Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-200

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’a subie un homme de 31 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 27 mai 2023 à 9 h 23, le service de police régional de Halton (SPRH) a informé l’UES de ce qui suit :

Le 26 mai 2023, à 18 h 24, un agent du SPRH a arrêté le plaignant pour conduite avec facultés affaiblies à l’intersection d’Appleby Line et de Side Road 2, à Burlington. Il avait été impliqué dans une collision avec un autre véhicule à moteur. L’agent n’a pas eu recours à la force et le plaignant a été arrêté. Le plaignant a été transporté au centre de détention du SPRH, où il est arrivé à 19 h. À 19 h 08, le plaignant a été placé dans une cellule. Ensuite, il s’est entretenu avec un avocat, a subi un test d’alcoolémie et a de nouveau été placé en cellule à 20 h 43. À 21 h 03, assis sur un banc et sur le point d’être libéré, le plaignant a eu des convulsions qui ont duré deux minutes. Les services paramédicaux ont été appelés et les intervenants sont arrivés à 21 h 40. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 mai 2023 à 9 h 52

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 mai 2023 à 11 h 32

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
 

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 31 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 27 mai 2023.


Témoins civils

TC n° 1 A participé à une entrevue
TC n° 2 A participé à une entrevue
TC n° 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 29 mai et le 22 juin 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.


Agent témoin

AT n° 1 A participé à une entrevue
AT n° 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 1er juin 2023.
 

Témoins employés du service

TES n° 1 A participé à une entrevue
TES n° 2 A participé à une entrevue

Les témoins employés du service ont participé à une entrevue le1er juin 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Le lieu initial de la collision se trouvait sur l’accotement de la voie en direction sud d’Appleby Line, à Burlington, à environ un kilomètre et demi au nord de Side Road 2.

Le lieu ultérieur est la division 20 du SPRH, située au 93 Oak Walk Drive, à Oakville.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements des communications de la police

Le 29 mai 2023, l’UES a reçu une copie des communications de la police en lien avec l’incident faisant l’objet de l’enquête.

Le 26 mai 2023, à 17 h 52, un homme [maintenant connu comme étant le TC n° 2] a appelé le service 9-1-1 pour signaler qu’une collision à un seul véhicule était survenue près du 5140 d’Appleby Line, à Burlington. Il a indiqué qu’un autre homme [maintenant connu comme étant le TC n° 1] avait aussi essayé d’appeler le service 9-1-1, mais qu’il n’avait pas de réseau cellulaire. Le TC n° 2 a indiqué que la Dodge Journey était endommagée et que le conducteur [maintenant connu comme étant le plaignant] avait un problème. Le TC n° 2 a supposé que le plaignant avait consommé de la drogue ou de l’alcool. Le TC n° 1 a dit au TC n° 2 que le plaignant était désorienté. Le TC n° 2 a indiqué qu’il fallait faire appel aux services paramédicaux.

Les communications radio ont eu lieu le 26 mai 2023, de 17 h 56 à 21 h 14. L’AI a été dépêché sur les lieux de la collision. Une transmission radio a indiqué qu’il s’agissait d’une collision à un seul véhicule et que le conducteur avait potentiellement les facultés affaiblies. À son arrivée, l’AI a signalé que le plaignant était conscient, mais très désorienté.

À 18 h 24, l’AI a indiqué que le plaignant avait été arrêté. L’AT n° 1 a précisé qu’elle avait mis le plaignant sous garde et que l’AI devait jouer le rôle d’expert en reconnaissance de drogues (ERD).

Plus tard, un message radio d’un répartiteur a indiqué que les services paramédicaux voulaient savoir si le plaignant avait eu plus d’une convulsion. L’AT n° 1 a parlé de la collision précédente dans laquelle le plaignant avait été impliqué et a indiqué qu’elle soupçonnait maintenant que la collision s’était produite à cause d’une convulsion.

Vidéo captée par le système de caméra installé dans le véhicule de police

Le 30 mai 2023, l’UES a reçu trois vidéos captées par le système de caméra installé dans le véhicule de police en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête.

À 18 h 19 min 04 s, un véhicule de police [on sait maintenant qu’il est conduit par l’AT n° 1] se gare devant une Dodge Journey sur le bord de la route [on sait maintenant qu’il s’agit de la voie en direction sud d’Appleby Line à Burlington, au nord de la Side Road 2]. Les clignotants de la Dodge Journey sont allumés et la porte du côté conducteur est ouverte. Un camion de pompiers est garé derrière la Dodge Journey. Le côté avant droit de la Dodge Journey est légèrement endommagé. L’AT n° 1 passe derrière la Dodge Journey et parle à une personne qu’on ne peut pas voir [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AI].
À 18 h 20 min 15 s, l’AT n° 1 s’approche du conducteur [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant], qui est resté assis sur le siège du conducteur de la Dodge Journey.

À 18 h 22 min 34 s, le plaignant sort de son véhicule. On le plaque contre le véhicule et le menotte, les mains derrière le dos. L’AT n° 1 et l’AI accompagnent le plaignant, qui marche d’un pas stable, vers le véhicule de police de l’AT n° 1. Il est placé sur le siège arrière du véhicule de police. Le plaignant informe l’AT n° 1 qu’il n’a pas les facultés affaiblies et se montre très bavard. L’AT n° 1 doit lui demander de se taire pour qu’elle puisse lui lire ses droits. Le plaignant demande à l’AT n° 1 si son oncle est toujours sur les lieux de la collision [3].

Le plaignant ne cesse de se parler alors qu’il se trouve seul dans le véhicule de police. Il ne présente aucun signe de détresse médicale aiguë apparente pendant qu’il est assis à l’arrière du véhicule de police. Il ne reste pas en place.

À 18 h 30 min 50 s, les intervenants des services paramédicaux arrivent et se garent derrière le véhicule de l’AT n° 1.

À 18 h 32 min 5 s, deux ambulanciers paramédicaux s’approchent de l’AT n° 1.

À 18 h 32 min 19 s, les deux ambulanciers s’éloignent de l’AT n° 1. Un troisième ambulancier entre brièvement dans le champ de vision de la caméra, mais ne s’adresse pas à l’AT n° 1.

À 18 h 42 min 22 s, l’AT n° 1 quitte les lieux à bord de son véhicule de police pour transporter le plaignant au poste de police [on sait maintenant qu’il s’agit de la division 20 du SPRH, située au 93 Oak Walk Drive]. Le plaignant ne cesse de parler à l’AT n° 1 pendant le trajet vers le poste de police. Il indique qu’il avait fumé du cannabis le matin même et bu une seule bière vers midi. Lorsque l’AT n° 1 lui demande sur quelle route il avait été impliqué dans la collision, il répond qu’il ne le sait pas. Il indique que les dommages causés à l’avant de son véhicule proviennent d’un incident survenu antérieurement au cours duquel il a reculé contre un poteau sur un chantier de construction.

Vidéo de la mise en détention et de la cellule

Le 29 mai 2023, l’UES a reçu du SPRH la vidéo de mise en détention et de la cellule.

Le 26 mai 2023, à 18 h 57 min 10 s, un véhicule de police [on sait maintenant qu’il est conduit par l’AT n° 1] arrive dans l’entrée sécurisée de la division 20 du SPRH qui se trouve au 93 d’Oak Walk Drive, à Oakville. Un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] est sous garde sur le siège arrière du véhicule de police. Le plaignant est menotté derrière le dos.

Le plaignant entre dans le poste de police en marchant normalement par lui-même et s’assoit sur le banc situé en face du bureau de mise en détention. Il indique qu’il comprend qu’il est en état d’arrestation pour conduite avec facultés affaiblies et qu’il comprend son droit à la représentation par un avocat. Il indique également qu’il « passera le test haut la main ».

Un agent spécial [on sait maintenant qu’il s’agit du TES n° 1] pose au plaignant une série de questions tirées du formulaire du dossier de garde du prisonnier. Le plaignant indique qu’il n’a pris aucun médicament. Il fait état de nombreuses blessures antérieures, notamment des blessures à la tête, la plus récente remontant à une semaine et demie. Il ne fait état d’aucune blessure actuelle ni de douleurs. Le plaignant répond aux questions de manière appropriée et semble au fait de ce qui se passe autour de lui.

À 21 h 02 min 48 s, le plaignant est amené au banc du bureau de mise en détention où il attend d’être libéré.

À 21 h 03 min 25 s, le plaignant regarde par-dessus son épaule gauche en direction du mur et émet un grognement prolongé. Pendant qu’il est assis, il tombe vers la droite en direction du sol. L’AT n° 1 et le TES n° 1 le rattrapent et le place sur le sol. Le plaignant a des convulsions généralisées pendant environ une minute. L’AT n° 1 lui soutient la tête et demande une ambulance. Les convulsions s’arrêtent et le plaignant ronfle pendant environ une minute.

À 21 h 08 min 47 s, l’AT n° 2 arrive au bureau de mise en détention. Le TES n° 2 dit à l’AT n° 2 : [Traduction] « Il a dit qu’il avait beaucoup de blessures à la tête, mais il n’a jamais dit qu’il était blessé ou quoi que ce soit d’autre », ce à quoi l’AT n° 1 répond : [Traduction] « Il a dit que c’était il y a une semaine. Je pense qu’il s’agit d’un traumatisme cérébral, je pense qu’il a probablement - il a une lésion cérébrale qui date d’un certain temps. »

À 21 h 14 min 27 s, le plaignant se réveille et l’AT n° 1 lui dit qu’il a eu une convulsion. Le plaignant a de la difficulté à parler. On lui demande de lever les bras au-dessus de sa tête. Il ne semble pas comprendre. Il parle de moins en moins bien et ses paroles deviennent absurdes.

À 21 h 17 min 53 s, l’AI arrive au bureau de mise en détention. L’AT n° 1 et l’AI parlent de la confusion du plaignant sur les lieux de la collision. L’AI indique que le plaignant pense que l’une des personnes ayant appelé le service 9-1-1 est son oncle.

À 21 h 21 min 05 s, le plaignant reprend ses esprits et indique qu’il a une bosse à l’arrière de la tête. Il est incapable de suivre des commandes verbales.

À 21 h 22 min 56 s, l’AT n° 1 lui répète qu’il a eu des convulsions. Le plaignant ne semble pas se souvenir qu’on le lui a déjà dit quelques instants auparavant. L’AT n° 1 lui dit qu’il est tombé du banc, mais le plaignant ne la croit pas.

À 21 h 25 min 37 s, l’AI informe l’AT n° 2 des anciennes blessures du plaignant et dit : [Traduction] « Il n’a pas mentionné d’autres blessures. » L’AI ajoute : [Traduction] « Il était un peu dans cet état sur les lieux, mais il n’a pas eu de convulsions… pour les besoins de l’ERD, les signes vitaux n’étaient pas affaiblis et l’évaluation physique était normale. »

À 21 h 31 min 01 s, le plaignant dit : [Traduction] « Je ne me souviens pas d’avoir eu des convulsions, je vous ai dit que j’avais mal à la tête. Et j’ai mal à cause du traumatisme crânien d’il y a une semaine. »

À 21 h 37 min 08 s, le TES n° 1 dit au plaignant qu’il a eu des convulsions et, une fois de plus, ce dernier ne semble pas se souvenir qu’on lui a déjà communiqué ces renseignements.

À 9 h 45 min 13 s, les intervenants des services paramédicaux arrivent sur les lieux. Le plaignant dit au TES n° 2 que son mal de tête a commencé il y a environ deux heures. Quelques secondes plus tard, le plaignant indique aux ambulanciers paramédicaux qu’il a eu mal à la tête toute la journée. Il quitte le poste de police à bord d’une ambulance.
 

Vidéo de l’expert en reconnaissance de drogue (ERD)

Le 21 juin 2023, l’UES a reçu du SPRH une vidéo de la mise sous garde et d’un entretien avec l’ERD.

Le 26 mai 2023, à 19 h 33 min 34 s, un homme [le plaignant] entre dans la salle d’interrogation de l’ERD en compagnie de deux policiers [l’AI et l’AT n° 1]. Le plaignant pense avoir été arrêté entre 16 h 30 et 17 h. À 19 h 41 min 31 s, il pense que l’entretien avec l’ERD a eu lieu entre 18 h 45 et 19 h. À 19 h 42 min 25 s, l’AI demande au plaignant s’il est malade, ce à quoi il répond : [Traduction] « Non ». L’AI lui demande alors s’il est blessé. Le plaignant montre une cicatrice au-dessus de son œil gauche, qu’il dit porter depuis une semaine et demie. L’AI demande s’il a besoin de soins paramédicaux pour cette blessure, ce à quoi le plaignant répond « non », avant de poursuivre en expliquant qu’il souffre occasionnellement de maux de tête et de migraines. L’AI lui demande s’il est épileptique et il répond [Traduction] « non ». Le plaignant mentionne des blessures antérieures, notamment un traumatisme crânien. On demande au plaignant s’il a subi une commotion cérébrale au moment où il s’est blessé la tête il y a une semaine et demie et il répond : [Traduction] « Probablement, mais je ne suis pas allé chez le médecin ». Le plaignant se plaint d’une migraine qu’il a eue toute la journée. Il situe la douleur avec sa main sur le côté gauche de sa tête et dit qu’il a une bosse. L’AI examine les pupilles du plaignant, son pouls, sa tension artérielle, sa température orale et son équilibre. Un échantillon d’haleine est prélevé.

À 20 h 42 min 53 s, le plaignant quitte la pièce en compagnie de l’AT n° 1 pour être remis en cellule.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments suivants que lui a remis, à sa demande, le SPRH entre le 29 mai et le 21 juin 2023 :

  • Enregistrement de la répartition assistée par ordinateur
  • Évaluation de l’influence des drogues du SPRH
  • Feuille d’évaluation de l’influence des drogues du SPRH
  • Rapport de toxicologie du SPRH
  • Politique du SPRH - Conduite avec facultés affaiblies
  • Politique du SPRH - Collisions automobiles
  • Politique - Programme de vidéosurveillance policière
  • Politique - Prise en charge et contrôle des prisonniers
  • Liste des agents et des civils impliqués
  • Notes du TES n° 1
  • Notes de l’AT n° 2
  • Notes du TES n° 2
  • Notes de l’AI
  • Notes de l’AT n° 1
  • Rapport d’incident
  • Dossier de mise sous garde et rapport d’incident médical
  • Rapport de collision
  • Séquences vidéo captées par le système vidéo installé dans le véhicule de police
  • Copie de la vidéo de l’ERD
  • Enregistrements des communications

Éléments obtenus auprès d’autres sources

  • Les dossiers médicaux du plaignant ont été obtenus de l’Hôpital Trafalgar Memorial d’Oakville.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des preuves recueillies par l’UES, qui comprenaient une entrevue avec le plaignant et des séquences vidéo captées pendant presque tout le temps qu’il était sous la garde de la police, et est résumé ci-dessous. Comme il en avait le droit, l’AI a refusé de s’entretenir avec l’UES. Il a cependant consenti à la divulgation de ses notes de service.

Dans la soirée du 26 mai 2023, le plaignant a été impliqué dans une collision. Alors qu’il se dirigeait vers le sud au volant de sa Dodge Journey sur Appleby Line, il a, semble-t-il, perdu le contrôle de son véhicule et heurté la rampe de sécurité. Des passants, qui ont trouvé le plaignant dans son véhicule immobilisé sur l’accotement de la voie en direction sud, ont communiqué avec les services d’urgence.

L’AI était le premier à arriver sur les lieux. Des intervenants du service d’incendie et des ambulanciers paramédicaux se sont également rendus sur place. L’agent s’est entretenu avec le plaignant et lui a demandé de présenter son permis de conduire. Le plaignant semblait confus et l’AI en est venu à penser qu’il était sous l’influence de drogues - ses yeux étaient brillants, il parlait rapidement et ne semblait pas se rendre compte qu’il avait été impliqué dans une collision.

L’AT n° 1 est arrivée sur le lieu de la collision après l’AI. Elle a finalement arrêté le plaignant pour « conduite avec facultés affaiblies » et l’a fait monter à l’arrière de son véhicule pour le transporter au poste de police. Avant de quitter les lieux, l’AT n° 1 a informé les ambulanciers paramédicaux que le plaignant n’avait pas besoin d’être examiné par un médecin.

L’AT n° 1 et le plaignant sont arrivés à la division 20 du SPRH, située au 93 d’Oak Walk Drive, à Oakville, vers 19 h. Vers 19 h 30, le plaignant a été examiné par l’AI - un expert en reconnaissance de drogues. L’examen, qui s’est terminé vers 20 h 40, a permis de conclure que le plaignant n’avait pas en fait les facultés affaiblies. Le plaignant a été mis dans une cellule.

Vers 21 h, le plaignant a été ramené au bureau de mise en détention pour être libéré. Il faisait face à des accusations de conduite imprudente en vertu du Code de la route. Très peu de temps après, alors qu’il était assis sur un banc, le plaignant a commencé à grogner et s’est affaissé. L’AT n° 1 et un autre agent qui se trouvait à proximité ont saisi le plaignant pendant qu’il tombait et l’ont placé sur le sol où il a eu des convulsions pendant environ une minute.

Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés et sont arrivés au poste vers 21 h 45. À ce moment-là, le plaignant était réveillé et réceptif, mais il était confus.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où il a reçu un diagnostic de convulsion généralisée. Il est resté à l’hôpital jusqu’au 30 mai 2023. La cause de la convulsion n’a pas été déterminée.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :     

          a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; 
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. 

Analyse et décision du directeur

Le 26 mai 2023, le plaignant a subi une blessure grave alors qu’il était sous la garde du SPRH. Au cours de l’enquête menée par l’UES sur l’incident, l’un des agents responsables de la garde du plaignant - l’AI - a été identifié comme étant l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des preuves, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec la blessure du plaignant.

Les infractions à examiner sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention avec les articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. Les deux articles exigent davantage qu’un simple manque de diligence pour donner lieu à une responsabilité. Le premier article est fondé, en partie, sur un comportement qui constitue un écart marqué par rapport au niveau de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Le second est réservé aux cas plus graves de négligence qui démontrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. La responsabilité n’est établie que si la négligence constitue un écart marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. Dans le cas présent, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence de la part de la police, suffisamment grave pour entraîner une sanction pénale, qui a mis en danger la vie du plaignant ou causé sa convulsion. À mon avis, il n’y en a pas eu.

Le plaignant était légalement sous la garde du SPRH pendant toute la durée des évènements en question. Compte tenu de la manière dont le plaignant s’est présenté sur les lieux - confus, parlant rapidement, les yeux brillants - l’AI et l’AT n° 1 avaient des raisons de penser que le plaignant était un conducteur aux facultés affaiblies.

Une fois que le plaignant a été mis sous la garde de la police, je suis convaincu que les personnes qui en avaient la responsabilité se sont comportées avec le soin et l’attention nécessaires à sa santé et à son bien-être. Sur les lieux de la collision, rien ne permettait de constater que les symptômes du plaignant ne correspondaient pas à ceux d’une personne sous l’influence de drogues, mais plutôt à ceux d’un traumatisme crânien. De plus, on a demandé à plusieurs reprises au plaignant s’il souhaitait bénéficier de soins médicaux - sur les lieux de la collision et au poste de police - et il a refusé à chaque fois. Les agents présents sur le lieu de la collision - l’AI et l’AT n° 1 - auraient peut-être pu faire davantage pour faciliter l’évaluation du plaignant par les ambulanciers paramédicaux, mais je ne peux pas raisonnablement conclure que leur manquement à cet égard a transgressé les limites de la diligence prescrites par le droit pénal. Je tiens à répéter que le plaignant avait l’air d’être sous l’influence de drogues, mais qu’il semblait avoir le contrôle de ses facultés jusqu’au moment de sa convulsion au poste de police. Il marchait normalement et était généralement cohérent lorsqu’il parlait. Une fois que le plaignant a sombré dans un état de détresse médicale grave, les agents impliqués lui ont prodigué des soins adéquats et ont rapidement pris des dispositions pour que des ambulanciers paramédicaux se rendent sur les lieux.

Par conséquent, étant donné que rien ne laisse raisonnablement penser que l’AI ou tout autre agent du SPRH n’a pas respecté les limites du droit pénal dans ses rapports avec le plaignant, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.


Date : 22 septembre 2023


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux dont disposait l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement la constatation des faits de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels délicats et ne sont pas divulgués en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) Il a confondu l’appelant au service 9-1-1 avec son oncle. Son oncle ne s’est jamais rendu sur les lieux. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.