Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TVI-106

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 20 ans (« le plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 11 avril 2023, à 1 h 18 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES d’une blessure subie par le plaignant.

Selon le rapport du SPT, le 10 avril 2023, à 21 h 14, des agents du SPT sont intervenus en réponse au signalement de trois motos hors route qui faisaient la course sur l’avenue Victoria Park et l’avenue Finch, à North York. À l’arrivée de la police, deux des motos hors route ont pris la fuite; la troisième a calé et le conducteur a été appréhendé. Les deux motos hors route qui avait pris la fuite ont été repérées non loin de là et leurs conducteurs ont tenté de nouveau de s’enfuir. Peu après, le plaignant [le conducteur de l’une des motos] a été découvert à proximité : il avait perdu le contrôle de sa moto. Il a été conduit à l’Hôpital Sunnybrook où on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule gauche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 11 avril 2023 à 8 h 34

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 12 avril 2023 à 9 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 20 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 14 avril 2023.


Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

L’AT no 1 et l’AT no 2 ont participé à une entrevue le 17 avril 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur un tronçon des voies sud de l’avenue Victoria Park, qui commençait au sud de l’avenue Finch Est et se poursuivait vers le sud jusqu’à un endroit situé à environ 25 mètres au nord de l’avenue Van Horne.

L’avenue Victoria Park est une rue nord-sud à quatre voies. La limite de vitesse affichée est de 50 km/h et il y a des trottoirs des deux côtés.

Le 26 avril 2023, à 13 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu sur les lieux, a pris des photos et fait une vidéo du parcours. Il n’y avait aucun indice matériel à recueillir.

Éléments de preuves médicolégaux


Données du système de positionnement global (GPS)

Le 24 mai 2023, le SPT a fourni à l’UES les données GPS des véhicules conduits par l’AI no 1 et l’AT no 1.

Entre 21 h 19 min 20 s et 21 h 19 min 46 s, l’AI no 1, qui roulait vers le nord sur l’avenue Victoria Park, a fait demi-tour au sud de l’avenue Finch. Il a parcouru environ 250 mètres vers le sud sur l’avenue Victoria Park en environ 25 secondes. Il roulait à 30 à 45 km/h en moyenne et a atteint une vitesse maximale de 61 km/h.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]


Vidéos de caméras d’intervention

Le 12 avril 2023, le SPT a remis à l’UES les vidéos des caméras d’intervention de l’AI no 1, de l’AI no 2, de l’AT no 1 et de l’AT no 2.


Caméra d’intervention de l’AI no 1

Vers 21 h 19 min 30 s, on peut voir l’AI no 1 au volant de son véhicule de patrouille du SPT. Dix secondes plus tard, son passager, l’AI no 2, baisse sa vitre. On peut voir brièvement le plaignant (qui conduit une moto hors route) à côté de la voiture de patrouille, à la hauteur du pneu du passager avant. L’AI no 2 s’agrippe au cadre de la fenêtre, tourne son corps et se penche par la fenêtre ouverte. Le plaignant tourne la tête vers le trottoir et la moto disparaît du champ de vision de la caméra. L’AI no 1 arrête son véhicule et en sort.

À 21 h 20, on peut voir une moto hors route renversée sur la chaussée, à côté du trottoir, les roues tournées en direction opposée au trottoir. Le plaignant est par terre; l’AI no 2 s’agenouille à côté de lui et lui saisit le bras droit. L’AI no 2 donne deux coups de poing au plaignant dans le haut du dos et lui crie de mettre les mains dans le dos et de cesser de résister. L’AI no 1 s’agenouille à gauche du plaignant et lui saisit le bras gauche. L’AI no 1 et l’AI no 2 lui tirent les bras dans le dos et le menottent.

Un deuxième véhicule de police arrive [celui de l’AT no 1 et l’AT no 2]. L’AI no 2 dit [2] : « Il a fait un écart et il est tombé. On l’a vu tomber ». Le plaignant se plaint d’avoir mal au bras.

À 21 h 23 min 24 s, l’AT no 1 demande une ambulance.

À 21 h 29 min 15 s, en réponse à une question d’un agent (maintenant connu comme étant l’AT no 5), le plaignant dit qu’il est blessé à l’épaule gauche. L’AT no 5 lui demande ce qui s’est passé; le plaignant répond que l’AI no 2 a essayé de le pousser et qu’il a heurté le trottoir et est tombé.

À 21 h 32 min 36 s, l’AI no 2 fouille les poches du plaignant. L’AT no 5 dit au plaignant : « Tu as failli percuter une voiture à la station-service ». Le plaignant dit : « Vous m’avez poussé » et l’AI no 2 répond : « Je ne t’ai pas touché ». Le plaignant dit : « Vous m’avez presque poussé. L‘AI no 2 répond : « N’essaye pas ça, mon gars, nous avons des caméras… Nous n’étions même pas près de toi, tu es tombé tout seul. »
L’AI no 2 aide le plaignant à se relever. Le plaignant dit qu’il est tombé sur le trottoir et a été projeté sur l’herbe.
La caméra est éteinte à 21 h 41 min 9 s


Caméra d’intervention de l’AI no 2

À 21 h 20 min 13 s, on peut voir l’AI no 2 et l’AI no 1 menotter le plaignant qui est à plat ventre par terre. L’AI no 2 le fait rouler sur le côté droit et lui retire la capuche de la tête.

À 21 h 20 min 43 s, la fonction audio de la caméra est activée. Le plaignant dit : « Mon épaule est peut-être cassée ». L’AI no 2 dit : « Tais-toi, tu t’appelles comment? Pourquoi t’es-tu enfui pour échapper à ces policiers là-bas ? » Le plaignant répond : « Par instinct ». L’AT no 1 arrive. L’AI no 2 lui dit que le plaignant est tombé après qu’ils ont fait demi-tour. Il dit à l’AT no 1 qu’ils n’avaient pas lancé une poursuite et que le plaignant est tombé après leur demi-tour. On peut entendre le plaignant gémir de douleur en arrière-plan. L’AI no 2 lui demande ce qui ne va pas; le plaignant répond qu’il pense que son bras gauche est cassé. L’AI no 2 l’aide à s’asseoir. L’AT no 1 et l’AI no 2 parlent d’appeler d’une ambulance.

À 21 h 25 min 50 s, l’AI no 2 et l’AT no 1 parlent de ce qui a précédé l’accident. L’AI no 2 dit qu’ils se sont rendus sur les lieux après avoir entendu l’appel. L’AT no 1 dit qu’il avait vu les motos faire des « beignets » dans la station-service et avait donné un bref coup de sirène, après quoi les deux motos s’étaient enfuies. Il ajoute que le plaignant avait presque percuté une voiture en sortant de la station-service. L’AI no 2 dit avoir vu l’autre motocycliste rouler sur le sentier piétonnier. Ils ont fait demi-tour et le plaignant a dû heurter le trottoir. L’AI no 2 demande au plaignant s’il avait essayé de sauter par-dessus le caniveau et le plaignant répond qu’il croyait que l’AI no 2 essayait de le pousser. Le plaignant demande à l’AI no 2 ce qu’il faisait, et l’AI no 2 répond qu’il essayait de lui faire signe de s’arrêter. Le plaignant lui dit qu’il avait l’air d’essayer de le pousser et lui demande pourquoi il s’était penché par la fenêtre de la voiture.

À 21 h 36 min 26 s, une ambulance arrive et les ambulanciers paramédicaux examinent le plaignant. Le plaignant dit qu’il roulait probablement à 60 ou 70 km/h. L’AI no 1 dit qu’il ne roulait pas très vite, probablement à 20 ou 30 km/h. Le plaignant est conduit en ambulance à l’Hôpital Sunnybrook, l’AI no 2 à ses côtés.

Le plaignant dit que sa moto avait heurté le trottoir et s’était renversée sur le côté.

L’AI no 2 dit à quelqu’un non visible sur la vidéo qu’il semblait que le plaignant avait essayé de monter sur le trottoir.
 

Vidéo de caméras à bord d’un véhicule

Le 12 avril 2023, le SPT a fourni à l’UES la vidéo du système de caméras du véhicule de police que conduisait l’AT no 1 et dont l’AT no 2 était passager [3].

À 21 h 15, l’AT no 1 roule vers l’intersection de l’avenue Finch Est et de l’avenue Victoria Park. Les feux clignotants de signalisation d’urgence et la sirène de son véhicule sont activés par intermittence.

À 21 h 19, les feux d’urgence sont éteints et l’AT no 1 tourne à gauche pour entrer dans la station-service Shell. Deux motos hors route roulent dans le stationnement (une des motos est conduite par le plaignant). Les deux motos sortent de la station-service et roulent vers le sud sur l’avenue Victoria Park. Il y a un terre-plein surélevé au centre de l’avenue Victoria Park et un panneau de sens unique pointant vers le nord. La première moto [4] semble rouler à vive allure vers le sud sur le trottoir est. Le plaignant roule vers le sud en traversant les voies nord, devant une voiture qui roule vers le nord, puis regagne les voies sud.

La voiture de police conduite par l’AI no 1 fait demi-tour du nord au sud sur l’avenue Victoria Park. Ses feux de signalisation d’urgence ne sont pas activés.
 
L’AT no 1 tourne à gauche sur l’avenue Victoria Park et continue vers le sud.

On peut voir au loin le véhicule de l’AI no 1 rouler vers le sud. Le plaignant n’est pas visible. Les feux de signalisation d’urgence véhicule de l’AI no 1 ne sont pas activés. Les feux de freinage du véhicule de l’AI no 1 s’allument brièvement à trois reprises à l’approche de l’avenue Van Horne. L’AI no 1 ne semble pas rouler vite.

L’AI no 1 freine et s’arrête dans la voie de virage à droite à l’intersection de l’avenue Van Horne.

Environ 30 secondes après avoir tourné à gauche à la sortie de la station-service Shell, l’AT no 1 s’arrête à l’endroit où le véhicule de police de l’AI no 1 et de l’AI no 2 est arrêté. La moto hors route est renversée sur le côté, dans la voie de virage à droite, à quelques mètres derrière le véhicule de l’AI no 1 et de l’AI no 2.

L’AI no 1 et l’AI no 2 sont sortis de leur véhicule et interagissent avec le plaignant sur l’herbe à côté du trottoir ouest. Le plaignant lutte brièvement avec l’AI no 1 et l’AI no 2 qui l’entourent et le menottent quelques secondes plus tard.

Éléments obtenus auprès du service de police

Le SPT a remis les documents suivants à l’UES entre le 12 avril et le 9 mai 2023 :
  • Politique du SPT – arrestation;
  • Politique du SPT – poursuite en vue de l’appréhension d’un suspect;
  • Rapport général d’incident;
  • Dossier de la répartition assistée par ordinateur;
  • Liste des agents concernés;
  • Données GPS;
  • Vidéos de caméras d’intervention;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 9;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Vidéos de caméras à bord de véhicule de police.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

Le 30 mai 2023, l’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant auprès de l’Hôpital Sunnybrook.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec le plaignant. Comme c’était leur droit, les deux agents impliqués n’ont pas accepté de s’entretenir avec l’UES. L’AI no 1 a autorisé la communication de ses notes sur l’incident.

Dans la soirée du 10 avril 2023, le SPT a reçu des appels faisant état d’un groupe de motocyclistes qui conduisaient des motos hors route sur des sentiers pédestres communautaires à North York. Des agents ont été alertés de la situation.

Environ une heure plus tard, l’AT no 3 et l’AT no 4 ont repéré trois motocyclistes sur des motos hors route et ont arrêté l’un d’eux quand son véhicule a calé. Les deux autres motocyclistes ont quitté les lieux, phares éteints et en brûlant des feux rouges. Les motocyclistes ne portaient pas de casque. Les agents ont décrit par radio ce qui s’était passé.

L’AI no 1 était en patrouille à ce moment-là, au volant d’un véhicule de police, accompagné de son partenaire, l’AI no 2. Les deux agents se dirigeaient vers le nord sur l’avenue Victoria Park, en direction de l’avenue Finch Est, pour aller prêter assistance à l’AT no 3 et l’AT no 4 lorsqu’ils ont vu les deux motos hors route rouler à vive allure vers le sud dans leur direction. L’une des motos roulait sur le trottoir est. L’autre avait traversé les voies en direction nord avant de continuer sur la voie en bordure en direction sud. L’AI no 1 a fait demi-tour et commencé à suivre la moto.

Le plaignant roulait dans la voie de bordure en direction sud. Il roulait relativement lentement et près du bord du trottoir, lorsque l’AI no 1 a approché son véhicule de police dans la même voie, à côté de la moto. À peu près au même moment, l’AI no 2 s’est penché par la fenêtre ouverte du véhicule de police, côté passager. Le plaignant a alors perdu le contrôle de sa moto. La moto a heurté le trottoir, le plaignant a été éjecté dans la voie de virage à droite de l’intersection de l’avenue Van Horne.

L’AI no 1 a immobilisé son véhicule de police juste au sud du plaignant, après quoi les deux agents sont sortis du véhicule et ont couru vers le plaignant qui était tombé par terre. Le plaignant a alors été menotté dans le dos et s’est ensuite plaint de douleurs à l’épaule gauche.

Le plaignant a été conduit de là en ambulance à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite causant des lésions corporelles

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

 

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable : a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans; b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé dans un accident de la route le 10 avril 2023. Comme il était alors poursuivi par des agents du SPT, l’UES a ouvert une enquête. Deux agents ont été identifiés comme agents impliqués (l’AI no 1 et l’AI no 2). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ait commis une infraction criminelle en lien avec la blessure du plaignant.

Les infractions à prendre en considération sont la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, des infractions visées respectivement au paragraphe 320.13 (2) et à l’article 221 du Code criminel. Pour la première, un simple manque de diligence ne suffira pas à engager la responsabilité. En effet, cette infraction repose, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de prudence dont une personne raisonnable aurait fait preuve dans les circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de conduite qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si les agents impliqués ont fait preuve d’un manque de diligence qui a causé l’accident du plaignant, ou y a contribué, et qui était suffisamment flagrant pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

J’accepte que l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient en droit de chercher à arrêter le plaignant pour des infractions au Code de la route. Il conduisait une moto hors route soupçonnée d’être volée, sans phares allumés, et il ne portait pas de casque.

Sur la base du dossier de preuve, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement que l’un ou l’autre des agents impliqués a transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel tout au long de leur engagement avec le plaignant. La décision de rouler à côté du plaignant dans la même voie était discutable. Cela limitait l’espace dont disposait le plaignant pour rouler à moto et le plaçait en position précaire. Cela dit, je n’accepte pas, comme le suggère le plaignant, que cette manœuvre l’ait effectivement propulsé hors de la chaussée. La preuve suggère que le plaignant aurait pu arrêter sa moto en toute sécurité s’il l’avait voulu. De même, la décision de l’AI no 2 de se pencher par la fenêtre du véhicule vers le plaignant, vraisemblablement pour lui parler, était douteuse, mais la preuve établit qu’il n’a pas touché le plaignant. Enfin, il convient de noter que la voiture de police des agents n’a été à proximité du plaignant que très brièvement et rien ne prouve que d’autres usagers de la route aient été exposés à un quelconque risque pendant cette brève période.

Au bout du compte, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués se soient comportés autrement que dans les limites autorisées par le droit criminel tout au long de leur interaction avec le plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations au criminel dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 9 août 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 2) Toutes les citations dans cette version française du rapport sont des traductions. [Retour au texte]
  • 3) Le véhicule de police conduit par l'AI no 1 était équipé d'un système de caméras, mais ce système n'était pas activé durant cette interaction. [Retour au texte]
  • 4) L'identité du conducteur de cette moto reste inconnue. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.