Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 22-PFP-151

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la décharge d’une arme à feu par la police sur un homme de 28 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 11 juin 2022, à 6 h 11 du matin, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la décharge d’une arme à feu sur le plaignant.
Selon la Police provinciale, le 10 juin 2022, vers 23 h, des agents de la Police provinciale se sont rendus à une résidence de Penetanguishene, en réponse à l’appel d’une femme qui signalait que son fils, le plaignant, l’avait agressée. Il a été déterminé que le plaignant était en crise de santé mentale. Quand les agents ont tenté d’arrêter le plaignant, il est devenu combatif. L’équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) s’est rendue sur les lieux, et les négociations avec le plaignant se sont poursuivies. Une arme antiémeute ENfield (ARWEN) a ensuite été déployée dans la maison. Le plaignant s’est réfugié dans une chambre où il s’est barricadé. Les négociations se sont poursuivies pendant la nuit. À 5 h 25, le plaignant a mis le feu à la maison. La police est retournée à l’intérieur pour l’appréhender et éteindre le début d’incendie. Le plaignant a été appréhendé et escorté jusqu’à l’ambulance qui l’a conduit à l’Hôpital général de la baie Georgienne. Au moment de son admission à l’hôpital, le plaignant ne semblait pas blessé. Les lieux étaient sécurisés. L’agent témoin (AT) no 2 de l’EIU avait sécurisé l’ARWEN. Selon la Police provinciale, les agents de police en cause étaient les agents impliqués AI no 1 et AI no 2.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 11 juin 2022 à 6 h 53
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 11 juin 2022 à 11 h 05

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (le « plaignant ») :

N’a pas consenti à une entrevue


Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

La TC a participé à une entrevue le 13 juillet 2022.

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 11 juillet 2022.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 15 juin 2022.



Éléments de preuve

Les lieux

Le 11 juin 2022, à 11 h 05, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé sur les lieux – une maison à Penetanguishene.

Depuis la porte d’entrée latérale, un escalier menait au sous-sol. En haut de l’escalier, il y avait un bouclier de police transparent, trois cartouches d’ARWEN et un projectile d’ARWEN. Deux autres projectiles d’ARWEN ont été trouvés dans l’escalier. Il y avait également des preuves qu’une arme à impulsions avait été déchargée à cet endroit parce qu’une porte de cartouche, des étiquettes d’identification anti-criminels (AFID) et des pièces internes en plastique ont été trouvées dans l’escalier.

Au sous-sol, la salle familiale comportait une porte coulissante vitrée qui donnait sur le jardin à l’arrière de la maison. Juste au-delà de la salle familiale, un feu avait été allumé dans chambre à coucher. Le sommier et le matelas au pied du lit étaient carbonisés. Une torche de type à propane était posée par terre, au pied du lit.

Il y avait un étui de cartouche d’ARWEN et une sonde d’arme à impulsions sur le plancher de la salle familiale. Sur la face intérieure de la porte de la chambre, il y avait des traces de sang et une petite brûlure. Deux autres douilles et deux projectiles d’ARWEN ont été trouvés à l’extérieur des portes coulissantes, ainsi que deux douilles de cartouches d’arme à impulsions déployées, avec une sonde encore attachée à l’extrémité du fil. Une autre sonde d’arme à impulsions a aussi été découverte à cet endroit.

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a photographié les lieux.

Éléments de preuve matériels

Les éléments de preuve matériels trouvés et recueillis sur les lieux comprenaient six douilles d’ARWEN, six projectiles d’ARWEN, deux douilles d’arme à impulsions ainsi que des débris, des fils et des étiquettes AFID d’arme à impulsions.


Figure 1 – Fils d’arme à impulsions

Figure 1 – Fils d’arme à impulsions


Figure 2 – Douille de cartouche d’arme à impulsions

Figure 2 – Douille de cartouche d’arme à impulsions


Figure 3 – Arme à impulsions

Figure 3 – Arme à impulsions


Figure 4 – ARWEN

Figure 4 – ARWEN


Figure 5 – Cartouches d’ARWEN

Figure 5 – Cartouches d’ARWEN


Figure 6 – Projectile d’ARWEN

Figure 6 – Projectile d’ARWEN

Éléments de preuves médicolégaux


Armes à impulsions et données téléchargées

Le 13 juin 2022, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au détachement du Sud de la Baie géorgienne de la Police provinciale où il a rencontré l’AT no 1. L’agent lui a remis son arme à impulsions, un TASER modèle X2. L’AT no 1 a aussi remis une douille de cartouche déchargée, qu’il avait retirée de l’arme à impulsions.

Le registre d’activité de l’arme à impulsions a été téléchargé. Ces données indiquaient ce qui suit : à 1 h 40 min 13 s [1], la cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes. A 1 h 40 min 26 s, la cartouche 1 a été réactivée pendant 5 secondes, à 1 h 40 min 35 s, la cartouche 1 a été réactivée pendant encore 5 secondes puis, à 1 h 40 min 46 s, la cartouche 1 a été réactivée pendant 2 secondes supplémentaires.

Le cran de sécurité de l’arme à impulsions a été engagé et la cartouche 1 a été remplacée par une nouvelle cartouche, qui a été placée dans la même baie et donc toujours nommée cartouche 1. La nouvelle cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes à 5 h 42 min 17 s;

La cartouche 2 a été déployée pendant 11 secondes à 5 h 42 min 24 s;
Au total, l’AT no 1 a déployé trois cartouches distinctes de son arme à impulsions.

L’AI no 1 a également remis à l’UES son arme à impulsions – un modèle TASER X2. L’arme ne contenait pas de cartouche. Le registre d’activité de l’arme à impulsions a été téléchargé. D’après ces données, l’AI no 1 n’a pas appuyé sur la gâchette ni déclenché de décharge durant l’incident.

Une troisième arme à impulsions, celle de l’AT no 4, a été remise à l’UES. Il s’agissait d’un Taser modèle X2. Il contenait deux cartouches – une déployée et l’autre non déployée. Selon les données, à 2 h 12 min 9 s, la cartouche 1 a été déployée pendant 5 secondes. A 2 h 12 min 15 s, la cartouche 1 a été réactivée pendant 2 secondes. À 2 h 45 min 37 s, la cartouche 1 a été remplacée par une nouvelle cartouche dans la même baie et, par conséquent, était toujours identifiée comme étant la cartouche 1. À 6 h 10 min 51 s, la cartouche 1 a été déployée pendant 10 secondes.

Au total, l’AT no 4 a déployé deux cartouches distinctes.

L’UES a recueilli toutes les cartouches d’armes à impulsions déployées comme pièces à conviction.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Une copie des communications audio de la Police provinciale a été obtenue ainsi qu’une copie d’un enregistrement de la TC qui parlait à son fils.

L’UES a également obtenu une courte vidéo, enregistrée par l’AT no 1 sur son téléphone cellulaire, qui montre l’intérieur de la chambre au cours de l’incident.

La Police provinciale a aussi remis des enregistrements des communications du négociateur en situation de crise.


Vidéos des lieux enregistrées sur un téléphone cellulaire par l’AT no 1

L’UES a reçu quatre courtes vidéos apparemment enregistrées par l’AT no 1 sur son téléphone cellulaire.

La première vidéo commence dans une pièce avec une porte-fenêtre. La vidéo est ensuite centrée sur une porte, qui est fissurée sur le haut. On a constaté plus tard qu’il s’agissait de la porte d’entrée de la chambre occupée par le plaignant. La vidéo montre l’intérieur de la pièce. Le plaignant est assis par terre, les jambes allongées devant lui et le dos contre le côté droit de la porte. Le plaignant est torse nu et le côté gauche de son torse est maculé de sang. Il semble endormi. On peut entendre quelqu’un – apparemment un négociateur en situation de crise de la Police provinciale – qui tente de converser avec le plaignant.
Dans la deuxième vidéo, le plaignant bouge la tête vers la gauche et ouvre les yeux.

Dans les deux dernières vidéos, le plaignant dort. On peut voir dans la vidéo à quel point la pièce est endommagée. Des taches de sang et des brûlures sont visibles sur la face intérieure de la porte.


Enregistrements des communications de la police

Le 10 juin 2022, à 22 h 15, la TC appelle la Police provinciale pour signaler que son fils, le plaignant, l’a terrorisée toute la nuit. Elle vient de traverser la rue en courant pour se réfugier chez un voisin. Le plaignant a des problèmes de santé mentale et il est connu de la police. La TC pense que son fils est suicidaire et qu’il voulait que la police vienne chez eux et le tue. Il n’a pas pris ses médicaments. Elle décrit son fils comme étant bipolaire et schizophrène. Elle pense que son fils s’est enfermé dans la maison. Il n’a pas d’armes et il n’y a personne d’autre dans la maison. Son fils sait qu’elle s’est échappée. La TC ajoute que le plaignant l’a blessée ce jour-là. Il l’a frappée à la tête plusieurs fois. Son fils l’a coincée dans la salle de bain pendant un certain temps. Il est dans cet état parce qu’il n’a pas pris ses médicaments et qu’il fume de la marijuana.

À 22 h 51, l’AT no 5 appelle la direction des communications. Il dit qu’il se rend chez la TC en réponse un appel pour problème de santé mentale. L’AT no 5 répète ce que la TC a dit à l’opérateur qui a reçu l’appel. L’AT no 5 explique que le plaignant a dit que sa mère était une extraterrestre qui lui suçait le sang. Le plaignant a dit à sa mère que si elle appelait la police, ils viendraient et l’abattraient. Le plaignant n’a pas accès à des armes. La maison est verrouillée et plongée dans l’obscurité.

L’AT no 5 appelle l’agent no 2, qui est le commandant des opérations sur le lieu de l’incident critique (CIC), et l’informe de la situation. Le plaignant a accès à des objets qui pourraient lui servir d’armes, comme des outils et des couteaux, mais n’a d’armes proprement dites.

L’agent no 2 demande à un sergent du centre des communications d’appeler l’Équipe d’intervention en cas d’urgence. Il demande une équipe de négociateurs en situation de crise et une unité canine. L’agent no 2 demande en outre que les Services médicaux d’urgence se rendent dans le secteur et se tiennent prêts à intervenir au besoin.

Les communications radio de l’unité tactique, non horodatées, commencent à 23 h 53. Le CIC dit qu’ils ont examiné complètement les lieux, sur 360 degrés, et qu’ils peuvent voir l’intérieur de la résidence. Il n’y a aucun bruit à l’intérieur. Des agents qui sont près d’une fenêtre ouverte disent qu’ils ont appelé à l’intérieur, mais n’ont obtenu aucune réponse. Ils ne peuvent pas entendre la sonnerie du téléphone.

Des agents entrent par la porte principale et s’assurent que l’étage supérieur est sans danger.

Les membres de l’EIU parlent au plaignant depuis le haut de l’escalier, et disent que le plaignant est à l’intérieur et non sous garde.

Le plaignant est allé au sous-sol. Le plaignant est dans une chambre dont la porte est fermée. Il a été touché par un projectile d’ARWEN et par une arme à impulsions. Il ne répond pas aux appels de l’EIU.

Un négociateur en situation de crise est envoyé sur place.

Quelqu’un dit que le plaignant respire fortement, crie et hurle, et qu’il est en pleine psychose.

On se serti d’un téléphone pour filmer les lieux et on peut voir que le plaignant respire. Il y a un début d’incendie dans sa chambre.

L’EIU reçoit des instructions.

Dans des communications subséquentes, on annonce que le plaignant est sous garde.


Enregistrements de l’unité de négociation en cas de crise

À 0 h 04, le 11 juin 2022, un négociateur communique avec son superviseur, un sergent, et pour lui transmettre des renseignements sur l’appel.

À 1 h 53, le CIC demande qu’un négociateur en situation de crise consulte un psychiatre légiste. À 2 h 11, le psychiatre légiste donne des conseils.

À 3 h 11, un agent dit qu’un bâton lumineux a été lancé dans la pièce, mais que le plaignant n’a pas réagi. Sur la vidéo d’une caméra d’un téléphone cellulaire, on peut entendre le plaignant respirer et le voir couché par terre en position fœtale. Jusque-là, le plaignant n’a rien dit.

À 3 h 44, on joue un enregistrement audio de la mère du plaignant à ce dernier. Dans l’enregistrement, la TC dit à son fils combien elle l’aime et elle lui demande d’écouter ce que le négociateur lui a demandé de faire.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, la Police provinciale a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 14 juin et le 28 juillet 2022 :
  • Dossier de formation d’utilisation d’une ARWENAI no 1;
  • Dossier de formation d’utilisation d’une ARWENAI no 2;
  • Négociateurs en situation de crise – enregistrements des communications;
  • Chronologie de l’incident;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 6;
  • Détails et rapports sur l’événement;
  • Enregistrements des communications;
  • Séquence vidéo d’un téléphone cellulaire de la Police provinciale;
  • Enregistrement audio du message de la TC à son fils.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Rapports d’appel d’ambulance;
  • Rapport d’incident d’ambulance.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec l’un des deux agents impliqués – l’AI no 2 – et avec d’autres agents présents au moment des événements en question, ont permis d’établir le scénario suivant. Comme c’était son droit légal, l’autre agent impliqué – l’AI no 1 – n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni à lui communiquer ses notes.

Le plaignant, qui souffrait de trouble bipolaire et de schizophrénie, a sombré dans une crise de santé mentale dans la soirée du 10 juin 2022. Il avait cessé de prendre ses médicaments depuis quelques semaines et fumait de la marijuana. L’état du plaignant s’est manifesté par un comportement agressif. Quand il l’a agressée, sa mère s’est enfuie chez un voisin et a appelé la police.

Des agents se sont rendus au domicile du plaignant à Penetanguishene. Depuis l’extérieur de la maison, ils ont appelé le plaignant, en vain. Ils ont également essayé d’appeler et d’envoyer des messages textes au plaignant, mais ne sont pas parvenus à le joindre. Comme la situation semblait devenir celle d’une personne barricadée, une équipe EIU et des négociateurs ayant reçu une formation spécialisée ont été déployés sur les lieux.

Les agents de l’EIU, dont l’AI no 2 et l’AI no 1, ont commencé à arriver vers minuit. Ils ont encerclé la maison et tenté en vain de communiquer avec le plaignant. Vers 1 h 30, soucieux du bien-être du plaignant compte tenu de son état mental, le CIC a donné aux agents de l’EIU l’instruction d’entrer dans la maison.

L’AI no 2 et l’AI, accompagnés de l’AT no 1, l’AT no 4 et l’AT no 3, sont entrés dans la maison. Ne trouvant personne au rez-de-chaussée, l’équipe s’est regroupée en haut d’un escalier menant au sous-sol. Alors que l’équipe se préparait à descendre, le plaignant est apparu au bas de l’escalier et a commencé à monter. L’AI no 2 était en tête du groupe d’agents, un bouclier en main, et avait descendu une marche ou deux. Le plaignant a donné des coups de poing et de pied dans le bouclier. L’agent a réagi en donnant des coups de pied au plaignant tandis que d’autres agents ont déchargé leurs armes. L’AI no 1, qui était derrière l’AI no 2, a tiré trois projectiles avec son ARWEN; l’AT no 1 a déchargé son arme à impulsions. Le déploiement de l’arme à impulsions a semblé neutraliser le plaignant, qui est tombé la tête la première dans l’escalier. Une fois au bas de l’escalier, le plaignant s’est relevé et a disparu dans le sous-sol.

L’AI no 1 a remis son ARWEN à l’AI no 2, tandis que l’AT no 4 et l’AT no 1 ont échangé leurs armes à impulsions, après quoi l’équipe s’est rendue dans la salle familiale du sous-sol. Le plaignant s’était retiré dans une chambre à coucher à côté de la salle familiale. Quelques instants après l’arrivée des agents, le plaignant a ouvert la porte de la chambre et lancé un réservoir métallique de paintball sur l’AT no 1. L’AI no 2 a réagi en tirant avec l’ARWEN en sa possession – un seul projectile qui a atteint le plaignant à l’abdomen. L’AT no 1 a également réagi en déchargeant l’arme à impulsions qu’il avait en main sur le plaignant. Le plaignant est tombé puis a claqué la porte de la chambre. L’impasse s’est poursuivie.

De l’extérieur de la porte de la chambre, l’AT no 1 a tenté de communiquer avec le plaignant, lui assurant que les agents étaient là pour l’aider. Des négociateurs ont également tenté d’ouvrir des voies de communication avec le plaignant. Ces efforts n’ont pas abouti. Vers 5 h du matin, encore une fois inquiet pour la sécurité du plaignant, le CIC a décidé que l’EIU devait ouvrir de force la porte de la chambre. Cette décision a été suspendue quand le plaignant, depuis la chambre, a dit qu’il avait besoin d’un peu de temps, mais qu’il allait bientôt sortir.

Vers 5 h 30, par une fenêtre, les membres de l’EIU ont aperçu des flammes à l’intérieur de la chambre. Le plaignant avait mis le feu à une chaise. Les agents de l’EIU ont enfoncé la porte de la chambre et sont entrés avec des extincteurs qu’ils ont utilisés pour éteindre le feu. Ils n’ont pas pu localiser immédiatement le plaignant et ont dû quitter la pièce à cause de la fumée. Des pompiers sont par la suite entrés dans la pièce et sont également ressortis sans avoir vu le plaignant.

Alors que les agents et les pompiers étaient dans la salle familiale, le plaignant est sorti de la chambre, a foncé sur les pompiers puis a couru en direction de la porte-fenêtre ouverte qui donnait sur le jardin à l’arrière. L’AT no 1 et l’AT no 4 ont déchargé leurs armes à impulsions; à peu près au même moment, l’AI no 2, qui était dehors à proximité des portes-fenêtres, a tiré sur le plaignant avec son ARWEN à deux reprises. Les deux projectiles ont atteint le plaignant qui, sous le coup, est tombé. Les agents se sont approchés de lui et l’ont menotté sans autre incident.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit à l’hôpital où il aurait reçu un diagnostic de fracture du coude droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 11 juin 2022, le plaignant a été frappé par plusieurs projectiles d’ARWEN tirés par des agents de la Police provinciale de l’Ontario. Les deux agents qui ont déchargé leurs armes ont été désignés comme agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES qui a suivi. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués ait commis une infraction criminelle en lien avec l’incident.
En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont exonérés de toute responsabilité criminelle pour le recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou autorisé de faire en vertu de la loi.

L’AI no 1 et l’AI no 2 étaient donc en droit de chercher à arrêter le plaignant pour le placer sous garde. Compte tenu de l’état d’esprit du plaignant à ce moment-là et de la violence dont il avait fait preuve envers sa mère, son arrestation était justifiée en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

En ce qui concerne la force utilisée pour permettre l’arrestation du plaignant, notamment les décharges d’ARWEN par l’AI no 2 et l’AI no 1, je suis convaincu que le recours à cette force était légalement justifié. Les décisions d’entrer dans la maison, puis dans la chambre, semblent avoir été prises raisonnablement. La police avait d’abord tenté de négocier avec le plaignant et craignait sincèrement qu’il se fasse du mal. Étant donné le comportement violent du plaignant avant leur arrivée, les agents de l’EIU avaient des motifs de tenir leurs armes prêtes une fois dans la maison pour le cas où leur déploiement serait nécessaire. Ces craintes se sont concrétisées lorsque le plaignant a chargé dans l’escalier et a attaqué l’AI no 2, ce qui a incité l’AI no 1 à tirer avec son ARWEN et l’AT no 1 à décharger son arme à impulsions. L’utilisation de ces armes à létalité atténuée pour maîtriser le plaignant ne semble pas disproportionnée dans les circonstances; les agents étaient confinés dans un petit espace au sommet d’une cage d’escalier, ce qui limitait leur capacité à s’engager au corps à corps avec le plaignant. On peut en dire autant de l’utilisation ultérieure de ces armes par l’AI no 2, l’AT no 1 et l’AT no 4. Dans chaque cas, il s’agissait d’une réaction à un acte de violence ou à des menaces de violence contre la police ou les pompiers, et visait à empêcher le plaignant de continuer d’être agressif, sans lui infliger de blessures graves.

En conséquence, bien que j’accepte que le plaignant ait subi sa fracture au bras durant son interaction avec la police, que ce soit à la suite de sa chute dans l’escalier ou des tirs d’ARWEN, ou une combinaison des deux, je ne suis pas convaincu que cette blessure résulte d’une conduite illégale de la part des agents en cause. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 7 octobre 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures indiquées correspondent à celles de l’horloge interne de chaque arme à impulsions et ne sont pas nécessairement synchronisées entre les armes et avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.