Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-129

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 25 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 30 avril 2023, à 21 h 1, le Service de police de Toronto a communiqué avec l’UES pour lui transmettre les renseignements qui suivent.

À 16 h le 30 avril 2023, le plaignant a été arrêté à proximité du 244, rue Victoria pour trafic de stupéfiants. Il a été plaqué au sol, puis transporté à l’Hôpital Toronto General, où une fracture de l’os orbitaire et des fractures de l’os nasal ont été diagnostiquées.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 1er mai 2023 à 7 h 8

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 1er mai 2023, à 13 h 51

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 25 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.
Le plaignant a participé à une entrevue le 1er mai 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 16 mai 2023..

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus sur la rue Victoria, à l’extérieur du restaurant Tim Hortons situé au 26, rue Dundas Est, à Toronto.

Les lieux n’ont pas été inspectés et il n’y a pas eu d’examen médicolégal au début de l’enquête. Les enquêteurs se sont quand même rendus sur place le 17 mai 2023, lorsqu’ils se trouvaient dans le secteur pour aller chercher un enregistrement vidéo au Tim Hortons.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrements des communications de la police

Vers 13 h 36 le 30 avril 2023, le Service de police de Toronto a reçu un appel au 911 concernant une personne se trouvant sur la rue Victoria [3].

Vers 14 h 30, l’AT no 1 a dit à la radio qu’il pouvait se rendre sur les lieux avec l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 3.

Vers 14 h 44, l’AT no 1 a annoncé qu’il était au 277, rue Victoria avec d’autres agents et qu’ils avaient mis [Traduction] « une personne sous garde ». Il a demandé au centre de répartition d’envoyer une ambulance pour un homme [maintenant identifié comme le plaignant], qui avait des lacérations près d’un œil et sur une lèvre.

À 14 h 57 environ, l’AT no 1 a précisé que l’arrestation était sans rapport avec l’appel initial pour la rue Victoria.

Vers 15 h, l’AT no 3 a indiqué qu’une ambulance était arrivée.

Autour de 15 h 21, des agents ont annoncé qu’ils se rendaient à l’Hôpital St. Michael et à la division 51.

Enregistrement vidéo de Toronto Public Health – 277, rue Victoria

L’enregistrement vidéo du centre d’injection supervisée situé à l’intersection des rues Victoria et Dundas Est fait le 30 avril 2023 n’avait pas de son. Deux caméras se trouvaient du côté est de la rue Victoria, juste au nord de la rue Dundas Est, de l’autre côté de la rue et un peu au sud par rapport au lieu de l’interaction.

L’enregistrement commence à 14 h 39. On voit qu’il pleuvait. La route et les trottoirs étaient mouillés.

Vers 14 h 42, une berline [maintenant identifiée comme la voiture non identifiée du Service de police de Toronto conduite par l’AT no 1, avec à bord l’AI et les AT nos 3 et 2] roulait lentement en direction nord sur la rue Victoria. Elle s’est rendue jusqu’au bout de la rue, puis a tourné face au sud et est allée jusqu’au côté nord du restaurant Tim Hortons. Elle s’est ensuite immobilisée sur la route, à côté d’un véhicule stationné du côté ouest, avec l’avant vers le sud. Des personnes étaient réunies du côté est du Tim Hortons.

Autour de 14 h 43, la voiture de police a avancé et s’est garée entre deux véhicules du côté ouest de la rue Victoria, en face du Tim Hortons, où elle s’est immobilisée. Des obstacles bloquaient partiellement l’objectif de la caméra. Les quatre agents sont sortis de la voiture et ont couru sur le trottoir en direction de l’avant du Tim Hortons. Un agent [vraisemblablement l’AT no 2] a couru jusqu’au plaignant, qui est parti sur son scooter vers le nord.

À environ 14 h 43 min 19 s, deux agents [vraisemblablement l’AI et l’AT no 3] ont plaqué le plaignant au sol, sur le bord de la voiture de police. L’AT no 1 et l’AT no 2 n’ont pas tardé à les rejoindre. L’altercation n’a pas été filmée, puisqu’un véhicule bloquait la vue.

À environ 14 h 44 min 40 s, le plaignant a été remis sur pied.

Autour de 14 h 45, deux agents [vraisemblablement l’AI et l’AT no 2] se tenaient debout de chaque côté du plaignant et semblaient procéder à une fouille. Les deux autres agents [vraisemblablement l’AT no 1 et l’AT no 3] se sont approchés de l’endroit où ils avaient l’impression qu’une transaction de drogue venait de se produire. L’AT no 1 est retourné à l’endroit où l’AI et l’AT no 2 fouillaient le plaignant.

À environ 14 h 46, les quatre agents étaient près du plaignant pendant un instant, avant que l’AT no 3 s’éloigne de nouveau. Il est revenu à 14 h 48.

Vers 14 h 50, les agents escortaient le plaignant, puis ils sont sortis du champ de la caméra.

Enregistrement vidéo du Tim Hortons

L’enregistrement vidéo n’avait pas de son. On pouvait voir que le temps était pluvieux.

Vers 14 h 40, plusieurs personnes étaient regroupées en dehors du Tim Hortons, au sud de la porte d’entrée sur le trottoir, sous un auvent. Il y avait aussi deux personnes qui n’étaient pas sous l’auvent, soit une qui portait une veste de sécurité jaune et le plaignant. Des personnes allaient sous l’avent et ressortaient et parlaient avec le plaignant sur le trottoir.

À environ 14 h 43, une berline [maintenant identifiée comme la voiture de police non identifiée conduite par l’AT no 1] est arrivée le long de la bordure de trottoir, devant le groupe de personnes. Les AT nos 1, 3 et 2 ainsi que l’AI sont sortis de la voiture. Le plaignant a alors sauté sur son scooter et s’est dirigé vers le nord sur le trottoir sur une courte distance. Il est descendu de son scooter lorsqu’un agent [maintenant identifié comme l’AT no 2] s’est approché et a essayé de l’attraper. Le plaignant a échappé à l’AT no 2, mais l’AT no 3 est parvenu à l’attraper et, à 14 h 43 min 19 s, il l’a plaqué au sol. Un obstacle obstruait la vue et a empêché de filmer l’interaction.

Vers 14 h 44, l’AT no 3 s’est levé, tandis que l’AT no 1 et l’AI étaient au sol. L’AT no 1 se trouvait dos à la caméra lorsqu’il a donné un coup de genou sur la tête du plaignant, mais le plaignant n’était pas visible L’AT no 1 s’est levé quelques secondes plus tard. L’AI s’est placé à califourchon sur le plaignant, qui était face contre terre. L’AT no 3 et l’AT no 1 se sont levés. L’AI a attrapé le plaignant par les vêtements, l’a retourné sur le dos et l’a placé derrière un poteau de béton. L’AT no 3 et l’AT no 1 étaient alors debout, à gauche du poteau de béton, et la seule partie du corps du plaignant qui était visible était ses pieds. Quelques secondes plus tard, le plaignant a été mis debout et il a été escorté jusqu’à sortir du champ de la caméra.

À partir de 14 h 45, deux agents ont parlé à une femme du côté sud du champ de la caméra. Le plaignant était alors hors du champ.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI

À 14 h 43 min 18 s, l’AT no 2 s’est approché d’un homme [maintenant identifié comme le plaignant]. Il a été le premier agent à arriver près de lui. Le sol était trempé. Le plaignant a essayé de le contourner sur son scooter, mais l’agent l’a alors attrapé.

Vers 14 h 43 min 19 s, l’AI et l’AT no 1 sont arrivés et ont prêté main-forte pour l’arrestation du plaignant. Ce dernier s’est retrouvé au sol, avec l’AT no 3 sous lui.

Vers 14 h 43 min 20 s, on a pu voir un poing gauche assener quatre coups sur la tête du plaignant.

Autour de 14 h 43 min 27 s, l’AT no 1 tenait un poignet du plaignant, tandis que d’autres agents étaient tous près du torse du plaignant et tentaient de le maîtriser pour lui passer les menottes. Le plaignant répétait : [Traduction] « J’arrête, j’arrête, j’arrête », mais il n’était toujours pas complètement maîtrisé et coopératif. L’AT no 3 était au sol, sous le plaignant.

Vers 14 h 43 min 32 s, l’AT no 1 était debout à la hauteur de la tête du plaignant et il a passé une menotte au poignet gauche du plaignant.

Autour de 14 h 43 min 35 s, l’AI a dit : [Traduction] « Ne résistez pas. Vous êtes filmé. » Le plaignant lui a répondu : [Traduction] « Filmé pourquoi, Monsieur, pourquoi? »
L’AI a alors rétorqué : [Traduction] « “P pour P » Le plaignant a ensuite demandé : [Traduction] « Puis-je m’asseoir, Monsieur, s’il vous plaît? » L’AI lui a répondu : [Traduction] « Je vais vous retourner. »

À environ 14 h 44 min 23 s, l’AI a retourné le plaignant sur le sol. Il y avait une mare de sang là où le visage du plaignant se trouvait juste avant. Le plaignant a été menotté les mains derrière le dos et il a dit : [Traduction] « Mon visage, mon visage, enlevez mon chapeau. » L’AT no 2 a alors retiré le passe-montagne du plaignant.

Autour de 14 h 44 min 36 s, l’AI a dit : [Traduction] « C’est seulement votre lèvre. » L’œil droit du plaignant était fermé par l’enflure. Du sang coulait de sa lèvre et éclaboussait son visage. L’AI a dit : [Traduction] « Nous vous faisons venir une ambulance. »

Vers 14 h 44 min 40 s, le plaignant a été mis debout et escorté jusqu’à une boîte aux lettres au bord de la route.

Autour de 14 h 45 min 35 s, le plaignant a demandé à l’AI : « Pourquoi m’avez-vous donné des coups de poing comme ça, Monsieur? » L’AI lui a répondu : [Traduction] « Parce que vous résistiez fortement. » Le plaignant a ajouté : [Traduction] « Je ne résistais pas. » L’AT no 1 et l’AT no 2 ont fouillé le plaignant.

Vers 14 h 46 min 13 s, l’AI a indiqué au plaignant qu’il était en état d’arrestation et il lui a lu une mise en garde et l’a avisé qu’il avait le droit de consulter un avocat. Le plaignant ne lui a pas répondu. L’AT no 1 et l’AT no 2 ont continué à fouiller le plaignant.

Autour de 14 h 48 min 7 s, l’AI a demandé au plaignant pourquoi il s’était enfui et celui-ci a répondu : [Traduction] « Je ne savais pas pourquoi on me courait après. »

Vers 14 h 49 min 30 s, le plaignant a dit à l’AI : [Traduction] « Ce n’était pas bien de me donner des coups de poing au visage comme ça, pas bien du tout. » L’AI lui a alors répondu : [Traduction] « Ce n’était pas bien de nous avoir bousculés moi et mes collègues et ce n’était pas bien non plus de vendre de la drogue aux gens ici. » Le plaignant a alors dit : [Traduction] « Je n’ai pas fait ça. » L’AT no 2 a escorté le plaignant jusque sous l’auvent devant le restaurant Tim Hortons, où l’AI a poursuivi la fouille. L’AT no 3 procédait pour sa part à une vérification du casier judiciaire.

Vers 14 h 56, le plaignant s’est dit inquiet de son œil et il a demandé des soins médicaux. L’AI lui a répondu : [Traduction] « Je vais m’occuper de vous. » L’AT no 1 a fait un geste pour indiquer à l’AI d’éteindre le micro de sa caméra d’intervention, et l’AI s’est exécuté. Les agents ont ensuite parlé ensemble.

À environ 14 h 58, l’AI s’est adressé au plaignant après avoir remis le son. Il lui a demandé si : [Traduction] « Il avait quoi que ce soit d’autre sur lui. »

Vers 15 h, une ambulance est arrivée. Le plaignant a signalé : « Mon œil est gravement blessé. » L’AI a alors dit : [Traduction] « Calme-toi mon gars. C’est juste un peu de sang. » Le plaignant a ajouté : [Traduction] « Vous n’aviez pas à me frapper comme ça. », et l’AI a répondu : [Traduction] « OK ».
Autour de 15 h 2, les ambulanciers se sont approchés du plaignant et lui ont prodigué les premiers soins pour ses blessures au visage. Ils ont examiné son œil et ont repéré la lacération sous l’œil qui, selon lui, nécessitait des points de suture. Le plaignant a ensuite demandé d’aller à l’hôpital.

Vers 15 h 5, l’AI a demandé au plaignant s’il avait quelque chose dans son sous-vêtement.

À partir de 15 h 8, l’AT no 2 a escorté le plaignant en direction de l’ambulance. Le micro de la caméra de l’AI a encore une fois été mis en sourdine. L’AT no 2 a raccompagné le plaignant à pied jusqu’au mur du Tim Hortons. L’AT no 1 a alors enfilé des gants de latex.

À d’environ 15 h 9, l’AI a réactivé le son de sa caméra et il a entrepris de fouiller le plaignant. Vers 15 h 10, il a trouvé de la drogue dans les poches de la deuxième couche de pantalons que portait le plaignant. Puis, à partir de 15 h 12 environ, l’AI a trouvé plus de drogue dans la même poche.

Vers 15 h 15, les menottes du plaignant ont été déplacées. Au lieu d’avoir les mains derrière le dos, il avait à chaque poignet une menotte attachée à une civière.

Vers 15 h 17, l’AI a éteint le micro de sa caméra pour parler à l’AT no 3.

Autour de 15 h 18, l’AT no 1 s’est approché et a mis sa main sur la caméra tandis que les trois agents discutaient entre eux avant que l’enregistrement prenne fin.
 

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 3

Vers 14 h 43 min 33 s, le plaignant était sur le dos. Un agent [maintenant identifié comme l’AI] avait son poing droit nu près du visage du plaignant recouvert d’un passe-montagne. L’AI et l’AT no 3 ont retourné le plaignant pour le coucher sur le ventre.

Autour de 14 h 43 min 38 s, l’AI s’est installé à califourchon sur le dos du plaignant.

À approximativement 14 h 43 min 45 s, pendant qu’il était assis sur le plaignant, l’AI lui a passé une menotte au poignet gauche. L’AT no 1 a attrapé le poignet droit du plaignant pour lui passer une autre menotte. L’AT no 3 se trouvait du côté droit du plaignant. L’AT no 2 était pour sa part debout du côté gauche du plaignant. L’AI a dit : [Traduction] « Vous êtes en état d’arrestation. » Le plaignant a alors demandé : [Traduction] « Pourquoi Monsieur? » L’AI a répondu : [Traduction] « P pour P. »

Vers 14 h 44 min 4 s, le plaignant a demandé : [Traduction] « Puis-je m’asseoir Monsieur, s’il vous plaît? » L’AI a alors tenté de le placer en position assise. Il y avait une mare de sang là où le visage du plaignant se trouvait juste avant. Le plaignant a dit : [Traduction] « Mon visage, mon visage, enlevez mon chapeau. » L’AT no 2 a alors retiré le passe-montagne du plaignant avant que celui-ci soit escorté par l’AI et l’AT no 2 jusqu’à une boîte aux lettres au bord de la route. L’œil droit du plaignant était fermé par l’enflure. L’AT no 1 a alors dit : [Traduction] « Nous vous faisons venir une ambulance. »

Vers 14 h 46, l’AI a procédé à l’arrestation du plaignant pour des infractions liées au commerce de stupéfiants et il lui a lu ses droits.

À environ 14 h 48, l’AT no 3 est allé rejoindre à pied l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1 ainsi que le plaignant, qui était debout les mains menottées derrière le dos. Il avait l’œil droit fermé par l’enflure. L’AT no 1 a fouillé les poches du plaignant pendant que l’AI obtenait l’information sur son identité.

Autour de 14 h 50, le plaignant a été placé face à une fenêtre du Tim Hortons et fouillé par l’AI, tandis que l’AT no 2 le tenait.

Vers 14 h 51, l’AT no 1 a indiqué que le plaignant avait deux mandats non exécutés contre lui et deux infractions. Le micro de la caméra de l’AT no 3 a alors été éteint.

Vers 14 h 52, le micro a été réactivé. L’AT no 3 a confirmé l’identité du plaignant et l’AI a indiqué qu’une ambulance était en route. L’AT no 3 a confirmé les mandats non exécutés contre le plaignant.

Enregistrement de la caméra interne de la voiture de police

L’enregistrement de la caméra interne de la voiture de police concernée a enregistré ce qui s’est déroulé durant le transport du plaignant de l’hôpital à la division 51. Il ne contenait rien de pertinent pour l’enquête.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto les 14 et 15 mai 2023 :
• les notes de l’AT no 1;
• les notes de l’AT no 3;
• les notes de l’AT no 2;
• les notes de l’AT no 4;
• les notes de l’AT no 5;
• la liste des agents concernés;
• les enregistrements de caméra d’intervention;
• l’enregistrement de la caméra interne de la voiture de police;
• les enregistrements des communications;
• le registre de formation de l’AI concernant la requalification pour le recours à la force;
• la politique relative aux arrestations;
• la politique relative aux interventions en cas d’incident;
• la politique relative au recours à la force.



Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources entre le 4 et le 17 mai 2023 :
• l’enregistrement vidéo de Toronto Public Health;
• l’enregistrement vidéo du Tim Hortons;
• le dossier médical du plaignant de l’Hôpital Toronto General.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et les agents présents au moment où se sont déroulés les événements en question et les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Dans l’après-midi du 30 avril 2023, le plaignant était debout sous un auvent au sud des portes d’entrée d’un restaurant Tim Hortons situé du côté ouest de la rue Victoria, juste au nord de la rue Dundas Est. Il venait de remettre un petit objet à une femme lorsque des agents en uniforme du Service de police de Toronto se sont approchés de lui.

L’AI était passager sur la banquette arrière d’une voiture de police non identifiée conduite par l’AT no 1. L’AT no 2 et l’AT no 3 se trouvaient aussi à bord. Les agents patrouillaient dans le secteur des rues Yonge et Dundas pour surveiller le commerce de stupéfiants. Pendant qu’il se trouvait sur la rue Victoria, face au sud, en direction de la rue Dundas Est, l’AT no 1 avait vu le plaignant prendre part à ce qu’il croyait être une vente de drogue. Il a prévenu ses collègues et ils se sont rapprochés, immobilisant leur voiture près de la bordure du trottoir à proximité du restaurant Tim Hortons. Ils sont alors sortis tous les quatre de la voiture et se sont précipités vers le plaignant.

Le plaignant a tenté de fuir. Il a enfourché son scooter électrique et s’est dirigé vers le nord en passant devant le Tim Hortons avant que l’AT no 2 lui bloque le passage non loin de là. À ce stade, le plaignant a sauté en bas du scooter pour tenter de contourner l’agent à pied. Les deux ont lutté un instant et l’agent a perdu l’équilibre, puis le plaignant a été plaqué au sol par l’AT no 3.

L’AI a été entraîné au sol durant le placage et il s’est immédiatement mis à lutter avec le plaignant, lui assenant quatre ou cinq coups de poing à la tête avec sa main gauche. Peu après, les agents sont arrivés à maîtriser les bras du plaignant et à le menotter les mains derrière le dos.

Le plaignant saignait du visage après son arrestation et une ambulance a été appelée sur les lieux. À l’hôpital, une fracture de l’os orbitaire droit et des fractures de l’os nasal ont été diagnostiquées.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation effectuée par des agents du Service de police de Toronto le 30 avril 2023. L’un des agents ayant procédé à l’arrestation, soit l’AI, a été désigné comme l’agent impliqué durant l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

L’AT no 1 avait observé ce qui lui avait semblé une vente de stupéfiant. Que son interprétation ait été bonne ou non, je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure que la décision d’arrêter le plaignant n’était pas légitime. L’interaction s’était produite dans un secteur reconnu pour le trafic de stupéfiants et les agissements des parties concernées donnaient l’impression qu’une transaction de cet ordre venait bel et bien d’être conclue.

En ce qui a trait à la force employée par l’AI pour procéder à l’arrestation du plaignant, je n’ai pas la conviction qu’elle était excessive. Le plaignant avait donné des signes qu’il avait l’intention d’essayer de soustraire à une arrestation en s’enfuyant des agents, d’abord en scooter, puis pendant un bref instant, à pied. Par la suite, l’AI a été renversé pendant le placage au sol du plaignant. Même si sa chute semble avoir résulté du placage au sol du plaignant par l’AT no 3, l’impact était de nature à donner l’impression qu’une lutte d’une certaine violence était engagée et qu’il était impératif de maîtriser le plaignant le plus vite possible. Au vu du dossier, lorsque le plaignant n’a pas rapidement laissé les agents lui prendre les bras pour le menotter, comme cela semble s’être produit selon le poids des éléments de preuve recueillis, l’AI était fondé à exercer une certaine force pour vaincre la résistance du plaignant. Les quatre ou cinq coups de poing qu’il a donnés successivement dans le feu de l’action ne semblent donc pas clairement disproportionnés.

En définitive, bien que je convienne que l’une ou plusieurs des blessures que le plaignant a subies au visage résultent vraisemblablement des coups de poing qui lui ont été donnés par l’AI, je n’ai pas de motifs raisonnables de juger que ces coups sont associés à une conduite illégale de la part de l’agent. Le dossier est donc clos.


Date : 28 août 2023


Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) La description de la personne recherchée et les circonstances ne concordaient pas avec le plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.