Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-213

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 23 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [fn]1[fn]

Le 4 juin 2023, à 21 h 17, le Service de police de London (SPL) a contacté l’UES avec les renseignements suivants.

Le 4 juin 2023, vers 4 heures du matin, le plaignant était dans le terrain de stationnement d’un immeuble du secteur de la rue Horton Est et de la rue Ridout, et endommageait des biens avec un pied-de-biche. Il avait eu une altercation avec un autre homme avant de commencer à faire des dégâts. Cet homme avait allégué que le plaignant avait agressé sexuellement son enfant. À 4 h 23, le SPL est arrivé au stationnement. Un agent a ordonné au plaignant d’arrêter ce qu’il faisait; il n’a pas obtempéré. L’agent a déployé une arme à impulsions en mode sonde. Le plaignant est tombé et s’est cogné la tête contre le sol. Il n’y avait pas de sang sur le sol et le plaignant ne semblait pas avoir de blessures graves. Les services médicaux d’urgence (SMU) sont venus sur place pour examiner le plaignant. On l’a transporté à l’hôpital Victoria pour une évaluation plus approfondie. Initialement, quand que le plaignant était sous la garde du SPL à l’hôpital, on ne lui avait diagnostiqué aucune blessure grave. Cependant, toujours à l’hôpital Victoria, le plaignant a par la suite eu des étourdissements, sans toutefois s’évanouir., . Des tests supplémentaires ont montré qu’il avait une hémorragie cérébrale et il a été admis à l’unité de soins intensifs.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 juin 2023 à 9 h 36

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 juin 2023 à 10 h 28

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 23 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 juin 2023.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 5 juin 2023.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes et sa déclaration ont été reçues.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 9 juin 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits à l’extérieur d’une résidence du secteur des rues Horton Est et Ridout, à London.

Les enquêteurs de l’UES se sont rendus sur les lieux le 5 juin 2023. La scène n’a pas été examinée par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES, car on ne s’attendait pas à y trouver des indices matériels.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]2[fn]

Appels au 9-1-1

Le SPL a fourni à l’UES deux enregistrements audio du 9-1-1 concernant l’appel impliquant le plaignant le 4 juin 2023.

À 4 h 04, la TC no 2 appelle le SPL pour demander de l’aide. La TC no 2 dit à l’opératrice qu’elle a reçu un message de son enfant lui disant que le plaignant la touchait. La TC no 2 ajoute qu’elle se rend sur les lieux.

La TC no 2 rappelle le 9-1-1 à 4 h 19. Elle dit que son enfant est avec elle dans son véhicule et que le plaignant est en train de frapper violemment son véhicule. L’opératrice lui demande si elle a besoin d’une ambulance pour son enfant. Le TC no 2 répond [traduction] : « Non, mais [son enfant] a besoin d’un policier et ça presse. » Elle ajoute que le plaignant a une arme, un pied-de-biche, et qu’il est en train de briser le côté passager et les phares du véhicule. La TC no 2 demande à l’opératrice de se dépêcher. On lui répond que trois voitures de police sont en route.
 

Transmissions radio du SPL

Le 8 juin 2023, le SPL a fourni à l’UES les enregistrements des communications liées à l’arrestation du plaignant le 4 juin 2023.

Vers 4 h 22, l’AI dit qu’il est sur les lieux et qu’il y a un homme qui brandit un pied-de-biche.

Vers 4 h 23, l’AI dit qu’il a déployé son arme à impulsions. L’AI demande ensuite une ambulance.

Éléments de preuves médicolégaux

Données sur le déploiement de l’arme à impulsions

D’après les données téléchargées à partir de l’arme à impulsions assignée à l’AI, cette arme a été déployée à 4 h 23 min 16 s, [fn]3[fn] le 4 juin 2023, pour une décharge d’environ cinq secondes.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPL a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 6 et le 19 juin 2023 :
  • Dossier de formation de l’AI;
  • Données sur le déploiement de l’arme à impulsions;
  • Résumé détaillé de l’appel;
  • Rapport général d’incident;
  • Photos de l’arme à impulsions;
  • Notes des ATs;
  • Notes et déclaration écrite de l’AI;
  • Enregistrements des communications.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources le 28 juin 2023 :
  • Dossier médical du plaignant - Hôpital Victoria du London Health Sciences Centre.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec le plaignant et avec des témoins civils de l’incident en question. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme il en avait le droit. Il a fait une déclaration écrite et autorisé la communication de ses notes.

Le 4 juin 2023, au petit matin, des agents de police ont été dépêchés à une résidence du secteur des rues Horton Est et Ridout pour un incident de troubles familiaux. Une femme – la TC no 2 – avait contacté la police pour signaler que le plaignant venait d’agresser son enfant et était en train d’endommager son véhicule.

L’AI est arrivé en premier sur les lieux. Il a confronté le plaignant, qui tenait un pied-de-biche, et lui a ordonné de lâcher son arme et de se mettre à terre. Le plaignant s’est approché de l’arrière de la camionnette de la TC no 2, qui était garée devant l’immeuble, et a frappé violement l’arrière du véhicule avec le pied-de-biche. La TC no 2 et son enfant étaient dans la camionnette à ce moment-là. L’agent a de nouveau ordonné au plaignant de laisser tomber le pied-de-biche et, cette fois, il l’a jeté au loin. Peu après, le TC no 1, le père de l’enfant, est sorti de l’immeuble et a confronté le plaignant. Les deux hommes se sont affrontés corps à corps et le plaignant a frappé le TC no 1 à la tête. L’AI, qui avait dégainé son arme à impulsions entre-temps, l’a déployée sur le plaignant. Il était alors 4 h 23.

Les sondes de l’arme à impulsions ont touché le plaignant dans le dos. Il s’est raidi et est tombé, en se cognant la tête. L’AI, maintenant rejoint par l’AT no 4, a menotté le plaignant dans le dos.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital en ambulance où il a reçu un diagnostic et des soins pour une hémorragie cérébrale.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation à London le 4 juin 2023. L’UES a ouvert une enquête et identifié l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle, ou une menace d’agression, et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’usage possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’usage ou à la menace d’usage de la force.

L’AI exerçait légalement ses fonctions lorsqu’il s’est rendu sur les lieux et a confronté le plaignant. On lui avait dit que plaignant venait d’agresser sexuellement un enfant et qu’il était en train d’endommager un véhicule, ce que l’AI avait personnellement constaté en voyant le plaignant frapper la camionnette avec un pied-de-biche. Dans les circonstances, l’AI devait faire ce qui était raisonnablement possible pour mettre le plaignant sous garde.

Je suis également convaincu que l’AI a eu recours à son arme à impulsions pour dissuader le plaignant de commettre une agression raisonnablement appréhendée contre le TC no 1. Comme le plaignant venait juste de frapper le TC no 1, l’agent avait le droit d’agir pour l’empêcher de poursuivre son attaque.

En ce qui concerne la force utilisée par l’AI, soit un seul déploiement de son arme à impulsions, la preuve établit qu’elle était raisonnable dans les circonstances. Le plaignant était visiblement en colère et violent. Il avait utilisé un pied-de-biche pour frapper un véhicule à plusieurs reprises et se livrait maintenant à une confrontation physique avec le TC no 1. L’AI aurait pu choisir d’intervenir physiquement en s’insérant dans la mêlée, mais cela aurait nécessité de s’interposer entre deux combattants. Il me semble plutôt que l’agent a fait un choix raisonnable en décidant de neutraliser l’agresseur à distance avec son arme à impulsions. La décharge a eu l’effet escompté : le plaignant a été immédiatement neutralisé et les hostilités ont pris fin.

En conséquence, même s’il est regrettable que le plaignant ait subi une blessure grave par suite du déploiement de l’arme à impulsions, il n’existe aucun motif raisonnable de conclure que l’AI se soit comporté autrement que dans les limites du droit criminel tout au long de l’incident. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 29 septembre 2023


Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Cette heure est celle de l’horloge interne de l’arme à impulsions, qui n’est pas nécessairement synchronisée avec l’heure réelle. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.