Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-045

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par un homme de 16 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 14 février 2023, à 15 h 53, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.

D’après les renseignements fournis par le SPT, le 13 février 2023, vers 19 h 40, des agents ont reçu un appel concernant une perturbation au 230, promenade Lake. Trois jeunes étaient impliqués. Des agents en civil se sont rendus sur les lieux et ont localisé l’un des jeunes. Le plaignant et un autre jeune ont attaqué les agents de police avec une machette. Une brève lutte s’est ensuivie et le plaignant et les autres jeunes ont pris la fuite. D’autres agents sont arrivés sur les lieux. Avec l’aide de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU), d’un chien policier et d’un drone, la police a repéré le plaignant et un autre jeune dans un hangar sur le boulevard Park. Le plaignant et l’autre jeune homme ont été arrêtés, placés en garde à vue et détenus pour la nuit au poste de la division 23 du SPT. Le 14 février 2023, vers 9 h 40, le plaignant s’est plaint d’avoir mal au poignet gauche. Il a été transporté à l’Hôpital général d’Etobicoke (HGEP) où on lui a diagnostiqué une « fracture du cubitus gauche » et plâtré le bras gauche. Le plaignant a reçu son congé de l’hôpital et a été remis en détention.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 14 février 2023 à 16 h 48

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 14 février 2023 à 16 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 16 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 3 mars 2023.


Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 A participé à une entrevue
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 23 février 2023 et le 16 mai 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont produits dans la cour arrière d’une résidence située sur le boulevard Park.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Vidéo — 230, promenade Lake

La vidéo a été obtenue le 9 mars 2023.

L’enregistrement commence le 13 février 2023 à 19 h 59 min 40 s.

Vers 19 h 59 min 46 s, une porte s’ouvre et deux personnes [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant et de la femme no 1] pénètrent dans un couloir. Le plaignant entre en premier, suivi de la femme no 1.

Vers 19 h 59 min 50 s, le plaignant et la femme no 1 semblent courir ou se déplacer rapidement. Ils s’éloignent de la porte et sortent du champ de la caméra.

Vers 19 h 59 min 55 s, la femme no 1 revient dans le champ de la caméra. Elle court vers la porte.

Vers 19 h 59 min 56 s, le plaignant revient dans le champ de la caméra. Il est suivi d’une autre personne [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’homme no 1] qui court vers la porte. L’homme no 1 semble heurter le plaignant dans le dos, le faisant trébucher par devant. Le plaignant réagit en prenant appui contre le mur de sa main gauche, pliant ainsi son poignet gauche. L’agent no 1, qui est en civil, poursuit la femme no 1, le plaignant et l’homme no 1. L’agent no 1 tient son pistolet dans sa main droite et un téléphone portable ou une radio dans sa main gauche.

À 19 h 59 min 57 s, les parties sortent du champ de la caméra lorsqu’ils sortent par la porte.

Vidéo provenant du boulevard Park

La vidéo a été obtenue le 21 février 2023.

Le 13 février 2023, vers 20 h 5 min 22 s, le plaignant court le long du boulevard Park et pénètre dans la cour arrière d’une résidence.

Vers 20 h 5 min 26 s, une deuxième personne [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’homme no 1] suit le plaignant et pénètre lui aussi dans la cour arrière.

Vers 20 h 7 min 36 s, un véhicule (n’arborant aucun graphique de la police) s’arrête devant une adresse située sur le boulevard Park. Peu après, un véhicule de police s’arrête à l’intersection de la 33e rue et du boulevard Park, et allume ses feux d’urgence.

Vers 20 h 46 min 56 s, on voit un chien policier et son maître-chien, ainsi que des agents de l’EIU, se diriger vers l’est sur le boulevard Park.

Vers 20 h 49 min 43 s, le chien policier, son maître-chien et des agents de l’EIU pénètrent dans la cour arrière d’une résidence située sur le boulevard Park.

Vers 20 h 52 min 35 s, le chien policier, son maître-chien et les agents de l’EIU marchent jusqu’à la résidence située sur le boulevard Park, où des faisceaux de lampes de poche ont été aperçus dans la cour arrière.

Vers 20 h 55 min 55 s, un véhicule de police dont les gyrophares sont allumés s’arrête devant la résidence sur le boulevard Park. Le véhicule de police s’arrête sur le côté sud de la rue, face à l’ouest.
Vers 20 h 58 min 40 s, un véhicule de police s’arrête sur le côté nord de la rue, face à l’ouest.
 

Enregistrements des communications du SPT

Le 15 février 2023, l’UES a demandé au SPT de lui fournir les enregistrements des communications. L’UES les a reçus le 6 mars 2023.

Le 13 février 2023, vers 19 h 36 min 7 s, un homme se trouvant au 230, promenade Lake téléphone au 911 pour signaler la présence de trois personnes dans le stationnement souterrain. Il indique que les trois personnes se comportent de façon suspecte et qu’il croit qu’elles vont tenter de voler un véhicule dans le stationnement souterrain. Il y avait deux hommes et une femme. L’un des trois tenait une grosse roche dans sa main.

Vers 19 h 48 min 40 s, des agents en uniforme et en civil sont dépêchés dans le secteur.

Vers 19 h 56 min 13 s, un agent en civil, l’agent no 1, arrive sur les lieux.
Vers 19 h 59 min 46 s, l’agent no 1 signale à la radio : [Traduction] « Cage d’escalier, cage d’escalier ». Il avait auparavant activé son bouton « priorité ».

Vers 20 h, on entend l’agent no 1 dire d’une voix frénétique : [Traduction] « …une épée ».

Vers 20 h 6 s, l’agent no 1 signale que trois personnes se dirigent vers l’avenue Park (boulevard Park), en direction du nord. L’agent no 1 fournit une description des deux hommes. L’un des deux est muni d’une épée.

Vers 20 h 1 min 39 s, l’agent no 1 demande qu’une ambulance soit envoyée sur les lieux pour lui-même, car l’un des hommes l’a coupé en le frappant avec l’épée.

Vers 20 h 2 min 48 s, l’agent no 1 indique qu’il a arrêté une femme, la femme no 1. L’agent no 1 indique qu’il est dans une cage d’escalier avec la femme. Il a également un gros couteau ou une épée en sa possession et des coupures à la main.

Vers 20 h 5 min 24 s, l’agent no 1 indique que ses coupures ne proviennent peut-être pas du couteau et que l’un des hommes a possiblement des coupures sur le visage.

Vers 20 h 9 min 38 s, l’agent no 1 indique qu’il se porte bien. Il n’a que quelques coupures à la main et le « suspect » pourrait avoir des coupures sur le visage.

Vers 20 h 21 min 11 s, un sergent de l’EIU demande des précisions sur l’appel.

Vers 20 h 41 min 26 s, l’EIU et une unité canine se mettent à suivre une piste en direction nord à partir du 230, promenade Lake.

Vers 20 h 44 min 50 s, l’EIU et l’unité canine sont en train de suivre une piste menant à une adresse située sur le boulevard Park.

Vers 20 h 49 min 5 s, l’EIU signale que le chien policier a fixé son attention sur une remise située dans la cour arrière d’une résidence du boulevard Park.
Vers 20 h 49 min 16 s, l’EIU signale qu’il y a eu « contact ». On entend le chien policier aboyer en arrière-plan.

Vers 20 h 49 min 55 s, une unité de police signale : [Traduction] « Dans la cour arrière du [adresse fournie] ».

Vers 20 h 50 min 22 s, une unité de police signale : [Traduction] « L’EIU a mis deux personnes en garde à vue ».

Vers 20 h 50 min 53 s, une unité de police signale : [Traduction] « Tout va bien, pas de blessures ».

Vers 20 h 51 min 31 s, une unité de police signale que les suspects se trouvaient dans la cour arrière d’une résidence et demandent qu’on envoie deux véhicules de police pour le transport.

Vers 20 h 59 min 15 s, une ambulance est demandée pour le plaignant, lequel se plaignait de problèmes à la tête et à l’oreille gauche. Le plaignant saignait sur le côté gauche du visage et voulait être examiné.

Vers 21 h 5 min 7 s, l’AT no 9 indique qu’il a fait monter l’homme no 1 dans son véhicule de police et qu’il allait l’amener au poste de la division 22.

Vers 21 h 16 min 20 s, l’AT no 2 indique que le plaignant est sous sa garde et qu’il va l’amener au poste de la division 22.

Images captées par la caméra d’intervention de l’AT no 3

Le 15 février 2023, l’UES a demandé au SPT de lui fournir les vidéos captées par les caméras d’intervention. L’UES les a reçues le 16 février 2023.

Le 13 février 2023, vers 20 h 53 min 20 s, l’AT no 3 arrête son véhicule de police en face d’un autre véhicule de police identifié où deux agents du SPT en uniforme tiennent l’homme no 1 contre l’avant du véhicule et le fouillent.

Vers 20 h 53 min 57 s, on demande à l’AT no 3 de prêter main-forte avec une deuxième personne en garde à vue, le plaignant.

Vers 20 h 54 min 10 s, on voit le plaignant qui fait face à un véhicule de police. Un agent de l’EIU, l’AI no 2, est debout derrière le plaignant et tient son poignet gauche au moyen de sa main droite. Les doigts du plaignant sont tournés vers le haut, en direction de ses épaules, et sa paume est tournée vers son coude. Un deuxième agent de l’EIU, l’AI no 3, se trouve à la gauche du plaignant, près de sa tête.

Vers 20 h 54 min 13 s, l’AT no 3 passe entre l’AI no 2 et l’AI no 3 et prend le contrôle des mains du plaignant, lesquelles sont menottées ensemble. L’AT no 3 tire les mains du plaignant vers le bas de son dos afin de commencer à le fouiller. Le plaignant se montre poli et coopératif pendant la fouille. Il se plaint qu’il ne peut pas entendre. L’AT no 3 informe le plaignant qu’une ambulance a été demandée afin qu’il soit examiné. Le plaignant semble avoir de nombreuses éraflures sur le visage.

Vers 20 h 56 min 36 s, le plaignant est placé sur la banquette arrière d’un véhicule de police.

Vers 20 h 58 min 49 s, l’AT no 3 parle au plaignant et le place en état d’arrestation pour voies de fait.

Vers 21 h 3 min 34 s, l’AT no 3 demande au plaignant s’il veut aller à l’hôpital ou au poste de police. Le plaignant répond qu’il veut aller au poste de police. L’AT no 3 s’entretient avec un ambulancier paramédical sur le côté de l’ambulance (son coupé). Il monte ensuite dans l’ambulance et parle avec le plaignant, lequel est assis avec les mains menottées derrière le dos.

Vers 21 h 11 min 50 s, le plaignant indique à l’AT no 3 : [Traduction] « Je ne sais pas si mon poignet est vraiment magané ou si c’est à cause des menottes ».

Vers 21 h 12 min 38 s, un ambulancier paramédical informe le plaignant de ce qu’il a observé lors de son examen et lui demande s’il veut aller à l’hôpital ou au poste de police. Le plaignant répond qu’il veut aller au poste de police, mais demande s’il est possible de desserrer les menottes.

Vers 21 h 13 min 19 s, l’AT no 3 saisit la main gauche du plaignant. À ce moment-là, le plaignant pousse un cri de douleur et l’AT no 3 desserre la menotte sur son poignet gauche. Le plaignant n’affiche aucun autre signe d’inconfort par la suite.
 

Images captées par la caméra d’intervention de l’AT no 2

Le 15 février 2023, l’UES a demandé au SPT de lui fournir les vidéos captées par les caméras d’intervention. L’UES les a reçues le 16 février 2023.

Le 13 février 2023, vers 20 h 54, le plaignant se fait escorter par deux agents de l’EIU (l’AI no 3 et l’AI no 2) depuis l’entrée d’une résidence du boulevard Park. Ses mains sont menottées derrière son dos. Il est penché à la taille à un angle d’environ 90 degrés et regarde donc le sol. L’AI no 3 est à la gauche du plaignant et tient son épaule gauche et le haut de son bras au moyen de sa main droite. L’AI no 2 est sur le côté gauche du plaignant. Il semble que l’AI no 2 tient la main droite du plaignant de sa main droite et le coude gauche du plaignant de sa main gauche.

Vers 20 h 54 min 3 s, alors que l’AI no 2, l’AI no 3 et le plaignant s’approchent du côté d’un véhicule de police identifié, l’AI no 2 se place directement derrière le plaignant et le pousse contre le côté du véhicule de police.

Vers 20 h 54 min 32 s, on entend à la radio une voix masculine (celle de l’agent no 1) qui dit : [Traduction] « Oui, c’est lui qui m’a donné un coup de machette ».

Vidéo captée par le système de caméra intégré au véhicule (SCIV) — véhicule de l’AT no 3

Le 15 février 2023, l’UES a demandé au SPT de lui fournir les vidéos captées par les SCIV. L’UES les a reçues le 16 février 2023.

Le 13 février 2023, vers 21 h 15 min 45 s, le plaignant se fait placer sur la banquette arrière d’un véhicule de police. Ses mains sont menottées derrière son dos.

Vers 21 h 18 min 53 s, le véhicule quitte une adresse située sur le boulevard Park pour se rendre au poste de la division 22 du SPT.

Vers 21 h 28 min 7 s, le plaignant demande ce qui se passe et on lui répond qu’on l’amène au poste de la division 22 du SPT. Il demande si l’on va lui enlever les menottes.

Vers 21 h 32 min 40 s, le véhicule de police arrive au poste de la division 22 du SPT et s’immobilise à l’extérieur du poste.

Vers 21 h 38 min 10 s, le plaignant demande qu’on desserre la menotte droite.

Vers 21 h 40 min, l’AT no 3 ouvre la portière arrière du véhicule de police et confirme avec le plaignant que c’est bien la menotte droite qu’il souhaite faire desserrer.

Vers 21 h 40 min 9 s, le plaignant crie de douleur lorsque l’AT no 3 desserre les menottes. L’AT no 3 s’excuse.

Vers 21 h 40 min 29 s, l’AT no 3 demande au plaignant si c’est mieux, et le plaignant répond que oui.

Vers 22 h 9 min 50 s, le plaignant demande qu’on lui enlève les menottes et on lui répond que cela sera seulement possible lorsqu’il sera à l’intérieur du poste de police.

Vers 22 h 28 min 35 s, le véhicule de police entre dans le garage du poste de la division 22 du SPT.

Vers 22 h 57 min 3 s, on ouvre la portière arrière du véhicule de police et le plaignant sort du véhicule.

Vidéo de la mise en détention

Le 15 février 2023, l’UES a demandé au SPT de lui fournir la vidéo de la mise en détention. L’UES l’a reçue le 16 février 2023.

Le 13 février 2023, vers 22 h 57 min 28 s, l’AT no 3 et l’AT no 2 escortent le plaignant jusqu’à la salle de mise en détention de la division 22, avec les mains menottées derrière le dos, et l’amènent devant un sergent.

L’AT no 3 informe le sergent de la raison pour laquelle le plaignant a été arrêté, que des ambulanciers paramédicaux l’ont examiné sur les lieux et que le plaignant a refusé de recevoir d’autres soins.

Vers 23 h 58 s, le sergent demande au plaignant s’il a des blessures. Le plaignant répond : [Traduction] « Mon poignet, je pense qu’il est foulé, je ne peux pas le bouger du tout ». Le sergent ordonne que les menottes soient enlevées. Pendant que l’AT no 3 manipule les menottes, le plaignant pousse un cri de douleur. Le sergent dit à l’AT no 3 de faire attention au poignet du plaignant.

Vers 23 h 2 min 24 s, une fois les menottes enlevées, le sergent demande au plaignant s’il avait mal aux poignets en raison des menottes. Le plaignant déclare qu’il croyait que cela était le cas, mais qu’il se rend compte que non, maintenant que les menottes lui ont été enlevées.

Vers 23 h 3 min 15 s, le sergent demande au plaignant s’il croit que son poignet gauche est enflé ou cassé. Le plaignant répond qu’il ne le sait pas, car il n’a jamais eu une telle sensation au poignet auparavant.

Le 14 février 2023, vers 6 h 59 min 39 s, le plaignant a été transféré à la division 23 pour une enquête sur le cautionnement par vidéoconférence. On l’a interrogé sur ses blessures et on lui a demandé s’il voulait voir un médecin. Le plaignant a indiqué qu’il souhaitait comparaître à son audience. Les agents spéciaux ont dit au plaignant de les informer s’il décidait à tout moment qu’il voulait voir un médecin.

Vers 16 h 54 min 17 s, le plaignant a été amené dans la salle de mise en détention de la division 23. Il avait un plâtre à la partie inférieure du bras gauche. Il a été remis en liberté par la suite.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants auprès du SPT entre le 16 février 2023 et le 6 mars 2023 :
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Liste des entités
  • Le plaignant — ordonnance de mise en liberté
  • Notes de l’AT no 6
  • Notes de l’AT no 4
  • Notes de l’AT no 3
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 10
  • Notes de l’AT no 8
  • Notes de l’AT no 9
  • Notes de l’AT no 5
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AT no 7
  • Vidéo de la mise en détention
  • Vidéos provenant des caméras d’intervention
  • Enregistrements de communications
  • Vidéos provenant des SCIV
  • Interactions antérieures avec le plaignant
  • Liste des agents qui sont intervenus et leurs rôles
  • Politique — emploi de la force
  • Vidéo provenant du 230, promenade Lake

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • Vidéo provenant du boulevard Park
  • Dossier médical — HGE

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et les agents présents au moment des événements en question, ainsi que des enregistrements vidéo permettant de voir l’incident en partie, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et n’ont pas autorisé la transmission de leurs notes.

Dans la soirée du 13 février 2023, une équipe de l’EIU du SPT s’est mobilisée dans le secteur du 230, promenade Lake, à Toronto. L’équipe, qui était accompagnée d’une unité canine, avait été dépêchée sur les lieux pour aider à retrouver deux hommes, dont un qui aurait attaqué un autre agent du SPT — l’agent no 1 — au moyen d’une machette.

L’agent no 1, qui était en civil au moment de l’incident, faisait partie d’un groupe d’agents qui avaient été envoyés à l’adresse en question pour donner suite à l’appel à la police fait par un homme se trouvant à cette adresse. L’homme avait appelé pour signaler la présence, dans le stationnement souterrain, de trois personnes — deux hommes et une femme — qu’il soupçonnait de vouloir voler un véhicule. L’un d’eux tenait une grosse roche dans sa main. Dans le stationnement souterrain, l’agent no 1 a interpellé l’un des suspects — l’homme no 1 — et le plaignant l’a confronté en brandissant une épée. L’agent no 1 a relâché l’homme no 1 et dégainé son arme à feu. Voyant cela, l’homme no 1 et le plaignant ont pris la fuite. L’agent les a poursuivis à pied, a diffusé une description des hommes et a indiqué que, lorsqu’ils ont été vus pour la dernière fois, ils couraient en direction nord vers le boulevard Park. Il était environ 20 h.

L’homme no 1 et le plaignant se sont réfugiés dans une remise située dans la cour arrière d’une résidence voisine, sur le boulevard Park. Ils y sont restés jusqu’à environ 20 h 50, heure à laquelle le chien de police les a repérés. Les agents de l’EIU leur ont ordonné de sortir. Le plaignant a été le premier à obtempérer. Il est sorti de la remise avec les bras tendus et a immédiatement été mis au sol par l’AI no 1. Ensuite, l’homme no 1 est sorti et a été placé en garde à vue.

Après une brève lutte avec les AI no 1, no 3 et no 2, le plaignant a été menotté derrière le dos et escorté jusqu’à l’avant de la résidence et jusqu’à un véhicule de police en attente. L’AI no 3 se trouvait à la gauche du plaignant et l’AI no 2 était à sa droite et à l’arrière. Ils tenaient tous deux le plaignant. Une fois rendus à quelques pas du côté conducteur arrière du VUS de police, l’AI no 2 a poussé le plaignant dans le dos afin de le plaquer contre le véhicule. Cette action a eu pour effet de pousser les bras menottés du plaignant vers le haut, derrière son dos.

Des ambulanciers paramédicaux ont examiné le plaignant sur les lieux. Des agents l’ont ensuite amené au poste de police. Plus tard, il s’est plaint d’avoir mal au poignet gauche. Il a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture dans cette région.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par les agents du SPT le 13 février 2023 ou peu avant. L’UES a ouvert une enquête sur cet incident et a déterminé que trois agents du SPT — l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 — étaient les agents impliqués dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués ont commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant et la blessure qu’il a subie.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Je suis convaincu que les agents avaient les motifs nécessaires pour arrêter le plaignant dans l’affaire qui nous occupe. Le plaignant correspondait à la description de l’homme qui aurait attaqué l’agent no 1 avec une machette au 230, promenade Lake et le plaignant s’était introduit par effraction sur une propriété voisine et y était caché lorsque les agents l’ont retrouvé. Après avoir procédé à son arrestation pour des motifs légitimes, les agents étaient en droit de restreindre ses mouvements afin qu’il fasse face à la justice.
Quant à la force employée par l’AI no 1, l’AI no 3 et l’AI no 2, je ne peux raisonnablement conclure qu’il s’agissait d’un emploi de la force illégitime. Selon l’une des versions des faits présentées, le plaignant aurait reçu de multiples coups de pied et coups de poing après avoir été mis au sol, alors qu’il s’était rendu volontairement et n’avait opposé aucune résistance. Le témoignage oculaire de l’AT no 1, lequel a participé à l’arrestation du plaignant, remet en question cette version des faits. Bien qu’il reconnaisse que l’AI no 1 a immédiatement mis le plaignant au sol, l’AT no 1 affirme que le plaignant s’est débattu avec les agents au sol et a refusé de s’allonger et de les laisser prendre ses bras, et qu’il ruait ses jambes. L’AT no 1 a indiqué qu’il a tenté de contrecarrer cela en donnant des coups de pied aux jambes du plaignant pour le forcer à s’allonger et que l’AI no 1 a donné un coup de poing au plaignant. Peu après, avec l’aide de l’AI no 3, le plaignant a été menotté sans autre incident. Compte tenu de ces renseignements contradictoires, il semble tout aussi probable qu’improbable que la version des faits donnée par les agents soit la plus exacte. Cela étant, la force décrite par les agents ne m’apparaît pas disproportionnée au regard des exigences du moment. En d’autres termes, il est logique que les agents aient cherché à mettre le plaignant au sol immédiatement, car ils avaient des raisons de croire qu’il avait récemment attaqué un autre agent avec une machette et qu’il était peut-être encore armé et dangereux. Il est également logique qu’ils aient ensuite employé une certaine force physique pour le maîtriser rapidement lorsque le plaignant s’est opposé à leurs efforts pour le placer en état d’arrestation alors qu’il était au sol. Quant à la poussée dans le dos lorsque l’AI no 3 et l’AI no 2 escortaient le plaignant jusqu’au véhicule de police, la force employée était minime, n’a eu qu’une incidence négligeable sur le plaignant et se voulait davantage une affirmation de la volonté de l’AI no 2 de plaquer fermement le plaignant contre le véhicule afin qu’il soit fouillé et non un recours abusif et gratuit à la force. Bien que cette action ait eu pour effet de forcer les bras du plaignant légèrement vers le haut dans son dos, le comportement de l’agent n’a pas transgressé les limites de la force justifiable dans les circonstances.

On ne sait toujours pas exactement à quel moment le plaignant s’est fracturé le poignet gauche. Selon la preuve disponible, il semble bien possible que la blessure soit survenue lorsqu’il a trébuché en tentant de fuir la police avant son arrestation. Quoi qu’il en soit, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués se sont comportés autrement qu’en toute légalité durant leur interaction avec le plaignant ni de porter des accusations criminelles contre les agents dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 14 juin 2023


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments suivants contiennent des renseignements personnels de nature délicate qui ne sont pas divulgués dans le présent rapport, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.