le plaignant a décrit l’agent qui a fait cela comme étant le policier chauve.

Le plaignant a ensuite été placé sur la banquette arrière de l’autopatrouille puis a été transporté à son domicile par l’agent au crâne dégarni.

Le lendemain, le plaignant s’est rendu à l’hôpital où il a été évalué comme ayant subi une légère fracture derrière l’œil droit.

Au cours de cette enquête, en plus du plaignant, deux témoins civils et trois témoins de la police, dont l’AI, ont été interrogés, et les deux témoins de la police ont fourni leurs notes de calepin de service pour examen. En dehors des déclarations des divers témoins, les enquêteurs n’ont pas trouvé d’autres éléments de preuve notables.

Il y avait autant de versions différentes des événements relatées par les témoins dans l’affaire que de témoins, le seul élément commun entre les versions des six témoins étant que le plaignant et son ami de sexe masculin étaient tous deux dans un état d’ébriété avancé.

Le TC no 2, le videur du bar « Fluid Room » a indiqué que le plaignant était non seulement en état d’ébriété mais aussi combattif, causant des dommages dans la rue et tentant de provoquer une bagarre avec le TC no 2. Le TC no 2 a observé que le plaignant, après être sorti du bar Fluid Room, est descendu un peu plus loin dans la rue jusqu’au bar Level 3, où il a commencé à se battre avec ses amis.

Lorsque l’AI est arrivé pour essayer d’arrêter le plaignant, le TC no 2 s’est senti obligé de prêter assistance.

Le TC no 2 a déclaré que le plaignant s’est dégagé de la prise de l’AI et a commencé à courir, et que c’est là que le TC no 2 a tendu ses bras pour empêcher le plaignant de fuir, plaçant ses bras autour de la poitrine du plaignant et le forçant à aller au sol. Selon le TC no 2, le plaignant est tombé sur le sol, d’abord sur les fesses, et le TC no 2 a ensuite retourné le plaignant sur le sol pour le mettre sur le ventre.

Le TC no 2 a alors vu l’AI remettre le plaignant debout et l’escorter jusqu’à une voiture de patrouille, pendant que le plaignant continuait de résister. Une fois dans l’autopatrouille, l’AI a alors mis le plaignant au sol une deuxième fois, à la suite de quoi il l’a de nouveau remis debout.

Le TC no 2 a déclaré que les actes des agents de police présents étaient calmes et professionnels, qu’il n’a vu aucun policier donner un coup de poing ou un coup de pied au plaignant, ni plaqué le corps du plaignant contre l’un des véhicules de police, et qu’il n’a rien observé qui sortait de l’ordinaire. Selon le TC no 2, il se pouvait que le plaignant ait subi sa blessure, qu’il a décrite comme une petite coupure au-dessus de l’œil, lorsqu’il s’est frotté sur le sol en s’éraflant.

La TC no 1 a déclaré que lorsqu’ils sont arrivés au bar, le plaignant s’est saoulé, mais elle s’est décrite elle-même, après avoir consommé deux boissons alcoolisées, comme étant sobre et étant la seule du groupe qui l’était. Elle a déclaré que, après qu’il fut sorti du bar, le plaignant a essayé d’y entrer de nouveau, mais qu’il en a été empêché par le videur. Lorsque la TC no 1 est sortie du bar pour voir le plaignant, elle a remarqué qu’il avait du sang sur le visage, et le plaignant lui a dit que c’était le videur qui l’avait frappé au visage du revers de la main.

La TC no 1 a fait une description du TC no 2, le videur, indiquant que c’était un homme de race blanche au crâne dégarni, qu’il portait un gilet de couleur foncée et qu’il pesait environ 200 livres.

Une fois que le groupe d’amis est descendu un peu plus loin dans la rue, la TC no 1 a vu le plaignant se battre avec son ami de sexe masculin et a observé un policier en uniforme non loin de là qui regardait ce qui se passait.

La TC no 1 a déclaré qu’en essayant d’arrêter la bataille entre le plaignant et son ami de sexe masculin, elle a mis son bras autour de son coup et l’a fait tomber au sol, le plaignant atterrissant sur elle. À ce moment-là, l’agent de police est sorti de son autopatrouille et a marché jusqu’à l’endroit où la TC no 1 et le plaignant étaient tombés par terre et a pointé son arme à impulsions dans leur direction, pendant qu’elle et le plaignant continuaient de lutter. La TC no 1 a alors été retirée de dessous le plaignant par ses amis, pendant qu’un agent de police s’occupait du plaignant.

La TC no 1 a déclaré qu’elle s’est alors retournée et a vu trois agents de police sur le plaignant, lui passant des menottes en plastique, alors qu’un policier tenait les jambes du plaignant et l’autre lui tenait les bras avec ses genoux sur son dos. Le plaignant a ensuite été remis debout puis escorté jusqu’à l’autopatrouille.

Lors de son entrevue, l’AI a indiqué qu’il a vu deux hommes en train de se bagarrer et de crier et qu’il a arrêté son autopatrouille et leur a dit de rentrer chez eux. Les deux hommes, le plaignant et son ami de sexe masculin, se sont relevés et se sont éloignés. L’AI a alors fait le tour du quadrilatère en voiture et est retourné au même endroit, et c’est là qu’il a vu la TC no 1 et le plaignant, qui étaient maintenant sur le sol, alors que la TC no 1 maintenait le plaignant dans une prise d’étranglement à revers pendant que lui était allongé au-dessus d’elle.

L’AI s’est approché du plaignant et de la TC no 1 en disant à la TC no 1 de lâcher le plaignant et au plaignant de se lever. Lorsque le plaignant s’est redressé, il a commencé à jurer et l’AI l’a mis en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public. L’AI a sorti ses menottes en plastique, mais lorsqu’il a essayé de les passer aux poignets du plaignant, ce dernier est devenu agité et s’est dégagé. L’AI a déclaré qu’en raison du comportement d’agitation du plaignant, il a sorti son arme à impulsions et l’a gardée sur son côté, car il craignait une confrontation physique. L’AI a ensuite ordonné au plaignant une deuxième fois de mettre ses mains dans le dos et, lorsque le plaignant a obtempéré, il a rengainé son arme à impulsions.

Tandis que l’AI s’apprêtait à passer les menottes au plaignant, le TC no 2 a soudainement saisi le plaignant par le cou et lui a fait une prise d’étranglement en le faisant tourner, et les deux hommes sont tombés sur le sol, par en arrière, sur le trottoir, atterrissant sur leur côté gauche.

L’AI a vu que la TC no 1 était arrivée à ce moment-là, et il a dit au TC no 2 de relâcher le plaignant et de reculer. L’AI a alors menotté le plaignant.

Alors que l’AI tentait de fouiller le plaignant par palpation avant de lui faire prendre place à l’intérieur de l’autopatrouille, le plaignant a commencé à faire des mouvements de va‐et‐vient de façon agressive, s’est servi de sa poitrine pour se repousser de l’autopatrouille et a commencé à gesticuler vivement.

Craignant que le plaignant ne devienne trop violent dans ses mouvements, et que lui‐même et l’AT no 1 risquaient de recevoir un coup de tête du plaignant, l’AI a saisi le col du plaignant d’une main et sa ceinture de l’autre et l’a fait pivoter hors de l’autopatrouille en l’amenant au sol. L’AI a déclaré qu’il a gardé ses mains sur le plaignant pendant toute la manÅ“uvre de mise au sol et qu’il a mis le plaignant au sol d’une façon contrôlée et du mieux qu’il le pouvait. Le plaignant, cependant, alors qu’il commençait sa descente vers le sol, a continué de gesticuler et sa poitrine a touché le sol en premier, suivie de sa tête, laquelle a heurté la chaussée dans ce que l’AI a décrit comme un impact notable.

Une fois que le plaignant fut au sol, l’AI a placé son genoux sur les omoplates du plaignant et a terminé sa fouille, à la suite de quoi il a aidé le plaignant à se remettre debout et l’a placé sur la banquette arrière de l’autopatrouille de la TC no 1. C’est seulement à ce moment‐là que l’AT no 2 est arrivé.

Lorsque le plaignant a été redressé, l’AI a constaté qu’il avait une abrasion au-dessus de l’œil gauche, laquelle consistait en une petite coupure et un peu de sang sur son front. L’AT no 1 a alors conduit le plaignant à son domicile.

L’AT no 1 a déclaré que lorsqu’il est arrivé, il a vu l’AI tenter de maîtriser le plaignant, qui était au sol, en le tenant par un bras, tandis que TC no 2 lui tenait l’autre bras. L’AT no 1 a alors aide l’AI et le TC no 2 à faire rouler le plaignant pour le mettre sur le ventre, et c’est alors que le plaignant a serré ses poings et a commencé à donner des coups de pied. L’AT no 1 a ensuite aidé le plaignant à se mettre debout. Bien qu’il fût menotté dans le dos, le plaignant a continué d’opposer une résistance aux agents.

Le plaignant a ensuite été escorté jusqu’à la voiture de patrouille de l’AT no 1 et, lorsque l’’AT no 1 a tenté d’ouvrir la portière à l’arrière de l’autopatrouille, le plaignant a commencé à opposer de la résistance, et l’’AT no 1 et l’AI ont fait pivoter le plaignant vers l’extérieur de l’autopatrouille et l’ont placé sur la chaussée afin de le maîtriser. Le plaignant a ensuite été de nouveau soulevé pour être remis debout, puis placé à l’intérieur de l’autopatrouille.

L’AT no 1 a alors remarqué que le plaignant avait une coupure qui saignait au-dessus de l’œil gauche.

L’AT no 1 a transporté le plaignant à son domicile à bord de son autopatrouille.

À partir de ces versions extrêmement confuses et variées des événements, j’ai pu extirper ce que j’estime être les faits, lesquels correspondent à la version fournie par au moins deux des témoins :

  • Le plaignant était dans un état d’ébriété avancé et n’avait pas un souvenir fiable des incidents de la nuit en question.
  • L’AI était l’agent qui a dégainé son arme à impulsions.
  • L’AT no 1 est l’agent au crâne dégarni, et il a conduit le plaignant à son domicile.
  • Le plaignant a pu subir sa blessure de l’une des façons suivantes :
    • lorsque le TC no 2 l’a frappé au visage, du revers de la main, à la suite de quoi la TC no 1 a indiqué qu’elle avait déjà remarqué que le visage du plaignant saignait;
    • lorsque le plaignant était en train de se bagarrer sur le sol avec son ami de sexe masculin;
    • lorsque la TC no 1 a fait une prise d’étranglement au plaignant et l’a mis au sol;
    • lorsque le TC no 2 a saisi le plaignant, soit au moyen d’une prise d’étranglement (comme l’AI dit en avoir été témoin), soit en ayant placé ses bras autour de la poitrine du plaignant (comme l’a lui‐même indiqué le TC no 2), et l’a mis au sol;
    • lorsque le plaignant était à l’autopatrouille et gesticulait avant d’être mis au sol, soit par l’AI seul (comme l’ont indiqué l’AI et le TC no 2), soit par l’AI avec l’aide de l’AT no 1 (tel qu’indiqué par l’AT no 1).

Je rejette la preuve du plaignant selon laquelle les agents lui ont cogné la tête sur le capot de l’autopatrouille, car l’arrestation du plaignant et son placement à l’intérieur de l’autopatrouille ont été observés tant par le TC no 2 que par la TC no 1 et que ni l’un ni l’autre n’ont été témoins d’un tel geste de la part des policiers.

Après avoir soigneusement évalué l’ensemble de la preuve, bien qu’il y ait eu de nombreuses confrontations physiques auxquelles le plaignant a été mêlé et lors desquelles il aurait pu subir sa blessure, je conclus qu’il est fort probable que le plaignant ait été blessé lorsqu’il a commencé à gesticuler plus vivement à côté de l’autopatrouille, ce qui a poussé l’AI, et peut-être aussi l’AT no 1, à le mettre au sol. Bien que l’AI et l’AT no 1 aient tous deux fait tout leur possible pour contrôler l’arrivée du plaignant au sol, c’est probablement à sa propre gesticulation violente, qui a fini par lui faire se cogner la tête sur la chaussée, qu’est imputable la blessure qu’il a subie, laquelle a été décrite par l’AI comme un « impact notable ».

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel du Canada, un agent de police, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, est fondé à employer la force nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Par conséquent, pour que les agents de police ayant procédé à l’arrestation du plaignant soient à l’abri des poursuites en vertu de l’article 25, il faut établir qu’ils exécutaient une obligation légale, qu’ils agissaient en s’appuyant sur des motifs raisonnables et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire.

Je n’ai aucune hésitation à conclure, d’après la preuve qui m’a été présentée et ce dont en ont convenu toutes les parties[2], que le plaignant était dans un état d’ébriété avancé la nuit en question et qu’il causait beaucoup de troubles, tant en se battant avec diverses parties qu’en jurant. Par conséquent, je conclus que l’arrestation du plaignant était légalement justifiée dans les circonstances et que tant l’AI que l’AT no 1 agissaient de façon raisonnable et dans l’exécution de leurs fonctions légitimes durant leurs interactions avec le plaignant. En conséquence, dès lors qu’ils n’ont pas recouru à une force injustifiée, ils seraient, dans leurs actions, à l’abri des poursuites en application du paragraphe 25 (1) du Code criminel.

En ce qui a trait à la force employée pour procéder à l’arrestation du plaignant, je conclus que les seuls gestes que ces deux agents ont posés en tentant d’arrêter et de maîtriser le plaignant étaient lorsqu’ils l’ont mis au sol, d’une façon contrôlée, après qu’il eut commencé à gesticuler de façon violente, ce qui a fait craindre à l’AI que lui-même ou l’AT no 1 risquait de recevoir un coup de tête du plaignant.

J’accepte que ces deux agents ont tenté d’amener le plaignant au sol dans un mouvement aussi contrôlé que possible pour qu’il ne soit pas blessé, mais que leurs intentions ont été contrecarrées par le plaignant lui-même, qu’il a continué de gesticuler violemment et a fini par se cogner la tête sur la chaussée avec une force considérable. Cette preuve, fournie par l’AI et par l’AT no 1, est cohérente et est confirmée par le témoignage du TC no 2 et, dans une moindre mesure, de la TC no 1. Comme je l’ai indiqué plus tôt, je n’accepte pas la version selon laquelle l’un ou l’autre des agents, ou les deux, auraient cogné la tête du plaignant contre l’autopatrouille, étant donné que leurs interactions avec le plaignant à côté de l’autopatrouille ont été entièrement observées, tant par le TC no 2 que par la TC no 1, qui étaient apparemment tous les deux assez sobres, et que ni l’un ni l’autre de ces deux témoins n’a observé un tel geste de la part des policiers.

Sur ce fondement, bien que le plaignant ait pu se blesser lorsqu’il a été mis au sol par l’AI et l’AT no 1, j’estime que s’il n’avait pas opposé une telle résistance et n’avait pas gesticulé de façon agressive, le plaignant n’aurait pas été blessé, et que les conséquences pour lui étaient davantage imputables à ses propres actions qu’à celles des agents de police qui essayaient de le maîtriser.

Pour en arriver à ma conclusion que les agents de police n’ont pas recouru à une force excessive, j’ai tenu compte de la directive fournie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell(1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (B.C.C.A.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

De plus, j’ai pris en considération la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

Pour terminer, je conclus, à la lumière de la preuve fiable qui m’a été présentée, qu’il n’y a aucune preuve qu’un agent de police ait recouru à une force excessive pour appréhender et arrêter le plaignant et que la force employée était raisonnable et proportionnée, compte tenu de la résistance agressive que le plaignant a opposée à son arrestation. Par conséquent, je conclus que ces faits ne me donnent pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise ici, et aucune accusation ne sera portée.

Date : 12 septembre 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Et peut-être aussi du TC no 2, qui a prêté assistance aux agents pour l’arrestation. Le TC no 2 avait le crâne dégarni. [Retour au texte]
  • 2) [2] Y compris le plaignant lui-même, qui a indiqué que, sur une échelle de 1 à 10, 10 étant l’état d’intoxication complète, il pensait qu’il était à 9 ou 10. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.