Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TFD-177

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 40 ans (le plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 10 mai 2023, à 13 h 02, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué à l’UES les renseignements suivants.

Le 10 mai 2023, vers 12 h 09, un ambulancier paramédical qui n’était pas en service à ce moment-là s’est trouvé devant une personne en état de crise armée d’un couteau derrière le Shoppers World, au 3003, avenue Danforth. Un agent en uniforme du SPT est venu l’aider. Après une interaction avec la personne (le plaignant), l’agent a fait feu. Les services médicaux d’urgence ont transporté le plaignant à l’Hôpital St. Michael, où il a succombé à ses blessures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 10 mai 2023 à 14 h 24

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 10 mai 2023 à 14 h 40

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 40 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 10 et le 13 mai 2023.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 10 et le 20 mai 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont produits dans le stationnement au sud du centre commercial Shoppers World, au 3003 avenue Danforth, à Toronto.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux le 10 mai 2023. Le stationnement est délimité au sud par une clôture, qui le sépare des voies ferrées GO.

Il y avait quelques débris au centre du stationnement, notamment : un couteau en position ouverte, des menottes, deux clés de menottes, une casquette de baseball et deux douilles argentées de calibre .40. Il y avait aussi des débris médicaux usagés et deux trousses de premiers soins.

Un véhicule aux couleurs du SPT – un Ford – était garé juste au nord-ouest des débris, l’avant orienté vers le nord. Le moteur était arrêté et les portes déverrouillées.

Une grande remorque des Reef Kitchens était garée au milieu du terrain, près du côté sud de l’immeuble et au nord des débris. Il y avait un petit coffre pour coussins de terrasse entre la remorque et le mur du centre commercial, avec un couteau en position ouverte sur le coffre. La lame du couteau était tachée d’une substance rouge ressemblant à du sang. Par terre, devant le coffre, il y avait vêtements et un sac à dos, ainsi qu’une bouteille de vin vide. Il y avait une deuxième bouteille de vin vide à quelques mètres à l’ouest. De nombreuses gouttes séchées d’une substance rouge ressemblant à du sang tachaient le sol à cet endroit ainsi qu’une grande flaque devant le coffre. Les murs des bâtiments et la caravane des Reef Kitchens étaient équipés de plusieurs caméras.



Figure 1 – La remorque et le véhicule du SPT dans le stationnement du 3003, avenue Danforth

Schéma des lieux


Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli les objets suivants sur les lieux et au poste de police : un pistolet semi-automatique Glock, un chargeur de pistolet, deux couteaux, deux projectiles, deux douilles et une paire de menottes Smith & Wesson.


Figure 2 – Pistolet semi-automatique Glock et chargeur de l’AI



Figure 3 – Un couteau trouvé dans le stationnement


Figure 4 – Un couteau trouvé sur le coffre derrière la remorque

Éléments de preuves médicolégaux

Le 16 mai 2023, les douilles, les projectiles, ainsi que le pistolet et son chargeur, ont été remis au Centre des sciences judiciaires pour examen.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Vidéos de caméras d’intervention du SPT

Le 11 mai 2023, le SPT a remis à l’UES les vidéos des caméras d’intervention liées à l’incident, y compris celle de l’AI.

Caméra d’intervention de l’AI

Entre 12 h 07 min 53 s et 12 h 08 min 10 s, on peut voir l’AI, au volant de son véhicule, se diriger vers l’arrière du centre commercial Shoppers World. On peut aussi voir une autre personne – le TC no 1. L’AI sort de son véhicule et marche vers le TC no 1.
Vers 12 h 08 min 14 s, on voit le plaignant sortir de derrière un camion de restauration blanc, à l’arrière d’un commerce. Le plaignant se dirige vers la porte de chargement du commerce et monte sur le quai de chargement, face à l’AI.

Entre 12 h 08 min 17 s et 12 h 08 min 19 s environ, le plaignant marche vers le stationnement depuis le quai de chargement et entre dans le stationnement. Son bras droit est tendu à 45 degrés, et il tient un couteau dans la main droite.

Entre 12 h 08 min 20 s environ et 12 h 08 min 22 s, l’AI dégaine son arme à feu et la pointe devant lui. Le plaignant marche vers l’AI.

Vers 12 h 08 min 23 s, le plaignant tend les deux bras devant lui à 45 degrés. L’AI lui crie de lâcher le couteau.

Entre 12 h 08 min 27 s et 12 h 08 min 32 s environ, le plaignant avance rapidement vers l’AI. L’AI recule en lui criant de lâcher le couteau. L’AI tient son arme à feu d’une main et crie à deux autres reprises de lâcher le couteau. Le plaignant dit quelque chose d’inintelligible et l’AI lui crie une fois de plus de lâcher le couteau. Le plaignant court vers l’AI, la main droite au-dessus de son épaule suivant un angle de 45 degrés. Son bras gauche est replié au-dessus de son épaule. Il semble avoir du sang sur le poignet gauche. L’AI recule pour battre en retraite.

Vers 12 h 08 min 33 s, l’AI crie au plaignant de lâcher le couteau. L’AI tient son arme à feu à deux mains et ordonne de nouveau de lâcher le couteau. Le plaignant continue de courir vers l’AI.

Vers 12 h 08 min 36 s, on entend un coup de feu et le plaignant baisse les bras jusqu’à sa taille. On entend un deuxième coup de feu.

Vers 12 h 08 min 37 s, l’AI dit : [traduction] « Coups de feu tirés ». Le plaignant gît par terre, sur le côté gauche. L’AI dit : [traduction] « Coups de feu, un homme à terre, lâche le couteau. » L’AI s’approche du plaignant et lui répète deux fois de lâcher le couteau.

Entre 12 h 08 min 47 s et 12 h 08 min 57 s, le plaignant gémit. Il tient un couteau dans la main droite. L’AI dit : [traduction] « Coups de feu, j’ai besoin d’un superviseur ici, coups de feu, lâche le couteau, je veux t’aider. » L’AI dit : « Lâche le couteau, je veux t’aider, lâche-le, lâche le couteau, lâche-le, l’ami, lâche-le. »

Vers 12 h 09 min 8 s, l’AI saisit les bras du plaignant. On peut voir du sang sur les bras du plaignant. Il y a un couteau à manche noir et à lame dentelée sur la chaussée, au-dessus de la tête du plaignant. La lame du couteau pointe en direction opposée des commerces.

Vers 12 h 09 min 13 s, l’AI menotte le plaignant. L’AI dit : [traduction] « Je veux t’aider, je veux vraiment t’aider. »

Entre 12 h 09 min 38 s et 12 h 09 min 45 s, l’AI fait rouler le plaignant sur le dos et lui répète qu’il veut l’aider. Le TC no 1 rejoint l’AI. La chemise du plaignant est relevée, et deux blessures sont visibles en bas et à droite de son abdomen.

Vers 12 h 09 min 54 s, le TC no 1 commence à prodiguer les premiers soins et dit : [traduction] « Bouchez le trou ». L’AI dit par radio qu’il va bien.

Vers 12 h 10 min 14 s, l’AI dit qu’un ambulancier paramédical hors service est sur les lieux et bouche le trou, mais qu’ils ont besoin d’une ambulance. L’AI dit qu’il y a deux blessures par balle. Le plaignant est maintenant sur le côté gauche. L’AI dit au plaignant de se réveiller.

Vers 12 h 11 min 35 s, l’AT no 1 et l’AT no 2 arrivent dans un véhicule de police.

Vers 12 h 13 min 43 s, une ambulance arrive.

Vers 12 h 13 min 57 s, le TC no 1 dit aux ambulanciers paramédicaux qu’il pense que le plaignant va « coder ».

Vers 12 h 14 min 9 s, l’AT no 4 arrive et parle à l’AI. L’AT no 4 demande à l’AI si c’était son arme à feu et l’AI répond par l’affirmative. L’AT no 4 demande à l’AI s’il est « OK » et il répond là aussi par l’affirmative.

Vers 12 h 15 min 12 s, l’AI dit à l’AT no 4 que le TC no 1 devra témoigner.

Vers 12 h 17 min 44 s, l’AT no 3 arrive et dit à l’AT no 4 qu’elle va rester avec l’AI.

Entre 12 h 20 min 50 s et 12 h 21 min 50 s, l’AT no 3 demande à l’AI quel véhicule il conduisait. L’AI lui donne son numéro d’unité. L’AI dit qu’aucun autre policier n’a été témoin de l’incident, mais que le TC no 1 devra témoigner.

Vers 12 h 25 min 18 s, l’ambulance qui transporte le plaignant quitte le stationnement.

Séquences vidéo – Wine Rack – centre commercial Shoppers World

Le 17 mai 2023, l’UES a reçu une vidéo du magasin Wine Rack du centre commercial Shoppers World. Les caméras du magasin ont enregistré les activités du plaignant sous différents angles, avant son interaction avec l’AI.

Le 10 mai 2023, à 10 h 28, le plaignant entre dans le magasin Wine Rack. Il se dirige vers l’une des étagères à vin. Il prend deux bouteilles de vin et sort du magasin sans les acheter.

Enregistrements des communications du SPT

Le 19 mai 2023, le SPT a fourni à l’UES l’enregistrement des communications liées à l’incident faisant l’objet de l’enquête.

Le 10 mai 2023, entre 12 h 07 min 35 s et 12 h 07 min 51 s environ, l’AI dit au répartiteur qu’un ambulancier paramédical qui n’était pas en service a signalé qu’une personne s’était tailladé le poignet derrière l’épicerie où il se trouve, au 3003 avenue Danforth.

Entre 12 h 08 min 22 s et 12 h 08 min 28 s, l’AI répète à cinq reprises de lâcher le couteau.

Entre 12 h 08 min 38 s et 12 h 08 min 42 s environ, l’AI dit : [traduction] « Coups de feu, coups de feu, un homme à terre, lâche le couteau ».

Vers 12 h 08 min 47 s, l’AI dit : [traduction] « J’ai besoin d’un superviseur, coups de feu tirés. »

Vers 12 h 08 min 53 s, l’AT no 4 dit qu’il est en route.

Vers 12 h 10 min 9 s, l’AI dit qu’il va bien, que l’ambulancier paramédical hors service essaye de boucher un trou et qu’ils ont besoin d’une ambulance. Le centre d’appels avertit le service d’ambulance que c’est urgent. Il y a deux blessures par balle.

Entre 12 h 13 min 26 s et 12 h 13 min 32 s environ, le répartiteur demande à l’AI s’il est blessé. Il répond par la négative et ajoute qu’ils s’occupent de l’homme.

Vers 12 h 26 min 59 s, l’AT no 4 demande au répartiteur d’informer toutes les unités que l’incident fera l’objet d’une enquête de l’UES et que les agents ne doivent pas recueillir des déclarations, mais simplement identifier les témoins.

Séquence vidéo – RioCan Immobilier

Le 15 mai 2023, l’UES a reçu une séquence vidéo de RioCan.

Vers 10 h 34 min 3 s, le plaignant s’approche de la remorque de Reef Kitchens. Il tient une bouteille dans la main droite et boit tout en marchant vers la remorque.

Entre 10 h 38 min et 11 h 05 min 58 s, le plaignant fait les cent pas à l’extrémité ouest de la remorque ou s’assied près de la remorque ou derrière.

Vers 11 h 03 min 57 s, le TC no 1 marche vers l’ouest à l’arrière du centre commercial, le long de la limite des arbres et de la clôture. Un VUS aux couleurs du SPT [maintenant connu comme étant celui de l’AI] est garé face au nord sur une place de stationnement le long de l’extrémité sud.

Vers 11 h 06 min 20 s, le TC no 1 atteint l’extrémité sud des places de stationnement susmentionnées, s’arrête et commence à marcher en direction de l’AI. Le plaignant est à l’extrémité ouest de la remorque.

Vers 11 h 07, après avoir parlé avec le TC no 1, l’AI, au volant de son véhicule, avance vers les places de stationnement et disparaît du champ de vision de la caméra.

Vers 11 h 07 min 20 s, le TC no 1 suit l’AI et disparaît à son tour du champ de vision de la caméra. Un véhicule [que l’on sait maintenant celui du TC no 2] roule vers l’ouest sur l’allée arrière et se dirige vers la remorque de Reef Kitchens.

Vers 11 h 08 min 3 s, le TC no 2 fait marche arrière vers la porte du Shoppers Drug Mart, à l’ouest de la remorque, et l’AI apparaît dans les places de stationnement en face de la remorque. Le plaignant est près du coin arrière de la remorque. Le TC no 2 reste dans son véhicule. L’AI marche vers la ligne jaune qui délimite le côté nord des places de stationnement. Le plaignant se dirige vers le coin sud-ouest de la remorque; l’AI recule de trois pas. Le plaignant descend de la plaque métallique et fait quatre pas vers l’AI, qui recule de quatre autres pas et disparaît du champ de vision de la caméra. Le plaignant fait sept autres pas, puis lève le bras droit en l’air. Après sept autres pas, le plaignant disparaît du champ de vision de la caméra.

Vers 11 h 08 min 4 s, l’AI apparaît près de la place de stationnement sud. Il fait environ quatre pas en arrière, les bras tendus devant lui.

Vers 11 h 08 min 7 s, le plaignant tombe en avant, à plat ventre, dans la dernière place de stationnement (la plus au sud).

Vers 11 h 08 min 32 s, l’AI fait deux autres pas en arrière, s’approche du plaignant et lui donne trois coups de pied. L’AI se penche ensuite sur le plaignant.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 11 et le 25 mai 2023 :
  • Dossier de la répartition assistée par ordinateur;
  • Rapport général d’incident;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Vidéos de caméras d’intervention;
  • Dossiers de formation sur le recours à la force;
  • Enregistrements des communications;
  • Politique : recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapport d’appel d’ambulance des services paramédicaux de Toronto, reçu le 11 mai 2023;
  • Rapport d’incident d’urgence du service d’incendie de Toronto, reçu le 12 mai 2023;
  • Résultats préliminaires d’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario, reçus le 12 mai 2023;
  • Formulaire d’observations d’incident du service d’incendie de Toronto, reçu le 15 mai 2023;
  • Séquence vidéo du magasin Wine Rack, reçue le 17 mai 2023;
  • Séquence vidéo de RioCan, reçue le 15 mai 2023; et
  • Rapport d’incident des services paramédicaux de Toronto, reçu le 24 mai 2023.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues des témoins civils et des vidéos qui montrent certaines parties de l’incident. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Le 10 mai 2023, en tout début d’après-midi, le TC no 1, un ambulancier paramédical hors service à ce moment-là, marchait vers l’ouest dans le stationnement arrière du centre commercial Shoppers World, situé au 3003, avenue Danforth, quand il a remarqué le plaignant. Le plaignant se trouvait à proximité d’une remorque-cuisine de Reef Kitchens, près du mur sud des commerces. Il ne semblait pas sain d’esprit – il était agité et parlait tout seul. Le plaignant tenait aussi un couteau et saignait aux deux bras à cause de lacérations. Inquiet, le TC no 1 s’est approché d’un véhicule de police garé au sud de cet endroit, près de la clôture qui bordait le côté sud du stationnement.

L’AI s’était garé dans le stationnement pour rédiger des notes de service quand le TC no 1 est venu lui parler. L’agent a avancé dans son véhicule et s’est arrêté à environ 15 mètres au sud-est de la remorque-cuisine, après quoi il est sorti et a commencé à marcher en direction nord-ouest. Alors que l’AI ne se trouvait plus qu’à environ dix mètres du coin nord-ouest de la remarque, il a vu le plaignant.

Le plaignant avait passé la demi-heure précédente environ près de la remorque, faisant les cent pas et buvant du vin. Il s’était également infligé des coupures aux bras. Quand l’AI s’est approché, le plaignant est sorti de derrière la remorque et l’a confronté en brandissant un couteau dans la main droite.

L’AI a dégainé son arme à feu et a commencé à ordonner au plaignant de laisser tomber le couteau. Le plaignant a ignoré l’ordre de l’agent et a continué de marcher vers le sud-est, en brandissant le couteau vers l’AI, qui a battu en retraite. Au bout d’environ huit secondes, le plaignant a accéléré le pas, puis a commencé à courir vers l’agent. Quand le plaignant n’était plus qu’à six mètres de lui, l’AI a tiré deux coups de feu. Il était alors 12 h 08.

Le plaignant est tombé en avant. Les deux coups de feu l’avaient atteint au ventre.

L’AI et le TC no 1 ont prodigué les premiers soins au plaignant en attendant l’arrivée d’une ambulance.

Les ambulanciers ont emmené le plaignant à l’hôpital où son décès a été constaté à 12 h 43.

Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à des blessures par balle à l’abdomen.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la forcec) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a) la nature de la force ou de la menace

b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel

c) le rôle joué par la personne lors de l’incident

d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme

e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause

f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause

g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force

h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé le 10 mai 2023 des suites de blessures par balles tirées par un policier. Cet agent a été désigné comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’article 34 du Code criminel stipule qu’une conduite qui constituerait autrement une infraction est légalement justifiée si elle visait à dissuader une agression raisonnablement appréhendée ou réelle, ou une menace d’agression, et si elle était elle-même raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’usage de la force était imminent et d’autres moyens étaient disponibles pour faire face à l’usage possible de la force, le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction à l’usage ou à la menace d’usage de la force. À mon avis, le recours à la force meurtrière par l’AI relevait de la portée de la justification prescrite par l’article 34.

L’AI agissait dans l’exercice de ses fonctions lorsqu’il est intervenu auprès du plaignant. Le premier devoir d’un agent de police est la protection et la préservation de la vie. Informé par le TC no 1 que le plaignant tenait un couteau et s’en était servi pour se blesser, l’agent avait le devoir d’intervenir pour faire ce qui était raisonnablement dans son pouvoir pour aider le plaignant et préserver la sécurité publique.

Même si l’AI n’a pas consenti à une entrevue avec l’UES, il est clair qu’il a agi pour se défendre contre une attaque au couteau lorsqu’il a tiré sur le plaignant. Le plaignant brandissait une arme qui pouvait infliger des blessures corporelles graves, voire la mort. Le plaignant semblait avoir l’intention de s’en servir contre l’AI et, au moment du tir, s’était suffisamment approché de l’agent pour pouvoir le frapper.

Enfin, je suis convaincu qu’en utilisant son arme à feu, l’AI a choisi une force raisonnable pour sa légitime défense. L’agent avait ordonné à maintes reprises au plaignant de laisser tomber le couteau. Au lieu d’obtempérer, le plaignant a continué d’avancer vers l’AI en tenant le couteau à peu près à hauteur d’épaule. Maintenant confronté à un individu apparemment déterminé à attaquer et qui approchait rapidement, l’AI devait prendre une décision. Il avait le choix entre deux options : continuer de battre en retraite pour s’échapper de la zone dangereuse, ou agir pour stopper l’élan du plaignant. Avec la première option, il aurait placé la sécurité publique en danger étant donné la présence d’autres personnes dans le secteur, y compris le TC no 1 qui se trouvait à seulement quelques mètres de là. Dans les circonstances, je suis convaincu que l’AI a agi raisonnablement en renonçant à cette option. Je suis également convaincu que l’utilisation de son arme à feu était la seule véritable tactique dont l’agent disposait dans les circonstances. Compte tenu des exigences de la situation, le pouvoir d’arrêt immédiat d’une arme à feu était nécessaire. Toute autre forme d’intervention aurait risqué d’entraîner un engagement physique avec un individu armé si le plaignant n’avait pas rapidement été neutralisé par une option moins mortelle.

Par conséquent, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit comporté autrement que dans les limites autorisées par le droit criminel à l’égard du plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations dans cette affaire.


Date : 7 septembre 2023

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.