Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PVI-095

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 43 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

À 11 h 45 le 22 mars 2023, la Police provinciale de l’Ontario a signalé que le plaignant avait une blessure grave après une interaction avec des agents appartenant à son corps policier.

Selon la Police provinciale, ses agents ont, à 0 h 47 le 22 mars 2023, aperçu le plaignant à Caledon en train de brûler plusieurs feux rouges. À ce stade, ils n’ont pas entamé de poursuite. Le plaignant s’est ensuite dirigé vers la région de Halton, où des agents du Service de police régional de Halton ont tenté de faire immobiliser le véhicule en déployant un tapis clouté, mais sans succès. À 1 h 28, des agents du Service de police régional de Halton ont continué de poursuivre le plaignant dans le comté de Wellington et ils ont interrompu la poursuite à 1 h 35. À 1 h 36, un agent de la Police provinciale du comté de Wellington a pris la relève dans la poursuite. À 1 h 46, un deuxième agent de la Police provinciale du même comté s’est joint au premier pour tenter une interception en tandem, qui a échoué. À 1 h 48, au carrefour en T, le plaignant a perdu la maîtrise de son véhicule et a foncé dans le fossé du côté nord de County Road 18 [2], à l’intersection avec Fourth Line, dans le canton de Centre Wellington. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital communautaire de Groves Memorial, à Fergus, avant d’être transféré à l’Hôpital général de Hamilton. À 11 h, le plaignant a reçu un diagnostic de fracture de la cheville.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 22 mars 2023, à 0 h 55

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 22 mars 2023 , à 14 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 43 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 mars 2023.


Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 21 avril 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus sur Wellington 27, pendant que le véhicule se dirigeait vers le nord, et il est demeuré sur la même route, qui a changé de nom pour Fifth Line, puis Fourth Line, jusqu’à son arrivée à Wellington Road 18.

À 14 h 55 le 22 mars 2023, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé et a procédé à une inspection des lieux de la collision, à l’intersection entre Wellington Road 18 et Fourth Line, à Centre Wellington.

Fourth Line est sur un axe nord-sud et se termine par un carrefour en T, à l’intersection avec Wellington Road 18. Il y avait un panneau d’arrêt obligatoire pour les véhicules en direction nord qui arrivaient à la jonction pour prendre Wellington Road 18 vers l’est ou vers l’ouest.

Le véhicule du plaignant se trouvait dans le fossé du côté nord de Wellington Road 18, du côté opposé à Fourth Line. Il avait traversé un fossé et l’avant du véhicule était enfoncé dans le rebord du fossé, au-dessus duquel se trouvait un sentier. Le poteau portant le panneau indiquant que la route se terminait en cul-de-sac avait été arraché par le véhicule et il était appuyé sur l’avant de ce dernier. La base du poteau arraché était toujours en place et se trouvait derrière le véhicule. Des traces de pneu allaient du bord de la chaussée à l’endroit où le véhicule s’était immobilisé.

Le véhicule avait subi des dommages importants à l’avant.

Les lieux ont été photographiés et mesurés et un schéma des lieux a aussi été établi.

À 16 h 30, la voiture de la Police provinciale attribuée à l’AT no 2 a été examinée au détachement de Centre Wellington. Celle-ci avait de légers dommages au coin avant du côté passager. Ces dommages n’étaient pas récents et de la rouille commençait à apparaître.

Toutes les autres voitures de police en cause ont été examinées, et aucune n’avait subi de dommages.

L’image qui suit a été prise par un drone de la Police provinciale. On voit le carrefour en T à l’intersection entre Wellington Road 18 et Fourth Line, avec une vue orientée (essentiellement) vers le nord, de haut en bas de l’image. On ne voit pas les voitures de police qui se trouvaient sur place.


Figure 1 ̶  Image captée par drone de la Police provinciale de l’Ontario au carrefour en T à l’intersection entre Wellington Road 18 et Fourth Line

Figure 1 ̶ Image captée par drone de la Police provinciale de l’Ontario au carrefour en T à l’intersection entre Wellington Road 18 et Fourth Line

L’image suivante présente une vue vers l’est le long de Wellington Road 18 ainsi que la position et l’angle du véhicule immobilisé du plaignant. À signaler le poteau de bois cassé à l’entrée du fossé du côté de la route et le panneau avec le reste du poteau reposant sur le capot du véhicule.


Figure 2 – Vue vers l’est sur Wellington Road 18 du véhicule du plaignant dans le fossé

Figure 2 – Vue vers l’est sur Wellington Road 18 du véhicule du plaignant dans le fossé


Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuves médicolégaux


Données du GPS des voitures de la Police provinciale

Une analyse des données, en comparaison avec l’enregistrement de la caméra interne de voiture de police, les enregistrements des communications par radio de la police, les mesures prises et les images de Google Map, a été effectuée par le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES, et voici ce qui en est ressorti.

Vers 0 h 46, l’AI no 2 roulait normalement en direction sud dans la ville d’Erin lorsqu’il a été doublé du côté gauche par le véhicule du plaignant, qui roulait vite. L’AI no 2 a alors accéléré pour suivre le plaignant vers le sud et a fait plusieurs tentatives pour le doubler, mais le plaignant lui a bloqué le passage chaque fois. Tout cela a duré quatre minutes, jusqu’à ce que le sergent du centre de communication mette un terme à la poursuite. Durant l’interaction, l’AI no 2 a roulé à une vitesse moyenne de 90 km/h.

À 1 h 36, pendant que l’AI no 1 roulait vers le sud en traversant Rockwood, il a aperçu le plaignant. Il a alors fait demi-tour pour suivre le plaignant, en direction nord. Ils ont traversé Rockwood, sur la rue Main, jusqu’au point où le nom change pour Wellington Road 27. Ils ont traversé l’intersection avec Wellington Road 124 dotée de feux de circulation, là où Wellington Road 27 devient Fifth Line. L’AI no 1 a suivi le plaignant. La vitesse des deux véhicules dépassait la limite, mais pas de façon excessive. L’AI no 1 n’avait pas activé ses feux d’urgence.

Lorsque l’AI no 1 et le plaignant ont traversé cette intersection, l’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 1 arrivaient dans le secteur de Rockwood à partir de l’est. Ils roulaient tous très vite et tentaient de rattraper l’AI no 1.

L’AI no 1 a suivi le plaignant vers le nord en roulant à environ 90 km/h. Ses feux d’urgence n’étaient pas activés.

L’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 1 ont continué dans cet ordre vers le nord sur Wellington Road 27, pour rattraper les autres véhicules. Ils avaient tous leurs feux d’urgence activés. Vers 1 h 42, pendant qu’ils roulaient vers le nord sur Fifth Line, l’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 1 ont dépassé un véhicule qui s’était rangé sur le côté et s’était arrêté à leur approche.

À 1 h 44 min 47 s, il y a eu à la radio de la police un message disant : [Traduction] « Je vois un autre véhicule sur la route. Il faut arrêter. » Au moment du message, l’AI no 1 se trouvait au nord de Wellington Road 22. Deux véhicules face au nord étaient arrêtés à Fifth Line, au sud de Wellington Road 22, lorsque l’AI no 2 et l’AT no 2 se sont approchés. L’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 1, ont dépassé les véhicules immobilisés. Ces véhicules n’ont pas été mentionnés par les agents.

L’AI no 2 a rattrapé l’AI no 1 près de la limite de la ville Eramosa Garafraxa. L’AI no 1 a alors activé ses feux d’urgence clignotants. L’AT no 2 et l’AT no 1 ont, dans cet ordre, rattrapé les AI nos 1 et 2.

À 1 h 48 min 4 s, le plaignant s’est engagé dans l’intersection entre Wellington Road 8 et Fourth Line. Il a poursuivi son chemin en direction nord tout droit et a traversé l’intersection.

À 1 h 48 min 6 s, le plaignant a foncé dans le fossé du côté nord de l’intersection et a percuté le poteau d’un panneau de signalisation. Lorsque le plaignant s’est engagé dans l’intersection, l’AI no 1 roulait derrière lui à 83 km/h. L’AI no 2 aussi, à 96 km/h, l’AT no 2 également, entre 85 et 122 km/h et l’AT no 1, à 114 km/h.

Dans les 15 dernières secondes, sur les quelques centaines de derniers mètres avant la collision, les agents avaient tous réduit leur vitesse, à partir d’environ 130 km/h. Les données sur la vitesse à laquelle roulaient les agents en approchant du lieu de la collision concordent avec la vitesse calculée pour le véhicule du plaignant (soit 138 km/h), lorsqu’il a freiné à peu près 9 secondes avant la collision. Les agents sont arrivés sur les lieux de la collision dans l’ordre suivant : AI no 1, puis AI no 2, AT no 2 et AT no 1, tous à quelques secondes d’intervalle les uns par rapport aux autres.

L’AI no 1 avait poursuivi le plaignant sur environ 19 kilomètres, pendant 12 minutes approximativement, pour une vitesse moyenne d’environ 95 km/h. Sur les cinq derniers kilomètres (environ 3 minutes), il avait ses feux d’urgence activés, et sa vitesse moyenne était d’à peu près 100 km/h.

L’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT no 2, suivis de l’AT no 1, ont poursuivi le plaignant avec leurs feux d’urgence activés pendant au moins 2 kilomètres et demi avant la collision. Les feux d’urgence clignotants des nombreuses voitures de police ne pouvaient passer inaperçus auprès du plaignant pendant qu’il allait en direction nord sur Fourth Line avant la collision.

Témoignage d’expert


Rapport de collision technique de l’UES

Le spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES a examiné les éléments et documents remis par la Police provinciale en relation avec la collision.

D’après le rapport sur la reconstitution de la collision établi par l’AT no 4 [3] de la Police provinciale ainsi que les enregistrements vidéo, les photographies et les rapports figurant au dossier de l’UES, il a été déterminé que la collision de véhicule mettant en cause une seule voiture s’est produite le 22 mars 2023, vers 1 h 48, après le carrefour en T au bout de Fourth Line (axe nord-sud), qui débouche sur Wellington Road 18 (axe est-ouest). Cette intersection était dotée d’un panneau d’arrêt obligatoire pour les véhicules en direction nord sur Fourth Line.

Avant la collision, le plaignant roulait à vive allure vers le nord sur Fourth Line. Il n’a pas fait l’arrêt obligatoire, il a traversé tout droit à l’intersection et il s’est retrouvé dans le fossé du côté nord de Wellington Road 18.

Conformément au rapport du système d’extraction de données sur les collisions, qui a enregistré des données antérieures à la collision relatives au déploiement des coussins gonflables du véhicule du plaignant, ce dernier n’avait pas sa ceinture de sécurité bouclée. Il a appuyé sur le frein au moins 5 secondes avant la collision et l’a maintenu enfoncé jusqu’à la collision. Il n’a pas appuyé sur l’accélérateur par la suite et il n’y avait pratiquement pas de données sur des mouvements du volant. La vitesse du véhicule est passée de 102 km/h, 5 secondes avant la collision, à 56 km/h, au moment où le véhicule a percuté le rebord du fossé.

Comme le montre la caméra interne de la voiture de police de l’AI no 1, le plaignant a appuyé sur le frein environ 9 secondes avant l’accident. D’après le même facteur de décélération que ce qu’indique le système d’extraction de données sur les collisions, on a conclu que le plaignant roulait à environ 138 km/h lorsqu’il freiné à l’approche de l’intersection. L’état de la route, les conditions météorologiques et l’éclairage ne sont pour rien dans la collision et il n’y avait pas non plus d’autre véhicule en cause.

Les éléments de preuve matériels concordent avec la conclusion que la collision résulte du fait que le plaignant roulait à 138 km/h à l’approche de l’intersection, ce qui est beaucoup plus élevé que ce qui lui aurait permis de faire son arrêt obligatoire ou de faire son virage en toute sécurité à l’intersection.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [4]


Enregistrements de caméra interne de la Police provinciale

Vers 0 46 min 56 s le 22 mars 2023, l’AI no 2 roulait en direction sud sur la rue Main, à Erin, lorsque le plaignant l’a dépassé à toute vitesse. L’AI no 2 a alors accéléré et a rattrapé le plaignant, qui a commencé à freiner. L’AI no 2 a activé ses feux d’urgence et le plaignant s’est alors enfui. L’AI no 2 a ensuite tenté de doubler le plaignant, mais ce dernier a changé de voie pour lui bloquer le passage, puis il a accéléré. Autour de 0 h 47 min 44 s, le plaignant a encore freiné et s’est déplacé pour empêcher l’AI no 2 de le dépasser. Le plaignant a accéléré pour s’enfuir de l’AI no 2, en allant vers le sud.

Vers 0 h 48 min 24 s, l’AI no 2, qui était à une certaine distance derrière le plaignant, a dit à la radio qu’il roulait à 146 km/h. Autour de 0 h 48 min 57 s, il a activé sa sirène, pendant qu’il était toujours à une distance de quatre à cinq voitures du plaignant. Vers 0 h 49 min 11 s, l’AI no 2 a indiqué que sa vitesse était de 100 km/h, pendant qu’il poursuivait le plaignant en direction sud sur Ninth Line. Vers 0 h 50 min 7 s, l’AI no 2 a tenté de se placer à côté du véhicule du plaignant, qui lui a encore bloqué le passage. La caméra a capté une image montrant des dommages à l’aile gauche arrière du véhicule du plaignant.

Vers 0 h 49 min 29 s, le centre de communication a demandé à l’AI no 2 pourquoi il était engagé dans une poursuite. Celui-ci a répondu que le plaignant était arrivé par-derrière et avait tenté de le pousser en dehors de la route. La vitesse était alors d’environ 86 km/h et le plaignant roulait dans la mauvaise voie. Il a freiné, mais a omis de s’immobiliser à un arrêt obligatoire. L’AI no 2 s’est pour sa part immobilisé presque complètement au panneau avant de continuer et de rattraper le plaignant, qui avait ralenti. Le plaignant a accéléré encore une fois et, à 0 h 50, il a tendu le bras hors de la fenêtre du conducteur. L’AI no 2 a alors tenté de l’amener à s’arrêter ou de le dépasser, mais celui-ci s’est enfui, encore une fois dans la mauvaise voie. Il a continué à rouler entre 86 et 90 km/h, en se dirigeant vers la région de Halton.

Autour de 0 h 51 min 4 s, le sergent du centre de communication a ordonné de cesser la poursuite lorsque l’AI no 2 était en direction de Halton, une zone peuplée. L’AI no 2 a rangé sa voiture de police sur le bord de la route et a indiqué son kilométrage. Il a ajouté que le plaignant avait immobilisé son véhicule, un peu plus loin sur la route. Les feux arrières du véhicule du plaignant étaient visibles lorsqu’il s’est immobilisé, puis il s’est mis à reculer en direction de l’AI no 2, puis s’est arrêté. L’AI no 2 en a conclu que le plaignant souhaitait qu’il continue à le poursuivre, mais il ne l’a pas fait. Vers 0 h 52 min 41 s, le plaignant est reparti.

À 1 h 29 le 22 mars 2023, la caméra interne du véhicule de l’AI no 1 a montré qu’il écoutait les communications par radio du Service de police régional de Halton. Des agents disaient qu’ils étaient derrière le plaignant sur la route 7 et entraient dans le territoire relevant de la Police provinciale. Vers 1 h 32, le superviseur des communications de la Police provinciale a ordonné aux agents du Service de police régional de Halton d’arrêter et de laisser la Police provinciale continuer la poursuite. Il leur a par la suite dit de suivre le trajet du plaignant lentement, pour s’assurer qu’il ne se produisait pas d’accidents.

L’AI no 1 s’est rendu à la route 7 et s’est dirigé vers le lieu de la poursuite. Il était sur la rue Main, à Rockwood, lorsque les communications ont indiqué que le plaignant se trouvait aussi sur cette route. Le plaignant a croisé l’AI no 1, venant de la direction opposée. L’AI no 1 a fait demi-tour, à 1 h 36 min 22 s, et a indiqué qu’il suivait le plaignant et traversait Rockwood, en direction nord sur la rue Main. Ils roulaient à 60 km/h, puis à 65 km/h. Le véhicule du plaignant roulait avec une roue directement sur la jante. L’AI no 1 suivait à distance pendant que d’autres agents arrivaient dans le secteur. Un agent du Service de police régional de Halton a dit à la radio qu’ils suivaient une voiture de la Police provinciale.

Vers 1 h 38 min 44 s, l’AI no 1 a tenté de doubler le plaignant, qui s’est immédiatement placé dans la voie en sens inverse pour bloquer le passage à l’AI no 1. Le plaignant a alors accéléré jusqu’à 110 km/h, augmentant ainsi sa distance par rapport à l’AI no 1. Vers County Road 124, le plaignant a appuyé sur le frein un bref instant et a brûlé le feu rouge de l’intersection. L’AI no 1 a annoncé qu’il roulait à 95 km/h et qu’il était à approximativement 200 mètres derrière le plaignant, qui avait ralenti à 100 km/h.

Autour de 1 h 41 min 42 s, le sergent des communications a autorisé l’interception du véhicule parce que le plaignant venait de brûler un feu rouge. En autorisant la poursuite, il a précisé qu’il n’y avait pas de circulation et que la poursuite ne présentait pas de risques pour le public. Les agents ont reçu l’ordre de maintenir les communications et de réévaluer la situation advenant le cas où il semblerait y avoir des risques pour le public. L’AI no 1 a accepté et il a indiqué qu’il roulait à 95 km/h.

Vers 1 h 42 min 27 s, l’AI no 2 a dit qu’il se trouvait derrière l’AI no 1. Ce dernier a réduit la distance le séparant du plaignant à environ cinq voitures. Le plaignant s’est maintenu à 80 km/h, mais il a chevauché la ligne médiane un bon moment.

Autour de 1 h 44 min 19 s, le plaignant a ralenti et s’est approché d’un panneau d’arrêt obligatoire avec un feu rouge surélevé à Wellington Road 22. Il a traversé cette intersection à 50 km/h et a poursuivi son chemin en direction nord, du mauvais côté de la chaussée.

Vers 1 h 44 min 53 s, le superviseur des communications a dit à la radio que si un véhicule civil arrivait sur la route, la poursuite devait cesser.

À environ 1 h 45 min 36 s, l’AI no 1 a activé ses feux d’urgence. Au bout de 13 secondes, l’AI no 2 a proposé de tenter une interception en tandem. L’AI no 1 a accéléré et, à 1 h 46 min 24 s, il a tenté de dépasser le plaignant, qui a immédiatement changé de voie pour lui bloquer le passage. L’AI no 1 a maintenu une distance d’une à deux voitures derrière le plaignant, qui passait constamment d’une voie à l’autre pour empêcher d’être dépassé. Le plaignant a accéléré, mais il a appuyé sur le frein en s’engageant dans une courbe allant vers la droite.

Autour de 1 h 46 min 54 s, on pouvait voir les feux d’urgence de la voiture de police de l’AT no 1, qui s’approchait du véhicule poursuivi.

Vers 1 h 47 min 10 s, en sortant de la courbe, l’AI no 1 a tenté de dépasser le plaignant. Encore une fois, ce dernier a changé de voie pour l’en empêcher et il a continué à chevaucher la ligne médiane en zigzaguant entre les deux voies.

À environ 1 h 47 min 37 s, l’AI no 2 a dit qu’ils approchaient de Wellington Road 18, à 130 km/h. L’AI no 1 est resté à une distance de deux à trois voitures derrière le plaignant. Les feux d’arrêt du plaignant se sont allumés lorsqu’il a approché du carrefour en T. Vers 1 h 48 min 6 s, le plaignant a traversé l’intersection, il a percuté un panneau de signalisation et il a traversé un fossé.

Vers 1 h 48 min 11 s, l’AI no 1 a traversé l’intersection et s’est arrêté sur l’accotement. L’AI no 2 s’est pour sa part arrêté à droite de la voiture de police de l’AI no 1. Une minifourgonnette de police s’est immobilisée à la ligne d’arrêt de Fourth Line, et l’AT no 1 s’est placé sur le siège du conducteur de la voiture de police de l’AI no 1.

Autour de 1 h 48 min 16 s, l’AI no 1 est sorti de sa voiture de police, a sorti son arme à feu et a commencé à s’approcher de la portière du côté conducteur du véhicule du plaignant. Il a répété à plusieurs reprises au plaignant de montrer ses mains. Après 2 secondes, l’AI no 2 est apparu, son arme à feu dégainée, et il s’est approché de la porte avant, du côté passager, du véhicule du plaignant. Lorsque les AI nos 1 et 2 sont arrivés, chacun à proximité de la portière vers où ils se dirigeaient, l’AT no 1 est arrivé et s’est rendu à la portière du conducteur. Il a ouvert cette portière pendant que l’AI no 2 ouvrait celle du côté passager.

Vers 1 h 48 min 28 s, l’AT no 2 est parvenu au véhicule du plaignant, du côté conducteur. À son arrivée, l’AI no 2 est entré dans le véhicule par la porte avant, du côté passager. L’AT no 1 se trouvait à la portière du conducteur, qui était ouverte, et il a commencé à tirer le plaignant dehors. L’AI no 1 se trouvait à la droite de l’AT no 1, juste derrière la portière ouverte. L’AT no 1 a tiré sur le bras du plaignant pendant que l’AI no 1 se tenait au-dessus du plaignant.

Autour de 1 h 48 min 40 s, le plaignant était sorti de la voiture et étendu au sol. L’AT no 1 l’avait lâché. Le plaignant n’était plus visible à la caméra. L’AI no 1 était sur un genou, penché au-dessus du plaignant, et l’AT no 2 était sur les jambes du plaignant. Une seconde plus tard, l’AI no 2 est sorti du véhicule du plaignant par le côté passager, il a fait le tour du véhicule en passant par l’arrière et il s’est agenouillé près de la tête du plaignant.

Vers 1 h 48 min 47 s, l’AI no 1 s’est levé et l’AI no 2 a donné plusieurs coups vers le bas avec sa main gauche en direction de l’endroit où se trouvait vraisemblablement le haut du corps du plaignant. L’AT no 2 a donné deux coups de genou, pendant que l’AI no 1 est réintervenu pour aider à menotter le plaignant. La caméra n’a pas montré où les coups de genou ont été donnés.

Autour de 1 h 49 min 3 s, l’AT no 2 s’est déplacé, a tendu la jambe gauche et a donné deux autres coups de genou. L’endroit où les coups ont été reçus était hors du champ de la caméra. L’AT no 1 se contentait d’observer l’arrestation. L’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT no 2 ont continué de lutter pour maîtriser le plaignant.

Vers 1 h 49 min 30 s, l’agente no 1 est arrivée et s’est rendue au véhicule du plaignant, du côté conducteur. Le plaignant était alors déjà menotté et tous les intervenants s’écartaient.

Un message par radio a indiqué que le plaignant disait avoir une jambe cassée. Il a été mis debout et a marché jusqu’en haut du fossé.

Enregistrements des communications et rapport du système de répartition assisté par ordinateur

L’enregistrement des communications a commencé par un message de l’AI no 2 disant au superviseur des communications qu’un véhicule était arrivé soudainement et semblait vouloir faire la course avec lui. Le conducteur [maintenant identifié comme le plaignant] semblait vouloir inciter l’AI no 2 à le poursuivre. Le plaignant conduisait de manière déconcertante et représentait un danger pour le public. Le sergent du centre de communication a autorisé une poursuite.

Vers 1 h 27 min 24 s, le centre de communication a indiqué que le Service de police régional de Halton était à la poursuite du plaignant et avait tenté de l’intercepter avec un tapis clouté, qui avait fait dégonfler le pneu avant du plaignant, du côté conducteur. Le plaignant ne s’est pourtant pas arrêté et il est sorti du territoire de ce service de police pour traverser la limite du canton d’Eramosa. L’agent no 1 a indiqué qu’il y avait quelques agents dans le secteur qui pouvaient prêter assistance. À 1 h 32 min 5 s, des agents du Service de police régional de Halton ont reçu l’ordre de cesser la poursuite et de suivre le plaignant à distance.

L’AI no 1 a dit qu’il se trouvait derrière le plaignant, en direction nord sur Fourth Line. Il a demandé aux véhicules du Service de police régional de Halton de le suivre jusqu’à l’arrivée d’autres agents de la Police provinciale. Ils traversaient alors Rockwood, en passant par la rue Main. Il n’y avait aucun autre véhicule sur la route.

À environ 1 h 34 min 44 s, un message a annoncé que le plaignant approchait de l’intersection entre la rue Dumbar et la route 7, à 100 km/h, dans une zone où la limite était de 80 km/h, et qu’il roulait du mauvais côté de la route. Il n’y avait toujours aucun autre véhicule sur la route.

Autour de 1 h 39 min 39 s, le plaignant roulait à 100 km/h dans une zone où la limite était à 80 km/h. Il était en direction nord sur Fourth Line, au nord de Rockwood, il avait une roue qui roulait sur la jante et il ralentissait.

À environ 1 h 41 min 42 s, le superviseur des communications a indiqué qu’il fallait continuer la poursuite parce que la conduite du plaignant représentait un risque pour la sécurité du public. Il a ordonné de le prévenir si d’autres véhicules arrivaient et qu’il fallait interrompre la poursuite.

Autour de 1 h 43 min 54 s, un message disait que le plaignant avait omis de s’immobiliser à un panneau d’arrêt obligatoire sur Wellington County Road 22, et avait traversé à 50 km/h.

Vers 1 h 46 min 10 s, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont tenté de procéder à une arrestation en tandem, mais sans succès, et l’AT no 1 était alors derrière l’AI no 2.

À environ 1 h 47 min 52 s, le plaignant roulait à 130 km/h. Il n’y avait aucun autre véhicule sur la route.

Vers 1 h 48 min 16, le plaignant a traversé un carrefour en T et a foncé dans un fossé du côté nord à l’intersection entre Fourth Line et Wellington County Road 18. Des messages qui ont suivi ont indiqué que le plaignant n’avait pas sa ceinture de sécurité bouclée, qu’il avait des ecchymoses et une enflure au haut de la poitrine et au visage. Lorsque l’AT no 1 a sorti le plaignant de son véhicule, il s’est plaint d’une jambe cassée.

Vers 1 h 50 min 19 s, une ambulance a été appelée et le plaignant a été transporté à l’Hôpital communautaire de Groves Memorial, avec l’AI no 2 qui l’escortait. L’AI no 1 et l’AT no 1 ont suivi l’ambulance.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 24 mars 2023 et le 7 juillet 2023 :
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les enregistrements de communications;
  • les enregistrements de caméra interne de véhicule;
  • les photographies des lieux;
  • les données du GPS des voitures de police en cause;
  • le rapport de reconstitution de l’accident;
  • les rapports de collision;
  • le rapport du système d’extraction de données sur les collisions du véhicule du plaignant;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 4;
  • la liste des agents en cause.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu le document suivant d’une autre source le 28 mars 2023 :
  • les dossiers médicaux du plaignant.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. Les deux agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir leurs notes relatives à l’incident, comme la loi les y autorise.

En tout début de matinée le 22 mars 2023, l’AI no 2 roulait dans sa voiture de police en direction sud sur la rue Erin, lorsqu’un véhicule Chrysler 300 l’a dépassé à grande vitesse. L’agent a accéléré pour rattraper le véhicule Chrysler, qui lui a délibérément bloqué le passage quand il a tenté de le doubler. Le véhicule Chrysler a poursuivi son chemin vers le sud, en roulant par moments sur la voie en direction nord. Environ 5 minutes après avoir été dépassé par la Chrysler, l’AI no 2 a reçu, de la part du centre de communication de la police, l’ordre d’interrompre la poursuite, ce qu’il a fait.

Le plaignant conduisait le véhicule Chrysler. L’AT no 1 a dit l’avoir vu fumer ce qui lui a semblé être un gros joint de marijuana pendant qu’il conduisait et on a d’ailleurs par la suite observé dans le véhicule des signes laissant croire que de la marijuana y avait été consommée. Le plaignant a continué à rouler à toute allure pour ensuite se retrouver en direction ouest à partir de Ninth Line, jusqu’à ce qu’il soit rattrapé de nouveau par des voitures du Service de police régional de Halton. Les voitures de ce service de police ont suivi le plaignant sur la route 7, où ils ont eux aussi reçu l’ordre de cesser la poursuite puisqu’ils entraient dans le territoire de la Police provinciale.

L’AI no 1 se trouvait sur la rue Main, à Rockwood, et roulait en direction sud lorsqu’il a entendu l’ordre donné aux voitures du Service de police régional de Halton d’arrêter la poursuite. L’agent a aperçu le plaignant roulant vers le nord, qui l’a doublé. Il a alors fait demi-tour et s’est mis à suivre le véhicule Chrysler, qui venait de passer sur un tapis clouté déployé par le Service de police régional de Halton, qui avait troué un de ses pneus.

L’AI no 1 a continué à poursuivre le plaignant et l’a vu brûler un feu rouge à l’intersection de Wellington Road 124. Les deux véhicules ont traversé l’intersection et ont été rejoints par une deuxième voiture de la Police provinciale. L’AI no 2, ainsi que les voitures de police conduites par l’AT no 2 et l’AT no 1, avaient tourné à droite, juste derrière l’AI no 1, à partir de Wellington Road 124.

L’AI no 1, qui était en tête, a, avec l’AI no 2 réduit la distance les séparant du véhicule Chrysler. Quand ils ont vu le plaignant omettre de s’arrêter à un panneau d’arrêt obligatoire sur Wellington Road 22, l’AI no 2 a proposé de tenter une interception en tandem du véhicule Chrysler. Toutefois, les voitures de police ont été incapables de manœuvrer de manière à se mettre en position d’exécuter la tactique puisque le plaignant a bloqué le passage à l’AI no 1 chaque fois qu’il a tenté de le doubler.

Le plaignant a continué de rouler très vite, soit à plus de 130 km/h, en approchant du carrefour en T à l’intersection avec Wellington Road 18. Il a dépassé le panneau d’arrêt obligatoire pour les véhicules en direction nord et traversé l’intersection, après quoi il a foncé dans le fossé, du côté nord de Wellington Road 18.

L’AI no 1, l’AI no 2, l’AT no 2 et l’AT no 1 sont arrivés sur le lieu de la collision, ils sont sortis de leur voiture et ils se sont approchés du véhicule Chrysler. L’AT no 1 a ouvert la portière du conducteur et a sorti le plaignant pour l’amener au sol. Les agents entourant le plaignant ont fait usage de la force avant de lui passer les menottes, c’est à-dire que l’AT no 2 a donné quatre coups de genou sur la partie supérieure du corps du plaignant, du côté droit, tandis que l’AI no 2 a donné au plaignant six ou sept coups de poing, aussi à la partie supérieure de son corps.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où des fractures ont été diagnostiquées à la paroi orbitaire gauche, au péroné distal droit et à la partie postérieure de la cheville.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 ((2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


 

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé vers le moment de son arrestation par des agents de la Police provinciale de l’Ontario le 22 mars 2023. Les agents de la Police provinciale avaient poursuivi le plaignant en automobile avant la collision. Dans l’enquête de l’UES qui a été réalisée à la suite de l’incident, l’Ai no 1 et l’AI no 2 ont été identifiés comme agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ont commis une infraction criminelle ayant un lien avec les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

L’arrestation du plaignant était justifiée lorsque l’AI no 2 et l’AT no 2 ont employé la force contre lui. Il avait conduit de manière dangereuse en roulant à une vitesse très supérieure à la limite, en n’obéissant pas à la signalisation routière et aux feux de circulation et en roulant à contresens, et les agents avaient donc le droit de le mettre sous garde.

Pour ce qui est de la force employée par les agents, soit une série de coups de genou et de coups de points, il m’est impossible de conclure avec certitude qu’ils n’étaient pas justifiés. Le poids des éléments de preuve indique que le plaignant a physiquement résisté aux agents, qui tentaient de le maîtriser et de retenir ses bras pour le menotter, et qu’il a refusé de se laisser prendre le bras droit, qu’il avait sous le torse pendant qu’il était couché sur le ventre au sol. Dans les circonstances, les agents avaient le droit de recourir à une certaine force pour maîtriser le plaignant et arriver à leurs fins. Bien que le nombre de coups assenés par chaque agent puisse mériter une analyse plus approfondie, j’ai la conviction que la force en question était dans les limites de ce qui pouvait être considéré comme raisonnable sur le moment. Pour arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit qu’en droit, un agent qui se trouve mêlé à une situation stressante n’est pas tenu de mesurer avec exactitude le degré de force nécessaire et qu’on lui demande seulement d’intervenir de manière raisonnable et non pas parfaite, conformément aux arrêts R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S 206 et R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.). Rien n’indique d’ailleurs qu’une fois le plaignant menotté, la force ait continué à être exercée sur lui.

Outre la force employée par les agents à la fin de l’interaction avec le plaignant, la possibilité d’une infraction de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles, interdite par le paragraphe 320.13(2) du Code criminel, mérite aussi d’être examinée. Puisque l’infraction relèverait de la négligence criminelle, un simple manque de diligence n’est pas suffisant pour donner lieu à une responsabilité en vertu de cette disposition. Le fait qu’il y ait ou non une infraction dépend, en partie, de l’existence d’une conduite représentant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut déterminer dans ce dossier, c’est si la manière dont les AI nos 1 et 2 ont conduit leur véhicule représente de leur part un manquement ayant pu causé la collision ou y contribuer grave au point de mériter une sanction criminelle. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Je dois dès le départ signaler que l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient des motifs de poursuivre le plaignant. Ce dernier représentait un danger sur la route et il était impératif de l’empêcher de continuer pour assurer la sécurité du public. C’était d’ailleurs la perspective du superviseur qui surveillait la poursuite à partir du centre de communication et qui a donné le vert pour l’intervention des agents, au moment où ils roulaient vers le nord en direction du lieu de la collision.

J’ai aussi la conviction que les agents ont fait preuve de diligence pour assurer la sécurité du public durant la poursuite. La chaussée de Wellington Road 27, devenue Fifth Line, puis Fourth Line sur le parcours ayant mené au lieu de la collision, était sèche et en bon état. Même si les agents ont dépassé la limite de vitesse, ils n’ont mis en danger aucun automobiliste étranger à la poursuite puisqu’il n’y en avait pas ou à peu près pas. La tentative d’interception en tandem comportait un certain risque, car elle nécessitait une voiture de police devant le véhicule Chrysler et une autre derrière, à très courte distance, pour forcer le plaignant à ralentir et à arrêter de façon sécuritaire. Dans les circonstances, par contre, j’estime que les risques pour la sécurité du public n’étaient pas excessifs. Il y avait peu de véhicules sur la route et il était très risqué de permettre que la poursuite continue. Enfin, il importe de signaler que, même si les voitures de police étaient proches du véhicule Chrysler, elles n’ont jamais été proches au point de provoquer une sortie de route de ce véhicule.

En définitive, j’ai la conviction que les agents impliqués n’ont pas employé une force excessive et qu’ils n’ont pas eu une conduite dangereuse durant leur interaction avec le plaignant et il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 20 novembre 2023

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Wellington Road 18 et County Road sont deux noms qui désignent la même route. [Retour au texte]
  • 3) Demandé à la Police provinciale le 3 avril 2023 et reçu par l’UES le 9 mai 2023. [Retour au texte]
  • 4) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.