Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PCD-306

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 47 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 27 novembre 2022, vers 7 h, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES et donné les renseignements suivants.

Le 26 novembre 2022, vers 22 h, la Police provinciale est intervenue lors d’un incident domestique dans une propriété rurale, près de la ville d’Arthur, en réponse à un appel signalant qu’un homme [maintenant connu comme étant le plaignant] avait consommé du whisky, était ivre et s’était déchaîné dans la maison. Il s’était armé d’une hachette et d’une hache, et avait fait de gros dégâts dans la cuisine avant de se réfugier dans une salle de bain au sous-sol avec une arbalète. Le reste de la famille s’était enfui de la maison pour se mettre en sécurité. Des agents de la Police provinciale sont arrivés à l’adresse vers 22 h 15. Ils ont établi un périmètre et ont demandé l’assistance de l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) et d’unités canines de la police. La police a utilisé un porte-voix et a appelé à plusieurs reprises le téléphone cellulaire du plaignant pour tenter de communiquer avec lui, sans obtenir de réponse. Après plusieurs heures, des agents de l’EIU se sont approchés de la maison et ont utilisé un drone avec caméra infrarouge à balayage frontal (FLIR) et des appareils robotisés pour tenter de localiser le plaignant par les fenêtres du sous-sol. Ces efforts ont aussi été vains. À 6 h, des agents de l’Unité d’intervention tactique (UIT) sont entrés dans la résidence pour en faire sortir le plaignant. La porte de la salle de bain du sous-sol était verrouillée. Lorsqu’ils ont enfoncé la porte, ils ont trouvé le plaignant sans vie dans la salle de bain; il s’était tiré dans l’œil avec une arbalète. Il n’y a eu aucun contact entre la Police provinciale et le plaignant jusqu’à la découverte de sa dépouille dans la salle de bain.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 29 novembre 2022 à 9 h 31

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 29 novembre 2022 à 11 h 52

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 47 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 3 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)
TC no 4 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)

Le témoin civil a participé à une entrevue le 5 décembre 2022.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 2 décembre 2022.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’extérieur et à l’intérieur d’une résidence située à Kenilworth.

Le plaignant a été découvert sans vie dans la salle de bain du sous-sol. La porte de la salle de bain semblait avoir été forcée, car la serrure était endommagée. Le plaignant était assis par terre dans une grande mare de sang séché, le dos contre le mur et contre la baignoire adjacente au meuble à lavabo de la salle de bain. Il y avait une arbalète sur sa gauche. Une flèche d’arbalète Excalibur Proflight 18 Black Eagle ensanglantée avec pointe effilée, connue sous le nom de pointe de chasse, a été trouvée derrière le défunt.

Il y avait une flèche d’arbalète cassée sur le meuble près du lavabo. La flèche n’avait plus sa pointe. Aucune partie de la flèche n’était visible sur le corps du plaignant. Le sang semblait provenir de son œil droit.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de la Police provinciale qui a d’abord examiné le corps du plaignant a constaté que la rigueur était présente, mais pas complètement établie, et que la lividité pâlissait encore sous la pression.

Éléments de preuve matériels

Un examen visuel de l’extérieur du corps du plaignant a révélé que la seule blessure était une blessure étoilée en forme de X légèrement au-dessus du globe oculaire droit. Une tomographie par ordinateur a révélé la présence d’un objet métallique pointu dans son cerveau. Lors de l’autopsie, une pointe de flèche à quatre lames a été découverte dans la partie postérieure du cerveau et recueillie par l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES. La pointe de flèche comportait quatre lames (deux verticales et deux horizontales) et pouvait être qualifiée de « tranchante comme un rasoir ». L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a recueilli et mesuré la pointe de flèche au cours de l’autopsie; elle mesurait 54 mm. La flèche avait perforé le cerveau et s’était arrêtée sur la face postérieure du crâne, mais ne semblait pas avoir endommagé l’os occipital. La pointe de la flèche était attachée à une partie de la tige de la flèche. L’extrémité de la tige était cassée et le reste de la tige manquait à l’autopsie [on sait maintenant qu’on l’a retrouvée sur le meuble de la salle de bain, près du lavabo].

La flèche de marque Excalibur Proflight 18 Black Eagle était cassée au milieu de la tige, et la pointe a été trouvée dans le crâne du plaignant. La partie cassée a été mesurée et faisait environ 360 mm.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a aussi recueilli l’arbalète Excalibur GRZ2 avec lunette de visée de marque Excalibur. L’arbalète était équipée d’un étrier à l’extrémité distale du fût pour faciliter le réarmement en tirant sur le câble/la corde d’arc. L’arme entière était maculée de sang. L’arbalète comportait une crosse avec gâchette dans un pontet et sécurité intégrée; elle était en position de sécurité. Aucun numéro de série n’a été noté sur la crosse.


Figure 1 - L’arbalète

Figure 1 - L’arbalète

L’arbalète mesurait 87 cm entre la crosse et l’étrier à l’extrémité distale du fût. La longueur de l’arbalète de l’étrier à la gâchette était de 51,5 cm. La longueur du bras et de la main du plaignant, mesurée lors de l’autopsie, était de 74,5 cm. Il y avait deux projectiles/flèches de marque Excalibur Diablo Black Eagle dans un carquois attaché à l’arbalète.

Éléments de preuves médicolégaux


Analyse toxicologique

Des échantillons biologiques ont été prélevés lors de l’autopsie du plaignant pour des analyses toxicologiques; toutefois, les résultats des analyses n’étaient pas connus au moment de la rédaction de ce rapport.
 

Données du système de positionnement global (GPS)

Les premiers agents de la Police provinciale arrivés sur la propriété étaient l’agent no 1 et l’agent no 2.

L’agent no 1 est arrivé à 22 h 38 min 45 s, selon les données de son véhicule.

L’agent no 2 est arrivé à 22 h 28 min 48 s, selon les données de son véhicule.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrements des communications de la Police provinciale

L’enregistrement de l’appel de la TC no 4 au 9-1-1- à 22 h 15 min 2 s a été examiné. Ce qui suit est un résumé de son contenu. La TC no 4 signale que le plaignant devient violent et qu’elle craint qu’il les tue. Quand l’opératrice des communications lui demande si des armes sont impliquées, la TC no 4 répond qu’il y a « beaucoup d’armes à feu et de couteaux » et qu’il y a « cinq ou six » fusils ou carabines dans sa chambre. Elle demande que la police vienne aussi vite que possible. La TC no 4 décrit le plaignant et donne la liste des membres de la famille qui se sont barricadés dans une pièce au rez-de-chaussée. L’opératrice des communications met fin à l’appel au bout de 25 minutes et 46 secondes, soit une dizaine de minutes après que les membres de la famille aient rejoint les agents au bout de l’allée.

L’enregistrement de l’appel de la TC no 2 au 9-1-1 a été examiné. Il a été passé vers 22 h 17 min 47 s, soit presque en même temps que l’appel de la TC no 4. Ce qui suit est un résumé de son contenu. La TC no 2 dit que le plaignant traverse une crise de santé mentale et qu’il est armé d’une hache. Elle appelle depuis une chambre au rez-de-chaussée et donne aussi des détails sur le plaignant et sa famille. À environ deux minutes et 48 secondes du début de l’appel, la TC no 2 est interrompue par un autre membre de la famille qui lui dit que le plaignant n’a blessé personne et qu’il est sur le point de se suicider avec une hache ou avec l’un de ses nombreux fusils au sous-sol.

Environ 12 minutes et 38 secondes plus tard, l’opératrice dit à la TC no 2, qui est dehors avec le reste de sa famille, que la police arrive. La TC no 2 répond que des véhicules de police sont passés devant leur propriété, puis ajoute : [traduction] « Il s’est déjà suicidé », après quoi elle est inconsolable. Un autre membre de la famille prend l’appel et on peut entendre des voix masculines et féminines indiscernables en arrière-plan.

Environ 18 minutes après le début de l’appel, l’autre membre de la famille dit à l’opératrice que la famille est dans une pièce au rez-de-chaussée et que le plaignant est toujours au sous-sol. L’opératrice des communications lui dit que la police est arrivée devant la propriété et que tout le monde doit sortir de la maison pour rejoindre les agents sur la chaussée. L’appel prend fin à 22 h 46 min 43 s, une fois que les membres de la famille ont rejoint les agents regroupés au bout de l’allée.
Un troisième appel au 9-1-1 a été examiné. Le 27 novembre 2022, à 0 h 53 min 37 s, le TC no 1, qui est revenu à la maison, appelle le 9-1-1 pour demander à parler aux agents qui sont dehors au bout de l’allée. Au lieu de cela, l’opératrice transfère l’appel au Centre provincial des communications, à North Bay, où une opératrice des communications met le TC no 1 en attente en lui disant qu’elle va contacter son sergent. L’appel prend fin à 0 h 56 min 55 s

Les trois enregistrements audio des négociateurs en situation de crise n’étaient pas horodatés et ne décrivaient que des tentatives d’appels téléphoniques pour contacter le plaignant.
 

Robotique de la Police provinciale

Vingt-neuf enregistrements vidéo réalisés par les appareils robotisés de surface et le drone équipé de FLIR ont été examinés. Les enregistrements décrivaient une surveillance par balayage de surface et thermique du rez-de-chaussée et du sous-sol du logement et montraient qu’on avait recherché le plaignant avant que l’agent no 3 de l’UIT de la Police provinciale entre dans l’habitation et le trouve dans la salle de bains du sous-sol.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 30 novembre 2022 et le 6 janvier 2023 :
  • Enregistrements des communications;
  • Dossiers de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements audio des négociateurs en situation de crise;
  • Journal des négociateurs en situation de crise;
  • Schéma dessiné par l’AT no 2;
  • Rapport supplémentaire du Service d’enquête médicolégale ;
  • Rapport général;
  • Rapport de mort subite ;
  • Rapport supplémentaire;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Données GPS;
  • Enregistrements audio des entrevues avec des membres de la famille avant la notification de l’UES;
  • Photographies;
  • Fiche d’information des opérateurs de robotique et de l’équipe de négociateurs en situation de crise;
  • Données vidéo de la robotique;
  • Communications de l’équipe de l’UIT.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Empreintes digitales du plaignant prises lors de l’autopsie ;
  • Résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario;
  • Plan d’étage de la résidence.

Description de l’incident

Le 26 novembre 2022, en fin de soirée, des agents de la Police provinciale ont été dépêchés à une résidence de la région de Kenilworth. La police avait reçu deux appels au 9-1-1 provenant de la maison qui signalaient des troubles familiaux. Le premier, placé par la TC no 4 vers 22 h 15, indiquait que le plaignant devenait violent et les menaçait, elle et d’autres membres de la famille. Quand l’opératrice lui a posé la question, la TC no 4 a dit que le plaignant avait accès à plusieurs armes à feu et couteaux dans la maison. Le deuxième appel au 9-1-1 provenait de la TC no 2, qui a signalé que le plaignant était armé d’une hache et qu’il traversait une crise de santé mentale. Quelques instants plus tard, après avoir parlé avec un autre membre de la famille, également présent dans la maison, la police a appris que le plaignant menaçait de se suicider avec une hache ou une arme à feu.

Quand des agents sont arrivés sur les lieux, les membres de la famille, à l’exception du plaignant et du TC no 1, sont sortis de la maison pour se placer sous la protection de la police. Le TC no 1 est resté au rez-de-chaussée de la résidence et ne s’est trouvé à aucun moment en présence du plaignant. Après avoir parlé au téléphone avec un sergent de la Police provinciale, le TC no 1 a finalement été persuadé de quitter la maison, ce qu’il a fait vers 1 h 20 le 27 novembre 2022.

À ce moment-là, les agents entouraient complètement la maison. Le commandant sur le lieu de l’incident – l’AT no 1 – était responsable de l’ensemble des opérations policières sur place. Sous son commandement, diverses ressources ont été déployées, notamment des agents d’intervention tactique, des négociateurs de crise, des drones et un chien policier. De multiples efforts ont été déployés pour contacter le plaignant par téléphone et par porte-voix, sans réponse. Vers 5 h 15, la décision a été prise d’entrer dans la maison pour rechercher le plaignant.

Les agents de l’UIT sont entrés au rez-de-chaussée de la maison et ont commencé leur recherche. Peu après 6 h, l’agent no 3 de l’équipe de l’UIT a signalé qu’ils avaient trouvé un homme – le plaignant – mort dans la salle de bain du sous-sol. Le défunt semblait s’être infligé lui-même la blessure mortelle au moyen d’une arbalète.

Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à une blessure à la tête par pénétration d’une flèche d’arbalète.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été trouvé sans vie dans la salle de bain du sous-sol d’une résidence de Kenilworth le 27 novembre 2022. Comme son corps avait été découvert par un agent de la Police provinciale et que des agents de la Police provinciale étaient peut-être autour de la maison au moment de sa mort, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’un agent de la Police provinciale ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. Cette infraction correspond aux cas graves de négligence, qui démontrent un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances. En l’espèce, il faut donc déterminer si les agents de la Police provinciale ont fait preuve d’un manque de diligence qui a causé la mort du plaignant, ou y a contribué, et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, le dossier de preuve ne révèle aucune inconduite de cette nature.

La présence des agents qui se sont d’abord regroupés sur la propriété puis sont entrés dans la maison était légale tout au long de l’opération policière qui a abouti à la découverte du plaignant. Les agents avaient été appelés sur les lieux par des résidents de la maison qui craignaient que le plaignant les attaque ou se fasse du mal à lui-même, et ils avaient le devoir de faire ce qui était raisonnablement en leur pouvoir pour empêcher que ce risque ne se matérialise.

Je suis également convaincu que dans la conception et la mise en œuvre de leurs plans d’action, les agents se sont comportés avec la diligence requise et en tenant compte de la sécurité publique, y compris de la santé et le bien-être du plaignant. Ils devaient d’abord sécuriser les lieux et assurer la sécurité des membres de la famille du plaignant, ce qui a été fait rapidement après l’arrivée des premiers agents sur les lieux, avec l’établissement d’un périmètre autour de la maison. Par la suite, les agents ont fait tout leur possible pour tenter de communiquer avec le plaignant. Malheureusement, parce que le plaignant en était déjà incapable ou qu’il était réticent à le faire, aucune de ces tentatives de communication n’a réussi. Au bout d’un certain temps, quand il est devenu évident que le plaignant ne pouvait pas ou ne voulait pas répondre, la décision a été prise d’entrer dans la maison. Je ne peux pas reprocher à l’AT no 1 ou à tout agent sous son commandement d’avoir attendu aussi longtemps avant d’agir de manière plus proactive. La police avait été informée que le plaignant était instable et avait accès à plusieurs armes à feu, arbalètes et couteaux dans la maison. Dans les circonstances, les agents étaient dans leur droit de recourir à tous les moyens de communication depuis l’extérieur de la maison avant de s’aventurer à l’intérieur. Comme ils ne pouvaient toujours pas être certains de l’état ou des intentions du plaignant, les agents d’intervention tactique ont agi raisonnablement en déployant d’abord des moyens robotisés et un chien pour tenter de localiser le plaignant. Aucun élément de preuve ne suggère que les agents de police n'ont pas agi avec la diligence nécessaire.

À l’issue de l’enquête, on ne sait toujours pas à quel moment précis le plaignant s’est infligé sa blessure mortelle à l’aide de l’arbalète. Il est possible que cela se soit produit avant même que les agents arrivent sur les lieux. Quoi qu’il en soit, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents qui ont participé à cette opération policière aient transgressé les limites de la diligence prescrite par le droit criminel, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles en l’espèce. Le dossier est clos.


Date : 27 mars 2023

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.