Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-037

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 38 ans (le plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 4 février 2023, vers 15 h 4, le Service de police régional de Peel (SPRP) a signalé l’incident suivant à l’UES.

Dans la soirée du 3 février 2023, vers 18 h 54, un appel en lien avec des armes a été signalé dans les environs du Keg Restaurant, près du centre commercial Square One, à Mississauga. D’après les premiers signalements, plusieurs coups de feu avaient été tirés. Des renseignements sur le véhicule suspect ont été fournis à la police. Peu après, le véhicule a été localisé et intercepté. Trois personnes ont été arrêtées à 19 h 16, puis transportées à la Division 11 à 20 h 39. Les personnes arrêtées ont été fouillées et placées dans des cellules en attendant qu’une enquête plus approfondie soit menée. L’un des hommes impliqués, le plaignant, a été sorti de sa cellule et interrogé par des enquêteurs. Pendant l’interrogatoire, la police a remarqué que le plaignant semblait léthargique et affichait des signes de détresse médicale. La police a contacté les services médicaux d’urgence (SMU). À 23 h 54, voyant que les SMU n’arrivaient pas, la police a décidé de transporter le plaignant à l’Hôpital Credit Valley. Le plaignant a été examiné et l’on a constaté qu’il souffrait d’hypertension artérielle. Le 4 février 2023, à 10 h 43, le plaignant a été hospitalisé.
 

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 février 2023 à 13 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 février 2023 à 14 h 10

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
 

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 38 ans; a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 7 février 2023.


Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 11 février 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans l’aire de mise en détention et le bloc cellulaire de la Division 11 du SPRP, au 3030 Erin Mills Parkway, à Mississauga. Le plaignant avait été placé dans la cellule M4. La cellule contenait une couchette et une unité combinée toilette/lavabo.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Vidéo captée par la caméra d’intervention de l’AI

Vers 19 h 9, le 3 février 2023, l’AT no 1 arrive sur les lieux. Il s’y trouve un VUS noir avec des personnes à l’intérieur. Des arrestations sont en cours. L’AT no 1 sort de son véhicule de police pour prêter main-forte avec les arrestations, lesquelles se font sous la menace d’une arme.

Vers 19 h 12, le plaignant sort du côté passager du VUS. Il porte un pantalon noir et un manteau d’hiver de couleur pâle.

Vers 19 h 13, l’AT no 1 ordonne au plaignant de marcher vers lui à reculons. Le plaignant demande pourquoi la police lui fait cela. L’AT no 1 informe le plaignant qu’il est en état d’arrestation pour « possession d’armes dangereuses ». Une agente qui assiste l’AT no 1 menotte le plaignant derrière le dos. L’AT no 1 procède à une fouille par palpation du plaignant et l’informe à nouveau qu’il est en état d’arrestation pour « possession d’armes dangereuses ». Le plaignant déclare à l’AT no 1 qu’il n’y a pas d’armes et qu’ils n’ont rien fait de mal.

Vers 19 h 14, la caméra d’intervention de l’AT no 1 cesse d’enregistrer.

Vers 19 h 15, la caméra d’intervention de l’AT no 1 est réactivée. Le plaignant est assis sur la banquette arrière d’un véhicule de police.

Vers 19 h 17, un sergent demande à l’AT no 1 si le plaignant a été fouillé. L’AT no 1 répond que le plaignant a été fouillé et qu’il n’a trouvé aucune arme sur lui.
Vers 19 h 36, l’AT no 1 dit au plaignant qu’il a contrevenu aux conditions de son assignation à résidence et que des accusations vont être déposées contre lui pour défaut de se conformer.

Vers 19 h 59, l’AT no 1 offre quelque chose à boire au plaignant. L’AT no 1 informe le plaignant qu’ils ont trouvé des douilles sur les lieux.

Vers 20 h 19, l’AT no 1 informe le répartiteur qu’il s’en va au poste de police.

Vers 20 h 32, l’AT no 1 arrive au poste.

Vers 20 h 34, l’AT no 1 ouvre la portière arrière et parle au plaignant. L’AT no 1 lui demande s’il a consommé de la drogue récemment. Le plaignant répond que non. Il explique qu’il ne boit pas d’alcool, mais qu’il souffre d’hypertension artérielle et qu’il prend des médicaments pour des calculs rénaux. L’AT no 1 dit au plaignant que, s’il ne se sent pas bien, ils vont l’amener à l’hôpital.

Vers 20 h 38, le plaignant sort du véhicule de police. L’AT no 1 remonte le pantalon du plaignant afin qu’il puisse marcher plus aisément. Ils entrent dans la salle de mise en détention. Le plaignant s’assoit sur un banc devant le comptoir de mise en détention. Une agente de police (on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 3) est présente dans la salle de mise en détention.

Vers 20 h 39, l’AT no 1 se met à fournir à l’agent chargé de la mise en détention — l’AI — les renseignements relatifs au plaignant. L’AI retire les menottes au plaignant et procède à une fouille par palpation. L’AT no 3 demande au plaignant s’il prend des médicaments ou s’il a consommé de la drogue et nécessite une assistance médicale. Le plaignant répond que non et qu’il n’a consommé ni drogue ni alcool ce jour-là.

Vers 20 h 53, l’AI demande au plaignant de signer pour les effets personnels qui lui ont été retirés. Le plaignant transpire et explique que cela est dû à l’hypertension dont il souffre. L’AI indique au plaignant que les inspecteurs vont lui parler.

Vers 20 h 56, le plaignant est escorté de la salle de mise en détention à la salle d’interrogatoire no 1, en haut d’un escalier.

Vidéo — salle d’interrogatoire no 1

Vers 20 h 56, le plaignant entre dans la salle d’interrogatoire et l’AI lui demande de s’asseoir à la table. Le plaignant prend un mouchoir en papier d’une boîte posée sur la table et se met à s’essuyer le nez. Ensuite, il s’assoit à la table et se met à frotter des taches sur son pantalon au moyen d’un mouchoir en papier et de l’eau.

Vers 20 h 59, l’agent no 1 entre dans la salle d’interrogatoire. L’agent no 1 demande au plaignant de jeter son mouchoir en papier dans un verre de styromousse.

Vers 20 h 59, l’agent no 1 sort de la pièce. Le plaignant commence à se fouiller soi-même par palpation. Il vérifie ses poches et la ceinture de son pantalon. Il nettoie son pantalon avec un doigt et de la salive, puis fouille dans ses vêtements et se met à brosser son chandail de ses mains. À un certain moment, le plaignant soulève son chandail et commence à se fouiller le nombril. Le plaignant fouille ses bas et se tapote les jambes. Il s’arrête, puis appuie son coude gauche sur la table et sa tête dans sa main gauche. Il est en train de s’évanouir ou de s’endormir.

Vers 21 h 37, l’agent no 1 entre dans la salle d’interrogatoire. L’agent no 1 demande au plaignant s’il se sent bien. Le plaignant dit à l’agent no 1 que son nez coule. L’agent no 1 sort de la salle. Le plaignant continue de s’évanouir ou de s’endormir.

Vers 21 h 56, le plaignant s’évanouit et se cogne la tête sur la table. Il se lève et fait les cent pas dans la salle, d’un pas chancelant. Il se rassoit, tombe endormi et se met à ronfler.

Vers 22 h 1, la porte s’ouvre. Deux agents d’identification entrent dans la salle. L’un d’eux prend des photos du plaignant.

Vers 22 h 35, l’agent no 1 entre dans la salle d’interrogatoire avec un verre d’eau pour le plaignant. L’agent no 1 sort de la salle et le plaignant s’évanouit contre le mur alors qu’il est assis sur la chaise.

Vers 23 h 11, l’AI et une agente entrent dans la salle d’interrogatoire. Le plaignant se réveille et l’AI lui indique qu’ils vont le ramener en bas.

Vidéo — Cellule M4

À 0 min 26 s de l’enregistrement, on voit l’AI et une agente escorter le plaignant jusqu’à la cellule M4. Le plaignant se dirige vers la toilette et tourne le dos aux portes de la cellule pendant qu’il utilise la toilette.

Vers 1 min 11 s, le plaignant porte sa main gauche à l’arrière de la ceinture de son pantalon et semble en retirer quelque chose.

Vers 2 min 47 s, le plaignant s’assoit sur la couchette de la cellule. Il tient quelque chose dans sa main gauche. Le plaignant se penche en avant à plusieurs reprises, en penchant la tête vers ses genoux.

Vers 8 min 12 s, l’AT no 3 s’approche de la porte de la cellule et semble parler au plaignant.

Vers 9 min 34 s, l’AT no 3 quitte l’aire des cellules. Le plaignant se penche à la taille à plusieurs reprises.

Vers 16 min 34 s, l’AT no 3 revient à la cellule et semble parler au plaignant.

Vers 17 min 44 s, l’AT no 3 quitte l’aire des cellules. Un agent arrive dans l’aire des cellules.

Vers 24 min 50 s, l’agent parle avec le plaignant avant de quitter l’aire des cellules.

Vers 25 min 12 s, l’agent revient dans l’aire des cellules et parle au plaignant.

Vers 29 min 30 s, l’agent quitte l’aire des cellules.
Vers 30 min 21 s, l’AT no 3 quitte l’aire des cellules et l’agent revient dans l’aire des cellules.

Vers 31 min 48 s, l’agent quitte l’aire des cellules et une agente arrive dans l’aire des cellules.

Vers 33 min 11 s, l’agent revient dans l’aire des cellules en compagnie d’un agent de police portant des lunettes.

Vers 33 min 30 s, le plaignant se lève de la couchette. Il semble y avoir un objet blanc sur la couchette où se trouvait le plaignant.

Vers 34 min 6 s, un agent ouvre la porte de la cellule.

Vers 34 min 13 s, le plaignant sort de la cellule et quitte l’aire des cellules avec les agents de police.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPRP :
  • Rapport sur les détails de l’incident
  • Rapport sur l’historique de l’incident
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AT no 3
  • Notes de l’AT no 1
  • Agents qui ont interagi avec le plaignant
  • Registre des activités relatives au plaignant
  • Rapport sur les renseignements liés au prisonnier — le plaignant
  • Vidéos captées par les caméras d’intervention
  • Vidéo de l’aire de mise en détention et du bloc cellulaire
  • Rapport d’incident

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • Dossiers médicaux du plaignant fournis par l’Hôpital Credit Valley
  • Vidéos captées par divers commerces

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend une entrevue avec le plaignant et des vidéos de son temps en détention au poste de police, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes.

Dans la soirée du jour en question, l’AT no 1 a arrêté le plaignant, lequel se trouvait dans un véhicule dans le secteur du centre commercial Square One, à Mississauga. Le véhicule était recherché par la police, car il était associé à un appel lié à des armes. L’arrestation s’est déroulée sans incident. Lors de la fouille par palpation du plaignant sur les lieux, la police n’a trouvé aucune arme et aucun élément de preuve.

Alors qu’ils se dirigeaient vers le poste de police dans le véhicule de l’AT no 1, l’agent a remarqué que le plaignant transpirait et lui a demandé s’il allait bien. Le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas consommé de l’alcool ni de la drogue et a expliqué que ses symptômes étaient dus à l’hypertension artérielle dont il souffrait.

Au poste de police, la police a fouillé le plaignant à une autre reprise. Encore une fois, ils n’ont trouvé aucun élément de preuve ni aucune drogue. Le plaignant a répété qu’il n’avait consommé ni drogue ni alcool et a indiqué qu’il n’avait pas besoin d’assistance médicale.

Après le processus de mise en détention, le plaignant a été placé dans une salle d’interrogatoire, vers 20 h 56. Pendant qu’il attendait d’être interrogé, le plaignant est devenu de plus en plus léthargique. Il était somnolent et chancelant. Les enquêteurs qui devaient interroger le plaignant ont décidé de ne pas aller de l’avant compte tenu de son état et ont demandé qu’il soit placé dans une cellule. Des agents sont venus chercher le plaignant dans la salle vers 23 h 10.

L’agente responsable, l’AT no 3, est allée voir le plaignant dans sa cellule vers 23 h 20. Constatant qu’il n’allait pas bien — il bavait, était en sueur et semblait confus — elle a demandé que des ambulanciers paramédicaux soient dépêchés. Peu après, lorsqu’il est apparu que les ambulanciers paramédicaux n’allaient pas venir tout de suite, l’AT no 3 a demandé à deux agents de police d’amener le plaignant à l’hôpital.

Le plaignant est arrivé à l’hôpital vers minuit. Il y a reçu des soins pour surdose de drogue et hypertension artérielle.

Un sachet contenant possiblement de la drogue a par la suite ensuite été trouvé dans la cellule que le plaignant avait été brièvement occupée.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, 
 montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 4 février 2023, le SPRP a signalé à l’UES qu’un homme qui avait été arrêté la veille — le plaignant — avait été transporté à l’hôpital et hospitalisé. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’hospitalisation du plaignant.

Les infractions possibles dans cette affaire sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention des articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. Pour engager la responsabilité dans ces deux infractions, il faut démontrer plus qu’un simple manque de diligence. La première infraction repose, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième infraction repose sur une conduite encore plus grave qui témoigne d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Pour prouver une telle infraction, il faut démontrer que la négligence constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qui serait considérée comme raisonnable. Dans l’affaire en question, il faut donc déterminer si l’AI n’a pas fait preuve de la diligence requise et si ce manque de diligence, le cas échéant, pourrait avoir mis la vie du plaignant en danger ou avoir contribué à sa surdose, et pourrait être considéré comme suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction pénale. À mon avis, cela n’est pas le cas.

Tout d’abord, il importe de noter que le plaignant était détenu pour des motifs légitimes pendant toute la durée des événements en question. Le plaignant se trouvait dans un véhicule qui, d’après les informations reçues par la police, était associé à un appel impliquant des armes. De plus, il contrevenait à ce moment-là aux conditions de mise en liberté sous caution, lesquelles prévoyaient son assignation à résidence.

Je suis également convaincu que, dès le moment de son arrestation, les agents qui ont interagi avec le plaignant ont fait preuve de la prudence et de la diligence nécessaires pour assurer sa santé et son bien-être. Le plaignant a été interrogé à plusieurs reprises au sujet de ses symptômes et a invariablement nié avoir consommé de la drogue. Il a expliqué qu’il souffrait d’hypertension artérielle et a indiqué qu’il devait obtenir des médicaments pour ce problème le lendemain. Lorsque ses symptômes se sont aggravés, les agents ont fait le nécessaire pour qu’il obtienne des soins médicaux rapidement et l’ont même transporté eux mêmes à l’hôpital lorsqu’il est apparu que l’ambulance allait être retardée. Il est vrai que le plaignant semble avoir réussi à entrer dans une cellule alors qu’il avait en sa possession des substances présumément illicites — substances qu’il a possiblement ingérées alors qu’il était en détention — mais je ne peux conclure que l’AI, qui a effectué la fouille au poste de police, a fait preuve de négligence. Après tout, l’AT no 1 avait procédé à une fouille similaire sur le terrain et n’avait pas lui non plus trouvé de la drogue sur le plaignant. Une fouille plus invasive, comme une fouille à nu, aurait peut-être permis de détecter les drogues, mais il n’est pas du tout certain que les agents avaient des motifs suffisants pour procéder à une telle fouille au sens de la jurisprudence énoncée dans l’affaire R c Golden, [2001] 3 RCS 679 : le plaignant n’avait pas été arrêté pour une infraction liée à la drogue, il a nié avoir consommé de la drogue et il a fourni une explication plausible et innocente concernant ses symptômes.




Par conséquent, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI ou tout autre agent ayant interagi avec le plaignant durant cet incident a transgressé les limites de la prudence prescrites par le droit criminel. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 3 juin 2023


Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.