Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OVI-057

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 15 ans (plaignant no 1), par un homme de 30 ans (plaignant no 2) et par une femme de 15 ans (plaignante no 3).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 26 février 2023, vers 23 h 26, le Service de police de London (SPL) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 26 février 2023, vers 20 h 18, des agents de police ont été dépêchés dans un dépanneur Circle K, situé au 1050 Kipps Lane, pour enquêter sur un vol. Un inconnu avait fait face à un groupe, et certains membres du groupe avaient sorti une arme à feu et un couteau. Le groupe s’est enfui à bord d’un véhicule qui aurait été conduit par le plaignant no 1. À 20 h 30, l’agent impliqué (AI) a repéré un véhicule similaire à celui que le groupe avait utilisé pour s’enfuir. L’AI a tenté d’arrêter le plaignant no 1. Le plaignant no 1 a pris la fuite à vive allure et a ensuite été impliqué dans deux collisions de véhicules motorisés distinctes. Les services médicaux d’urgence (SMU) l’ont transporté à l’Hôpital Victoria - London Health Sciences Centre (HV-LHSC) où on lui a diagnostiqué une fracture de la cheville.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 février 2023 à 12 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 février 2023 à 2 h 18

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personnes concernées (« plaignants »)

Plaignant no 1 Homme de 15 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Plaignant no 2 Homme de 30 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Plaignante no 3 Femme de 15 ans; a participé à une entrevue

Les plaignants ont été interrogés entre le 27 février 2023 et le 2 mars 2023.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 27 février 2023 et le 1er mars 2023.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 3 mars 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont produits sur un tronçon de route commençant dans le secteur de l’intersection de la rue Victoria et de la rue Adelaide Nord, à London, et allant vers le nord sur la rue Adelaide Nord jusqu’à l’endroit où les deux collisions ont eu lieu, soit à l’intersection d’Adelaide Nord et de Kipps Lane, à London.


Figure 1 — Vue latérale des véhicules impliqués


Figure 2 — Lieu de la collision à l’intersection de la rue Adelaide Nord et de Kipps Lane

Schéma des lieux

Éléments de preuves médico-légaux

Données du système de localisation GPS — véhicule de police de l’AI

Alors qu’il poursuivait la Jeep sur la rue Adelaide Nord, dans le secteur de la rue Huron, le véhicule de police de l’AI roulait à environ 78 km/h. Trois cents mètres plus au nord, à peu près à mi-chemin entre la rue Huron et Kipps Lane, à un moment où la collision s’était déjà produite, l’AI a atteint sa vitesse maximale, soit environ 90 km/h.
 

Le véhicule de police de l’AI

L’UES a examiné le véhicule de police de l’AI pour y déceler d’éventuels signes de collision, mais n’en a trouvé aucun.

Données de collision extraites (DCE)

Les DCE de la Jeep indiquent que le véhicule a roulé à une vitesse maximale d’environ 143 km/h lorsqu’il a accéléré vers le nord sur la rue Adelaide Nord. Au moment de l’impact, le véhicule roulait à environ 108 km/h.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Vidéo provenant du 1160, rue Adelaide Nord

La vidéo provient d’une caméra située au 1160, rue Adelaide Nord.

Vers 20 h 31 min 16 s, on voit un véhicule circulant en direction du nord [on sait maintenant qu’il s’agissait de la Jeep conduite par le plaignant no 1] qui croise un véhicule de police circulant en direction sud [on sait maintenant que l’AT no 2 conduisait ce véhicule]. Les feux d’urgence de l’AT no 2 sont allumés. L’AT no 2 fait demi-tour pour rouler en direction nord.

Vers 20 h 31 min 35 s, un autre véhicule de police [on sait maintenant que l’AI était au volant de ce véhicule] passe devant la caméra et se dirige vers le nord. Les feux d’urgence de l’AI sont allumés.

Vers 20 h 32 min 9 s, un autre véhicule de police [on sait maintenant que l’AT no 1 conduisait ce véhicule] passe devant la caméra et se dirige vers le nord. Les feux d’urgence de l’AT no 1 sont allumés.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPL entre le 1er mars 2023 et le 9 juin 2023 :
• Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
• Données extraites sur la collision (DEC)
• Données GPS
AT no 1 — déclaration
• Résumé
• Rapport d’incident général
• Vidéos
• Procédure — poursuite en vue d’appréhender un suspect
• Procédure — recours à la force
• Notes de l’AI
• Notes de l’AT no 2
• Déclaration de l’AT no 2

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
• Dossier médical fourni par le HV-LHSC

Description de l’incident

Le poids de la preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec chaque personne impliquée dans la collision qui a entraîné les blessures faisant l’objet de l’enquête et une vidéo qui a capté des parties de l’incident, permet d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. Il a cependant autorisé la transmission de ses notes.

Au cours de la soirée du 26 février 2023, l’AI et d’autres agents du SPL étaient à la recherche d’une Jeep qui avait fui la scène d’un incident impliquant des armes. Une personne se trouvant au Circle K du 1050 Kipps Lane avait composé le 911 pour signaler qu’un groupe était entré dans le magasin. Ils portaient des cagoules et avaient tiré en l’air avec une arme à feu. L’un d’eux était également muni d’un couteau.

L’AI a repéré le véhicule en question alors qu’il roulait en direction sud sur la rue Adelaide Nord. La Jeep se dirigeait vers l’ouest sur la rue Victoria, non loin de l’intersection. L’agent a tourné sur la rue Victoria et a manœuvré son véhicule de police de sorte à le placer à côté de la Jeep, qui était arrêtée à un panneau d’arrêt et s’apprêtait à tourner sur la rue Adelaide Nord. Puisqu’il avait l’intention d’arrêter la Jeep en lien avec l’incident impliquant des armes, l’AI a allumé ses feux d’urgence. La Jeep a réagi en tournant à droite et en accélérant pour s’éloigner. L’agent s’est lancé à sa poursuite.

Le plaignant no 1 était au volant de la Jeep. La plaignante no 3, le TC no 1 et le TC no 2 étaient dans le véhicule avec lui. Lorsqu’il a aperçu des véhicules de police à l’intersection de la rue Adelaide Nord et de la rue Victoria, le plaignant no 1 a pris la fuite vers le nord à toute vitesse, atteignant une vitesse d’environ 140 km/h. Il s’est approché de l’intersection avec Kipps Lane, ne s’est pas arrêté à un feu rouge et a percuté un véhicule se dirigeant vers l’ouest — une Honda HR-V.

L’AT no 2, qui roulait vers le sud sur la rue Adelaide Nord depuis Kipps Lane, avait croisé la Jeep à plusieurs centaines de mètres au sud de l’intersection. Ayant reconnu le véhicule recherché, l’agent a fait demi-tour devant l’AI, puis a vu la Jeep percuter un véhicule à l’intersection de Kipps Lane.

Un passager de la Honda — le plaignant no 2 —, ainsi que les plaignants no 1 et no 3 qui étaient dans la Jeep, ont subi diverses fractures en raison de la collision.

Les agents sont arrivés sur les lieux et ont arrêté les occupants de la Jeep.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 (2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


Analyse et décision du directeur

Le plaignant no 2, le plaignant no 1 et la plaignante no 3 ont été grièvement blessés lors d’une collision automobile survenue à London le 26 février 2023. Puisqu’un véhicule du SPL poursuivait l’un des véhicules impliqués dans la collision à ce moment-là, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI a été désigné comme étant l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la collision.

L’infraction à l’étude dans cette affaire est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention du paragraphe 320.13(2) du Code criminel. En tant qu’infraction de négligence criminelle, un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité. L’infraction repose plutôt, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir si l’AI n’a pas fait preuve de la diligence requise en conduisant son véhicule de police et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir causé la collision ou y avoir contribué, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, cela n’est pas le cas.

L’AI exerçait ses fonctions de façon légitime lorsqu’il a repéré la Jeep et a tenté de l’intercepter. Il avait des raisons de croire que ses occupants venaient de participer à un acte de violence impliquant la décharge d’une arme à feu.

Quant à la façon dont l’AI a conduit son véhicule du moment où il a repéré et tenté d’arrêter la Jeep jusqu’au moment où la collision est survenue, je suis satisfait que l’AI s’est comporté avec la prudence et la diligence nécessaires pour assurer la sécurité publique. En effet, les éléments de preuve indiquent que l’AI se trouvait à plusieurs centaines de mètres de la Jeep lorsque la collision s’est produite. Il ne m’apparaît pas non plus que l’AI a roulé à une vitesse excessive ou a mis les automobilistes autour de lui en danger. Il a activé son équipement d’urgence et a atteint une vitesse maximale d’environ 90 km/h.

Je n’ai donc aucun motif de croire que l’AI a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel au cours de sa brève interaction avec la Jeep dans les moments précédant la collision. Il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est donc clos.

Date : 26 juin 2023

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.