Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-OOD-236

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 36 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 septembre 2022, à 11 h 16, le Service de police de Sarnia (SPS) a contacté l’UES et lui a communiqué les renseignements suivants.

Le 12 septembre 2022, à 11 h 30, des agents du SPS ont été dépêchés à une résidence de Sarnia, pour s’assurer du bien-être d’un homme [maintenant connu comme étant le plaignant]. La témoin civile (TC) no 1 avait appelé pour signaler que le plaignant semblait sous l’influence de drogues et refusait de s’en aller du jardin derrière chez elle. À leur arrivée sur les lieux, les agents du SPS ont demandé au plaignant son nom et il a répondu « Satan ». À 11 h 42, les agents du SPS ont appelé les Services médicaux d’urgence (SMU) et ont placé le plaignant en position latérale de sécurité. À 11 h 51, les SMU sont arrivés et ont transporté le plaignant à Bluewater Health (Hôpital de Sarnia) où son décès a été constaté à 12 h 28.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 13 septembre 2022 à 12 h 02.

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 13 septembre 2022 à 12 h 40.

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 36 ans, décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue les 13 et 14 septembre 2022.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 19 septembre 2022.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit sur le gazon qui borde la chaussée de London Road, devant une maison, à Sarnia.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Enregistrements des communications de la police

Le 14 septembre 2022, à 14 h 55, le SPS a remis à l’UES les enregistrements de l’appel de la TC no 1 au 9-1-1 et des transmissions radio qui ont suivi. En voici un résumé :

Appel au 9-1-1

Le 12 septembre 2022, à 11 h 34, la TC no 1 appelle le SPS pour signaler la présence d’un homme [le plaignant] allongé dans le jardin derrière chez elle. L’homme semble drogué. Il est conscient, mais refuse de partir. L’homme est débraillé et porte un t-shirt noir, un pantalon marron et une seule chaussure.
 

Transmissions radio

A 11 h 39, deux agents du SPS [l’AI et l’AT no 1] sont dépêchés.
A 11 h 40, l’AI arrive sur les lieux.
À 11 h 42, l’AI demande une unité des SMU, mais on lui dit qu’il y a un « code rouge ».
À 11 h 53, l’AI dit qu’une unité des SMU est arrivée et que l’homme est maintenant sans signes vitaux.
À 11 h 58, l’AI dit que les SMU continuent de pratiquer la RCR sur l’homme.
À 12 h 14, l’AI dit que les SMU transportent l’homme à l’Hôpital de Sarnia.
À 12 h 25, l’AI dit que le décès de l’homme a été constaté à l’hôpital de Sarnia.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPS a remis à l’UES les documents et éléments suivant le 14 septembre 2022 :
  • Rapport général d’incident;
  • Rapport d’incident supplémentaire;
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AI;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes/déclaration écrite de l’AT no 2.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Dossier médical du plaignant – Hôpital de Sarnia (Bluewater Health);
  • Rapport du Centre d’information de la police canadienne concernant le plaignant.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des témoins civils et de la police. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme il en avait le droit, mais a autorisé la communication de ses notes sur l’incident.

Le 12 septembre 2022, vers 11 h 34, la police a été appelée à une résidence. La personne qui appelait – la TC no 1 – signalait qu’un homme était dans le jardin arrière d’une résidence et refusait de partir. L’homme était débraillé et semblait complètement drogué. Des agents ont été dépêchés à l’adresse.

L’homme en question était le plaignant. Peu après l’appel à la police, il a réussi à se relever et à se rendre en titubant sur le devant de la propriété, où il est tombé sur London Road. Juste avant l’arrivée de la police, le plaignant s’est éloigné de la chaussée en roulant sur lui-même jusqu’au gazon en bordure de la rue, devant la maison.

L’AI est arrivé en premier sur les lieux, vers 11 h 40, rejoint peu après par l’AT no 1. Les agents ont rapidement présumé que le plaignant était drogué; il roulait sur lui-même par terre et agitait les bras et les jambes. Quand les agents lui ont demandé de s’identifier, il a répondu qu’il s’appelait Satan. L’AI a demandé qu’on dépêche les SMU sur les lieux, mais le répartiteur lui a dit que leur arrivée prendrait probablement un certain temps. Les agents ont placé le plaignant en position latérale de sécurité et sont restés près de lui pour l’empêcher de rouler sur la chaussée.

Vers 11 h 51, l’AT no 1 a remarqué une ambulance dans les environs et lui a fait signe de les rejoindre. Le plaignant, qui respirait et bougeait jusque-là, a cessé de respirer juste au moment où l’ambulance arrivait sur les lieux. Les ambulanciers paramédicaux ont administré la RCR et d’autres soins d’urgence au plaignant et l’ont transporté à l’hôpital.

Cause du décès

Le décès du plaignant a été constaté à 12 h 28 à l’hôpital. La cause du décès n’était pas encore confirmée à la date du présent rapport.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 13 septembre 2022, le SPS a contacté l’UES pour signaler qu’un homme avec qui ils avaient eu affaire la veille – le plaignant – était décédé. L’UES a ouvert une enquête en désignant l’un des agents qui étaient intervenus comme étant l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention des articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Un simple manque de diligence ne suffit pas à engager la responsabilité pour ces deux infractions. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les mêmes circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de conduite qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si l’AI a fait preuve d’un manque de diligence qui a mis en danger la vie du plaignant ou a causé son décès et si ce manque était suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La présence de l’AI et de l’AT no 1 était légale tout au long de leur intervention auprès du plaignant. Ils avaient été appelés sur les lieux pour s’occuper d’un possible intrus, puis ils sont restés sur place lorsqu’il est devenu évident que le plaignant avait besoin de soins médicaux.

Je suis également convaincu que les agents se sont comportés avec la diligence et l’attention nécessaires pour le bien-être du plaignant tout au long de leur intervention. Réalisant rapidement que le plaignant avait besoin de soins médicaux, l’AI a demandé les SMU environ deux minutes après son arrivée sur les lieux. Par la suite, en attendant l’arrivée d’une ambulance, l’AI et l’AT no 1 ont veillé à éviter que le plaignant se blesse en l’empêchant de retourner sur a chaussée et en le plaçant en position latérale de sécurité. Étant donné que le plaignant était conscient et actif pendant qu’ils étaient avec lui, les agents ne pouvaient pas faire grand-chose d’autre dans les circonstances. Ils ont aussi prêté attention aux alentours et ont repéré une ambulance, à qui ils ont fait signe de les rejoindre, pour que le plaignant reçoive des soins médicaux professionnels le plus rapidement possible.

Par conséquent, bien que la cause du décès du plaignant reste indéterminée pour le moment, il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’il soit attribuable à un manque quelconque de diligence de la part de l’AI. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 11 janvier 2023


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.