Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OCI-308

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 56 ans (le plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 3 décembre 2022, à 18 h, le Service de police d’Ottawa (SPO) a signalé ce qui suit à l’UES.

À 15 h 40, le Détachement de Hawkesbury de la Police provinciale de l’Ontario a demandé l’aide du SPO pour localiser le plaignant, lequel était recherché pour des accusations de violence conjugale. La Police provinciale a également signalé que le plaignant avait tenu des propos suicidaires avant de s’enfuir de sa résidence. Son téléphone portable avait été sondé par PING, ce qui avait révélé qu’il se trouvait dans un parc de stationnement situé dans le secteur du chemin Montréal et du boulevard Saint-Laurent, à Ottawa. Des agents du SPO se sont rendus à l’adresse fournie et ont trouvé le plaignant qui dormait dans son véhicule [2]. Lorsque la police lui a demandé de sortir, le plaignant a refusé, a brandi un couteau tout usage et s’est coupé à la gorge. Les agents du SPO ont brisé la vitre du conducteur, ont déchargé un pistolet à impulsion électrique (PIE), ont sorti le plaignant du véhicule, puis lui ont prodigué les premiers soins. Les services médicaux d’urgence (SMU) sont arrivés sur les lieux peu après et ont transporté le plaignant à l’Hôpital Civic d’Ottawa (HCO). Sa blessure a été suturée et il a admis à l’hôpital en vertu de la Loi sur la santé mentale. Plus tard dans la journée, des agents de la Police provinciale ont remis le plaignant en liberté sur promesse de comparaître pour plusieurs accusations criminelles.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 3 décembre 2022 à 18 h 53

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 4 décembre 2022 à 13 h 45

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 56 ans; a refusé de coopérer avec l’UES; ses dossiers médicaux ont été reçus et examinés

Témoin civil

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 12 décembre 2022.

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 5 décembre 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus dans un parc de stationnement situé dans le secteur du chemin Montréal et du boulevard Saint-Laurent, à Ottawa.

Le 4 décembre 2022, à 11 h, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au centre commercial situé dans le secteur du chemin Montréal et du boulevard Saint-Laurent. Il s’agissait d’un centre commercial extérieur de taille moyenne qui abritait plusieurs commerces et était doté d’un grand nombre de places de stationnement délimitées.

Bien que l’enquêteur ait examiné les lieux le lendemain de l’incident, il n’a pas été difficile de localiser les lieux de l’incident, car il y avait une grande quantité de sang séché sur l’asphalte de l’une des places de stationnement.

Figure 1 - Parking lot where the incident occurred
Photo 1 — Parc de stationnement où s’est produit l’incident

Éléments de preuve matériels

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a photographié le couteau utilisé par le plaignant pour se couper au cou.

Figure 2 - Box-cutter knife used by Complainant
Photo 2 — Couteau tout usage utilisé par le plaignant

Éléments de preuves médico-légaux

Données provenant du PIE

Le 4 décembre 2022, les enquêteurs de l’UES ont reçu les données provenant du PIE déchargé par l’AI no 1 (Taser X 2). Les données du PIE ont révélé que l’arme a été déchargée à deux reprises le 3 décembre 2022 : une fois à 16 h 10 min 28 s et une autre fois à 16 h 10 min 34 s, et pendant cinq secondes à chaque reprise.

Figure 3 - CEW
Photo 3 — PIE

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [3]

Le 4 décembre 2022, le SPO a fourni aux enquêteurs de l’UES une vidéo et cinq photos prises au moyen d’un téléphone cellulaire. Le TC leur avait envoyé la vidéo et les photos le 3 décembre 2022.

La vidéo captée au moyen du téléphone cellulaire avait une durée 2 min 38 s. L’enregistrement ne contenait ni date ni heure, mais la qualité de l’image et du son était bonne. Voici un résumé de l’enregistrement.

Au début de la vidéo, on peut voir deux VUS de police du SPO identifiés. L’un des VUS était immobilisé devant la camionnette du plaignant [4], dans le parc de stationnement, tandis que l’autre était immobilisé derrière la camionnette. Deux agents du SPO (l’AT no 1 et l’AI no 2) se tenaient sur le côté conducteur de la camionnette et tentaient d’ouvrir la portière.

Peu après, l’AT no 1 et l’AI no 2 ont extirpé un homme (le plaignant) par la fenêtre du côté conducteur. Un autre agent du SPO (l’AI no 1) a ouvert la portière du côté passager. Des fils étaient encore attachés au plaignant lorsqu’il a été extirpé du véhicule (fils/sondes d’un PIE déchargé par l’AI no 1). Le plaignant a été placé à genoux sur le trottoir et l’AI no 2 lui a passé les menottes derrière le dos.

À ce moment-là, l’AT no 1 a appliqué de la gaze sur le cou du plaignant, car ce dernier s’était coupé avec un couteau et saignait. Il y avait du sang sur le visage du plaignant.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPO entre le 3 décembre 2022 et le 28 décembre 2022 :
AT no 2 — Déclaration interne/notes prises dans son carnet
AT no 1 — Déclaration interne/notes prises dans son carnet
AI no 2 — Déclaration interne/notes prises dans son carnet
AI no 1 — Déclaration interne/notes prises dans son carnet
• Rapport d’incident général
• Rapport d’incident général — supplémentaire
• Déclaration d’un témoin civil — TC
• Déclaration d’un témoin civil — Fernando Melo
• Agents à l’horaire
• Politique — incidents liés à la santé mentale
• Politique — poursuites pour l’appréhension de suspects
• Politique — recours à la force
• Recours à la force — désescalade/requalification de tous les agents du SPO qui sont intervenus

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants fournis par d’autres sources :
• Dossier médical du plaignant — fourni par l’HCO
• Vidéo captée par le TC

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec un agent de police et un témoin oculaire civil, ainsi qu’une vidéo montrant des parties de l’incident, dresse le portrait suivant de l’incident. Comme la loi les y autorise, aucun des deux agents impliqués n’a convenu de participer à une entrevue avec l’UES. Les deux agents ont toutefois accepté que leurs notes soient transmises à l’UES.

Dans l’après-midi du 3 décembre 2022, l’AI no 2 et l’AI no 1, en compagnie de l’AT no 1, ont confronté le plaignant dans le parc de stationnement d’un centre commercial situé dans le secteur du chemin Montréal et du boulevard Saint-Laurent, à Ottawa. À ce moment-là, le plaignant dormait sur le siège du conducteur de sa camionnette. Les agents avaient été dépêchés sur les lieux à la demande de la Police provinciale, laquelle avait demandé l’aide du SPO pour arrêter le plaignant, car ce dernier avait tenu des propos suicidaires et était recherché pour des accusations de violence conjugale. La Police provinciale avait signalé que le plaignant se trouvait dans le parc de stationnement en question.

Les agents ont immobilisé leurs véhicules de police à l’avant et à l’arrière de la camionnette, puis se sont approchés du plaignant à pied. L’AT no 1 et l’AI no 2 ont interpellé le plaignant depuis le côté conducteur de la camionnette. Ils l’ont informé de la raison de leur présence et lui ont demandé de sortir du véhicule. Le plaignant a refusé d’obtempérer et a démarré la camionnette. Craignant que le plaignant ne tente de s’enfuir, l’AI no 1 est allé récupérer un tapis clouté dans son véhicule et l’a déployé devant les pneus avant de la camionnette.

Alors que l’AI no 2 et l’AT no 1 continuaient de parler au plaignant, celui-ci a remonté sa vitre, a pris un couteau tout usage de sa main droite et s’est coupé au cou. Voyant cela, l’AT no 1 a brisé la vitre de la portière du côté conducteur alors que l’AI no 1 faisait de même du côté passager. Afin d’éviter que le plaignant se blesse davantage, l’AI no 1 a dégainé son PIE et l’a déchargé sur le plaignant par la vitre du côté passager. Le corps du plaignant s’est contracté, donnant à l’AT no 1 et à l’AI no 2, qui étaient de l’autre côté de la camionnette, l’occasion de le sortir de la camionnette par la portière du côté conducteur qui était maintenant ouverte.

Une fois le plaignant à l’extérieur de la camionnette, les agents lui ont immédiatement administré les premiers soins. Ils ont appliqué de la pression sur son cou jusqu’à l’arrivée des SMU.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où il a reçu des soins pour une grave lacération au cou. Il a également été hospitalisé en vue de subir un examen psychiatrique, puis a été remis en liberté.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 3 décembre 2022, le plaignant s’est infligé une blessure grave en présence de trois agents du SPO, à Ottawa. Deux des agents, l’AI no 2 et l’AI no 1, ont été identifiés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle s’ils doivent recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’exécution d’un acte qu’ils étaient tenus ou autorisés à accomplir en vertu de la loi.

Les agents qui ont entrepris d’arrêter le plaignant exerçaient leurs fonctions de façon légitime au moment de l’incident. La Police provinciale leur avait signalé que le plaignant était suicidaire et qu’il était recherché pour des accusations de violence conjugale.

Je suis également convaincu que les agents n’ont utilisé que la force nécessaire pour procéder à l’arrestation légitime du plaignant. Dès qu’il est devenu manifeste que le plaignant avait un couteau et s’en était servi pour se couper, les agents ont immédiatement pris des mesures pour le neutraliser et éviter qu’il se blesse davantage. Plus particulièrement, l’AI no 1 a déchargé son PIE, paralysant temporairement le plaignant et permettant à l’AI no 2 et à l’AT no 1 de le sortir de force du véhicule et de lui prodiguer rapidement les premiers soins. En agissant de la sorte, il est bien possible que les agents aient contribué à lui sauver la vie.

Je n’ai donc aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués se sont comportés autrement qu’en toute légalité durant leur interaction avec le plaignant ni de porter des accusations criminelles contre l’un ou l’autre de ces agents dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 31 mars 2023

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Camionnette GMC Sierra 2010 (grise). [Retour au texte]
  • 3) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 4) Le véhicule (camionnette GMC Sierra) appartenait au plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.